Comment créer une chaîne qui cartonne sans montrer son visage, avec Laurent de Trash

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Transcription texte de l’interview :

Olivier : Il est à la tête de plusieurs chaînes Youtube célèbres qui totalisent plus de 4 millions d’abonnés, et pourtant, son diplôme n’a rien à voir avec ce qu’il fait aujourd’hui.

Laurent : Du coup, je voulais faire une carrière à l’université. Là, par contre, j’y suis vraiment allé jusqu’au Master.

Olivier : Tu as fait un Master en Histoire.

Laurent : Voilà, la totale.

Olivier : Et il s’est lancé dans la vie avec des tendances carrément autodestructrices.

Laurent : On aime bien les antihéros, on aime bien les gens qui s’autodétruisent, le club des 27. Je veux mourir à 27 ans.

Olivier : Il a démarré sa chaîne alors qu’il n’aime pas la publicité.

Laurent : En fait, moi, c’est mon père qui me disait toujours « Quand tu sors la tête de l’eau, les gens vont vouloir te la couper. »

Olivier : Et qu’il n’a jamais voulu être le premier dans son domaine.

Laurent : Moi, j’aime bien cette idée de « on ne sera jamais les premiers ».

Olivier : Pourtant, sa chaîne principale a cartonné dès le début parce que Laurent a su prendre des risques.

Laurent : La ligne jaune, quand tu commences, c’est bien de flirter avec.

Olivier : Mais il s’est retrouvé dépassé rapidement par son succès et ses multiples projets.

Laurent : Et je me suis effondré en larmes devant la cliente.

Olivier : Il a dû carrément subir une révolte de la part de son équipe. Ça a été. Il y a des membres de cette équipe qui ont…

Laurent : Qui ont décidé de faire leur propre truc de leur côté et donc qui l’ont dit publiquement, en attaquant, en disant « je suis un méchant ».

Olivier : Ce qui fait toujours plaisir.

Il a heureusement réussi à redresser la barre pour faire de ses chaînes et de ses entreprises un immense succès, alors qu’il n’hésite pourtant pas à défendre publiquement des opinions pas forcément majoritaires.

Laurent : J’assume totalement le fait que je suis un transhumaniste, même si ce que je viens de dire, dans 10 ans, je pense que ça va me faire avoir des ennuis. Les ouvriers qui posent les panneaux solaires, ils tombent. Il y a plus de morts de gens qui tombent de toit en installant que de gens qui sont morts les 30 dernières années du nucléaire.

Olivier : Laurent de la chaîne Trash partage également dans cette interview :

  • Comment il a organisé ses équipes sans bureaux et sans horaires de bureau
  • Comment il a atteint rapidement plus de 4 millions d’abonnés sur ses différentes chaînes
  • Comment réussir sur YouTube sans montrer son visage
  • Comment il a géré le bad buzz créé par son ancienne équipe
  • Et comment toi aussi, tu pourrais gérer un bad buzz si par malchance ça t’arrive
  • Pourquoi il a souvent des opinions contraires à ce que pense la majorité et les bénéfices que ça lui amène
  • Et bien d’autres choses encore.

C’est parti.

<Générique>

Olivier : Salut Laurent.

Laurent : Salut Olivier.

Olivier : Comment ça va ?

Laurent : Super. Et toi ?

Olivier : Écoute, super. Merci de me recevoir ici chez toi dans ton appartement à Paris. Donc, tu es le célèbre Youtubeur, alors célèbre mais inconnu, tu es une sorte d’illustre inconnu en fait.

Laurent : C’est ça, rester un peu sous les radars, ne pas trop se montrer.

Olivier : Parce que finalement, ta chaîne Trash, elle est très connue. Et puis, tu as d’autres chaînes comme Trash Pokémon, Trash Science. En gros, tu avais toutes les chaînes comprises, plus de 3 millions d’abonnés.

Laurent : Il y a du jeu vidéo, du manga, du cinéma et tout.

Olivier : Voilà. Donc, plus de 3 millions d’abonnés quand même, mais tu montres rarement ta tête, il faut le dire, même si tu ne te caches pas forcément. Mais tu mets plutôt en avant ton contenu plutôt que toi. Donc, merci d’accepter de te prêter à ce jeu aujourd’hui de l’interview en détail dans le podcast des Rebelles Intelligents. Et j’aimerais commencer cette interview par une question que je pose à tous mes invités : est-ce que tu as l’impression d’avoir une vie atypique ?

avoir une vie atypique, rebelles intelligents

Laurent : Ça, je crois qu’on peut le dire. Surtout quand on est un Youtubeur, on a cette chance immense de pouvoir travailler de chez soi. Toi, tu travailles avec beaucoup de gens qui ont cette chance aussi. Et on a la chance surtout de pouvoir influer un peu sur le monde. Enfin, pouvoir dire des choses qui ont de l’importance, je pense, dans le milieu de l’éducation en tout cas, et ça, c’est quelque chose que la modernité permet à chacun de faire. Et ça, c’est vraiment bien parce qu’à une époque, il fallait faire des études, il fallait être reconnu comme un pair pour pouvoir dire quelque chose, pour être entendu. Aujourd’hui, on a des moyens de dire des choses, d’apprendre des choses aux gens depuis sa chambre.

Olivier : Oui, parce qu’avant, il fallait passer par ce que nos amis anglophones appellent les gardiens de porte, les gatekeeper, les gardiens de porte. Et aujourd’hui, n’importe qui peut directement toucher un public via les médias sociaux. C’est ce que tu fais.

Laurent : Les gatekeeper se sont démocratisés. Maintenant, tout le monde peut l’être un peu quelque part aussi. C’est-à-dire si un Youtubeur dit une grosse bêtise, il va y avoir beaucoup de gens qui vont lui dire qu’il ne faut pas l’écouter, qui vont essayer parfois de le faire taire « via des actions ». Mais aujourd’hui, finalement, tout s’ubérise, tout se démocratise. Tout ou chacun a le pouvoir de faire quelque chose, dont ces gardiens de porte, comme tu dis.

Olivier : Oui. Et finalement, les gardiens de portes, ils avaient aussi leur utilité. Ça empêchait que certaines personnes qui n’avaient pas forcément des choses intéressantes à dire puissent influencer de manière négative les gens. Aujourd’hui, c’est vrai que comme tout le monde peut partager du contenu, ça peut être positif ou négatif.

Moi, ce que j’apprécie beaucoup chez toi, c’est que contrairement à la plupart des Youtubeurs, tu es là pour divertir les gens, mais pas seulement, tu es aussi dans une démarche d’éducation. On le voit dans beaucoup de tes vidéos, tu essaies d’apprendre aux gens quelque chose d’intéressant et c’est souvent sourcé dans la science, dans des choses assez rationnelles. Et tu n’hésites pas à partager des opinions qui peuvent sembler à contre-courant. Par exemple, tu as fait une vidéo récemment sur les limites de l’énergie solaire, sur le fait que ce n’est pas la panacée et qu’il y a pas mal de problèmes par rapport à ça. Tu n’as pas hésité à partager les bienfaits de l’énergie solaire et de l’énergie nucléaire, sans pour autant dire que c’était non plus la panacée, mais en disant que, par exemple, ce n’est pas forcément intelligent de fermer les centrales, on en reparlera après.

Qu’est-ce que tu penses, toi ? Comment tu te positionnes par rapport à ça ? Est-ce que tu penses que l’influenceur a une responsabilité dans le fait de devoir vraiment sourcer son contenu au maximum pour ne pas dire trop de bêtises ?

Laurent : Ça, c’est une vaste question en réalité. Je pense alors, la source est importante quand tu fais des études. On pourra peut-être en discuter après, mais je viens du milieu universitaire à l’origine.

Olivier : Tu n’as pas eu la chance de rater tes études ?

Laurent : Je n’ai pas eu la chance de rater mes études, petite pub. Et…

Olivier : Petit instant de publicité.

tout le monde n'a pas eu la chance de rater ses études olivier Roland

Laurent : Et en fait, ce que ça fait, c’est que tu as quand même une petite peur. Mais aujourd’hui, il y a certaines choses. Des fois, on me demande de sourcer des choses qui peuvent être facilement retrouvées, j’entends. Tu vas donner une affirmation qui n’est pas quelque chose qui est facile à retrouver, tu peux le taper sur YouTube. Je ne sais pas. Je n’ai pas un exemple précis en tête, mais je ne sais pas, les plantes font de la chlorophylle parce qu’on en a des plantes juste ici. Tu me demandes de sourcer cette information, on peut la retrouver. L’exemple est un peu bête ici, mais il peut s’élargir à plein d’autres choses.

Quand un Youtubeur met ses sources, généralement, tu regardes ce que c’est : c’est Wikipédia, Wikipédia, Wikipédia, parce que c’est quand même un outil, il faut le dire, exceptionnel, ne serait-ce que pour les sources. C’est ça qui est bien chez Wikipédia, ça, on le dit « Ah, lui, les Youtubeurs, ils font du Wikipédia ». Non, non. Tu vas sur Wikipédia, tu regardes en bas, il y a tout. Il y a les bouquins, il y a les gens qui ont fait ça, tu peux la regarder. Après, tu as des outils collaboratifs dans la recherche. Il y a une Youtubeuse qui en a parlé, c’est peut-être Syllabus qui a parlé d’un outil mais genre qui est magnifique où tu as, qui est illégal.

Olivier : Ah bon !

Laurent : Tu peux avoir toutes les publications scientifiques gratuitement.

Olivier : Alors que normalement, il faut payer pour avoir accès.

Laurent : Il faut les payer. C’est une secte, le truc. Il y a pas mal de recherches, de chercheurs qui se battent contre ça. Je n’ai plus le nom malheureusement, mais tu as accès à tout et ça, c’est magnifique. Ça, c’est la beauté d’Internet. Internet, c’est une espèce d’immense cerveau où tout peut se reconnecter, où tout peut être centralisé. Nous, on est un peu les gens qui rattrapent de petits morceaux d’informations comme ça et qui essayent de les rendre accessibles aux plus jeunes, aux moins jeunes.

Olivier : Et le fait que tu fasses du contenu comme ça qui soit éducatif, est-ce que tu te sens investi d’une sorte de mission de ne pas juste faire du divertissement ?

Laurent : Oui. Et surtout, alors là, c’est personnel, j’essaie d’être assez neutre dans ce qu’on fait. Tu prenais l’exemple du solaire, Tu prenais l’exemple du nucléaire. Je pense quand même que même si j’ai un avis personnel, je m’empêche de trop l’exprimer.

Par exemple, sur la vidéo du solaire, à la base, moi le solaire, j’étais très sceptique. Et en fait, en étudiant le truc, en parlant avec des chercheurs qui ont bossé sur le sujet, je me suis rendu compte que j’avais beaucoup d’a priori, beaucoup d’idées reçues et je pense avoir eu « l’honnêteté intellectuelle » de dire mes propres idées reçues. C’est ça qui est bien dans ce milieu-là. Le fait que je ne sois pas un expert en tout aussi.

Il y avait une phrase de Lyautey qui disait « Bon à tout, très bon à rien ». Du coup, c’est que quand on apprend aussi… en apprenant, il n’y a rien de plus… quand tu essaies de donner des informations aux gens.

Olivier : Enseigner, c’est une des meilleures manières d’apprendre.

Laurent : C’est magnifique. Et apprendre en désapprenant.

Olivier : En désapprenant ?

Laurent : Oui.

Olivier : Intéressant

Laurent : C’est-à-dire que des fois, je parle avec mes gars qui sont parfois des gars qui sont universitaires un peu plus-plus.

Olivier : Donc, en plus, tu veux dire ?

Laurent : Ouais. Donc, ils n’aiment pas que des fois, qu’on donne des informations trop simplifiées, qui pour eux sont fausses. Elles ne sont pas fausses, elles sont vagues, simplifiés, etc. Ce qui peut arriver, c’est un enjeu de vulgarisation. Et j’ai toujours à cœur de dire, parfois, il faut qu’une information qui est dite, qui est vague, elle s’enregistre dans le cerveau. Les gens, ils se disent « Ah ! C’est ça, machin, avec ça. » Et après, tu mets en seconde vague avec une autre vidéo, avec un autre vulgarisateur, montrer que ce n’est pas tout à fait vrai, que c’est une idée reçue. Et ça, ce choc-là, on l’a à l’université. Quand on nous dit que tout ce qu’on a appris au lycée, il faut l’oublier. Et là, on est passionné, parce qu’au lycée, on nous a appris des trucs et on découvre que c’est très vague, un peu faux.

Olivier : C’est une vulgarisation ce que tu apprends à l’université, en fait.

Laurent : C’est ça. Et vu que tu passes au niveau supérieur, tu es encore plus passionné et c’est exactement ça qu’on fait sur YouTube. Tu apprends des trucs. Après, un an plus tard, tu as un Youtubeur qui fait une vidéo encore plus spécialisée et qui dit « là, ce n’était pas tout à fait vrai en fait, c’était une idée reçue ». Et là, ça s’enregistre, ça s’enregistre, ça s’enregistre. C’est ça qui est beau sur YouTube.

Olivier : Alors, cela me permet de faire une transition magnifique vers ton parcours scolaire.

Laurent : Oui.

Olivier : Donc là, aujourd’hui, tu es entrepreneur, tu gagnes ta vie avec ta chaîne. Est-ce que les études que tu as faites, cela a une corrélation avec ce que tu fais aujourd’hui comme métier ?

Laurent : Alors, des fois, le soir, je dis « Mais pourquoi j’ai fait autant d’études pour un truc qui ne se rejoint pas ? » Mais en réalité, je pense que finalement, tout converge d’une façon ou d’une autre. Clairement quand j’étais petit, je voulais devenir « déterrer les dinosaures ». J’étais passionné, voilà.

Olivier : Tu voulais être paléontologue.

Laurent : Voilà, paléontologue. Et je me suis rendu compte que des dinosaures en France, il n’y en a pas tant que ça. Après, j’ai voulu devenir professeur d’histoire puisque j’ai toujours eu de très bons profs d’Histoire, je ne sais pas pourquoi, à part au lycée, mais bon, bref. Et du coup, je voulais faire une carrière à l’université. Là par contre, j’y suis vraiment allé jusqu’au Master.

Olivier : Tu as fait un Master en Histoire.

Laurent : Voilà, la totale.

Olivier : Quelle spécialité ?

Laurent : C’était l’histoire coloniale, mais bon.

Olivier : D’accord.

Laurent : Je n’avais pas trop le portrait pour faire cela, mais non, c’était super intéressant. Sauf que j’ai eu une révélation : j’étais à l’université, j’étais en train de feuilleter des archives qui n’ont jamais été ouvertes depuis 100 ans et je vois un poil. Je vois des poils, et je suis fasciné.

Olivier : Coincé entre deux pages.

Laurent : Voilà, je suis fasciné par ces poils. Je me dis « la dernière personne qui a ouvert ce truc et ce sont des pages qui font « criiic », qui ne marchent plus quoi, la dernière personne, elle est morte probablement. » Et en fait, j’étais extatique devant ces poils. Et en sortant, je me suis dit « je ne veux pas dédier ma vie à être extatique devant des cheveux ». Et j’ai tout arrêté du jour au lendemain. Vraiment, c’était…

Olivier : Tu trouvais que tu t’étais trop impliqué émotionnellement dans des choses trop triviales, c’est ça ?

Laurent : Et pourquoi m’intéresser à des cheveux dans un… Je n’avais pas envie que ma vie se résume à cela, je voulais vivre autre chose. En plus, à cette époque, c’était un peu les années de, je ne sais pas dire, presque des années folles un peu en mode « je voulais vivre la vie », là comme dans « 99 Francs », tu vois, c’était un peu cette idée-là, en me rendant vite compte.

Olivier : Attends, j’ai lu le livre il y a longtemps, « 99 Francs ». Tu peux faire un petit résumé rapide ?

Laurent : Franchement, il vaut le coup de le lire. Il y a le film aussi. En fait, c’est un publicitaire complètement désabusé qui sait qu’il fait n’importe quoi… Il vend un truc pour Danone, la marque est modifiée évidemment, et il pète un câble. Et vraiment il devient punk, il fait de l’autodestruction. Mais il a des problèmes, la dépression, la drogue, les choses comme ça.

Olivier : Donc, tu as lu ça, tu te dis « je veux bien être publicitaire » ? Ce n’est pas un peu…

Laurent : Il y a plein de gens comme ça qui lisent des livres d’autodestruction et qui trouvent cela fascinant, surtout qu’on est un peu ado.

Olivier : D’accord.

Laurent : Il y a des livres genre de gens qui finissent mal. Enfin, il y a des gens qui aimeraient être le joker par exemple. Tu vois, dans Batman, genre les gens qui ont des photos de profil parce que c’est un personnage maudit, c’est un antihéros. Et quand on est jeune surtout, on aime bien les antihéros. On aime bien les gens qui s’autodétruisent, le club des 27. Je veux mourir à 27 ans. Qui ne s’est pas dit ? Enfin, je ne vais pas dire que tout le monde se l’est dit, mais beaucoup de jeunes se sont dit « Voilà, moi, j’ai envie de vivre le Fast Live de Die Young. » Tu vois, c’est ça. Le Fast Live.

Olivier : Vivre à fond et mourir jeune.

Laurent : Voilà, c’est ça à 27 ans. Et en fait, on est dans cet état d’esprit jusqu’à ce qu’on commence à avoir ses premiers cheveux blancs, et on commence à….

Olivier : Donc, tu avais un peu une tendance comme ça rebelle, autodestructrice. Mais bon, par exemple, est-ce que tu étais punk ou goth ? Ou, c’est un peu ce genre de… non ? D’accord.

Laurent : Non, pas du tout.Toujours propret.

Olivier : Toujours propret.

Laurent : Oui.Peut-être c’est le malheur justement d’avoir sa crise d’ado un peu trop tard.

Olivier : Mais alors, attends. Tu es en train de dire que tu es rentré dans la pub avec une tendance assumée d’autodestruction, où tu t’es dit « je vais un peu me corrompre au contact de ce milieu ? »

Laurent : Exactement.

Olivier : C’est dingue quand même comme approche.

Laurent : Est-ce que je suis le seul à l’avoir ? Je ne pense pas. Déjà, il y a tous les gens du milieu et tous les gens du sérail.

Olivier : Et tu penses qu’il y a des gens dans la pub aussi qui s’illusionnent, d’autres qui aiment vraiment leur métier, d’autres qui peut-être ne vont pas aimer bosser pour Danone mais vont aimer pour bosser pour Tesla par exemple, parce qu’ils vont penser que là, ils apportent de la valeur.

Laurent : Oui. C’est ça. Mais est-ce que les clients les choisissent quand on prend une agence ? Il y a beaucoup de gens qui bossent pour des entreprises qu’ils n’aiment pas, pour des trucs qui sont contre leur valeur.

Olivier : Ça, c’est la majorité.

Laurent : Et en fait, ils trouvent un moyen un peu… Ils aiment jouer avec le diable, ils aiment jouer à faire l’avocat du diable. Ce sont des milieux qui sont très désabusés. C’est pour ça que je n’y suis plus d’ailleurs.

Olivier : Ok. Donc, tu rentres dans la pub. Et comment tu passes d’un Master d’Histoire à la pub ?

Laurent : En fait, c’est facile. Tu as des masters quand ils sont validés, après, tu peux rapidement passer ton examen.

Olivier : Tu peux switcher. Parce qu’après, un Master d’Histoire, ce n’est pas très couru dans la société normale, je veux dire. Enfin, il n’y a pas de celle de chercheur, d’enseignant.

Laurent : Non. Mais comme tu dis, en France, on a quand même le système LMD ou je ne sais plus comment c’est, mais en gros, une fois que tu as validé ta licence, tu fais ce que tu veux. Si tu as envie de faire des maths, tu pouvais faire des maths. Il fallait rattraper, mais c’est dingue, ça c’est bien. En fait, tu peux presque. C’est presque un conseil que je vais presque donner aux gens qui veulent faire des études dans ces milieux-là, un peu dans le commerce, machin et ça. Vous n’êtes pas obligés de faire la licence 1, licence 2, licence 3 en le payant plein pot, il y a des ponts en Master… Et finalement, on va en parler plus tard, mais les chefs d’entreprise, à partir d’un certain moment, à partir d’un certain âge, ne regardent même plus ton CV.

Laurent : Ils le regardent pour ton premier stage de 6 mois, celui qui va déterminer : ce sera quoi ton premier stage ? C’est peut-être le plus important si tu veux une carrière d’employé d’ailleurs. C’est ton premier stage de 6 mois, parce que cela va déterminer un peu la suite de ta carrière, c’est plus facile après d’embrayer. Mais c’est tout en fait, cela ne se joue qu’à ce moment-là. Et ça, ça a été une grosse révélation ça aussi.

Olivier : Donc, tu rentres dans la publicité et tu fais quoi alors ?

Laurent : Alors, je bosse dans quelques agences de publicité.

Olivier : Quel était ton rôle ?

Laurent : Je voulais être concepteur rédacteur, comme dans 99 Francs, la création des pubs.

Olivier : Pour la télé, pour les journaux ?

Laurent : Non, c’était sur des magazines, des petites publicités.

Olivier : C’est toi qui faisais la mise en page ? Tu trouves l’angle.

Laurent : Non, le concepteur rédacteur, c’est vraiment un truc un peu spécial, c’est celui qui rédige. Mais alors, on rédige très peu de textes généralement parce qu’il faut condenser au maximum. C’est là qu’on va pouvoir faire un pont. Il faut vraiment, par exemple, je donne souvent une anecdote à mes gars. Ils arrivent avec des textes très longs. Moi, je suis arrivé comme ça avec des textes très longs pour décrire la marque… Je donne, je pose sur le papier. Il regarde le truc, il ne le lit même pas. Il dit « tu me réduis de deux fois ». Je reviens avec le petit papier et je redonne. Il regarde et il dit « Non, tu vas encore diviser », tu vois. En fait, il ne lisait même pas tant qu’il n’y avait pas le volume de pages qu’il voulait. Et au final, il a encore réussi à raboter, raboter, raboter, raboter. Et ça, c’est une compétence que je pense que j’ai pu mettre en pratique sur la chaîne YouTube. C’est la synthèse, vraiment la synthèse qui est poussée à un niveau, et ça, c’est super intéressant.

Et le concepteur rédacteur, lui, il va trouver. Il va réduire, il va faire des textes très courts, il va trouver des slogans, il va trouver les concepts des publicités, mais ce n’est pas lui qui fait la mise en page. Après, il est toujours avec ce qu’on appelle un directeur artistique qui va l’orienter et un chef de projet, un chef de pub qui, lui, va plutôt dire, représenter le client face à la folie du concepteur rédacteur ou directeur artistique.

C’est vraiment en antagonisme, ce qui est assez sympa à vivre, parce que tu as vraiment ce côté où tu peux faire ce que tu veux parce que tu es le créatif. Ce n’est plus trop le cas aujourd’hui, cela a beaucoup changé ça puisqu’il y a eu beaucoup d’abus. Les années 90, c’était la période où il y avait vraiment beaucoup d’abus dans le publicité.

Olivier : Le livre 99 Francs est dans cette période-là.

Laurent : C’est ça, exactement. C’est le moment où cela a été vraiment terrible. C’est les années barons, voilà, les années barons.

Olivier : Donc, tu rentres dans la pub pour corrompre un peu ton âme finalement.

Laurent : Oui, on peut dire ça.

Olivier : Ça a marché ou pas ?

Laurent : C’est très vite lassant au final.

Olivier : D’accord.

Laurent : En fait, on fait vite le tour, on se rend compte qu’il n’y a pas grand-chose à trouver. Mais j’ai quand même rencontré des gens formidables là-bas.

Olivier : Donc, il y a des gens intéressants.

Laurent : Il y a des gens très intéressants, des gens qui ont du recul sur ce qu’ils font. Mais à un moment, il y a eu la crise des subprimes.

Olivier : C’était en 2008, oui.

Laurent : Voilà. Et là, c’est le moment où j’étais… Je n’étais pas chez Webedia, mais chez ceux qui sont un peu les ancêtres de Webedia. Il y a Webedia qui a racheté un groupe qui s’appelait HiMedia et j’étais là-bas et c’était vraiment très bien. Et en fait, au moment de la crise des subprimes, il y a eu du désengorgement. On a enlevé des gens, et je m’étais embrouillé avec quelqu’un et je voulais me lancer tout seul. Je me suis dit « franchement, c’est le moment ». J’avais déjà un petit site web qui tournait. C’était l’époque où on pouvait encore un peu gagner sa vie avec Adsense.

Olivier : Oui. Donc, la régie publicitaire de Google où tu pouvais mettre de la pub sur tes blogs, sur tes sites.

Laurent : Ça, ça marchait très bien à une époque. Je ne veux pas te mentir, cela tournait relativement bien.

Olivier : Toi, tu étais dans la pub à ce moment-là. Tu vois tout ce milieu-là. Tu vois l’opportunité, et là, tu te dis « je me lance sur YouTube », c’est ça ?

Laurent : Et en plus, j’avais des amis qui sont aujourd’hui, ils sont… je ne veux pas dire leur nom, mais qui ont fait des applis mobiles quand il fallait au bon moment. Tu en as peut-être sur ton téléphone et qui sont, aujourd’hui, ils ne vivent plus en France d’ailleurs.

Olivier : Et on va en reparler d’ailleurs.

Laurent : Ça donne envie et c’est ça qui est bien. C’est qu’en fait, on dit souvent qu’on est la somme de ses parents, on dit souvent qu’on est la somme de ses études, et non, on est aussi la somme de ses amis. Et les gens qu’on rencontre, on les envie toujours un peu, mais pas une envie malsaine, ce n’est pas genre…

Olivier : Cela peut créer une compétition amicale ou une émulsion.

Laurent : Exactement.

Olivier : Si tu sais bien, si t’as un bon mindset. Tu vois cela plutôt comme une inspiration finalement.

Laurent : Exactement. Et en fait, ce qui était beau, c’était que tu avais envie d’être dans ce sérail là quelque part, et ce qui m’a permis de changer de voie.

Olivier : Alors, donc, OK. Parce que tu étais dans la pub et tu as vu un peu tout ça de l’extérieur. Et comment tu as fait la transition alors ? C’était quoi ton premier projet ?

Laurent : C’était le site web. Donc, j’ai pu en vivre un peu.

Olivier : Le site web, c’était sur quoi ?

Laurent : C’était sur Pokémon, mais ce n’était vraiment pas beaucoup. On ne parle vraiment pas de vivre.

Olivier : Et tu parlais de quoi alors ?

Laurent : C’était de l’actualité Pokémon, des choses comme ça. Mais on parlait d’un revenu, c’était du 800 – 900 €. Tu vois. J’avais divisé.

Olivier : Avec le trafic que tu avais, il y avait des gens qui cliquaient sur les pubs de ton site.

Laurent : Oui. C’est ça. Et je me suis dit

Olivier : Et tu as 900 € par mois.

Laurent : Voilà, on va essayer de passer au niveau supérieur. Je m’étais donné cette opportunité.

Olivier : Ça, c’était 2008 – 2009.

Laurent : C’est ça. Je n’y suis jamais arrivé, jamais arrivé à passer un cap de monétisation parce qu’en fait, quand je suis arrivé sur l’Adsense, on commençait déjà à être sur la génération Adblock, etc…

Olivier : Adblock, c’est un petit logiciel que tu mets sur ton navigateur et qui te permet de bloquer les pubs. Et ça, ça a beaucoup affecté les revenus publicitaires, non seulement des blogueurs, mais aussi des journaux et tout ça.

Laurent : La fin de Criteo aussi. Entre guillemets, Criteo, c’était une entreprise qui permettait de targeter la publicité selon tes cookies. Aujourd’hui, c’est compliqué, il faut tout valider. En gros, le web aujourd’hui est un peu hostile. Je peux comprendre, c’est relou. Le problème, ce sont des gens qui abusent. Il y a eu un abus de la publicité, donc forcément voilà. Et en fait, autant je pouvais vivre entre 2007 et 2010 du site web, autant c’était la dégringolade.

Olivier : Mais là, quand tu investis tes 900 € par mois, tu étais encore dans la publicité ou pas ?

Laurent : Ouais.

Olivier : D’accord, parce que c’est un complément de revenus plutôt 900 €.

Laurent : C’était un bon complément de revenus. Et là, je rencontre des Youtubeurs. A l’époque, c’était…

Olivier : En 2009, c’était vraiment.

Laurent : Un peu, non, on est plus 2011 – 2012.

Olivier : 2011 – 2012. OK.

Laurent : Et c’est le moment où je crois que YouTube change de design.

Olivier : C’est possible.

Laurent : Ouais, c’est le moment où il comble la monétisation pour tout le monde… Et c’est Newtiteuf, c’est qui moi qui m’a mis vraiment sur la voie puisque je discutais avec lui puisqu’il faisait du Pokémon aussi mais sur YouTube, et je ne sais pas, je me suis dit « Ah ! Je sens que c’est là le futur. » Et je me suis dit « on va essayer de mettre ce que j’aimais faire sur ce site web qui était le côté encyclopédique ».

J’ai toujours adoré prendre un maximum d’informations, bien les stacker, bien les ranger, bien les mettre. Tu vois, j’ai un petit côté obsessionnel, peut-être les jeux de gestion, quand j’étais jeune, j’adorais ça. Civilization, quelque chose comme ça. J’adore tout construire, tout empiler, bien ranger dans les cases… Et j’ai pu le faire sur Youtube.

Alors au début, ce n’était que sur les Pokémons, mais bon, il faut bien commencer sur un petit truc. Et là, je me suis dit « mais cette méthodologie que j’utilise pour une licence qui marche très bien, c’est la plus grosse licence mondiale Pokémon, pourquoi je ne le mettrais pas pour de la connaissance ? » J’adore la science, j’ai fait de l’Histoire, j’ai envie de passer au niveau supérieur. Et c’est là que je me suis lancé sur YouTube. Donc, 2013 pour du Pokémon et 2015 pour sciences, Histoire…

Olivier : OK. Donc, 2013, Pokémon, cela t’a permis de gagner ta vie assez rapidement ou…

Laurent : C’est ça.

Olivier : OK. Donc, tu as fait quoi comme boulot jusqu’à 2013 pour gagner ta vie ?

Laurent : Alors, j’ai été freelance. Je faisais des sites web pour des mamies, enfin pas des mamies.

Olivier : Pour des mamies.

Laurent : Ouais. Non, c’était, je ne veux pas donner son nom, mais c’était… elle avait… elle était bien dans la vie. Non, j’ai fait pas mal de petits sites web à côté puisque…

Olivier : Plutôt pour des particuliers alors. C’est là où tu te dis « je vais passer de Pokémon à des choses un peu plus utiles peut-être ».

Laurent : C’est ça. Il y avait déjà… tu sais, il y a toujours une petite voix dans ta tête qui dit « il faut faire ça » et tu ne le fais pas, tu le notes dans un coin de papier, et il faut l’étincelle. Il faut juste le moment où on met le feu. Et moi, c’était The family qui m’a vraiment mis les pieds à l’étrier et j’ai eu « le courage » de me lancer dans cette aventure qui n’était pas gagnée puisque YouTube à l’époque, il faut vraiment voir cela comme, c’était assez hostile à ça. Déjà, de ne pas montrer sa tête, c’était : quoi ?

Olivier : Parlons de cela d’ailleurs. Pourquoi, tu as choisi de ne pas montrer ta tête ? C’est vraiment un choix qui n’est pas classique finalement.

Laurent : Non, non. En fait, moi, c’est mon père qui me disait toujours « Quand tu sors la tête de l’eau, les gens vont vouloir te la couper ».

Olivier : Qu’est-ce qu’il faisait ton père ?

Laurent : Il était chef d’entreprise. Il faut toujours rester, lui, il était…

Olivier : Dans quel type d’entreprise ?

Laurent : Il a construit la Tour de France 3, enfin, bâtiment. Il était dans le bâtiment.

Et en fait, lui, il était toujours très, très humble avec ses… Il m’a toujours appris cela. Il ne faut pas se sentir trop supérieur parce qu’après, les gens te le font payer toujours. Et c’est à la fois vrai et pas tout à fait vrai. En réalité, je pense que quand tu commences à sortir la tête de l’eau, les gens te la coupent. Mais si tu la sors vraiment beaucoup parce que tu auras ignoré les gens… tu peux te permettre d’atteindre un peu plus l’air. Je n’ai pas ce courage-là, entre guillemets, je ne veux pas mentir. Je ne veux pas être une personne publique. Je ne veux pas que mon visage, je m’en fous, ne me calculez pas. Je préfère l’idée, je préfère l’équipe.

Je ne le conseille pas à tout le monde évidemment, mais cela évite des problèmes aussi, cela évite que les gens te reconnaissent dans la rue… Cela me met toujours mal à l’aise les gens qui gouroutisent trop quelque chose, trop quelqu’un. On a tous des défauts, on peut des fois dire quelque chose et ne pas vraiment le faire. Toi, tu donnes des conseils que tu n’appliques pas toujours à tes entreprises puisque parfois ce n’est pas opportun ou parce que…

Olivier : Alors, j’essaie de faire ce que je dis et dire ce que je fais, mais bon.

Laurent : Mais je sais que toi, par exemple, tu as…. Puisque j’ai lu ton livre, on pourra peut-être en reparler après. Quand je vois ton rythme de vie, je ne suis pas sûr que tous les jours, tu prennes le temps de faire 15 minutes de méditation avec l’appareil.

Olivier : Je médite à peu près 25 jours par mois.

Laurent : Voilà, ce n’est pas mal.

Olivier : Ben oui. Mais ce n’est pas tous les jours, je suis d’accord avec toi.

Laurent : Oui, c’est ça. Donc, on ne peut pas. Tu vois, c’est…

Olivier : Oui, on n’est pas des robots.

Laurent : Oui, mais il y a des gens qui en veulent. Mais bon.

Olivier : Il y a des robots, mais ils ne sont pas très nombreux.

Laurent : Oui. Et en fait, l’idée de ne pas se montrer, c’est aussi une question de pouvoir tourner rapidement, ne pas pouvoir. Si on a un peu, si on a un bouton d’acné, si on n’a pas dormi, on s’en fout. Voilà, on fait la voix, on se concentre. C’est un peu comme quand tu es aveugle, on se concentre plus sur l’ouïe. Là, on se concentre plus sur la voix. Et j’ai fait pas mal d’efforts sur la voix pour qu’elle soit bien posée…

Olivier : Alors, c’est intéressant parce qu’il y a beaucoup de gens qui aimeraient se lancer sur le web et qui ne le font pas parce qu’ils ne veulent pas montrer leur tête. Et toi, plutôt que de tomber dans cette option-là, tu as trouvé finalement une solution qui te permettait d’y aller sans te dévoiler trop.

Laurent : C’est ça. Se construire de petits personnages.

Olivier : Et cela, je trouve que cela intéressant parce que c’est aussi ce que je recommande à mes élèves qui ont la même démarche que toi, c’est qu’on peut faire des vidéos PowerPoint par exemple ou des vidéos illustrées et ne jamais montrer sa tête.

Laurent : Et surtout, il y a des statistiques. Il y a ScienceEtonnante, c’est un Youtubeur qui a fait une statistique sur les vidéos où s’ils ne se montraient pas sa tête, ils montraient sa tête. Je ne sais plus que c’était exactement l’étude, mais il n’y a pas de corrélation entre le fait de montrer sa tête et le succès. On n’est pas obligé. Mais à l’époque du YouTube, quand on commençait, c’était genre obligatoire, il fallait le podcast. On était au tout début de la vulgarisation scientifique, et en fait, les gens qui avaient pris le… c’était des gatekeepers, il faut le dire, c’était des gens qui étaient des chercheurs, qui faisaient de la science, du coup, c’était très codifié. Il fallait que tu alignes sur sa description sinon tu te faisais basher. C’était très compliqué. Et nous, on avait fait un format qui était le format top, qu’on a un peu aujourd’hui abandonné, mais c’était le moment où c’était très mal vu, vraiment. Et par exemple, je trouve que des personnes comme Poisson Fécond, comme Trash… ont fait beaucoup de bien « au top » puisqu’ils l’ont un peu montré que cela pouvait être qualitatif.

Olivier : Oui.

Laurent : À l’époque, ça ne l’était pas.

Olivier : Toi et Poisson Fécond, vous avez la même démarche d’éduquer, en même temps, vous déversez les faits.

Laurent : Et on s’est fait détruire au début. Personne ne nous aimait. C’est assumer « Trash ».

Olivier : Oui. Pourquoi ce nom d’ailleurs parce que cela veut dire poubelle en anglais quand même ?

Laurent : Alors en fait.

Olivier : Vraiment ordure.

Laurent : Oui, c’est ça. Mais alors, parce qu’il y a le côté punk, autodestruction, on y retrouve.

Olivier : D’accord. Intéressant.

Laurent : Mais il y a aussi un côté, c’est que quand, c’est une vraie expression en anglais, quand tu dis que tu es quelque chose trash, tu es science trash, donc tu es Bieber trash, fan de Justin Bieber, en fait, tu es tellement fan de quelque chose que tu deviens un peu ordurier. Tu vois, c’est un terme en anglais, je ne sais pas pourquoi. Quand tu es vraiment fan de quelque chose. Et donc, c’est quand tu es Sciences trash, tu es un genre, quelqu’un qui est genre trop passionné de ce truc et qui en oublie sa vie.

Olivier : Un vrai geek.

Laurent : Un vrai geek de ça, voilà, c’est ça l’idée.

Olivier : Pareil, c’est aussi un nom qui n’est vraiment pas commun et qu’il faut savoir assumer.

Laurent : C’est ça, ça nous fait perdre des choses. On a des fois des gros clients qui disent « mais je ne veux pas que mon nom soit associé à ça. »

Olivier : C’est la chaîne poubelle.

Laurent : C’est ça. Mais « Site du zéro », pourquoi ils ont changé ? Parce qu’ils voulaient aller très loin, ils sont devenus Open Classroom. Ils voulaient aller super loin, ils voulaient aller au sommet, ils ont changé de nom. Je ne vais pas dire que c’était une erreur puisque je ne connais plus leurs chiffres aujourd’hui, mais ça leur a fait perdre pas mal de leur communauté qui aimait ce côté un peu… on fait ça vraiment tranquille.

Olivier : A la bonne franquette.

Laurent : A la bonne franquette. Et du coup, les gens se donnaient pour le site. Ils faisaient les tutos, aidaient à apporter des choses. Et quand tu modifies un peu ton état d’esprit pour vendre plus, enfin je ne critique pas Open Classroom pour cela évidemment, c’était pour l’État, je pense, ils voulaient voulait faire des trucs avec l’Éducation nationale. Mais oui, il faut faire attention à cela. Moi, j’aime bien cette idée de « on ne sera jamais les premiers ». On ne sera jamais en haut. Parce qu’on aura toujours ce poids, ce boulet du nom qui fera qu’il y a des gens qui nous fermeront des portes. Ce n’est pas grave, pas besoin d’être premier dans la vie.

Olivier : Mais donc, cela veut dire que tu ne cherches pas du tout à être le premier ?

Laurent : Non.

Olivier : Et est-ce que tu évites activement d’être le premier ? Est-ce que cela te dérange ? Parce que c’est aussi la même philosophie que tu partages, celle de ton père : si tu es le premier, tu attires trop l’attention.

Laurent : C’est ça.

Olivier : D’accord.

Laurent : En fait, le monde n’a pas forcément besoin de numéro un tout le temps dans tous les domaines. Je sais qu’il y a ce côté « winner takes all », c’est vrai. Mais en réalité, on peut faire des belles entreprises humaines avec des gens qui sont contents, avec une belle vie remplie, sans chercher à être le numéro un. Mais on peut faire quand même des choses pour le monde, attention, c’est ça qu’il faut. C’est la nuance.

Je trouve par exemple, on peut citer un exemple : Elon Musk. Elon Musk qui, à une époque, n’était pas numéro un, tout le monde l’adorait. C’est le gars qui lançait des fusées, c’est le gars qui allait nous rendre immortels, c’est le gars qui faisait des panneaux solaires et tout le monde l’adorait. Et il avait plus de pouvoir qu’aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui, il est obligé… Tu vois tout ce qu’il est obligé de faire juste pour contenter les gens qui le massacrent.

Olivier : Oui, il doit s’expliquer pas mal. Jeff Bezos, c’est la même chose. On a vu la transformation quand il est arrivé Homme le plus riche du monde. C’est impressionnant.

Laurent : Exactement. Être le premier, c’est un poison parce que cela t’empêche de vraiment… D’être challenger, c’est la meilleure position.

Olivier : Après, il y a des numéros un dans le sport qui sont aimés du coup ?

Laurent : Ouais, mais…

Olivier : C’est dans certaines catégories que les gens ne sont pas…

Laurent : Ouais, peut-être que c’est sur un autre modèle. Mais oui, effectivement, dans le sport, ça passe assez bien. Après, il faut quand même être un vrai modèle.

Olivier : J’imagine. Il y a un vieux proverbe romain qui disait : « Pour savoir le nombre de tes ennemis, compte le nombre de tes admirateurs », parce que ça, ce sont fifty-fifty.

Laurent : Je crois que c’est l’inverse, mais oui, c’est dans l’idée là. C’est le nombre de ses amis.

Olivier : Donc, OK. Voilà. On a Master en Histoire, publicités et ensuite vidéos YouTube. Et donc, Trash, cela a commencé à fonctionner dès le début ?

Laurent : Oui, très rapidement. Très rapidement puisque…

Olivier : Comment tu as trouvé la formule qui marchait ?

Laurent : En fait, au début…

Olivier : Parce que Poisson Fécond, cela a mis du temps, il a mis des années avant de…

flirter avec la ligne jaune débuter sur YouTube

Laurent : Oui, c’est vrai. Au début parce qu’on a fait les choses, il faut le dire, la marge, la ligne jaune, quand tu commences, c’est bien de flirter avec. Nous, on a fait une vidéo qui s’appelait, qui a cartonné, qui a fait 1 million quasiment très rapidement, c’était « les Youtubeurs morts ou oubliés ». On s’est fait détruire pour cette vidéo dans le sérail parce qu’on parlait de YouTube, on parlait de Youtubeurs oubliés, genre c’est-à-dire mais qui tu es, comment tu te permets de parler.

Olivier : Le terme nobody à l’époque.

Laurent : C’est ça. Tu arrives, tu fais cette vidéo, mais tu es qui en fait ? Et tu regardes, il y a beaucoup de chaînes qui ont commencé par de la critique, de Youtubeurs qui disent « voilà, tu es Youtubeur, ils font un peu de drama… et qui se rangent rapidement au moment où il y a eu du succès, parce que finalement, c’est un moyen d’entrer. Il y en a d’autres. Mais de flirter avec la ligne jaune, avec l’interdit, avec les gatekeep… enfin, aller très loin des gatekeepers quand tu commences, ce n’est pas forcément une mauvaise stratégie et cela te pèse.

Cela peut te peser parce qu’Internet n’oublie jamais, cela peut te peser sur la suite de ta carrière. Mais après, il ne faut pas faire des trucs horribles non plus, on ne peut pas. Mais si ! Je prends un Logan Paul par exemple, aujourd’hui, il est beaucoup plus apprécié qu’avant, alors qu’avant, il faisait des choses mais horrible, tu vois.

Olivier : Donc, c’est un Youtubeur qui avait notamment… il y a eu un scandale parce qu’il avait filmé un suicidé au Japon dans une forêt qui était connue pour cela.

Laurent : Mais même avant, il faisait des vidéos très brainless. C’était vraiment le but.

Olivier : Je t’avoue que je n’ai pas suivi après. Donc du coup, maintenant, il a eu sa rédemption.

Laurent : C’est ça, la rédemption. Il était blondinet américain qui était zéro de QI. Après, il a commencé à être aimé, mais toujours avec cet esprit blondinet zéro de QI. Puis, il a fait la vidéo du suicide. Donc là, il a perdu son côté fun, il n’était plus « marrant » parce qu’il était rentré dans le : tu ne pouvais plus rire avec lui parce qu’il était devenu monstrueux, puisqu’il avait fait quelque chose d’immoral. Ce qui est un problème, c’est l’essentialisation des gens sur une erreur. Tu fais une erreur, tu deviens cette chose. Et du coup, il est passé dans un mode de rédemption où il était beaucoup plus posé, beaucoup plus sage. Et après, là, il a recartonné avec les cartes Pokémon, il est redevenu ce Youtubeur qu’on aime.

Mais il faut du temps, il faut du temps. Et c’est quelque chose par lequel tu peux passer. Après, il faut que ça soit sincère parce que si on refait un truc, les gens peuvent pardonner une fois, mais ils ne pardonnent pas deux.

Olivier : Donc finalement, il ne faut pas hésiter à prendre des risques et à être mal vus. Cela aide aussi quand tu ne montres pas ta tête, j’imagine, de prendre un peu plus de risques que la moyenne pour cela.

Laurent : C’est vrai, cela peut aider, oui.

Olivier : Et le fait de ne pas vouloir être premier, ça aide aussi parce que tu dis « même si cela me bloque des portes, au moins je serais rentré et j’aurais atteint une audition sympathique. Donc, il faut choquer un peu pour réussir ?

Laurent : C’est un moyen. Comme je te dis, il faut toujours, juste si tu fais les choses trop bien au début parce que tu es perfectionniste, machin, c’est trop compliqué. En fait, les normes sont là pour bloquer l’accès au nouveau. Tu regardes, on dit souvent « oui, c’est compliqué de monter son entreprise en France… ». Mais qui a fait ces lois ? Des grandes entreprises.

Je ne vais pas donner d’exemple parce que ce serait un peu trop politique, mais par exemple les limitations sur le… Non, c’est trop politique. Mais il y a beaucoup de lois qui sont votées soi-disant contre les entreprises, mais qui sont en fait une négociation des grosses entreprises et qui, finalement, servent à fermer le milieu. Regarde Uber, regarde Lyft, aujourd’hui, c’est compliqué de se lancer là-dedans parce que l’ubérisation, c’est fini. Mais ces lois qui ont été votées, elles bloquent les nouveaux acteurs. Uber, ils sont tranquilles, Lyft, ils sont tranquilles. Donc, les lois sont faites pour limiter l’entrée de nouveaux acteurs qui iront toujours plus loin, ce n’est pas forcément un mal évidemment.

Olivier : Donc, tu commences à cartonner très vite en n’hésitant pas à choquer un peu. Là, tu avais déjà abandonné avec ta chaîne Pokémon, ton travail de freelance ou… ?

Laurent : Non, j’ai continué.

Olivier : A quel moment tu t’es dit « c’est bon, je peux arrêter » ?

Laurent : Quand j’ai chialé.

Olivier : Quand tu as chialé ?

Laurent : Trop de travail. En fait, 2017, je crois. Je travaillais pour une cliente qui avait un très gros projet de site web, gros budget. Je pouvais déjà à peu près vivre de YouTube. Ce n’était pas la folie puisqu’on était plusieurs. J’avais engagé des gens, je voulais faire un truc un peu collectif et c’était trop dur. Je ne pouvais plus mener les deux en même temps et je me suis effondré en larmes devant la cliente.

Olivier : Ah ouais, waouh.

Laurent : Tellement de pression. Tellement.

Olivier : Mais tu as fait un burnout là ?

Laurent : Ah ! Le burnout complet. Et c’est là où je me suis dit « j’arrête, il faut choisir ». Le problème, c’est que tu vois, quand tu as deux trucs qui marchent bien, ils s’accumulent.

Olivier : C’est difficile.

Laurent : Mais moi, cela marchait super bien. Je connais bien. Dès que je finissais avec un client, il y en a deux, j’en avais deux.

Olivier : Tu avais un problème de riche quand même.

Laurent : Oui. Je ne vais pas m’en plaindre. Le problème, c’est que je ne savais pas dire non. Je ne savais pas dire non parce qu’à chaque fois en plus, les budgets augmentaient, c’était de plus en plus intéressant, c’était de plus en plus challengeant. Et d’un côté, tu avais les deux trucs qui avançaient en même temps. Horrible de choisir. Mais bon là, c’était…

Moi, je suis fasciné par les moments qui auraient pu changer ta vie, ces moments de bascule. Des moments où tu as fait un choix qui va tout changer. Là, j’étais vraiment le…

Olivier : Parce que tu aurais pu aussi arrêter les vidéos pour te consacrer à ta carrière de freelance.

Laurent : Oui, c’est ça. Parce que cela a payé mieux même le freelance à cette époque-là.

Olivier : Mais tu savais que ça pouvait scaler plus quand même.

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : Parce qu’au bout d’un moment, tu étais quand même en train d’échanger ton temps contre de l’argent.

Laurent : Je n’aurais pas arrêté YouTube, mais j’aurais beaucoup plus, j’aurais pu faire tant de vidéos moi-même. Ce n’était pas le même esprit à l’époque, on était plus en mode… J’aidais beaucoup sur chaque vidéo, mais en même temps, on devait tous les faire un peu de notre côté, il n’y a pas ce…

Olivier : Quand tu as démarré la chaîne, tu n’étais pas seul, tu avais déjà une équipe ?

Laurent : J’ai commencé seul, puis on a pris des gens qui étaient des jeunes que j’ai formés et qui étaient bons. Cela a bien monté. Et l’idée, à l’époque, c’était qu’on ne divisait pas trop le travail. C’est-à-dire que j’étais là, je contrôlais, j’aidais, j’écrivais un peu avec les gars, mais derrière, l’idée, c’était un peu de « faire sa vidéo ». Il y avait une part d’écriture, une part de montage et il n’y avait pas, comme on dit, on appelle, une « division du travail ». Comme on faisait à l’époque, YouTube à l’ancienne. Et c’était très dur. C’était très dur.

Olivier : Donc là, tu t’effondres en larmes devant ta cliente, et là, tu as une lumière qui descend du ciel et tu comprends.

Laurent : Il faut changer.

Olivier : Il faut changer. Donc, tu arrêtes complètement cette activité de freelance. Tu n’as pas revendu l’activité ou tu as juste arrêté ?

Laurent : Ce n’était pas une autoentreprise. Mais non, je l’ai toujours. Enfin, c’est un peu linéaire.

créer sa chaîne YouTube à succès

Olivier : Et là, tu te focalises à fond en 2017. Tu savais combien tu avais d’abonnés à l’époque ?

Laurent : On avait dépassé le million.

Olivier : Déjà ? OK. Donc là, cela a accéléré le succès quand tu as fait cela ?

Laurent : Ah ! C’est une bonne question ça.

Olivier : Est-ce que cela a augmenté ton bien-être au moins ?

Laurent : Oui, je pense.Non, vraiment l’accélération du succès, je pense, elle est venue à partir du moment où j’ai changé le système.

Olivier : Le système d’organisation.

Laurent : Oui. Le système. Je voulais une organisation qui soit beaucoup plus… on divise bien le travail entre les gens. J’ai eu beaucoup de gens qui n’étaient pas d’accord avec cela, qui voulaient… qui avaient d’autres façons de voir la chaîne YouTube. Qui ne voulaient plus de chibis par exemple. Les chibis, ce sont les petits personnages qui les représentaient. Ils voulaient passer à la caméra. Ils voulaient peut-être des vidéos plus courtes. Moi, je voulais des vidéos qui s’approchaient plus des documentaires. Tu connais, quand tu fais une entreprise et quand on a des moments charnières de changement, tu as toujours… C’est très compliqué de faire des changements dans une entreprise, dans une organisation qui tourne toute seule. Mais c’est parce que tu veux aller plus loin.

Après, moi, j’ai mon équipe qui a explosé en plein vol à ce moment-là. Ouais, je ne suis pas sûr qu’on puisse trop en parler, mais ça fait partie aussi… On peut en parler un peu au global. Je veux dire, ça arrive quand tu as un projet associatif ou quoi que ce soit, d’ailleurs ça, c’était au moment de ce petit scandale puisqu’en réalité, ce n’est pas grand-chose, j’ai eu plein de messages de gens qui me disaient « je connais ça » dans les personnes que tu connais.

Olivier : Il y a eu un clash dans ton équipe.

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : Et il y a des membres de cette équipe qui y ont…

Laurent : Qui ont décidé de faire leur propre truc de leur côté, et donc qui l’ont dit publiquement, en attaquant, en disant « je suis un méchant ».

Olivier : Ce qui fait toujours plaisir.

Laurent : Oui, mais cela arrive. Cela a dû t’arriver des anciens employés…

Olivier : Et puis, c’est arrivé à Poisson Fécond.

Laurent : Ah oui, voilà, c’est …

Olivier : C’est lui qui t’a envoyé. D’accord.

Laurent : Bref, du coup, ce sont des trucs. Moi, j’en ai eu plein. J’ai eu des gens dans le théâtre, j’ai eu des gens… Mais vraiment dans le théâtre, il y a beaucoup de gens dans le théâtre qui me disaient « je suis avec ma troupe, je vis exactement la même chose. J’essaye de faire ça, je pense qu’il faut faire ça, il faut plutôt aller sur ce genre de spectacle… et ils m’ont exposé à la gueule. C’est le problème du ressentiment dans une équipe. Ça, il faut faire très attention. Et ça, j’ai peut-être oublié ce que disait mon père à ce moment-là « pas trop… »

Tu peux haïr quelqu’un très facilement. Si je veux que les gens te haïssent, je prends quelques gens et je les mets entre eux. Et tous les jours, je mets un peu de poison « lui, il fait ça, machin, etc. » et au final, la moindre petite action, par exemple je ne sais pas, tu as mis ce polo beige, « ah lala, il n’a pas de goût, il a mis du beige ». Mais tu peux vraiment créer du ressentiment énorme. Il suffit que tu laisses quelques mois dans une marmite, tu laisses touiller et tu peux faire haïr n’importe qui. Et ça, c’est quelque chose qu’il faut vraiment… peut-être avancer pour des gens qui ont des équipes, peut-être que je vais écrire presque un livre là-dessus un jour puisque c’était en fait…

Olivier : Comment se faire haïr ?

Laurent : Non. C’est comment, parce que ce sont des problèmes que toute organisation vit. Il n’y a pas de… enfin, tu parlais d’un autre Youtubeur juste avant, mais il n’y a pas une grosse organisation qui n’a pas à un moment ce moment charnière de changement qui ne conduit pas à ce que quelqu’un haïsse un autre. Et j’ai appris beaucoup de choses à ce moment-là. C’était très, très dur moralement, parce qu’après, malheureusement Internet c’est du harcèlement, c’est des choses comme ça. Tu as encore des PTSD. Enfin, je veux dire, des fois, tu te réveilles la nuit avec des sueurs froides. Tu te réveilles parce que c’est très violent.

Olivier : Ah oui, tu as encore cela aujourd’hui ?

Laurent : Ah ! Je l’ai toujours.

Olivier : Tu as été traumatisé par cet épisode ?

Laurent : Je pleure. Ça m’arrive de pleurer, parce qu’en fait, c’est d’une telle violence. Il faut comprendre, Internet, c’est un outil qui peut… je vais dire, tu as des menaces de mort, tu as des gens, ils disent « ils t’envoient une balle de fusil », ils te disent « c’est pour toi ça, dans ta tête ».

Olivier : En virtuel, tu veux dire ?

Laurent : Sur Twitter. Et ils te disent « la prochaine fois que je te vois, j’amènerai un peu d’acide dans une bouteille d’eau, je te la balancerai au visage ».

Olivier : Sympa.

Laurent : Comme ça.Et pourtant, alors le truc qu’on me reproche…

Olivier : Tu portes plainte quand cela arrive, ça ? C’est une menace de mort quand même.

Laurent : Oui, mais tu vois bien, c’est des gars qui ont des faux comptes, je suis sûr que ce sont des gars de 16 ans en vrai. Mais en plus, tu vois à quel point c’est bidon le truc, c’est genre des gens sont en conflit dans une équipe. Cela arrive.

Olivier : Il n’y a aucun recul dans ces moments. C’est du lynchage.

Laurent : Mais en fait, les gens, ils adorent lyncher. On l’a vu, on voit dans l’Histoire. On l’a vu en cour de récré. On peut parler d’un truc horrible, mais dans la cour de récré quand on est petit, qu’il y a des gens qui font une Agra aujourd’hui, comme on dit, tu te mets en boule et les gens commencent à te taper. Moi, j’ai été vraiment dans cette position, à la fois dans la position du gars qui tape et la position du gars en boule. A partir du moment où tu es en boule, tout le monde te frappe, parce qu’en fait, ce coup de pied dans la foule, ce n’est qu’un coup de pied parmi tant d’autres. Finalement, ce n’est pas très grave.

Tu sais, les gens qui ont… c’est peut-être un peu exagéré, mais des gens qui vraiment… on dépendait beaucoup des gens. Le gars qui amène la corde, il ne dit pas « moi, je n’ai fait qu’amener la corde ». Mais en fait, dans l’excitation, une foule qui est très excitée, ça, c’est terrible, mais on n’est plus vraiment des humains.

Olivier : Absolument.Il y a un livre intéressant là-dessus de Gustave Le Bon « La psychologie des foules ».

Laurent : Je ne l’ai pas lu. Je connaissais de nom.

Olivier : C’est un livre classique du début XXᵉ siècle et il parle notamment de la Révolution française, et il explique que les gens étaient devenus complètement fous et qu’ils ont tué plein de gens. Comme notamment la prise de la Bastille, en fait, c’est le dirigeant de la prison qui a ouvert les portes pour ne pas que les gens ne se fracassent dessus et après, la foule a massacré tout le monde, et qu’il y a quelqu’un qui avait d’ailleurs assassiné le commandant et que le gars avait l’impression qu’il devait avoir une médaille.

Laurent : Oui.

Olivier : Alors qu’en fait.

Laurent : Il n’a fait que tuer un mec.

Olivier : C’était juste un assassinat et qu’il n’avait aucune raison à la fin.

Laurent : Exactement. Je vais le lire parce que c’est quelque chose qui me passionne la psychologie des foules, maintenant que j’ai vécu.

Olivier : Un livre qui a beaucoup inspiré malheureusement Hitler, Mussolini et tout ça. Mais cela peut être pris dans toutes les manières, mais parce que cela peut être un manuel de manipulation aussi. Et en fait, Gustave Le Bon montre que quand on est dans une foule, effectivement, c’est que tu dis, il y a une dilution de la responsabilité. On réfléchit beaucoup moins, on se laisse happer par nos émotions. Et s’il y a un leader charismatique, alors là, c’est fini, on est juste un troupeau.

Laurent : Ils font beaucoup ça maintenant. Enfin, tu vois, aujourd’hui pourquoi Twitter est « militarisé », c’est que tu as juste à créer quelque chose qui est suffisamment choquant vis-à-vis d’un candidat, de ce que tu veux, et tu peux envoyer une meute. En fait, il ne faut pas grand monde. Tu sais, il y a des points de bascule statistiques. Je crois que c’est 5%. A partir du moment où tu as 5% des gens qui font quelque chose, cela se voit sur la route par exemple, il y a un moment de bascule, il y a un moment où tout se déverse. Et il suffit d’atteindre ce petit seuil critique et tu peux détruire quelqu’un. Et il faut comprendre le harcèlement en ligne, et ça, cela peut être quelqu’un, des gens que tu coaches… peuvent le vivre s’ils montrent trop la tête. C’est très violent. Il y a un côté où tu ne peux plus ouvrir Internet. Et aujourd’hui, il n’y a plus de séparation entre le monde virtuel et le monde réel sans qu’on te rappelle. Il y a des gens qui ont des mots qui n’ont absolument rien à voir avec l’événement, tu vois ? Et il est partout : ton téléphone, ton Facebook, tu as des gens qui appellent tes parents, tes machins. Quand ta mère t’appelle en pleurs en disant « pourquoi j’ai plein d’appels ? »

Olivier : Ah bon ! Il y a des gens qui ont trouvé le numéro de ta mère ?

Laurent : Oui.

Olivier : Mais comment ils ont fait ?

Laurent : Facebook. Tu vois, ils envoient des messages sur Facebook. Mais en fait, le truc, c’est… et tu comprends pourquoi je me masque un peu.

Olivier : Et alors que t’étais masqué.

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : C’est dingue.

Laurent : Mais encore, finalement, on ne me reproche pas grand-chose, mais je n’imagine même pas les gens qui ont vraiment fait des trucs malsains, ça doit être fou.

Olivier : Là, en ligne, c’est…

Laurent : C’est ça. Et c’est pour cela d’ailleurs que j’arrête totalement de… Tu sais, des fois, tu vois quelqu’un, un vidéaste ou quelqu’un qui a fait un truc pas bien… tu as envie de dire « tu fais du mal au métier, ce n’est pas bien ce que tu fais. » Mais je ne le fais même plus parce que je sais que j’aurais du sang sur les mains, puisqu’un jour, il y a déjà des Youtubeurs qui se sont suicidés comme ça, il faut le dire. Il n’y a pas longtemps, Mava Chou… C’est un truc qui est assez lourd. Et ça, tu peux le voir. Je connais certains des gens qui ont bossé avec toi qui font des pubs sur Facebook. Et vu qu’ils la font un peu trop sur Facebook, ils commencent à avoir des commentaires. Et des gens commencent à se monter un peu en mode « oui, on va le détruire, machin… », du coup, ils envoient des messages, des machins… Il n’y a pas mal d’exemples d’entrepreneurs qui ont encore morflé. Je pense, il y avait un gars qui s’appelait Cheffing

Olivier : Cela ne me dit rien

Laurent : C’est un gars, c’était un peu caricatural ce qu’il faisait, il s’est fait détruire. Il y a eu une campagne de harcèlement qui s’est faite sur Facebook contre lui. Il avait un nom particule. C’était un petit blondinet qui disait qu’il faut savoir cheffer, machin, la caricature un peu. Et il a pris très cher. Tu vois, mais tu peux militariser YouTube.

Olivier : Après, c’est vrai que, oui, ce n’est pas forcément facile de vivre ça, mais il y a des gens qui ont la psychologie, qui ne font que ça, ça ricoche sur eux et que…

Laurent : Exactement. Ça, c’est bien.

Olivier : Aux Etats-Unis, je pense notamment à Tai Lopez, tu vois qui c’est ?

Laurent : Oui.

Olivier : Il s’est fait détester de tout Internet parce qu’il avait fait une pub où il montrait qu’il avait une Lamborghini dans son garage. Mais il disait « on s’en fout », parce que regardez-moi.

Laurent : Il était sur la ligne jaune.

Olivier : Oui, voilà, exactement. Et au final, clairement, le gars avait la psychologie pour résister au truc, il s’est connecté avec tous les grands entrepreneurs des Etats-Unis qui n’en avaient rien à foutre de la polémique sur lui. Et aujourd’hui, c’est un super entrepreneur, il a racheté l’équivalent de Décathlon aux Etats-Unis, je ne sais plus quel est le nom. Il a mis des dizaines de millions de dollars là-dedans, et voilà, c’est quelqu’un de reconnu. Mais on a d’autres exemples de gens qui ont eu le même genre de pression et qui ont disparu dans la nature.

Laurent : Exactement. Il faut faire attention à ne pas regarder l’abîme parce que ce que les gens disent de toi t’influence énormément. Tu te dis « est-ce que je suis une mauvaise personne ? » Mais lui, il ne faut pas se mentir, il faut être un peu psychopathe quand même pour ne jamais prendre en compte ce que les gens disent ou t’envoient dans la gueule, tu vois. Il faut quand même vraiment. Parce qu’à force de répéter, la force de la répétition, tu répètes, tu répètes, tu répètes, tu finis par te poser des questions. Et les gens comme ça qui arrivent à… ils s’en foutent. Regarde, Tibo InShape, pour moi, c’est le top tier des Youtubeurs, je ne veux pas te mentir. Pour moi, c’est le Youtubeur ultime, parce qu’il a tout, il a son empire, il s’en fout des critiques. Dès qu’on le critique, il balance des petits smileys. Le plus gros Youtubeur de France a essayé de l’arrêter net dans sa carrière.

Olivier : Squeezie.

Laurent : Voilà. Il a fait une vidéo pour… et là, on parle de militarisation. Ce qu’il a fait, c’est d’une immoralité monstrueuse. Il a essayé de le détruire en essayant de détruire David Lafarge. Et personne ne lui reproche ça. Pour moi, c’est quand même un truc qui… Je pense qu’il en a pris conscience.

Olivier : J’ai suivi de très, très loin mais en gros, Squeezie avait fait une vidéo qui critiquait le fait que Tibo InShape vendait

Laurent : Oui, 34 € des dédicaces. Et après tu as Marketing Mania qui a fait une vidéo pour expliquer pourquoi ce n’était pas finalement si cher ce qu’il faisait parce que quand tu regardes…

Olivier : Alors oui, j’avais vu cette vidéo, où il avait fait une analyse rationnelle avec du recul, ce que n’avait pas fait Squeezie. OK.

Laurent : C’est ça. Après bon, moi, je ne le ferais pas, je ne veux pas te mentir.

Olivier : Oui, on peut débattre.

Laurent : Je ne le ferais pas.

Olivier : Finalement, ce que tu reproches à Squeezie, c’est d’avoir lancé les gens un peu comme une meute.

Laurent : Voilà. Mais ça, c’était l’époque. Je pense que c’est une époque un peu révolue, j’espère.

Olivier : Les gens n’ont pas eu de recul sur cela aujourd’hui.

Laurent : Sur la militarisation du ragot, des trucs comme ça, on sait que maintenant on a des responsabilités. A partir du moment où tu balances un nom sur YouTube, tu sais que la personne, tu l’amènes au casse-pipe même si ce n’est pas grand-chose. Donc ça, il faut faire attention. Mais bon, voilà, après, c’est le milieu.

Olivier : Et donc, toi qui à la base justement voulais plutôt échapper à ça, cela ne t’a pas arrêté net cette polémique ? Tu ne t’es pas dit…

Laurent : Non, parce que je sais que je suis une bonne personne au fond, tu vois. Je ne suis peut-être pas parfait, je suis comme tout le monde. J’ai mes défauts… et j’avais encore une équipe surtout. J’ai des gens qui croyaient.

Olivier : Tout le monde n’est pas parti en même temps.

Laurent : Tout le monde n’est pas parti. En fait, si, les gens sont partis parce qu’il y a déjà peut-être une nouvelle équipe qui était en éclosion. Et d’avoir toujours des gens qui sont derrière toi dans ces moments difficiles, merci d’avoir une belle équipe, merci d’avoir des gens aussi formidables. Ça, on ne le remercie jamais assez, mais les gens qui se sont retrouvés seuls du jour au lendemain et qui arrivent à rebondir, quelle force ! Quelle force ! On reste des humains, mine de rien. Mais c’est quelque chose qu’on finit toujours par avoir au bout d’un moment, quand on entre dans les entreprises… Même toi, je ne connais pas tous les dramas que tu as eus. Il y a des gens qui te sont rentrés dedans. Il n’y a pas longtemps, il y a un Youtubeur qui a fait un truc sur toi.

Olivier : Ah ! Bon. Je ne sais même plus. Mais j’ai eu un mini bad buzz en 2011 effectivement. Bon, ça, ce n’était pas grand-chose par rapport à ce que tu as vécu, mais c’est sûr. Bon, à l’époque, je n’étais pas préparé, cela fait un peu mal, mais bon. Je ne suis même pas au courant que…

Laurent : Non, ce n’est pas très grave. Il a fait une vidéo sur les gens qui… le business pyramidal, et en fait,

Olivier : Récemment ?

Laurent : Il récite très rapidement. Oui.

Olivier : C’est des arguments de 2012, ça.

Laurent : Oui. Ce n’était pas. Non, après, c’est vrai qu’il y a des gars qui sont dans des métas, des trucs très fermés. Je ne vais pas citer des noms parce que je vais vite, mais c’est vrai où c’est vraiment très caricatural. Mais toi, tu n’es pas trop sur cette approche, c’est pour cela d’ailleurs que je suis là aujourd’hui. Tu restes quand même assez… tu ne fais pas du business pyramidal vraiment, tu n’es pas dans…

Olivier : Non.

Laurent : Pas du tout même. Alors que de loin, le gars, il s’est trompé sur toi quelque part, dire que tu es là-dedans, pas du tout.

Olivier : Oui. Effectivement, la plupart de mes élèves, ils sont dans un domaine qui n’a rien à voir, dans le jardinage, photo, ce genre de trucs.

Laurent : C’est ça qui est bien.

Olivier : D’ailleurs, tu connais Laurent Breillat qui est un de mes élèves justement.

Laurent : Oui.Sur la photo.

Olivier : OK. Donc, tu as réussi à aller de l’avant grâce à ton équipe, ceux qui restaient, mais en même temps, tu te dis « tu as quand même un syndrome post-traumatique ».

Laurent : Ouais.

Olivier : Cela peut faire peur à certaines personnes qui veulent se lancer.

Laurent : Oui.

Olivier : Après, je connais beaucoup d’entrepreneurs web. Il y en a peu qui ont été touchés comme ça, il faut le dire aussi.

Laurent : Oui

Olivier : Est-ce que tu consultes pour cela ?

Laurent : Oui, j’ai eu des psychologues… parce que c’est violent quand même.

Olivier : Mais cela ne t’a pas fait arrêter, tu vois ce que je veux dire. Ce n’est pas non plus traumatique. Cela ne t’a pas été trop traumatique, sinon tu aurais…

Laurent : Il faut savoir se battre aussi. Il faut savoir aussi se relever, machin… parce que si tu te laisses abattre par tes ennemis, ils ont gagné. Et cela m’a donné deux fois plus d’énergie. Les chaînes YouTube, là, l’équipe est trois fois plus grosse, il y a encore plus de chaînes… Cela m’a donné tellement de combativité. Mais en même temps, le soir, de petites angoisses. Mais après, il faut… Je ne pense pas qu’il y ait de… tu vois, beaucoup de gens dans l’histoire, tu sais, ils ont des images dans les livres. Là, je ne veux pas me vanter, etc., mais je pense qu’il y en a beaucoup qui ont traversé des choses horribles

Olivier : C’est sûr.

Laurent : Et qui se couchaient le soir, ils avaient des craintes, ils avaient des horreurs. Elon Musk, peut-être qu’il n’est pas bien le soir. Je ne me compare pas, mais…

Olivier : Oui.

Laurent : Mais quand tu vis de toute façon… tu imagines tous les jours des gens qui craignent. Le pire métier, je pense, doit être président de la République.

Olivier : C’est clair.

Laurent : Tu es un punching ball.

Olivier : Déjà tu es sûr qu’il y a au moins 50% de la population qui te détestent et après tous les autres qui vont être désabusés au bout d’un moment.

Laurent : C’est ça. Et tu es un punching ball. Tu es élu pour être le mec le plus détesté. Et après, bizarrement, au bout de 4-5 ans, on commence à être aimé.

Olivier : Oui, on te respecte, il y a de la nostalgie.

Laurent : Chirac, tout le monde le détestait. A la fin, ah bon, c’est vrai, il a fait une erreur.

Olivier : C’est un bon rigolard, un bon français.

Laurent : Hollande, maintenant, il y en a qui le regrette. Tu vois, enfin, tu te fais détruire, tu attendsun peu et après…

Olivier : Et voilà, c’est ce qui est rassurant aussi, tu sais que ce sont des cycles enfin.

Lauren : C’est ça.

Olivier : Il ne faut pas le prendre trop personnellement.

Laurent : Exactement. De toute façon, ce sont des choses, on passera tous. On y passera tous.

Olivier : À des degrés.

Laurent : À des degrés différents. Comme je te dis, tu sors la tête de l’eau, des gens vont vouloir te la couper.

Olivier : Et donc parlons justement, on va faire une transition vers ton équipe. Aujourd’hui, il y a combien de personnes qui travaillent avec toi ?

Laurent : Alors, il y a des salariés, il y a des freelances, et on doit être une bonne quarantaine.

Olivier : Ah oui, quand même. Pas à temps complet, j’imagine. Pas tous.

Laurent : Non. Alors, ce sont des gens, on a un système où en fait, on respecte bien tout ce qui est code du travail évidemment, où les gens finalement, ils font cela un peu sur leur temps libre, il y en a beaucoup qui font cela. Et les gens qui veulent vraiment s’investir sur du temps plein, ils deviennent salariés. Ils deviennent des salariés, il n’y a pas de soucis avec ça. Cela a des avantages aussi. On parle souvent d’ubérisation… mais alors là, un salarié, c’est la non-concurrence, ce sont des horaires fixes et une disponibilité. Cela coûte un peu plus cher, on ne va pas se mentir, mais derrière, cela a aussi ses avantages. Les deux sont complémentaires.

Olivier : Ils sont tous en France ou tu en as un peu…

Laurent : Non, partout à travers le monde. On peut bosser avec du Maghreb, du Canada, en région au Japon, des choses comme ça.

Olivier : Des francophones expatriés.

Laurent : Voilà, tous francophones évidemment. Mais ils se caractérisent juste par le fait qu’ils sont bons et qu’ils ont un bon état d’esprit, comme un peu shonen, tu vois ?

Olivier : Alors, cela m’intéresse beaucoup de discuter de cela. Moi, j’ai une équipe de quasiment 30 personnes aujourd’hui, tous des freelances, donc pas tous à temps complet.

Laurent : On ne pourra pas faire cela en France.

Olivier : Oui, alors si, si tu prends des freelances qui ne sont pas en France.

Laurent : Oui, c’est vrai.

Olivier : Tout simplement. Là, tu es tranquille. Puis à condition, enfin, si le freelance en question, il a d’autres clients que toi, c’est bon.

Laurent : Oui. C’est ça.

Olivier : Parce qu’ils ne sont pas tous à temps complet. Il y en a qui sont quasiment à temps complet. Mais oui. En plus, ma boîte n’est pas en France, donc je n’ai même pas ce souci-là. Et donc, toi, on est à peu près au même chiffre, un peu plus. Toi aussi, tu as des gens dans le monde entier. Est-ce que tu as des bureaux ?

Laurent : On n’a pas de bureaux.

Olivier : Vous n’avez pas de bureaux, vous êtes comme moi. Est-ce que vous avez les horaires de bureau ?

Laurent : On évite.

Olivier : Donc, tu as un fonctionnement similaire à ce que je fais, c’est intéressant. J’appelle cela une entreprise asynchrone.

Laurent : C’est ça. Il y a quand même un petit meet, une petite réunion tous les jours juste pour mettre au point et c’est tout.

entreprise asynchrone gérer ses équipes

Olivier : Le matin ?

Laurent : Ouais.

Olivier : Tous ensemble, vous faites cela ou tu compartimentes un peu ?

Laurent : On s’est compartimenté. Et ce n’est pas tout le temps moi qui m’en occupe, il y a des gens aussi qui font le relais. Donc, c’est plutôt pas mal.

Olivier : D’accord. Alors, comment tu fais si les gens sont dans le monde entier pour qu’ils puissent participer à la réunion ?

Laurent : Il y en a qui ne participent pas évidemment, mais ce n’est pas très grave.

Olivier : C’est en fonction des possibilités.

Laurent : Oui, c’est ça. Oui, ça marche. Aujourd’hui, on a vraiment pas besoin de tout ça, le bureau, des choses comme ça. Oui, le bureau.

J’ai une entreprise à côté de celle-ci, de YouTube, qui est dans un milieu qui n’a pas trop à voir, et là, il y a avait des grands bureaux, il y a une vraie équipe… Et cela a quand même des avantages parce que tu deviens un lieu de sociabilité. Malheureusement, pour être embauché en « full télétravail », il faut des geeks. Il faut des gens qui aiment bien, qui n’ont pas besoin de beaucoup sortir. Il faut des introvertis.

Olivier : Il faut des gens, ce n’est pas pour tout le monde, et cela ne marche pas pour les gens qui ont besoin de la socialisation automatique qu’apporte l’entreprise.

Laurent : C’est ça.

Olivier : Si tu ne peux pas avoir des amis en dehors de l’entreprise, c’est compliqué pour toi.

Laurent : On oublie quand même beaucoup de choses, mais aujourd’hui, on est en train de mettre la règle du no zob at job, mais on en oublie quelque chose, les statistiques.

Olivier : Attends, no zob at job, c’est-à-dire c’est quoi ?

Laurent : Pas de relation amoureuse au sein du travail. Alors qu’il me semble qu’en France, plus de 50 % des relations, enfin pas de cette génération mais de la génération d’avant, il faudrait que j’aie la statistique exacte.

Olivier : Se rencontrent au travail.

Laurent : Sur le lieu de travail.

Olivier : Aujourd’hui, c’est sur l’Internet.

Laurent : Maintenant, on met notre « zob at job », mais du coup, c’est un lieu de sociabilité quand même où tu peux te faire des amis, tu peux faire des choses comme ça. Et ce n’est pas forcément évident pour tout le monde de sociabiliser sur faire des rencontres sur Tinder, te sociabiliser sur comment on se fait des amis. Il y a des livres.

Olivier : Absolument, ce n’est pas un modèle pour tout le monde.

Laurent : Non, c’est ça. Donc, le travail peut pas mal aider à ça.

Olivier : Oui, il y a des avantages et des inconvénients à tout, c’est sûr.

Laurent : C’est ça.

Olivier : Mais donc, toi, malgré cela, tu ne veux pas de bureau. Donc, moi, j’appelle cela entreprise asynchrone. Et personnellement, je décourage, enfin, on décourage activement les communications en temps réel. Cela ne veut pas dire que c’est interdit, mais on essaie d’éviter un maximum. Toi, ce n’est pas le cas. Les gens peuvent s’appeler, se faire des réunions entre eux. Ce n’est pas grave.

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : D’accord. OK. Intéressant.

Laurent : Il ne faut pas trop le faire. Après, nous, on est aussi sur des Slack, Discord, des choses comme ça, ce qui fait que les gens sont tout le temps un peu en communication.

Olivier : Tu n’utilises pas Asana ?

Laurent : Je ne connais même pas.

Olivier : D’accord. C’est le logiciel que j’utilise pour organiser tout le monde. C’est un logiciel de gestion de tâches et de projets pour l’équipe. Donc, tu utilises Slack, Discord. Il y a d’autres outils que tu utilises ?

Laurent : J’utilise Discord, mais Slack, cela marche aussi.

Olivier : OK.

Laurent : Non. Il y a quoi d’autre ? Notion, c’est bien.

Olivier : Oui. Notion. Donc, c’est comme Evernote mais en partagé, avec beaucoup de choses finalement. Cela ressemble un peu à Asana, mais il manque certaines fonctions.

Laurent : Moi, j’aime bien, tu peux bouger par bloc les morceaux de texte.

Olivier : Et tu as commencé dès le début comme ça ?

Laurent : Non. Il faut du temps. Au début, tu fais n’importe quoi.

Olivier : Je veux dire au début, enfin. Dès le début, tu avais la vision, je ne veux pas de bureau, les gens travaillent de n’importe où.

Laurent : En fait, quand tu bosses dans un milieu geek, je suis un gros geek, je ne sors pas tant que ça. Mais je ne joue pas beaucoup aux jeux vidéo. Je ne joue même plus aux jeux vidéo depuis trop longtemps.

Olivier : Non. Tu es geek dans le sens où tu vas vraiment te plonger à fond dans quelque chose.

Laurent : J’adore être chez moi, voilà, introverti de ouf.

Olivier : OK.

Laurent : Mais je suis un faux extraverti. J’adore être avec des gens et tout en soirée, machin… mais pas trop longtemps. Il faut recharger la batterie.

Olivier : Tu sais quelle est la différence entre introverti et extraverti ?

Laurent : Non.

Olivier : Je crois que c’est la définition de Carl Jung. A chaque fois, je ne prononce pas bien son nom, il disait que les introvertis, c’est ceux qui rechargent leur batterie seuls et les extravertis, ceux qui rechargent leur batterie quand ils sont avec les gens.

Laurent : Ah, ben voilà.

Olivier : Donc, tu peux être un introverti qui adore aller en soirée, mais au bout d’un moment, tu dois partir pour pouvoir te recharger.

Laurent : C’est bien. Je ne savais pas. Je suis un vrai introverti alors à 100%.

Olivier : On peut être un introverti qui n’est pas du tout timide. Moi, je suis introverti aussi. J’ai besoin d’être seul pour pouvoir me ressourcer.

Laurent : Après une soirée, il me faut trois jours avant de m’en remettre, entre guillemets. Donc, oui, je bosse avec des gens qui sont plutôt autonomes.

Olivier : Oui, cela aide aussi. Je veux dire, tu n’as pas ce besoin non plus d’être avec ton équipe en permanence physiquement.

Laurent : C’est cela. Mais tu vois, contrairement, comme je te dis « c’est un modèle qui peut marcher. » Tu le vois, par exemple, Poisson Fécond, il a un modèle full.

Olivier : Il a un bureau incroyable d’ailleurs.

Laurent : Full bureau.Et je pense que lui, il est peut-être plus heureux que moi. Après, cela dépend du machin parce que lui, son équipe, c’est un peu sa famille, c’est un peu son machin et vraiment.

Olivier : Il y a une excellente ambiance.

Laurent : Les employés sont des petits gâteaux, ils discutent entre eux. Il y a une émulsion. C’est beau aussi ce qui se passe là-bas. Cela apporte d’autres problématiques, c’est sûr. Donc, le modèle marche aussi, cela dépend des gens qui y travaillent. Qui tu es toi en tant que founder, en tant que les gens de ton équipe et ça.

Olivier : Donc aujourd’hui, dans ton entreprise, tu fais quoi ?

Laurent : Moi, personnellement ?

Olivier : Oui.

Laurent : Je travaille énormément, bizarrement, alors que je fais beaucoup moins de tâches longues. Plein de petites tâches courtes parce qu’il faut gérer les gens, les plannings, les machins comme ça, la correction. Je travaille toujours les textes, c’est-à-dire qu’on a des rédacteurs qui rédigent les textes et je repasse toujours dedans, ce qui est une source de conflit parce qu’un texte, c’est une œuvre, tu as écrit quelque chose. Et les gens ont beaucoup de difficultés à se détacher du fait : ne touche pas à mon chef d’œuvre, je voulais terminer, j’ai mis le dernier mot, le point, machin. Cela peut être une source de conflit parce que tu as ta vision aussi « d’une ligne éditoriale », donc, tu arrives et des fois, tu effaces des trucs. Le gars, j’amène les 10 pages, il m’en retire. Je retire, je retire, je retire, j’ajoute, j’envoie des trucs, il faut mettre ça, il faut mettre ça. Je re-rédige des paragraphes. Aujourd’hui, mon équipe est habituée, mais quand tu arrives, c’est un peu bizarre.

Olivier : Tu as un rôle vraiment éditorial.

Laurent : Oui. Complètement. Plutôt l’éditorial.

Olivier : Mais tu ne crées plus de contenu toi-même ?

Laurent : J’en fais de temps en temps des vidéos de zéro, mais c’est plutôt rare. Généralement, au début, la vidéo a déjà une première forme et je la retravaille derrière. On parle quand même, cela peut partir sur 10h de travail sur un texte. Donc, ce n’est pas non plus, ce n’est pas genre je corrige des fautes d’orthographe. Et derrière la voix. Et derrière, je bosse sur tout ce qui est graphique, miniature… c’est moi qui fais tout ça puisque j’adore Photoshop.

Olivier : D’accord. C’est plus une passion, tu pourrais aussi le déléguer.

Laurent : Je pourrais le déléguer.

Olivier : Assez facilement.

Laurent : Mais je kiffe trop et je suis rapide là-dedans. On m’a toujours dit de déléguer ce qu’on savait bien faire, mais c’est le truc que j’aime trop en fait.

Olivier : C’est ta boîte, tu fais ce que tu veux.

Laurent : Voilà aussi.

Olivier : T’as le droit de t’amuser un peu quand même.

Laurent : C’est ça.

Olivier : Donc, c’est toi qui fais les miniatures ?

Laurent : Oui. Tout. Ça, c’est 100%. Et après, oui, je pense, l’organisation marche assez ; même si je pense que je suis encore trop important et que j’aimerais être moins central si je meurs demain. Ça me travaille ça.

Olivier : Ah ! Tu veux que la boîte continue.

Laurent : Oui, je veux qu’elle vive parce qu’elle a une mission, c’est de faire l’encyclopédie du savoir, c’est d’amener des connaissances, des choses comme ça. Et de savoir que demain, si j’ai un accident… Il n’y a pas très longtemps, je me suis fait cartonner par une voiture. Toi, tu arrives, je vole, tu sais, le temps qui se ralentit.

Olivier : Toi, en tant que piéton.

Laurent : Non, je fais du vélo, je n’avais pas mon casque. Et quand tu voles, tu as tout le temps le temps qui se ralentit, tu as le temps de penser à beaucoup de choses. Et ça s’est bien passé. Bon, un peu encore mal, mais je peux mourir. Et de savoir que l’organisation serait tellement mal faite qu’elle ne me survivra pas, me hante. Je ne sais pas pour toi, toi aussi, est-ce que tu as pensé à ça ?

Olivier : Je t’avoue que non, pas assez. Même si je sais bien qu’en théorie, ta boîte doit pouvoir te survivre, cela veut dire que ton organisation est bien faite. Normalement, on peut t’enlever de l’ordre de l’organigramme et ça se passe bien.

Laurent : Disney, il est mort, c’est que ça a continué. Tu vois ? Et d’arriver à faire ça, c’est fort parce qu’il y a des trucs, même parfois les gens ne sont pas les bons accès, machin… tu peux vraiment finito. Et il faut donner cet état d’esprit pour que cela continue. Il faut donner des valeurs fondatrices Disney, ils ont encore les valeurs du fondateur qui marche encore.

Disney, c’est vraiment un des plus grands chefs d’entreprise qui n’ait jamais existé pour que ça dure aussi longtemps. Il vit encore dans son entreprise. C’est comme ça qu’on devient immortel.

Je rappelle toujours aux gens qu’il y a un jour, quelqu’un pensera à eux pour la dernière fois et puis plus jamais. Donc ça, il faut y penser. On vit dans le temps. Tu sais, il y a un truc qui n’est pas mal, c’est que tu connais le principe de mème, j’en suis sûr.

Olivier : Des mèmes.

Laurent : Pas des, du mème, parce qu’à la base, tu as les gènes et tu as les mèmes. Le gène, c’est toi, tu vas te reproduire.

Olivier : Ah !Tu veux dire les idées quoi.

Laurent : En fait, c’est le gène de l’idée.

Olivier : Oui, c’est cette idée que les idées finalement elles ont leur vie propre et qu’elles infectent leurs hôtes et que les meilleures idées vont survivre et se reproduire.

Laurent : C’est ça. En fait, la seule chose qu’on peut laisser au monde, ce sont des gènes en te reproduisant et des mèmes, des idées qui n’ont pas traversé le temps. Elles ne t’appartiendront plus. Comme ce qui nous constitue. C’est un mec qui a 100 ans, il faisait peut-être des trucs de dingue, on ne le sait pas, mais il perdure encore en nous. C’est ce qu’on peut nous souhaiter quelque part. C’est comme ça qu’on atteint une immortalité. Pour en discuter, ça peut être un genre d’immortalité parce qu’on est tous les deux passionnés de…

Olivier : De transhumanisme, de longévité.

Laurent : Ça, par contre, j’assume totalement le fait que je suis un transhumaniste même si ce que je viens de dire, dans 10 ans, je pense que ça va m’avoir des ennuis.

Olivier : Tu crois ? Je pense qu’on va en faire une parenthèse. Mais effectivement, on va vers une polarisation forte parce que là aujourd’hui,

Laurent : Biconservateur

Olivier : Ça paraît très théorique, mais cela va devenir un vrai sujet de société

Laurent : Très politique.

Olivier : Parce qu’il y a les technologies qui arrivent des amis, d’extension de longévité là dans les années et les décennies à venir, ça va…

Laurent : On n’est pas mal branché.

Olivier : Ouais. C’est clair que là, il y a des milliards qui sont mis dedans tous les ans de manière exponentielle. Mais bon, c’est clair.

Laurent : J’en ferai des vidéos de toute façon.

Olivier : De toute façon, s’il faut se battre à un moment dans les discours pour ou contre, moi, je serais pour.

Laurent : Moi aussi.

Olivier : Nous ferons déjà une alliance.

Laurent : On va se faire détruire.

Olivier : En même temps, on sera là pour essayer d’argumenter.

Laurent : Oui, on va essayer d’argumenter.

Olivier : On verra bien.

Laurent : On est d’ad hominem, tout ça.

Olivier : Mais oui, je sais bien que dans mon audience par exemple, il y a des gens qui vont dire « mais non, le transhumanisme, c’est horrible, tout ça », je ne suis pas d’accord. Mais on pourra en discuter, ce n’est pas le sujet de la vidéo.

Laurent : Tu feras un bouquin. Tu liras un bouquin, tu feras le résumé.

Olivier : Alors, j’ai déjà un projet de deuxième livre. Oui, c’est après. Et donc, du coup, tu disais : aujourd’hui, finalement, tu fais surtout le rôle éditorial, tu fais les vignettes parce que ça te plait. Mais tu as quand même cet objectif de ne plus être indispensable. Est-ce que tu as d’autres choses que tu fais ? Tu gères ton équipe, donc tu es manager aussi ou pas ? Ou quelqu’un manage ton équipe pour toi ?

Laurent : Il y a du management quand même aussi dans mon équipe. Ça, c’est un truc, il faut savoir déléguer, se détacher de l’image du founder… Donc ça, ça tourne bien. Cela tourne finalement comme une entreprise assez classique.

Olivier : C’est toi qui recrutes ou pas ?

Laurent : Oui.

Olivier : D’accord. Tu sais, moi, j’ai délégué cette tâche maintenant.

Laurent : C’est courageux.

Olivier : J’ai mon bras droit qui fait cela pour moi.

Laurent : C’est courageux parce que tu connais le principe.

Olivier : Non, quoi ?

Laurent : J’ai été un peu tendu d’en parler, mais les gens recrutent toujours des gens moins bons qu’eux. Et plus tu délègues ton recrutement, plus ça va vers le bas.

Olivier : Écoute, je suis très content du travail de mon bras droit, mais OK.

Laurent : Et c’est un truc que… Après, il faut bien un moment où cela se passe, mais non, c’est… puisque finalement, en plus, je suis assez peu sensible par rapport au CV.

Olivier : Alors, c’est une de mes questions. Tu regardes le CV des gens que tu embauches ou pas ?

Laurent : Ah, non, je n’ai même pas de CV. Par contre, je fais un truc moi, ce sont des tests. En France, il faut faire attention puisqu’il y a aussi une légalité, il ne faut pas que ça soit du travail. Donc, il faut que ce soit court dans le temps, il y a un vrai code du travail.

Olivier : Tu peux rémunérer le travail fait pendant des tests, non ?

Laurent : C’est ce que je fais en partie. En gros, c’est que je fais en plusieurs phases le test parce que moi, quand c’est un recrutement, c’est 8000 candidatures.

Olivier : Waouh ! Parce que tu préviens ta communauté ?

Laurent : Oui. C’est en ligne, puisqu’il y a un petit post. Donc, tu as entre 6 000 – 8 000 candidatures.

Olivier : Oui, ce n’est pas une vidéo, c’est dans tes réseaux.

Laurent : C’est ça. Après, c’est un robot, on a codé un truc qui élimine par exemple déjà les mineurs. Oui. Bon, ça oui, tu ne peux pas être salarié, désolé. Enfin, tu peux. Techniquement, tu peux à 16 ans, machin, mais c’est un peu compliqué. Et donc, tu élimines les gens qui n’ont pas les compétences, les machins, comme ça. Mais, effectivement, il y a quand même une case où je demande ce qu’ils ont fait dans leurs études, mais je n’ai jamais pas recruté quelqu’un parce qu’il n’avait pas le… il a fait la bonne école, je n’ai rien à foutre, tu vois. C’est plutôt comment il va l’écrire, comment il va prouver qu’il est bon.

Olivier : Je suis d’accord.

Laurent : Mais malheureusement, comme tu dis. Enfin le problème, c’est que la façon, dont les recrutements sont codifiés en France ne te permet pas tant que ça de te détacher du CV puisque c’est presque obligatoire, légalement. Et malheureusement, un bon test, bien fait, c’est quand tu recrutes un codeur, tu t’en fous qu’il ait fait EPITA Bac + 5. Tu veux faire un test de code ?

Olivier : Absolument.

Laurent : Mais ça, tu ne peux pas, tu restes limité dans le temps.

Olivier : Moi personnellement, je n’ai pas ces contraintes-là parce que je ne suis pas en France. Et de toute façon si j’étais en France, la plupart des gens que je prends, ils ne sont pas en France. Déjà, je n’ai pas de souci. Mais bon par contre j’ai envie que ça soit juste, tu vois, ce n’est pas normal de donner du travail que tu vas utiliser après à des gens.

Laurent : Oui. Ça, on ne fait jamais cela.

Olivier : Voilà. Moi non plus. Mais ce que je fais, c’est que je propose un test rémunéré tout simplement. Je les paie quelques heures pour qu’ils fassent leurs tests dans les meilleures conditions et qu’ils ne se sentent pas non plus, qu’ils se sentent aussi bien par rapport à ça et puis je vais juste choisir le meilleur.

Mais donc, cela m’amène à une question que je me pose depuis tout à l’heure parce que toi, là, tu parles beaucoup de contraintes réglementaires françaises et tu dis en même temps que ta boîte, elle est entièrement dans le Cloud et que tu n’as pas de bureau.

Laurent : Oh la la, la question, je la sens.

Olivier : Et on sait bien qu’il y a énormément d’influenceurs qui ne sont plus en France, notamment qui sont à Dubaï comme je le suis ou dans d’autres pays. Qu’est-ce qui fait que tu restes en France ?

Laurent : C’est une vaste question. Déjà, j’aime bien ce pays.

Olivier : Oui. C’est une bonne raison.

Laurent : Il y a des petits problèmes, c’est sûr. Je vis ma vie ici, j’ai mes amis ici. Puis, j’aime bien payer des impôts juste raisonnables. Après, chacun met la barre.

Olivier : Tu trouves qu’ils sont raisonnables en France ?

Laurent : Non.

Olivier : Mais, donc…

Laurent : Non, mais après, tu vois, il y a toujours… Moi, je paie beaucoup d’impôts quand même, je ne vais pas te mentir et c’est… je paie bien quoi. Et comment dire ? Je suis content d’aider mon pays, je suis content d’aider les gens. Je ne veux pas faire trop de démago évidemment, mais finalement, tu quittes ton pays où tu seras enterré.

Olivier : Oui. Alors, juste parenthèse, quand on s’est rencontré récemment puisque Benoît de BonneGueule nous a mis en contact, on a fait une soirée ensemble, c’est littéralement la première question que tu m’as posée parce que je t’expliquais que cela faisait 10 ans que je voyageais 6 mois par an, que maintenant, j’étais à Dubaï, qu’avant, j’étais à Londres. Et tu m’as demandé « Où est-ce que tu vas mettre ta tombe ? » Je trouvais cela intéressant. Et je t’ai répondu « Ce sera sur la Lune ou sur Mars » parce que je préfère regarder vers l’avenir que vers mon passé.

Laurent : Oui, mais c’est super. Après, moi, j’ai un côté un peu peut-être vieux jeu, mais j’aimerais bien être enterré en France.

Olivier : D’accord.

Laurent : J’aime bien ce territoire, j’aime bien les gens.

Olivier : Pour un transhumaniste, tu n’as pas envie d’être dans l’espace ou… Parce que dans le transhumanisme, il y a quand même cette notion de rupture avec le passé et tout ça. Quelqu’un qui est transhumaniste, c’est quelqu’un qui pense que le corps n’est pas sacré, qu’on peut modifier et qu’on peut transcender cela son humanité.

Laurent : Mais là, on revient aux mèmes et aux gènes. Ça, c’est assez concret et cela perdure à travers les siècles. On est le fruit de tout cela, donc on peut le perpétuer sans que… il y a des choses va changer, c’est sûr. Mais après, être sur Mars, dans la Lune, c’est du symbole. Finalement, ce que tu vas faire, c’est qu’un jour, déjà tu vas te recracher sur terre probablement et peut-être que tu vas péter le futur Hubble. Olivier Roland, bam.

Olivier : Sur la Lune, non, mais oui. C’était une image. C’est juste pour dire que finalement, c’est une question intéressante pour moi.

Laurent : Oui, c’est ça

Olivier : Oui. Je ne voyais pas forcément l’intérêt d’être…

Laurent : Mais le territoire pour moi…

Olivier : Ou je serais dans le métaverse ?

Laurent : Oui. On peut. Tu peux vivre, tu peux survivre là-dedans aussi. Mais pour moi, le territoire n’est pas tant… Tiens, on dit souvent transhumanisme, mondialisation, on fait peut-être un amalgame de tout ça, en réalité, cela peut très bien se territorialiser. Et tu le vois aujourd’hui, par exemple, je ne vais pas faire de hors sujet, mais l’agriculture va redevenir un sujet central. A un moment, il faudra la déconstruire. Parce que les agriculteurs, c’est sacré en France. Respect énorme à eux parce que cela ne va pas durer. Le problème, c’est que les gens ne veulent plus tant que cela devenir agriculteurs et ça va être compliqué de recruter. Ils sont obligés de faire des émissions de télé pour trouver.

Olivier : Cela va être robotisé finalement.

Laurent : On va être obligé à un moment de dire « les agriculteurs, c’est la fin ». Ce n’est pas parce qu’on ne va pas les virer, c’est juste qu’à un moment, il faudra avoir le courage politique de dire « Vous êtes importants, vous êtes le symbole de ce pays-là, mais en fait, vous n’êtes plus assez nombreux et la nouvelle génération ne se renouvellera plus. »

C’est comme tout à l’heure, on en parlait. On l’a fait très rapidement mais pourquoi le nucléaire va décroître ? Ce n’est pas parce que ce n’est pas une bonne technologie, c’est parce que c’est un milieu qui a des difficultés à recruter. Aujourd’hui, tu as un fils, ou tu es jeune, tu as 20 ans, est-ce que tu vas faire des études ingénieur nucléaire en sachant que s’il y a un candidat qui passe, tu n’as plus de job ? Tu peux t’exporter, mais c’est un milieu tellement sensible militairement qui ne recrute pas trop. C’est un peu compliqué. Donc, c’est un milieu qui va mourir de par son genre. Et d’ailleurs aujourd’hui, on dit 50% de nucléaire en France, ce n’est même plus tant possible que ça parce qu’on n’a pas les gens pour construire ces centrales. On va être limité à 30%.

Olivier : Oui, parce que c’est toi qui avais visité une centrale. Tu m’avais envoyé une vidéo et tu disais que tu avais rencontré un ouvrier dans cette centrale qui, en gros, était à la retraite quasiment.

Laurent : Oui. C’est ça.

Olivier : Et que tu dis, il n’y avait pas de renouvellement pour cette personne-là.

Laurent : C’est ça. Et en fait, ce sont plusieurs choses. C’est que j’avais rencontré un mec, un ingénieur là-bas : enfin un jeune. Waouh ! La violence de ce truc, ce n’était que des vieux. Il y avait un seul jeune dans le machin, ils nous présentaient en mode « Regardez », comme des chiens qui amènent… Regardez, vous êtes deux jeunes ! Non, mais tu vois, c’était vraiment en mode… J’ai halluciné, mais en même temps, tu as des trucs par l’intérim. Il y a par exemple un ouvrier, tu discutes avec lui, il te dit « c’est un pestiféré, il est nucléaire, il est radioactif ». C’est un milieu qui a beaucoup de difficultés à recruter. Même s’il y a du travail de force ou qu’ils ne demandent pas des diplômes Bac+5, etc., les gens ne veulent pas le faire parce qu’après ils ont une sale image, alors qu’ils sont super contrôlés en vrai. Tu vois, les doses de radiation, tu prends l’avion, les hôtesses de l’air sont je crois deux fois plus irradiées que des travailleurs dans le nucléaire.

Olivier : Parce que tu es dans l’atmosphère, tu as moins de protection.

Laurent : Voilà. Mais c’est violent. C’est genre quand tu fais un voyage, je crois que c’est 150 ou je ne sais plus combien microsieverts. C’est violent. Les ouvriers sont beaucoup mieux gérés que ça. Donc les idées reçues, tout ça, cela fait du mal à ce métier-là et ça va être pareil pour l’agriculture. Ce sont des métiers qui vont finalement devoir être remplacés par le fait qu’il n’y a plus tant de gens que ça qui veulent le faire.

Olivier : Ce n’est plus sexy.

Laurent : C’est ça. Mais demain, va être un homme politique dire « il faut un plan de 2 milliards pour remplacer les agriculteurs », va oser dire ça en France.

Olivier : Tu sais qu’un de mes élèves, c’est Thierry Baillet qui a une chaîne qui s’appelle « Agriculteur d’aujourd’hui », il a, je crois, plus d’un million d’abonnés aujourd’hui, il faudrait que je regarde. Et oui, il a juste mis sa GoPro dans son tracteur et il a dit « voilà, je vais vous montrer comment on plante des patates » et ça a cartonné. Il faudrait que je lui demande d’ailleurs s’il pense… Tu t’appuies sur des chiffres quand tu dis que tu penses qu’il ne va pas y avoir assez de renouvellement.

Laurent : Oui. Alors, je ne les aies plus, mais il y a des courbes qui existent.

Olivier : OK, on essaiera de mettre des sources.

Laurent : Déjà, tu vois, c’est un des… où il y a le plus de réussite.

Olivier : Tu sais, ce qu’il a lancé ? D’ailleurs, c’est intéressant parce que ce qui a motivé Thierry à lancer sa chaîne, c’est qu’un jour son fils est revenu en pleurs de l’école et comme il le dit « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? », son fils lui a dit « On m’a traité de fils de paysan ».Et là, il s’est dit « Mon Dieu, mais les gens ont une image de notre métier qui est vraiment horrible. Je vais la changer. »

Laurent : Oui, c’est ça. C’est ça qu’il faut faire. Et moi, je ne supporte plus les idées reçues. C’est un truc, ça me… Dès que j’en vois une, j’ai envie de tout casser, vraiment c’est un truc.Tout est en nuance dans ce monde.

Olivier : On voit cela dans tes vidéos, c’est cela qui m’a donné envie de t’interviewer. Tu as vraiment cette … Et on sent que c’est ta mission, tu as envie d’apporter plus de vérité et de respect et de nuance…

Laurent : Pour moi, le bien et le mal n’existent pas. Tu peux tendre vers des choses.

Olivier : Et plus Game of Thrones que le Seigneur des Anneaux quoi.

Laurent : Oui, si on veut. Oui. D’ailleurs, je n’arrive même plus à regarder des films américains.

Olivier : Ouais, c’est un peu trop.

Laurent : C’est du caricatural et…

Olivier : Les super héros, c’est horrible. Le Seigneur des Anneaux, quand on y pense, c’est vraiment n’importe quoi. Les ennemis sont même tellement moches et repoussants que tu ne peux jamais les aimer.

Laurent : C’est un peu cela. Mais de toute façon, tu regardes. Un jour, peut-être j’en ferais une vidéo, mais tu regardes Star Wars, les méchants, l’empire, ce n’est que des blancs gainés avec des cheveux plaqués,

Olivier : Complètement déshumanisés.

Laurent : Tout comme ça.

Olivier : En tout cas, les films originaux, oui.

Laurent : Oui, c’est ça.Alors que les rebelles, c’est coloré, ça bouge, ils marchent quand même. Mais quelle image ! Tu crées de l’image avec ça. Je ne pense pas que les… mais ils tuent aussi des gens les rebelles.

Olivier : Oui, on peut les voir comme des terroristes d’ailleurs.

Laurent : Oui voilà, c’est ça.

Olivier : Cela dépend de ton point de vue.

Laurent : De ton point de vue… Et en fait, j’aime bien apporter de la nuance, et expliquer n’est pas excuser, il faut le dire. Tu peux mettre de la nuance partout, sur des sujets dont on n’abordera peut-être pas, mais tu peux nuancer beaucoup de choses.

Olivier : Mais alors pour revenir, tu veux rester en France parce que tu aimes bien le pays et c’est tout quoi.

Laurent : Oui, c’est à peu près tout et peut-être

Olivier : Cela ne te tente pas, tu ne dis pas, un jour, je vais peut-être aller…

Laurent : Moi, j’aimerais bien vivre…

Olivier : C’est aussi une expérience, ce n’est pas seulement fiscal et…

Laurent : Je suis d’accord. Mais si je devais le faire, finalement, je garderais tout en France. Mais c’est vrai que oui, tu peux facilement partir ailleurs quand tu le peux.

Olivier : Juste, tu ressens vraiment une loyauté envers le pays qui fait que tu…

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : OK. D’accord.

Laurent : C’est plutôt ça. Et après aujourd’hui…

Olivier : Tu te dirais « patriote » ?

Laurent : Je ne sais pas, non.

Olivier : C’est un mot un peu fort peut-être.

Laurent : Oui, le mot est fort, mais… Non, c’est un attachement au territoire de tes ancêtres. Voilà, c’est tout. Et je ne vous pousse pas, tu vois, il n’y a pas de drapeau français, il n’y a pas de machin. Je ne suis pas extatique là-dessus, mais c’est aussi un respect pour les gens, pour ceux que tu as rencontrés. Finalement, mes abonnés, quelque part, « ils sont à l’école grâce à la génération d’aujourd’hui ». Tu as un cycle et ils se… mais un petit comme ça ». Donc, c’est moral. Après, c’est toujours une question de proportion. Peut-être qu’il y a des abus. Il y a sûrement en France deux ou trois abus de l’administration. Mais ça se corrigera peut-être.

Olivier : On espère.

Laurent : On espère.

Olivier : Au final, on sent quand même une vraie passion. Tu adores être entrepreneur ?

Laurent : Après, est-ce qu’Youtubeur, c’est un entrepreneur ? C’est une vaste question.

Olivier : Tu as quand même une équipe de 40 personnes.

Laurent : Oui, mais finalement, c’est quoi ? C’est ce côté artiste ? C’est ce côté chef d’entreprise, de PME classique finalement, tu vois ?

Olivier : Comment tu te définirais alors ?

Laurent : Je n’arrive pas à me définir.

se créer une identité entrepreneur du web métier

Olivier : C’est vrai que moi, quand on me demande mon métier, c’est toujours un peu compliqué parce que c’est une sorte de croisement de plein de choses finalement. Mais par contre, je me définis comme un entrepreneur. Parce que finalement, un entrepreneur, si tu regardes, le mot, c’est quelqu’un qui entreprend.

Laurent : Oui. C’est vrai.

Olivier : Qui crée quelque chose.

Laurent : C’est comme les gens, ils adorent être startup, mais ce sont des PME.

Olivier : Oui, d’accord. Mais entrepreneur, c’est plus large que startup ?

Laurent : Oui, c’est vrai. On l’associe souvent à cela, mais c’est vrai que c’est différent. Oui, on peut dire ça.

Olivier : Je veux dire, la personne qui a une épicerie de quartier, c’est un entrepreneur.

Laurent : Oui, on peut. Si ça te dit, oui, dans cette définition-là, oui.

Olivier : On va plutôt dire commerçant dans son cas, mais quand même, il a une entreprise.

Laurent : Mais un boulanger qui commence, ce n’est pas une startup.

Olivier : Non, ça, je suis d’accord. Mais là, je trouve que startup, justement, c’est plus précis et cela ne s’applique pas à tout le monde. A la base, une startup, c’est plutôt dans les nouvelles technologies, c’est plutôt sur Internet.

Laurent : C’est quelque chose qui est censé être scalable.

Olivier : Scalable à très, très haut niveau.

Laurent : Mais un boulanger, c’est scalable techniquement. Enfin, tu peux… où il y a des franchises, il y a des choses comme ça.

Olivier : Oui, mais c’est trop. Tu vois, j’ai beaucoup voyagé. J’ai voyagé pendant 6 mois par an pendant plus de 10 ans, j’ai vu des Paul partout dans le monde. C’est incroyable. Tu connais la boulangerie Paul ?

Laurent : Oui. Paul.

Olivier : Il y en a à Tokyo, à Kyoto, à Dubaï. J’en ai vu, je ne sais plus où, mais vraiment partout. Et moi, je viens de Lille et la boulangerie initiale est juste à côté de ma maison natale. C’est fou quoi.

Laurent : Ça commence là-bas.

Olivier : Oui. Je ne savais pas, tu vois, mais en me baladant dans le monde, je dis « mais en fait, c’est une super franchise ce truc, c’est un beau succès. » Mais ce n’est pas une startup. Pour moi, c’est juste une boîte traditionnelle qui a bien fonctionné.

Tu te verrais redevenir salarié ?

Laurent : Il y a des conditions quand même un peu, entre guillemets. Déjà, je pense que je suis quelqu’un un peu de, en gros, quand j’étais jeune, j’étais certifié autiste. Techniquement, je suis censé l’être encore même si je ne le suis plus.

Olivier : Pourquoi tu dis techniquement ?

Laurent : Parce qu’en fait, « on ne guérit pas » de ça. Mais je ne le ressens plus tant. Avant, j’étais vraiment… je faisais des trucs vraiment. Je ne vais pas trop en parler, mais j’étais un peu bizarre. Et le truc, c’est que mes parents se sont inquiétés puisque j’avais des épisodes un peu violents… Et aujourd’hui, je ne le ressens plus trop. On me dit de temps en temps « tu es bizarre, tu fais un truc ». Je peux me mettre très vite en colère, ou de voir, de ne pas être à l’aise dans une situation sociale dans laquelle je n’ai pas déjà analysé socialement comment cela va se passer. Là, les interviews, je suis tranquille parce que j’en ai déjà fait. Une rencontre avec une fille, je sais, j’ai déjà fait. Mais tu vois, j’ai besoin que tout soit déjà…

Olivier : La première fois, c’est un peu stressant pour toi.

Laurent : Voilà, c’est compliqué. Toutes nouvelles situations. Mais j’adore quand même cela aussi. Il y a un côté, je sais que je vais me rater, j’y vais, et dès que j’ai les codes, c’est bon, à l’aise vraiment. Tu me mets sur une scène avec 5000 personnes, je n’aurais aucun souci parce que je l’ai déjà fait. Mais la première fois, c’était chaud.

Olivier : Après, il y a beaucoup de personnes qui vont avoir la même peur que toi, qui ne vont pas se dire autistes, donc…

Laurent : Non. C’est juste un truc par rapport aux interactions sociales en général.

Olivier : Il y a quelque chose qui t’a aidé à t’améliorer ?

Laurent : Oui. Les livres, j’ai beaucoup lu à une époque et le développement personnel. Mais tu sais, ce sont des trucs, il faut le dire aussi. Là, ce n’est plus trop assimilable aujourd’hui, mais j’adorais les sites de séduction parce que c’était des trucs de geek.

Olivier : C’est-à-dire les sites pour apprendre à cela ?

Laurent : Oui. Mais c’était vraiment à un niveau même… En fait, c’est quand tu réfléchis, ça n’a aucun sens. Si la fille fait ça, alors c’est X – Y, machin.

Olivier : Là, c’est un peu de la programmation.

Laurent : C’était de la… mais cela m’a beaucoup aidé. Cela m’a beaucoup aidé parce que j’étais terrifié des filles. J’avais peur, peur, peur.

Olivier : Non, mais j’étais dans le même cas.

Laurent : Et en fait, les sites de séduction, aujourd’hui, c’est très mal vu parce que cela met des comportements qui semblent mettre mal à l’aise les filles et tout. Je peux tout à fait comprendre. Et ça, tu sais, les choses doivent évoluer aussi avec leur temps. Et comme on disait, il y a toujours un abus. Si aujourd’hui, il y a autant de problèmes de harcèlement de rue… c’est qu’aussi à une époque, on nous disait sur ces sites-là quand tu étais un jeune geek, franchement, si tu n’y vas pas, tu es nul. Les jeunes geeks de 18 ans – 20 ans, il fallait absolument aborder les filles dans la rue. Aujourd’hui, je ne le fais même plus. Je ne parle pas beaucoup aux filles, j’avais trop peur pour ça.

Olivier : Moi, j’ai fait ça aussi. Tu n’as pas fait dans la rue, du coup ?

Laurent : Je l’ai fait.

Olivier : Moi, je trouve que ça forge. Puis, tu peux le faire avec l’aspect… et voilà.

Laurent : En fait, j’étais toujours avec un aspect assez ouvert. Je n’étais jamais… tu sais, si quelqu’un n’était pas intéressé, tu t’en allais. C’était très codifié finalement.Mais tu sais que forcément, il y a des gens qui ont abusé, qui l’ont mal fait, qui l’ont fait… Il suffit qu’il y en a trois qui ont vu le site et qui s’enchaînent, cela devient pesant. Tu vois ? Qu’est-ce qu’ils ont aujourd’hui. Et on a la chance d’être « les premiers » à découvrir ces milieux-là, sur Internet du moins et donc d’aller dans un lieu où ce n’était pas gênant pour les gens puisque c’est nouveau. Mais moi, ça m’a beaucoup aidé pour la confiance en soi, pour les choses comme ça.

Olivier : Moi, cela a été exactement pareil puisque j’étais timide, pas autiste, mais timide et clairement cela m’a beaucoup aidé, plus le théâtre d’impro et d’autres choses. Et l’entreprenariat m’a beaucoup aidé aussi. Quand tu dois gérer une équipe et tout ça, on peut vraiment…

Laurent : Tu fais des erreurs au début. Mais nous, on avait de la chance parce qu’on était, je pense, dans une période qui permettait beaucoup plus les erreurs parce qu’on avait cet Internet qui a oublié. Je trouve qu’on est dans un Internet qui est de plus en plus réifiant, on oublie de moins en moins. Et nous, on est vraiment de cette époque où nos traces en ligne quand on était jeune ont quasiment toutes disparu. Ce n’est pas une chance énorme, cela ? Imagine, tu as 18 ans aujourd’hui, est-ce que tu es sûr que ce que tu as écrit, des trucs bêtes, ils ne vont pas survivre 20 ans ?

Olivier : Oui, c’est vrai. Il y a Elon Musk qui a twitté récemment un mème assez drôle qui disait « Hé Twitter, le meilleur site pour… écris maintenant et fais-toi virer dans 5 ou 10 ans. »

Laurent : Exactement. Le truc qu’on parlait.

Olivier : Parce que c’est ça. Les déterrages de tweets, c’est un métier maintenant. Je veux dire, le déterrage de tweets d’il y a 10 ans.

Laurent : Il y a quand même des gens qui maintenant t’effacent ta vie en ligne, des choses comme ça, c’est bien.

Olivier : Oui.

Laurent : Oui, mais il faut faire attention. Et malheureusement, en plus tu écris des trucs quand tu es jeune qui sont dans un autre moment.

Olivier : Il y a moins eu de compassion, tu m’as dit tout à l’heure.

Laurent : Il y a une Youtubeuse, je ne veux pas la citer, mais qui avait… tu sais, à un moment, il y avait le Roi Heenok, c’était en 2010. Je ne veux pas dire ce qu’il disait puisque là, c’est vraiment horrible, mais en final, à l’époque, on est tous en mode « Ouais, c’est bien. Tiens, il est trop cool. » Il n’y a personne qui se posait une question si ce qu’il disait était vraiment très immoral…

Olivier : C’était quoi ? Sur la séduction ?

Laurent : Non, le Roi Heenok, c’était un rappeur qui avait plein de punchlines mythiques. Mais il y avait des N-words, il y avait tous les words qu’il ne faut pas dire quoi. Et en fait, cela faisait des expressions iconiques que tout le monde mettait en description… Il y a une Youtubeuse, des tweets de 2010 où elle faisait ça avec ses potes en mode… et elle jouait du Roi Heenok. Et quand tu retrouves ça et si tu n’as pas le contexte, tu n’as rien du tout, là, elle s’est fait démonter. Mais oui, les contextes changent… et c’est pour ça que je te dis : le fait qu’on assume d’être transhumaniste va nous faire des problèmes.

Olivier : OK. Moi, je suis prêt à… C’est normal aussi que des gens te challengent sur certaines positions et tout ça.

Laurent : C’est ça. Le débat n’est plus, c’est tellement polarisé aujourd’hui. C’est une époque, donc il faut y aller, il faut résister.

Olivier : Après, moi, je dis toujours, les gens qui ne veulent pas être transhumaniste, personne ne les oblige.

Laurent : C’est ça. Après, ils comprennent que cela va être comme dans… Comment il s’appelle ce roman où tu as la catégorie de population.

Olivier : Bienvenue à Gattaca.

Laurent : Non. Il y en a un autre, je ne sais plus lequel.

Olivier : Tu veux dire que cela va créer une nouvelle classe de…

Laurent : Oui. Voilà, il y aura des…

Olivier : Donc, il y a des gens qui vont empêcher ceux qui peuvent être transmises de l’être.

Laurent : Voilà. Donc après, on va se regrouper entre nous si on est encore en vie.

Olivier : Tu vois, je pense que cela peut être facilement réglé par la mobilité géographique. Il y aura des endroits où ce sera plus accepté, il suffira de bouger là et puis le problème est réglé.

Laurent : C’est ça.

Olivier : Moi qui voyage tellement depuis… tu vois, j’ai vraiment cette notion que tu n’es pas enchaîné à un territoire.

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : Et cela peut être un peu challengeant pour certaines personnes, mais aujourd’hui, je pense qu’on a davantage de liberté quand on est nomade. On peut beaucoup plus se créer de libertés qu’en votant, en bougeant qu’en votant. Parce que quand tu es un nomade numérique, tu peux choisir entre des centaines de juridictions dans le monde entier. Donc, tu peux choisir le pays qui te correspond le mieux.

Laurent : Après, malheureusement, tu as quand même des limitations mondialisées. Par exemple, le clonage, cela va être compliqué de trouver un pays qui l’accepte vraiment bien. Tu as des pays qui sont pour les animaux, mais…

Olivier : Oui, bien sûr.

Laurent : Au niveau du clonage humain, moi, très honnêtement, je ne trouve pas ça si immoral que ça.

Olivier : De cloner un être humain ? Quel serait l’intérêt de faire ça ?

Laurent : Il faut l’encadrer. Le clonage d’organes, de machins pour les gens.

Olivier : Je suis en train de lire, tu… Tu sais, je t’avais parlé du dernier livre de Tony Robbins, il dit qu’on n’a pas besoin faire cela parce qu’on pourra imprimer des organes.

Laurent : Non, pas l’individu en entier. Mais tu sais, il y avait quelqu’un qui avait fait des poules sans cerveau.

Olivier : Ah bon ?

Laurent : La viande.

Olivier : Ah oui, d’accord.

Laurent : Comme ça, il n’y a pas de souffrance animale.

Olivier : Mais du coup, elles ne peuvent pas… OK pour moi.

Laurent : Si, parce que c’est tout géré. Enfin, c’est plutôt le truc, mais on peut tout faire techniquement aujourd’hui. Enfin, pas encore tout faire, il ne faut pas exagérer, mais on y arrivera à un moment ou un autre. Et en fait, on est bloqué. Aujourd’hui, par exemple, on ne sait toujours pas si accoupler un humain et un singe, c’est possible.

Olivier : OK. On ne va pas entrer là. On sort vraiment…

Laurent : Oui. Mais c’est une question.

Olivier : C’est intéressant, mais Ok.

Laurent : C’est vrai que c’est très immoral, mais je crois que la réponse est non, je préfère le préciser, mais il n’y a pas eu d’expériences qu’ils l’ont tenté, puisqu’il y en a qui ont tenté, mais…

Olivier : Ça, c’est vrai que cela pose des problèmes éthiques. Alors que pour moi, le transhumanisme, cela reste un choix individuel même si, effectivement, ça aura un impact sur la société. Mais tu vois, là, on est toujours dans la parenthèse, mais je pense qu’à terme, les débats auront moins d’importance parce que les gens seront beaucoup plus libres de choisir leur juridiction. Il va y avoir une compétition de plus en plus importante au choix de juridiction.

Laurent : Si pour autant, on pouvait faire une nation de gens qui ne limitent pas moralement des expériences qui pourraient nous aider à vivre beaucoup mieux.

Olivier : Oui, mais je pense qu’il va y en avoir.

Laurent : Il faudrait, parce que ça, ce sont vraiment des limitations.

Olivier : Tu vois que les nations se battent de plus en plus pour attirer déjà les nomades numériques et qu’il y a une bataille aussi pour avoir des zones spéciales avec moins de réglementations et tout ça, ce qu’ils appellent les « specials economic zone », les zones franches et tout ça, et ça éclot de partout dans le monde.

Là, on est complètement en train d’explorer des nouveaux chemins, mais peut-être un sujet pour une prochaine vidéo.

Laurent : Rebelles intelligents.

Olivier : Oui, voilà. Rebelles intelligents, réfléchir par soi-même…

Et j’en parlerai dans mon prochain livre dont je vous dévoilerais peut-être prochainement le titre.C’est une exclusivité mondiale pour toi. On est parti dans une grande exploration, mais finalement, on discutait de : est-ce que tu pourrais être employé ?

Laurent : Oui, on est parti loin.

Olivier : Oui. Mais moi, c’est ce que j’aime avec toi finalement, on a vraiment des discussions naturelles comme ça. Et tu dis qu’il y aurait des conditions notamment parce que tu as ce statut peut-être, enfin, cette condition un peu autiste. Mais est-ce que… tu vois, beaucoup d’entrepreneurs auraient du mal à redevenir employés parce que ça leur manquerait la liberté finalement.

Laurent : Et peut-être qu’il faudrait aussi intégrer cela. C’est vrai que, j’ai un ami, là il n’y a pas longtemps et on discutait de qu’est-ce qu’on ferait après si tout s’écroule. On n’avait pas grand-chose puisqu’on n’a pas des compétences. On a acquis des compétences de fou, mais ce ne sont pas des compétences très spécialisées, c’est très vague. Finalement, on est formé à être des chefs, des CEO, mais pas des managers. On est formé à être CEO et un CEO, il n’a pas besoin de… il a besoin d’un associé peut-être, mais pas d’un co-CEO, ce n’est pas un salarié. C’est compliqué, on a des jeux de pouvoir.

Il faut aussi comprendre que l’entreprise, c’est un milieu qui est très codifié dans la façon dont tu l’abordes, et nous, on est complètement hors de cela. Tu sais, il y a ces fameux schémas où il faut être le… Il y a des enjeux politiques autour du pouvoir du N+1. Comment tu passes à un grade supérieur sans gêner la personne en dessous, au-dessus. Est-ce qu’on a ces compétences-là de naviguer là-dedans ?

Olivier : Oui, OK. Donc, tu veux dire qu’en tout cas, dans les boîtes suffisamment importantes, il faut aussi un certain flair politique ?

Laurent : Exactement, et c’est très prégnant.

Olivier : Mais d’ailleurs il y a une explosion du télétravail suite au Covid. Et parmi les études qui sont sorties, il y a beaucoup d’études qui montrent que les gens ont l’air plus productif et heureux quand ils sont en télétravail. Et il y en a qui disaient « oui, les gens qui sont contre le télétravail, ce sont les personnes qui ont davantage de compétences politiques que de compétences techniques dans leur job ». Parce que du coup, quand tu as des compétences politiques, quand tu travailles à distance, c’est compliqué de les utiliser. Enfin, bon, c’est une critique vaste, tu vois.

Laurent : Mais cela va changer beaucoup de trucs. Effectivement, cette pandémie est une bénédiction.

Olivier : Mais c’est une accélération des tendances.

Laurent : On dit souvent « les guerres, cela fait avancer le monde, les pandémies aussi. »

Olivier : Je pense que les tendances, grosso modo, sont plutôt positives, en tout cas en termes d’organisation du travail. Beaucoup de boîtes laissent tomber leurs bureaux et tout ça. On verra les tendances au niveau des gouvernements.

Laurent : Je ne dis pas que ça va accélérer quand même la transformation.

Olivier : Parce que je connais quand même certaines personnes qui sont assez dégoûtées des restrictions de liberté qu’il y a eu. Je ne dis pas que moi, je vois ça comme ça. Je pense qu’il y a certaines choses qui sont quand même…

Laurent : Tu ne le dis pas surtout.

Olivier : Oui, alors c’est vrai que j’ai… Et tu vois, encore un exemple, tu peux choisir ta juridiction. Moi, en tant qu’habitant de Dubaï, on a vécu un seul confinement qui était quand même assez dur au tout début. Et alors que la France avait eu, je crois, combien ? 4 confinements, je crois, nous, on allait au restaurant, on a levé les bars et tout ça, et les gens dans l’historique ne comprenaient pas. Alors que Dubaï, c’est un des endroits les plus libres du monde. Il n’y a pas eu une explosion de cas.

Laurent : Non, mais après, l’histoire le retiendra.

Olivier : J’ai quand même eu le Covid à Dubaï. Mais après, j’ai un ami, Laurent Breillat, il a eu le Covid à Lille.

Laurent : J’ai respecté le confinement, je l’ai quand même eu trois fois donc…

Olivier : Ah, tu l’as eu trois fois ?

Laurent : Oui, trois fois, avec chaque fois des symptômes différents, alors que je respecte tout, machin.

Olivier : Voilà.Je ne critique pas les pays qui ont mis en place des confinements, mais il y a d’autres pays qui ont trouvé des systèmes différents et ça s’est bien passé aussi.

Quand vous avez cette liberté géographique, vous pouvez choisir des juridictions comme ça, y compris dans des situations un peu d’urgence comme ici. Il y a beaucoup de gens qui sont venus à Dubaï pour échapper au confinement. Et au Mexique aussi, c’était connu que… voilà.

Laurent : Oui, c’est vrai que cela peut être sympa. Oui, après, moi, c’était une période plutôt, pour un geek déjà, c’était magique.

Olivier : Oui. Pourquoi magique ? Parce que tu avais moins d’interdictions.

Laurent : Oui.Plus personne ne vit. Tu ne te sens même plus obligé de sortir vu que c’est un peu…

Olivier : Donc pour toi, c’est, tu… Mais tu as dit aussi que tu aimais bien aller dans les soirées. Cela ne t’a pas manqué ça, par exemple.

Laurent : Non, j’ai adoré.

Olivier : Tu n’as pas fait de soirée ?

Laurent : En plus sur YouTube, c’est l’explosion.

Olivier : D’accord.

Laurent : C’est tout le monde des chiffres de fou.

Olivier : Oui, oui, complètement. Les boîtes web, nous, c’était l’eldorado.

Laurent : C’est ça.

Olivier : Surtout le premier confinement.

Laurent : Il y a quand même un truc qui a fait des morts et tout, donc je vais quand même préciser, c’est tragique évidemment, mais pour le commun des mortels qui n’a pas eu à subir des problèmes… il y en a qui l’ont mal vécu parce qu’ils ne sont pas habitués à ça. Mais non, on était déjà habitué.

Olivier : Moi, je ne l’ai pas très bien vécu, je t’avoue. J’étais dans un appart à Dubaï qui était prévu pour m’accueillir quelques mois par an. Alors, entre deux voyages, je me suis retrouvé là bloqué six semaines. Le premier confinement était assez dur à Dubaï. Après, je dirais que j’ai pris un appart plus grand au cas où cela se reproduise.

Laurent : Ça, les appartements ensoleillés, ils ont fait un bond fou pendant le confinement.

Olivier : J’ai pris un appart sur la plage et tout, alors qu’avant, c’était moins important pour moi.

Laurent : Et même il y a un Youtubeur, il n’y a pas longtemps, il a fait une vidéo pour dire : pourquoi je vis encore dans un endroit sombre ? Et ça, ça va changer la vie aussi. La quête de lumière va être de plus en plus prégnante.

Olivier : Mais là d’ailleurs, on ne voit pas là parce que c’est la nuit, mais tu en as quand même une terrasse très sympathique où il y a une belle vue de Paris.

Laurent : C’est ça. Pour moi, c’est important. De toute façon, depuis que je suis tout petit, je veux toujours voir d’en haut, comme un oiseau. C’est toujours un horizon. Voir l’horizon tous les soirs, tous les couchers du soleil tous les soirs puisque c’est le plus beau spectacle pour moi, le coucher du soleil. Je m’étais promis de ne jamais rater un coucher de soleil de ma vie. C’est déjà arrivé forcément, mais c’est quelque chose d’important pour moi.

Olivier : Et donc, tu as quand même un parcours assez atypique. Est-ce qu’il y a un moment où il y a tes parents qui ont paniqué par rapport à ça ou qui n’ont pas compris ?

Laurent : Pas du tout.

Olivier : Pas du tout ?

Laurent : Vraiment, ils ne m’ont jamais posé de questions. Ils ne m’ont jamais arrêté.

Olivier : Ah oui ? Ils t’ont toujours fait confiance.

Laurent : Mon père est chef d’entreprise et il a marié une, je crois, sa secrétaire. Je ne connais pas trop l’histoire de ma mère, ça, c’est terrible. Quelque chose que j’invite tout le monde à faire, c’est parler de la vie de vos parents parce qu’une fois qu’ils ne sont plus là, on ne sait pas trop ce qu’ils ont fait.

Olivier : Ta mère t’a quitté, c’est cela ?

Laurent : Non, ma mère est encore en vie. Mon père m’a quitté. Ma mère, mais elle, elle vit sa vie aujourd’hui, tu vois, pour aller un peu plus loin. Mais le truc, c’est que je ne connais pas beaucoup la vie alors que ce sont des gens comme nous, tu vois. On aurait un enfant et cet enfant va nous voir comme quelque chose d’un peu déifié, mais en réalité, on aura une vie relativement riche, normale. Ils ne la connaîtront pas.

Tu sais, Stallone, il fait des vidéos avec ses filles. Je ne suis même pas sûr que ses filles se rendent compte qui est Stallone. Pour elles c’est leur papa, alors que pour toute une génération, c’est beaucoup plus.

Et on ne questionne pas assez nos parents sur ce qu’ils ont fait, quelles leçons ils ont retenu de la vie… Je pense que c’est quelque chose qu’il faudrait tous faire. Tu sais, on parle de testament et tout avant de mourir, juste faire des belles petites vidéos où tu…

Olivier : Moi, j’ai fait une vidéo de mon grand-père de 88 ans que j’ai publiée sur ma chaîne là.

Laurent : C’est très bien.

Olivier : Et j’en ai fait une version de 20-30 minutes pour ma chaîne et une version de 2h sur DVD pour ma famille.

Laurent : C’est magnifique.

Olivier : D’ailleurs, Raphaël qui est en train de filmer en ce moment même a filmé cette vidéo.

Laurent : Moi, j’ai un énorme regret parce que c’est quelque chose que j’aurais voulu faire.

Olivier : Malheureusement, j’ai pensé trop tard pour mon autre grand-père qui était parti quelques mois plus tôt. Je pense que c’est cela qui m’a donné l’idée d’ailleurs de documenter. Et c’est vrai, quand j’ai posté cela sur ma chaîne, quelqu’un avait posté à chaque fois qu’il y a un vieux qui meurt, tu as une bibliothèque qui meurt, et là, tu as sauvé quelques livres. Merci. Les gens ont été touchés par ça. C’est beau, oui, absolument. Et c’est vrai qu’au moins, tu sais que cela survit dans le Cloud et que…

Laurent : C’est ça. Attention, moi, sur la tombe de mon père, j’avais fait un QR code avec plein de photos, machin… C’est dead le link, c’était Google Images, je ne sais plus comment il s’appelait pour mettre des trucs.

Olivier : Alors, il faut faire attention à cela. Alors moi, j’ai une copie sur DVD physique.

Laurent : Les DVD, cela ne tiendra pas éternellement.

Olivier : Tu as raison de le dire.

Laurent : Donc, en fait, c’est très compliqué. Comment on fait survivre ? Alors, il y a des… ça fera peut-être une vidéo. Ça, c’est comment on stocke dans très longtemps. Tu as des moyens de stocker vraiment sur du très, très long terme.

Olivier : Une future vidéo sur Trash ou Trash Science peut-être ?

Laurent : Oui, peut-être Science Trash, pourquoi pas ? Enfin, je ne sais pas encore mais, ou si quelqu’un l’a fait avant, je n’en sais rien. Mais c’est vrai que c’est un enjeu. On ne sera pas éternel. On a l’impression que vu que c’est le Cloud, c’est éternel, ça ne l’est pas du tout. Google peut finir.

Olivier : Oui, absolument. Ou tu peux te faire supprimer de la chaîne.

Laurent : Regarde Facebook, ils sont dans une mauvaise passe. Je ne suis pas sûr qu’ils durent tant que cela.

Olivier : Oui, on verra. On verra si c’est un soubresaut parce que là, ils ont eu leur action qui a chuté de 30%.

Laurent : Pour moi, dans 10 ans, c’est fini, il n’y a plus de Facebook.

Olivier : Parce que TikTok est passé…

Laurent : Ce n’est même pas ça, c’est que… en fait, ils ont… tu sais…

Olivier : Ils ont arrêté de croitre en termes de nombre d’utilisateurs actifs mensuels.

Laurent : Je dis toujours un truc, les gens qui disent « c’est la fin de YouTube, machin… » parce que c’est vrai qu’il y a un côté un peu on arrive, il n’y a plus de nouveaux Youtubeurs. La nouvelle génération va sur TikTok… Je rappelle toujours aux gens que Johnny Hallyday, Jean-Pierre Pernaut, ils ont été l’idole des jeunes à un moment. C’est-à-dire, quand tu allais à un JT, tu regardais le jeune Pernaut. Quand tu as écouté la musique, tu écoutais le jeune Johnny Hallyday. Et si aujourd’hui, ce sont des musiques, c’est parce qu’elles les ont suivi toute la vie.

Olivier : Absolument.

Laurent : Tandis que nous, les Squeezie, les machins comme ça, quand on sera grisonnant, ça sera encore nos stars de vieux probablement.

Olivier : Absolument.

Laurent : Probablement. Et donc, si YouTube se réifie dans une génération donnée, je pense que c’est assez facile de rebondir pour cette plateforme. Mais imaginons que ça reste comme ça, ce n’est pas grave parce qu’on sera le point d’une génération de 15 à 30 ans qui va.

Olivier : Oui, absolument.Qui augmente et on te connaîtra. D’ailleurs, même les starlettes qui auront eu un succès avec une chanson, en général, ça suffit. Je ne parle même pas des royalties que leur font gagner cette chanson, mais il suffit qu’elles aient eu un public à un moment pour qu’elles puissent en vivre toute leur vie en faisant des concerts. Cela ne va pas être des gros concerts, mais ils auront une audience suffisante pour qu’ils puissent vivre confortablement jusqu’à la fin de leur vie tranquillement. Ce ne sera plus des méga stars, mais quand même.

Laurent : C’est ça, c’est complètement ça.

Olivier : Il y a une sorte de résilience, d’inertie naturelle qui est en notre faveur.

Laurent : Exactement. Et en même temps, il faut comprendre pourquoi YouTube en ce moment, ça a l’air d’avoir un peu baissé. J’ai comme théorie qu’il y a des saturations, même si c’est très large… en fait, tu es saturé dans un endroit donné, dans une culture donnée. Et quand tu arrives sur TikTok, c’est le Far West. Au final, tu dis la même chose que ce qui est dit sur YouTube. Tu refais les mêmes expériences, tu refais les mêmes vidéos… mais tu le fais sur un endroit qui culturellement agit différemment. YouTube, il commence à y avoir des codes qui gênent le Youtubeur, pour telle caméra, tel machin. Il ne faut pas dire la même chose. Parce que par exemple, même des gens qui utilisent des petits personnages, c’est énorme. Aujourd’hui, on a quasiment « le monopole » dans le sens où dès que quelqu’un le fait, on lui dit « mais tu recopies Trash ».

Olivier : Parce que oui, dans tes vidéos, tu as beaucoup d’utilisation d’un petit personnage animé.

Laurent : Non seulement on a été précurseur, mais on est les plus gros dans ce domaine. Donc en fait, quand quelqu’un nous imite, généralement, c’est Kramer qui nous imite parce qu’il faisait les mêmes formes, les mêmes trucs… il se prend la vague de la culture autour de ça. Alors que quand ils le font sur TikTok, en réalité, vu que c’est un nouveau écosystème, c’est complètement différent. Donc en fait, si les relations entre les générations se renouvellent, c’est parce qu’il y a un besoin d’arriver sur des Far West.

Olivier : Oui. Il y a un besoin, une nouvelle frontière à chaque fois pour que les jeunes puissent aller défricher le terrain.

Laurent : Exactement.

Olivier : C’est vrai que sur Internet, il y a toujours une frontière. Il suffit de créer le truc qui crée la frontière.

Laurent : Exactement. Le web, aujourd’hui les gens qui ont, ils ont 40 50 ans, enfin, les gars qui ont fait le bon coin, les machins comme ça, parce que c’était la génération de ce Far West-là. Et nous, on est la génération YouTube et il y a d’autres Far West qui vont arriver. C’est comme ça, ça tourne, ça tourne.

Olivier : Absolument. Et donc à la base, je te demandais si tes parents avaient réagi. La réponse est non. Mais tu vois, j’aime bien, c’est que vraiment c’est…

Laurent : Voilà, on part. On part, on part. Alors non, mes parents, ils n’ont jamais calculé. Mon père était chef d’entreprise, il me donnait des petits conseils généraux, mais je n’ai jamais de…

Olivier : Il t’a laissé libre de vivre ta vie.

Laurent : Il n’a pas dit « tiens, il faut faire comme ça, tourne ta compta… » Presque un regret puisque j’aurais bien aimé avoir plus de conseils de lui ; et ma mère, peu importe. C’est assez impressionnant parce que tu as rencontré des gens, ce n’était pas du tout ce cas-là.

Olivier : Politiquement, absolument.

Laurent : Ils ont toujours été « fais ce que tu veux ».

Olivier : Et est-ce que tu as des croyances qui sont différentes de ce que la plupart des gens ont ? Par exemple, tu n’hésites pas à défendre l’énergie nucléaire en disant aussi que ce n’est pas parfait. Mais est-ce qu’il y a des…

Laurent : Quand je dis défendre, c’est juste que pour moi déjà, par exemple.

Olivier : Tu veux nuancer.

Laurent : Je trouve déjà qu’on exagère beaucoup les gens qu’ont… on a l’impression que c’est un débat 50/50 alors que les sondages montrent qu’on est plutôt sur du 85 – 80% sont pour avec des réserves ou sans réserve et 20% vraiment contre. Mais alors, il y a beaucoup de pauvres gens qui sont contre, alors qu’en réalité, pour moi, il y a des opinions scientifiques.

Olivier : En Italie, il y a eu un référendum en 2011 et les gens ont voté à 94% pour le fait d’arrêter les centrales actuelles, ce qui est la décision la plus stupide possible. Ils ont arrêté toutes les centrales.

Laurent : C’est violent.

Olivier : Non, mais parce qu’en plus, le coût, tu le sais bien, le coût de production de l’électricité dans une centrale, c’est surtout le coût de la construction. Donc, arrêter une centrale qui marche, c’est la décision la plus débile possible. Et bon, bref, c’est juste pour.

Laurent : Non, mais je comprends.

Olivier : Pour moi, c’est un exemple. C’est une sorte de contre-exemple de la démocratie.

Laurent : Mais c’était peut-être pendant un événement.

Olivier : C’était suite à Fukushima.

Laurent : Ah bah, oui mais…

Olivier : Les gens se sont laissé emporter.

Laurent : Ils se sont laissé emporter, mais qui en a profité ? Qui a profité de cela ? Regarde tous les référendums.

Olivier : Oui, mais on voit un problème de la démocratie, c’est quand les gens sont emportés par les émotions.

Laurent : La foule, les machins. Mais comment tu peuxavoir un truc clair ? Mais les gens qui ont fait le référendum, ils ne sont pas « criminels », ils font ce qu’ils… ils ont joué là-dessus.

Olivier : Moi, je ne connais pas les détails de ça.

Laurent : Oui, oui, c’est sûr. Nous, en France, on n’a que deux accidents graves, un en 64, un en 80.

Olivier : Tous sur des vieilles centrales qui ne sont plus…

Laurent : Une seule. C’est une seule centrale avec des inondations qui a été mal faite. Mais de toute façon, s’il y a des problèmes, ce n’est pas grave, ça reste toujours. Il faut nuancer évidemment toujours, mais cela toujours finalement sur des zones assez données.

Olivier : Et si tu prends en compte tous les morts de tout le nucléaire.

Laurent : Fukushima, il n’y a rien.

Olivier : Et en incluant Tchernobyl et tout ça, c’est infiniment moins que le charbon.

Laurent : Fukushima, il faudra quand même attendre puisqu’il y en aura peut-être à cause de la thyroïde et des choses comme ça. Mais je pense que par exemple, un truc tout con, mais les gens, les ouvriers qui posent les panneaux solaires, ils tombent. Je n’ai pas trouvé de chiffres. Mais si, il y avait des chiffres aux États-Unis, mais je ne les ai plus. Il y a plus de morts de gens qui tombent de toits en installant que de gens qui sont morts les 30 dernières années du nucléaire. Les barrages, c’est super cool, ça fait de l’eau… quand ça casse un barrage, c’est 10 000 morts.

Olivier : Ça ne casse pas beaucoup si ?

Laurent : En Chine, il n’y a pas si longtemps que ça, il y a eu un gros barrage.

Olivier : Puisque dans mon esprit, l’hydro, c’est vraiment

Laurent : C’est le top du top.

Olivier : Oui, c’est ce que j’allais dire. Mais tu n’en as pas partout, c’est le problème.

Laurent : Par contre, tu ne peux pas en mettre partout. C’est le plus meurtrier de tous les moyens énergétiques qui existent parce que les barrages, quand ils pètent, ça fait mal et tu es obligé de noyer des écosystèmes et des vallées. Je veux dire, en France, si on met des barrages partout, la vallée de Chamonix, je ne sais pas quoi, qui est noyée sous l’eau, je ne suis pas sûr que les gens soient si chauds que ça. Tu vois ? Et c’est tout. Il n’y a pas d’énergie parfaite. De toute façon, tu es obligé de prendre un truc et le détruire. Et donc, en fait, il faut voir, il faut mixer, il faut faire les choses intelligemment.

Moi, je suis pro solaire et le nucléaire, je ne suis pas du tout contre. Et cette opinion, finalement, je ne vais jamais l’avoir en direct sur ma chaîne YouTube, je vais plutôt honnêtement affronter les problèmes. Je n’aime pas l’idée de sacraliser des choses… Oui, ça me fait mal quand j’entends un argument qui est bête… parce qu’il faut comprendre un truc, c’est que j’en parlerai peut-être, mais des journaux qui sont contrôlés parfois par des magnats du gaz et du pétrole qui n’ont pas intérêt à tout ça. Tu vois, certains journaux qui sont tenus par, je ne sais plus, par Kretinsky, je crois, quand tu regardes les photos qu’ils te mettent, Le Monde par exemple, ils te mettent une tour hydro aéroréfrigérantes, donc c’est juste de l’eau, c’est de la vapeur. Mais ils la mettent, ils assombrissent la fumée blanche, mettre contre soleil. Avec un plan comme ça en fait, on en tire un truc terrifiant. On a un truc qui crache du jaune et du sombre. C’est de l’eau, c’est de la vapeur d’eau. Tu peux manipuler l’image. Et donc, tu es obligé de faire un contrepoids aussi quelque part.

Mais je comprends après les arguments qu’il y a des gens qui veulent arrêter parce qu’en fait, c’est… Par exemple, il n’y a pas longtemps, je ne cite jamais de politique parce que je ne veux pas, mais qui disait « cela créera trois fois plus d’emplois » C’est totalement vrai.

Olivier : De quoi, le nucléaire ?

Laurent : Non.

Olivier : Le solaire.

Laurent : C’est vrai, mais c’est le paradoxe de la vitre brisée. Si on pète toutes les vitres de Paris, oui.

Olivier : C’est juste que cela peut être juste un produit de l’inefficacité du processus.

Laurent : Voilà, c’est ça, oui. On va employer plus de gens pour nettoyer cela.

Olivier : Si on arrête les usines et qu’on fait tout à la main, il y aura plein d’emplois.

Laurent : Voilà. Ça va bien marcher.

Olivier : Mais il y aura moins de productivité.

Laurent : Mais au global. Et c’est surtout, au contraire, moins il y a d’emplois, plus ça marche techniquement. Je veux dire, s’il fallait revenir en arrière sur pas mal de choses aujourd’hui qui sont numérisées ou qui…

Olivier : Et puis surtout, ça va faire augmenter le coût s’il n’y a plus de nucléaire. De l’électricité à fond.

Laurent : Après, ça, ça peut entrer… en vrai, le solaire, c’est une des économies d’échelle. Plus on en produit, moins cela coûtera cher. Ce qui va coûter cher, ça va être de passer sur du smart grid, c’est-à-dire refaire tout le réseau électrique pour qu’il marche bien avec, je ne sais plus le mot,

Olivier : Qu’il soit intelligents.

Laurent : Ouais, je n’ai plus le mot, mais en gros.

Olivier : Il y a des ordinateurs qui puissent

Laurent : Oui, c’est ça.Mieux le gérer le… j’ai perdu le mot là, l’intermittence. Donc, voilà. C’est juste une nuance. On met la nuance, on met du savoir.

Olivier : Donc ça, c’est vraiment le principe fondateur et on sent que tu es vraiment dans cette mission. Du coup, cela t’amène à avoir quoi comme croyance qui soit un peu différente de la plupart des gens ?

Laurent : Je crois. Un truc qui choque toujours les gens, c’est que je suis contre la mort.

Olivier : Oui, tu rejoins le côté transhumaniste, mais…

Laurent : Je suis contre et les gens n’arrivent… Enfin, il y a beaucoup de gens qui me disent « attends, cela ne veut rien dire, on va tous mourir. » C’est ou la mort et tout. Non, c’est une maladie, la mort.

Olivier : Tu parles de la mort ou de la vieillesse là.Ce n’est pas la même chose.

Laurent : Mort de vieillesse. La vieillesse. C’est une maladie. Tu dégénères, tu as tous les symptômes. Ça ressemble à une maladie. Tout est maladif dans la vieillesse, mais on la sacralise.

Olivier : Il n’y avait pas le choix avant.

Laurent : Il n’y avait pas le choix.

Olivier : Soit tu es sacralisé, soit tu flippais.

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : En gros.Ou alors, tu faisais comme les stoïciens qui disaient « de toute façon, quand t’es mort, tu ne ressens plus rien ». Ils n’étaient pas croyants.

Laurent : Mais tu te rends compte quand même que potentiellement, il y a un moment, on sera dans notre lit avec le même cerveau qu’on a actuellement, d’accord, et qu’on dise là « là, je sens que c’est fini ». Ça va nous arriver un jour.

Olivier : Si on a la chance de mourir dans notre lit.

Laurent : Oui.

Olivier : Parce que si tu as un accident, tu n’auras peut-être pas le temps de réaliser.

Laurent : C’est ça. Mais c’est terrifiant, c’est-à-dire que les personnes âgées qu’on a, ça reste. Il faut comprendre un truc, les personnes âgées restent les enfants qu’ils ont toujours été.

Olivier : Oui, j’avais vu un mème sur Facebook très drôle qui disait « Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qu’il s’est passé. »

Laurent : Exactement.

Olivier : Et c’est drôle, mais c’est vrai.

Laurent : Tu trouves que tu as tant changé ? On change.

Olivier : Mais non, mais complètement.

Laurent : On restait, on a gardé le même rêve, des choses comme ça.

Olivier : J’essaye, je vais avoir 41 ans là. J’ai l’air plus jeune âge. Tant mieux pour moi. Mais c’est vrai que je me dis « what the fuck ? » et ça va être comme ça jusqu’à mon avis, voilà quoi.

Laurent : Et en fait, on ne changera pas tant que ça. Et donc, les vieux nous sont… En fait, c’est parce que c’est l’image des sociétés, on parle de l’abîme tout à l’heure. Regarde dans l’abîme, l’abîme regarde en toi. Si les gens disent de toi que tu es quelque chose, tu finis par t’habituer à force de voir les gens qui te rejettent parce que tu es vieux, enfin, te rejettent, tu n’es plus jeune.

Olivier : J’étais dans un restaurant, tu ne vas pas draguer une nana, il a 90 ans.

Laurent : Voilà, tu peux limiter. J’étais dans un restaurant de jeunes hier pour manger et pour la première fois, c’est un restaurant que j’adorais, cela faisait longtemps que je n’y étais pas allé, il n’y avait que des très jeunes 18-20 ans. Et j’ai senti que je n’étais pas à ma place.

Olivier : Ah ouais ?

Laurent : Alors que fondamentalement, tu vois, la jeune trentaine, tu vois, je ne suis pas non plus, voilà.

Olivier : Mais c’était des 20 ans, c’est ça.

Laurent : Non, c’est juste des très jeunes, très colorées et très tout avec des vêtements et machins comme ça. Et je me sens toujours jeune. Je n’ai pas l’impression d’être vieux ou quoi que ce soit, mais là, j’avais ce truc. Waouh, je ne me sens pas à ma place. Et ça va s’accélérer.

Olivier : Et donc, oui. Clairement, aujourd’hui, voir la vieillesse comme une maladie ? Ce n’est pas mainstream même si ça commence à le devenir dans la communauté scientifique ? Moi, je m’intéresse beaucoup à ce sujet depuis 15 ans et c’est clairement passé dans la communauté scientifique de, en gros, si tu parlais de cela, tu n’as qu’à la définir. Il y a 15 ans, c’était à peu près ça. Et aujourd’hui, ce n’est pas mainstream, mais c’est quasiment un point de vue mainstream.

Laurent : Après, il y a encore beaucoup.

Olivier : Mais ce n’est pas, ça, ce n’est pas encore dans le raisonnable.

Laurent : Il y a encore beaucoup tout le côté un peu chamanique qui va être… Tu sais, c’est un peu comme les Top 10 qu’on parlait. C’était mal vu. Après, ce sera bien vu. Là, tu as encore des gens qui sont encore dans le truc « oui, si tu veux vivre éternellement, mange du gingembre, mange des grenades », des trucs comme ça. Ce n’est pas si mal.

Olivier : Oui, ce n’est pas ça qui va te faire vivre éternellement. Et attention, il y a une nuance quand même, c’est pour cela que je t’ai rattrapé sur la mort parce que ce n’est pas pareil.

Laurent : Vivre éternellement, vieillir en bonne santé. Il y a plein de choses.

Olivier : Non, mais admettons qu’on arrive à arrêter de vieillir, cela ne veut pas dire qu’on devient immortel. Si on se prend un bus, on se prend un bus. Il faut que les gens comprennent la nuance. On ne parle pas de devenir immortel, on parle de ne plus mourir de vieillesse.

Laurent : Tu connais d’ailleurs l’espérance de vie d’un humain qui ne vieillit jamais ? 7000 ans, statistiquement, tu vas te faire mordre par un chien, manger par machin parce que tu peux… Statistiquement, tu as quand même une chance.

vivre éternellement statistiques

Olivier : Ah oui, c’est logique. On ne peut pas. 7000 ans, je les prends, personnellement. Et je veux dire, cela peut paraître complètement dingue et énorme, mais 7000 ans par rapport à l’âge de l’univers, c’est tellement peanuts qu’en fait, cela ne change pas grand-chose. Cela change quelque chose du point de vue des humains, mais du point de vue de l’univers…

Laurent : Par contre, ton cerveau ne suivrait pas les… tu finirais par oublier qui tu étais enfant.

Olivier : Oui. Tu connais la trilogie de Mars la Rouge, Mars la Verte, Mars la Bleue ? C’est une trilogie de science-fiction de Kim Stanley Robinson sur la terraformation de Mars. Et à un moment, ils inventent justement quelque chose pour vraiment augmenter la longévité. Et au bout d’un moment, effectivement, ils ont ce problème, ils doivent trouver aussi un remède. Je pense qu’au bout d’un moment, on trouvera des trucs pour continuer.

Laurent : De toute façon, je me dis toujours, quand un truc est immoral, par exemple, les gens disent « oui, mais il n’y aura pas trop d’enfants », si par exemple pour guérir les cancers, on regarde tout ça, oui, il n’y aura pas trop de monde sur terre. Non, parce qu’on trouvera toujours une solution. Il y aura l’autorégulation. On va arrêter de faire des enfants. Il y aura toujours les relationnels.

Olivier : La fusion nucléaire, on n’aura plus de problèmes d’énergie. On pourra miner les astéroïdes

Laurent : On trouvera toujours des solutions. Même là, j’avais, je ne sais plus à quelle occasion, j’avais entendu une fille qui me disait. On parlait des enfants, elle me disait « Oui, mais nos enfants, ils ne verront pas la planète. » En fait, elle est tellement matrixée que dans sa tête, la fin du monde, c’est demain.

Olivier : Il y en a beaucoup qui pensent ça.

Laurent : Mais c’est délirant.

Olivier : Alors qu’on n’a jamais vécu dans une meilleure période qu’aujourd’hui.

Laurent : Le réchauffement climatique est réel, mais les humains ne vont pas mourir du réchauffement climatique. Il y aura des régions qui vont morfler. Mais globalement, ce qui sera à faire, c’est que cela va déplacer les zones où il fait bon vivre. Oui, l’Alaska, ça deviendra à nouveau.

Olivier : Moi, je suis assez optimiste là-dessus. Je pense qu’on finira par trouver des solutions technologiques.

Laurent : Bien sûr.

Olivier : Jusqu’à présent, les malthusiens ont toujours tort parce qu’ils ont négligé le facteur d’innovation technologique. Et je pense que, bon, je ne dis pas qu’il ne faut pas, voilà. On peut faire des actions aujourd’hui pour limiter les gaspillages.

Laurent : Oui. De toute façon, c’est quand même mieux de vivre dans une ville où tu n’as pas de la pollution partout.

Olivier : Oui, absolument.

Laurent : Les gars qui veulent remettre des autoroutes au milieu de Paris, enfin, les gars.

Olivier : Non, mais ça, on peut être intelligent, mais en même temps, céder à la panique…

Il y a Elon Musk qui a lancé un prix de 100 millions pour des dispositifs artificiels pour capturer du carbone qui serait plus efficace que les plantes, les arbres. Déjà si on fait ça, voilà, il y a cette idée d’envoyer quelque chose dans l’espace qui va bloquer ne serait-ce que 1% de la lumière du soleil, cela suffira. Il y aura des trucs. Et en plus, si on commence à développer des technologies pour terraformer Mars, c’est infiniment plus dur comme challenge.

Laurent : Il se trouve que justement on redevient… ils recommencent à avoir des croyances de superstition, de… tu sais. Les gens recommencent à croire des mystiques essentialistes. Je ne veux pas aborder ce truc, mais le féminin sacré, l’astrologie, d’autres aspects genre la fin du monde. On revient vraiment à des trucs où on est censé être au top de la technologie, connaître bien les choses.

Olivier : Je pense que cela vient du fait, je peux me tromper, mais un des facteurs, c’est qu’il y a également de moins en moins de religieux, mais qu’on a besoin d’être religieux. Donc, on va toujours trouver une manière d’être religieux.

Laurent : Peut-être. Oui, en réalité, on est complètement dans un régime de croyances. Là, on est excité par ce truc parce qu’il y a ces millénaristes.

Olivier : Mais il y a quand même une nuance, c’est que là, il y a la possibilité scientifique de réaliser la chose, alors qu’avant, toutes ces promesses-là, c’était après la mort.

Laurent : Oui, c’est ça.

Olivier : Donc, c’est quand même une nuance forte, c’est que là, cela peut être possible dans la réalité.

Laurent : C’est ça et cela apportera toujours de nouvelles solutions. Nous, notre quête des humains, c’est toujours plus de confort, toujours plus de vaincre nos peurs, nos machins comme ça. Parfois, on en crée sans le vouloir, mais c’est un peu cela. Pourquoi on est là sur terre ? Il faut bien trouver une raison. Là, c’est juste parce qu’on est là et on passe. Moi, j’aime bien cette idée, c’est de toujours faire en sorte que la génération suivante bénéficie des avantages de ce qu’on a trouvé. Voilà. Donc, par exemple, oui. Et c’est vrai que par exemple, les gens qui sont contre construire une centrale ou construire même plein d’éoliennes parce que cela coûte cher, en fait, c’est…

Olivier : Les gens se plaignent aussi de la nuisance sonore, que c’est moche les éoliennes.

Laurent : Oui, c’est ça.Mais ce que je veux dire, c’est que ne pas investir dans le futur, on est bien content quand même que des gens dans les années 50 aient construit toutes ces centrales.

Olivier : Mais complètement.

Laurent : Parce que déjà le solaire, c’était impossible à l’époque.

Olivier : Et la France, c’est quand même un des pays qui a le meilleur ratio. Cela vient d’où tout cela.

Laurent : On ait bien content que ces gens ont fait ça jusqu’ici, surtout qu’il n’y a pas eu trop de problèmes jusqu’ici. Donc, merci les ancêtres. Et on ne se rend pas compte de tous les avantages qu’on a de gens qui sont passés derrière nous, les routes, les machins comme ça. Waouh !

Olivier : Ouais

Laurent : Tous ces gens qui n’en ont même pas profité tant que ça.

Olivier : En tout cas, on sent toujours chez toi cette envie d’apporter de la valeur.

Laurent : C’est ça.

Olivier : D’autres croyances que tu as et que les autres, la plupart des gens n’ont pas ?

Laurent : Peut-être plus sur le milieu du l’entrepreneuriat, peut-être tu voudrais.

Olivier : Là, je demande, comme tu veux vraiment.

Laurent : Du coup, on parlait tout à l’heure de transhumanisme. Peut-être que je vais recentrer un peu sur les gestions d’entreprise… puisque c’est un peu le centre de l’interview. Il y a quelque chose qui revient souvent, c’est que j’ai souvent été mis face à des gens avec qui j’étais en très bons rapports, avec qui j’ai beaucoup donné et qui m’ont beaucoup donné, qui finissaient par créer de la rancœur. Et j’ai remarqué que c’était assez récurrent, même dans le… tu vois, tu regardes dans les milieux du rap, des machins comme ça, tu as souvent ça qui arrive. Booba, des gens comme ça. Et je pense qu’il faut savoir le prendre avec philosophie au bout d’un moment parce que cela fait très mal. Tu as un protégé et il te trahit. En fait, dans l’histoire, c’est continu ce truc. Et jamais on ne s’est posé la question du fait que déjà pourquoi on a toujours un protégé. Puisqu’on a peur de la mort, je pense. On veut transmettre. On veut quelqu’un qui…

Olivier : C’est le maître Jedi et son Padawan.

Laurent : C’est ça. On a toujours ce côté on veut former des gens, on veut les aider, on veut en faire, les tailler comme des petits diamants quelque part. Il y a un petit côté presque mégalo derrière tout ça.

Olivier : Je pense que c’est en grande partie pour cela que Karaté Kid a bien marché parce que c’est un peu le film symbole du maître et de l’élève qui fonctionnaient. Tu l’as vu ou pas Karaté Kid ?

Laurent : Non, mais quand j’étais jeune, sûrement, oui. C’est que les trois ados qui…

Olivier : Non. C’est un jeune ado qui apprend le karaté avec un vieux maître japonais pour se défendre contre des gens qui…

Laurent : Mais justement, la valeur qu’on a, qu’on apporte au maître, finalement, elle est assez rare parce qu’il faut savoir, un bon maître sait se retirer en fait. C’est vraiment ce qui est très important, c’est qu’il faut savoir se retirer à un moment. C’est comme les enfants qui font leur crise d’ado. Pourquoi ils font leur crise d’ado ? Parce que le parent, il continue et en fait, ça explose au bout d’un moment. Donc, il faut laisser.

Il y a une expression qui dit « Les gens se vengent des services qu’on leur rend », mais je pense que c’est une expression qui n’a qu’une moitié de vérité. En réalité, c’est parce qu’on met trop de pression sur les gens quand on donne des services. On arrive, on attend. On n’attend pas forcément quelque chose d’eux, mais on attend une reconnaissance. On met peut-être une pression morale ou quelque chose comme ça. Et je pense que savoir anticiper ce qui arrivera, c’est quelque chose de très précieux. On prend cela avec beaucoup de philosophie.

Laurent : La trahison est quelque chose qu’on vivra tous au sein de l’entreprise, mais il ne faut pas le vivre comme quelque chose de personnel ou comme quelque chose qui fait que la personne est mauvaise. C’est quelque chose de naturel, cela fait partie du cycle « élève-maître » et on peut le limiter en laissant faire au bout d’un moment, même si j’exagère beaucoup mais « ta création sort de ton contrôle », avec des énormes guillemets, entendons-nous.

Olivier : Mais on voit l’historien aussi qui parle. Tu prends un peu de recul, tu dis tout ça, ce sont des cycles, c’est des tendances qui sont dans la nature humaine et qu’on a déjà vu des milliers de fois, qu’on reverra des milliers de fois.

Laurent : Et ça fait toujours mal. Et en fait, ça, c’est un truc que j’aimerais, mais c’est pour ça que j’ai beaucoup aimé ton livre. Ce sont des gens qui ont bien fait d’avoir raté l’école. Tu peux me rappeler.

Olivier : Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études.

Laurent : Tout le monde n’a pas eu la chance. Je vais t’avouer. Quand j’ai vu le titre, je me suis dit que cela va être un livre un peu développement personnel très généraliste. Et en fait, tu as fait un truc que j’aimerais peut-être faire dans ma vie, ou que finalement tu l’as bien fait, donc même pas besoin. C’est le livre ultime quand tu es jeune pour avoir beaucoup de recul sur plein de petites trips sur la vie… En gros, toi, tu donnes pour mettre des gens qui ne l’ont pas vu. Tu vas… tu vois, c’est très riche en études pour montrer tout ce que tu peux faire dans ta vie, des petites actions. Je ne vais pas caricaturer ton livre, mais ce qui me marque, moi, ça va être comment tu décris le sommeil sur plein de petits aspects. Comment tu peux mieux le gérer, ta matinée, ton rythme de travail. Tout est scientifisé. Je ne sais pas, le mot n’est pas bon ?

Olivier : Sourcé scientifiquement.

Laurent : Sourcé scientifiquement. Et en fait, même si cela peut paraître, puis je dis « c’est vrai pourquoi que je ne fais pas ça… », en vrai, un truc tout court. Enfin moi, c’est un exemple qui m’a intéressé, c’est pour résister aux tentations, tu disais qu’il faut mettre une petite barre de chocolat près de toi…

Olivier : On ferait ce que tu aimes bien.

Laurent : Voilà. Pas dans ton champ de vision, parce que sinon, comme tu disais, c’est trop flou.

Olivier : Cela dépend le niveau difficulté que tu veux avoir, mais oui.

Laurent : Mais tu le mets dans ta pièce. Quand tu passes, tu vas pouvoir le voir. C’est qu’un exemple parmi tant… ce n’est qu’une demi-page sur, tu vois. Mais en fait, c’est marquant. Et je l’ai testé, c’est vrai que ça marche super bien. C’est un muscle, la volonté.

Et en fait, c’est plein de petits trucs comme ça qui t’aident à devenir un homme meilleur beaucoup plus rapidement. Ce sont des choses parfois qu’on a appris par l’expérience évidemment, mais au moins là, tu sais qu’il y a tout. Tu peux le donner à quelqu’un, à un petit jeune ou moins jeune, et en fait, il aura tout.

Olivier : Ça me fait plaisir que tu me dises ça parce que c’était vraiment ma démarche. Moi, j’ai voulu écrire le livre que j’aurais aimé avoir parce que j’ai arrêté l’école à 18 ans pour créer ma boîte. Comme que je ne connaissais rien à la vie, j’ai fait tellement d’erreurs.

Laurent : Finalement que tu parles assez peu du fait de réussir sans diplôme.

Olivier : Je fais une critique du système scolaire, oui. C’est ce que je dis. Si tu as un diplôme, tant mieux pour toi, ce n’est pas mon propos, mais il y a des tas de choses qu’on ne t’a pas appris à l’école et pense à cela.

Laurent : Exactement. Ça, c’est vrai que comment apprendre ?

Olivier : C’est dingue quand même.

Laurent : C’est délirant.

Olivier : Oui. Tu peux passer 20 ans de ta vie à l’école, on ne t’apprend jamais à apprendre.

Laurent : Exactement. Apprendre en désapprenant, ça n’y était pas. J’étais en mode « il aurait pu le faire ».

Olivier : Oui, mais tu vois ? Peut-être pour la troisième édition ?

Laurent : Oui, c’est ça. Et non, mais sinon, c’est très riche, il n’y a pas de souci. Et du coup, effectivement, c’était intéressant pour ça. Oui, d’avoir des petites bibles comme ça pour transmettre aux gens beaucoup de savoir, ça, c’est vraiment très cool.

Olivier : Alors, maintenant qu’on a un aperçu des croyances que tu as qui sont un peu différentes, est-ce qu’il y a des actions que tu fais régulièrement, peut-être tous les jours ou pas, qui sont différentes de ce que font la plupart des gens ?

Laurent : Je fais du jeûne le matin.

Olivier : Jeûne intermittent.

Laurent : Jeûne intermittent, j’arrête de manger à 22h, je recommence à 14h.

Olivier : D’accord. Moi, je fais pareil, mais avec pas les mêmes horaires.

Laurent : Et du coup, ça fait 16h. Petit déjeuner, voilà.Je l’organise. J’essaie de ne pas manger de… tu le faisais des… Je l’avais déjà fait avant, mais ce n’est pas trop de pain… un truc un peu. Voilà. Et sinon, sur le travail de tous les jours.

Olivier : Et les gens ne savent peut-être pas, mais clairement, je pense que tu fais ça aussi dans une optique de longévité. Oui. Mais non, mais.

Laurent : Oui. Mais non, on sent tellement bien.

Olivier : Oui, donc ça fait. Le jeûne intermittent, je…

Laurent : Et pour le travail, on n’imagine pas, mais moi, je me lève vers 10h. C’est déjà tard, c’est un luxe.

Olivier : Oui, tout à fait.

Laurent : Mais c’est de 10 à 14h, j’ai 4h où en fait, je me dis « quand j’ai fini, je mange ». Oh la la, j’abats du travail. 10-14h, bam, bam, bam. Et surtout la faim, c’est un moteur, ça donne envie de… Le cerveau marche trop.

Olivier : Tu utilises la faim comme une motivation pour bosser.

Laurent : Ah, ça marche super bien.

Olivier : Intéressant.

Laurent : Et pendant 4h, je fais tout. Je fais ma liste le soir des trucs chiants que je dois faire le matin parce qu’à partir de quatorze jusqu’au moment du coucher, je suis un peu moins concentré. Je ne vais pas te mentir. Je fais un peu d’YouTube. Je discute avec les gens, ils sont là. Après, ma reproductibilité reprend la nuit puisqu’il n’y a plus personne, plus personne ne poste des trucs. Et j’aimerais beaucoup travailler sur la productivité parce que je vois que je perds du temps quand même dans la vie.

Olivier : Tout le monde en perd.

Laurent : On en perd beaucoup.

Olivier : Il y a même les gourous de productivité. Moi, je me considère comme plutôt bon en productivité. Bon, tu ne peux pas être parfait.

Laurent : C’est ça. Mais par contre, la bulle, c’est tellement le truc, l’état à atteindre. Mais des fois, je l’ai, c’est juste j’ai… Moi, c’est plutôt les difficultés à m’y mettre. Dès que je m’y mets, c’est en mode le temps passe. Je me mets facilement dans le flow, mais difficilement à la tâche.

Olivier : OK. Donc, jeûne intermittent, organisation du travail qui utilise la faim comme motivation. Intéressant. C’est la première fois que j’entends ça. Donc, tu te mets dans le flow facilement. Il y a d’autres choses que tu fais, est-ce que tu médites par exemple ?

utiliser la méditation pour améliorer sa productivité

Laurent : A la lecture de ton livre, j’ai essayé. En vrai, la méditation, je pensais que c’était une bullshit, et après, c’est vrai qu’il y a une sensation qui est vraiment bizarre. Par contre, ton truc avec compter les chiffres et tout, cela m’a rendu fou au début.

Olivier : Ce n’est pas mon truc. Je partage juste un truc assez connu.

Laurent : Non, mais en fait, ça marche bien parce que c’est vrai qu’au bout d’un moment, tu arrives vraiment à cet état qui te rend vraiment…

Olivier : Et tu as vu toutes les études scientifiques que j’ai cité.

Laurent : Oui.

Olivier : Non, mais clairement, c’est prouvé par A+B que.

Laurent : C’est bien. Mais tellement tu fatigues d’avoir trop de trucs à faire, je trouve.

Olivier : Ça, c’est vrai. Tu ne peux pas tout faire.

Laurent : Il faut se concentrer. Déjà, je trouve que le jeûne intermittent, ça m’aide pas mal, mais j’aimerais vraiment t’entendre me stopper pour fermer les yeux. Le problème, c’est que je suis hyperactif. J’ai trop de pensées qui creusent. Peut-être beaucoup de gens, mais…

Olivier : Tu vois, je pense que la méditation, c’est comme le brossage de dents pour l’esprit. Donc, oui.

Laurent : Ce n’est pas dans le livre ça.

Olivier : C’est vrai, j’aurais dû mettre parce que si dire « ça ferait un truc en plus », c’est comme tu disais « bosser, ça fait un truc en plus ». C’est vrai, mais en même temps, tu ne peux pas arrêter déjà parce qu’il y a trop de conséquences négatives. Et je pense que les gens devraient réaliser ça. C’est clairement, cela t’aide à te concentrer, à être plus serein. C’est super pour la longévité, le stress. Bref, oui. Je ne veux pas. Mais je t’encourage à essayer un peu plus. Et tu peux juste faire 5 minutes par jour en te posant un peu la tête. Tu peux juste en marchant, en étant dans un Uber ou en conduisant, je ne sais pas si tu as une voiture mais voilà.

Laurent : Non, mais je vais m’y remettre.

Olivier : Et quoi d’autres alors, d’autres actions que tu fais ?

Laurent : D’autres actions que je fais, non, après, finalement, je pense que c’est assez…

Olivier : J’ai l’impression que tu lis beaucoup de livres, est-ce que je me trompe ?

Laurent : A une époque, j’en lisais beaucoup. Beaucoup moins maintenant.

Olivier : OK. Tu regardes plus des vidéos sur YouTube.

Laurent : En vrai, en fait, je dis « je ne lis pas beaucoup de livres », mais je passe mes journées à lire des trucs. Faire des articles scientifiques, des choses comme ça.

Olivier : Ça, c’est pour tes recherches.

Laurent : Oui, voilà.

Olivier : Parce que tes vidéos sont très sourcées quand même.

Laurent : C’est ça. En fait, les gens… Sourcées, elles sont riches en sources, mais on ne les met pas toujours parce que, comment dire, cela fait du travail supplémentaire la compilation de sources. A l’université, les sources, tu les fais à la fin. Tu les notes sur un petit truc à la fin, mais après, tu passes une journée à tout mettre en page. C’est long. Peu de personnes le regardent et finalement, on est dans une période d’enseignement. Il n’y a que quand je dis quelque chose de trop gros pour être vrai et qui est vrai que je mets la source à l’écran. Je mets l’article scientifique… après, les gens tapent le nom de l’article qui est écrit, c’est facile à retrouver, et ils le trouvent.

Mais non, et du coup finalement, oui, c’est très sourcé, mais pas sourcé en bas de page avec un document qui liste tout. Et oui, on regarde énormément de documents, on lit beaucoup et on ne regarde quasiment pas de vidéos YouTube à part pour une, deux ou trois idées de mise en scène.Mais non, c’est beaucoup un travail d’écriture finalement.

Olivier : Et donc là, on a déjà un bon aperçu de ton parcours et tout ça. C’est quoi ton ambition pour la suite ?

Laurent : Vaste question.

Olivier : À part devenir immortel, je veux dire, ce qui est déjà un bon projet.

Laurent : C’est vrai que c’est un gros projet. Ça, c’est assez angoissant parce que YouTube, on ne sait pas si ça… Pour moi, ça vivra longtemps, mais on ne sait pas si ça continuera à ce rythme-là tant que ça. J’aimerais bien. Moi, déjà j’ai envie d’internationaliser un peu la chaîne. J’ai des projets que je ne peux pas relever maintenant parce que si tu…

Olivier : C’est confidentiel défense.

Laurent : Non, c’est engageant après.

Olivier : D’accord.

Laurent : D’un peu de diversité. Mais en ce moment, il y a beaucoup ce mouvement-là sur Youtube. On commence à se dire « Ah, les vidéos, ça ne va peut-être pas être… »

Olivier : Il ne faut pas être mono plateforme.

Laurent : Oui, c’est ça. Même pas question de plateforme, mais de sources de, pour faire vivre l’entreprise et les gens. Parce qu’on a, il faut se dire maintenant, quand on est chef, on a la responsabilité de la vie de personnes, ton salarié. Alors toi, peut-être que tu as une vision un peu plus mouvante, mais moi j’ai encore la vision un peu papa. C’est une entreprise. Potentiellement, ce sont des gens qui comptent sur toi, qui ont engagé une partie de leur vie, qui ont parfois sacrifié peut-être un job qui leur a redonné une carrière peut-être plus, entre guillemets évidemment. Mais je veux dire, entre bosser chez Google et bosser chez nous, les gens qui ont fait le choix, chez Google, ils auraient eu une autre vie qui les amenait à devenir ingénieur, machin… Là, ils ont choisi une voie où le seul moyen pour que ce soit ultra bénéfique sur eux sur le long terme, parce que sur le court terme, c’est plus amusant quand même, il ne faut pas se mentir. Sur le long terme, c’est qu’on réussisse, c’est qu’on cartonne tout. Sur les CV, il y a déjà des gars qui viennent me dire « j’ai eu mon job grâce à », puisqu’il y avait Trash dans le CV.

Olivier : Alors, tu dis « tout cartonner ». Mais du coup, est-ce que ce n’est pas un peu contradictoire à ce que tu disais tout à l’heure de ne pas vouloir devenir numéro un ?

Laurent : Attends, pas devenir numéro un, c’est rester challenger. Mais Nike et Adidas, tu connais les deux marques ?

Olivier : Oui.

Laurent : Tu vois.

Olivier : Donc quand tu dis « tout cartonner », c’est quand même toujours être performant.

Laurent : Oui, il n’y a pas de… et ce n’est pas, peut-être ce n’est pas du misérabilisme, c’est juste de toujours être un peu le challenger. C’est la situation la plus confortable et tout. Challenger numéro trois. Je prends cela à partir de quatre, cinq, dans un domaine c’est bien.

Olivier : Donc ta vision, c’est de continuer à développer la chaîne, à tester de nouveaux formats et puis à développer l’équipe et à faire en sorte qu’ils soient heureux.

Laurent : Exactement.On va faire un peu plus d’animations aussi, cela va être sympa. Ce truc, il n’y a pas de trucs qui vont changer le monde là à venir. Mais en fait, le problème, c’est que j’ai réalisé beaucoup des rêves que j’avais de mes 20 ans.

Olivier : Oui, j’imagine.

Laurent : Donc, il faut que je réécrive là.

Olivier : Oui. Paradoxalement, je sais que ça peut paraître hallucinant, mais quand tu as accompli beaucoup de tes rêves ou tous tes rêves, cela peut être assez vide. C’est quoi l’étape d’après ?

Laurent : Là je me suis posé une demi-journée pour faire la liste de toutes les choses que je dois absolument faire avant de mourir, sinon j’aurais déjà tous les trucs de 20 ans.

Olivier : Génial. Alors ?

Laurent : Cela fait du boulot.

Olivier : Tu peux nous en partager quelques-unes ?

Laurent : Oui, bien sûr, je vais la sortir la liste. Alors attends, des trucs qui sont clichés, mais des trucs de 20 ans que je n’ai pas forcément faits évidemment. Il y a les défis sportifs. Par exemple, je veux grimper un 5000 mètres. Il y a des trucs, je veux faire un homerun en montagne. Parce qu’il y a un truc par exemple en VR.

Olivier : 5000 mètres ?

Laurent : Ouais, ça va encore.

Olivier : Mont-Blanc alors ?

Laurent : Mont-Blanc, ce n’est pas 5000.

Olivier : Oui, ce n’est même pas 5000. C’est passé en dessous, oui.

Laurent : Oui. Et il y a une montagne en Russie, j’ai perdu alors que j’aime beaucoup cette montagne, je crois que c’est celle que je vais faire et c’est assez accessible. Il y a, en ce moment, t’as un gars en VR sur Oculus Quest qui a fait la montée de l’Everest. Donc, tu vois tous les parcours… j’ai envie de le faire.

Olivier : Ah oui ?

Laurent : Oui, j’ai envie de faire l’Everest.

Olivier : L’Everest, c’est chaud.

Laurent : Je connais tout. Je connais le parcours par cœur. Même le K2. Je me suis renseigné. Le K2, je connais exactement.

Olivier : C’est juste à côté. Et qui est censé être le plus, le vrai.

Laurent : Le plus meurtrier, le plus… le deuxième. C’est le deuxième plus gros sommet et le plus dangereux. Il y en a un peu plus… ça a quelques morts quoi, mais ça donne envie quand même puisqu’il y a un côté… Tu sais, il y a un mont, tu as un glacier et tu as un sérail genre gigantesque, genre qui est mortel. Il tue plein de gens. Tu as quelques secondes pour passer. Ça a un côté d’une excitation.

Il y a devenir musclé par exemple, c’est marrant. Tu sais, c’est un truc, c’est un défi dans une vie, dans le but d’en faire quelque chose de… Tu vois, ce sont des petits trucs. Il y a faire le meilleur sushi du monde, se sentir perdu dans le désert. Qu’est-ce qu’il y a d’un peu plus philosophique par exemple ? C’est très matérialiste.

Ça, c’est un livre que j’aimerais bien écrire, ça s’appellerait « Reboot ». C’est s’imaginer le monde depuis zéro. Alors, imagine, tu as des fœtus martiens, pardon, des fœtus humains. Tu t’écrases dans une planète inconnue mais qui est semblable à la terre en tout point.Et tu sais que toi tu vas pouvoir vivre un peu, mais que tu vas recréer la civilisation depuis zéro.

Olivier : Mais tu sais qu’il y a eu 2 livres sur le sujet. Il y en a un qui s’appelle « How to rebuild Civilization from Scratch », mais ça se focalise plutôt sur les techniques que tu dois apprendre. Et l’autre, je n’ai pas lu et je ne m’en rappelle plus.

Laurent : Moi, c’est vraiment sur les systèmes politiques, les machins comme ça, comment anticiper l’avenir, etc., des trucs fascinants. C’est refaire par exemple la base 12 au lieu de compter en 10, ce n’est pas bien.

Olivier : Pourquoi ? Elle est bien la base 10, non ?

Laurent : Non. La 12, c’est la meilleure. Ou la 16. D’ailleurs, en hexadécimal, c’est 16.

Olivier : Mais grâce au zéro, la base 10 a permis d’avoir tout le système de multiplication.

Laurent : Non, parce que c’est la même chose. Tu comptes sur 5 sur tes doigts, tu fais ça pour 5 et après, tu fais 6.

Olivier : OK.

Laurent : Et en fait la base 12 permet de meilleures divisions sur plein de choses. Tu aurais plus de 33,333333% pour dire un tiers. Ce sera beaucoup plus simple. Tu as des trucs. Base 12, c’est l’écriture. Enfin, je veux dire, le français est catastrophique. Par exemple, si je te dis « l’effet, les faits, les fées, les faix », je t’aidit des mots différents. Mais le truc, c’est que, un truc tout con, mais par exemple, un mot comme cratère, pourquoi on ne dit pas comme en chinois la bouche de la montagne de feu. Tu sais, bouche, cela va être bou, montagne, cela va être mon, et feu, cela va être monfeu, donc boumonfeu, un truc comme ça. En fait, on peut vraiment s’infliger le langage de fou et je pense, ce serait plus facile. C’est beaucoup mieux on serait.

Olivier : Tu écris un livre. C’est intéressant.

Laurent : Oui, sur tous les petits points. Je suis en train de tous les lister, tout ce qui peut nous aider.

Olivier : Ça fera aussi des bons sujets de vidéo, ça.

Laurent : Oui, ça ferait des bons sujets de vidéo. Et voilà. Ce sont des trucs, des voyages, des machins et.

Olivier : C’est primeur, merci. Merci d’avoir partagé ça.

Laurent : Il faut le faire. Je ne sais pas. Faites des listes de ce que vous voulez faire, au moins ça…

Olivier : Mais je pense que c’est une excellente action à faire. Là, tu m’inspires pour en refaire une, tu vois, une liste de choses que je veux faire oui, très, très bonne idée, avant de mourir, oui.

Laurent : En vrai, ça drive. Et on ne se rend jamais compte, mais finalement, sur ta vie, ça t’arrive. Moi, j’avais le rêve d’aller au Japon, je n’ai jamais eu le courage de tout, machin. Finalement, il y a eu une opé qui m’a envoyé au Japon. Et là, tu dis « Ah oui, mais en fait, c’est ça. Et en fait, tu peux tout coordonner ta vie pour réaliser tes rêves. C’est la loi de l’attraction, c’est le truc. Tu mets sur ton téléphone la voiture de tes rêves, tu finis par la voir. Ce n’est pas de la magie, c’est parce que tu parles aux gens, tu fais le machin comme ça. Et rien que poster ma liste sur Instagram fait qu’il y a des gens qui m’ont dit « On va le faire ensemble ça ». Donc, c’est autoréalisateur quelque part, go for it.

Olivier : Go for it, guys.Bon,super, merci. Pour terminer cette longue et passionnante interview, la fameuse question : quels sont les 3 livres, ou si tu en as moins, ça va aussi, mais quels sont les 3 livres que tu recommanderais aux gens ? Qui t’auront marqué ?

Laurent : Cette question, elle me terrifie et je pense qu’elle terrifie beaucoup de gens parce que si tu réponds un truc trop évident, tu vas paraître un peu con, con, tu vois. Un des livres que je pourrais citer, alors si j’étais comment dire de la flagornerie : ton livre, machin.

Olivier : J’ai parlé de mon bouquin.

Laurent : Oui. Mais bon, n’ayons pas cette prétention, mais franchement très bien. Un livre par exemple comme « Sapiens » aussi, c’est vraiment bien pour avoir…

Olivier : J’adorais Sapiens. Tous les livres de Harari, moi, j’aimais.

Sapiens Yuval Noah Harari

Laurent : Il y a des trucs qui sont un peu exagérés, mais par exemple sur la guerre pendant la préhistoire, ce n’est pas tout à fait vrai. Mais bref, c’est super intéressant parce que t’as vraiment le côté « waouh, c’est ça l’humanité ». J’adore ces livres de synthèse. Les livres de synthèse, c’est vraiment parce que tu sais que cela peut marquer vraiment le temps. Et donc, moi, un enfant, si j’ai un fils ou une fille, elle aura le livre « Sapiens » illustré pour qu’elle apprenne comment ça marche l’humain en fait.

Et le livre, finalement, ne te donne pas. Il y a deux ou trois petites révélations, mais quand tu lis, tu dis « je le savais déjà », mais c’est synthétisé. Et la synthèse, il faut avoir beaucoup de recul là-dessus parce que les gens, généralement ils sont frustrés quand on leur dise des choses qu’ils savent déjà. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que bien synthétisé, c’est autre chose.

Olivier : Bien sûr.

Laurent : Et là, Sapiens, c’est quand même une merveille de synthétisation.

Moi, c’est plutôt un conseil sur : qu’est-ce qui m’a donné envie de lire beaucoup à une époque ? C’était plutôt les romans, les trucs classiques comme ça. Mais je suis rentré en lisant des livres qu’il était immoral de lire. Et on ne va pas citer de nom parce que c’est un peu compliqué, mais j’ai été dans cette époque un peu d’autodestruction, les ce que j’appelle les livres de mauvais sentiments. Tu prends Céline, par exemple, je prends le plus soft, le très, très soft.

Olivier : Lequel parce que je n’ai aucun Céline.

Laurent : Il y a des Céline qui sortent.

Olivier : Parce que c’était un nazi, lui, non.

Laurent : Non, non. Il était…

Olivier : Un fasciste peut-être ?

Laurent : Non, au contraire, tout le monde l’aime bien Céline, mais il a dû… Je crois qu’il y a eu un petit moment à être dans un passage « Avez-vous été antisémite ? » Mais globalement, ce n’est pas ce qui le définit. Vraiment, c’est très léger, mais par contre, il est très violent sur son époque. On sent la hargne, la haine. Cela ne nous concerne plus trop puisque ce sont des trucs qui se sont passés, c’était à la Première Guerre mondiale, tout ça. Et de lire des livres qui sont faits avec les tripes, avec les mauvais sentiments de son époque, on sent qu’il est vraiment punk dans son esprit. En fait, ça te donne envie de lire parce qu’il y a de la vie dans ces trucs-là. Comme on parlait tout à l’heure de la marche, de la ligne jaune, là, quand tu commences la lecture, allez sur des auteurs un peu sulfureux. Et ils le sont tous. Tu peux aller soit de… il y a les deux côtés du spectre, aller sur des livres qui disent pourquoi il faut brûler des riches, comme sur des livres pourquoi un peu plus hardcore.

Olivier : Et tu conseilles d’explorer un peu ça.

Laurent : Je conseille d’explorer.

Olivier : Pour voir un peu les extrêmes pour en avoir peur en fait.

Laurent : Même pas. Finalement, on s’en détache. Les extrêmes, c’est un truc d’adolescent. Non, mais je vais être très clair avec ça. Moi, je suis passé par tous les stades un peu d’homme politiquement, vraiment tout le spectre, parce que même moi, je me suis converti à la religion genre j’étais vénère pas dans le catholicisme, dans une autre religion. Et j’étais vénère et j’allais sur des trucs hardcore et parce que j’avais eu ce côté…

Olivier : Entier. Vivre à fond.

Laurent : Mais ce sont des trucs qui vivent. Les extrêmes sont très vivants. Et finalement, les extrêmes sont toujours ce qui font le milieu parce que ce sont des cordes qui se tiennent. L’important, c’est juste de ressortir vite.

Olivier : Alors attends, tu es en train de…

Laurent : Je ne parle pas forcément d’extrême politique.

Olivier : Non, mais tu décris une approche où tu vas volontairement plonger dans un extrême pour essayer de comprendre un peu, de vivre les choses, mais en ayant toujours un détachement qui te fait dire « OK, au bout d’un moment, j’en sors parce que j’ai exploré ce que je voulais explorer. »

Laurent : C’est quand même compliqué parce que tu te fais happer par les tripes. Tu as un côté, tu as tellement d’énergie, tellement d’explosions, tellement de machins que tu finis par « Ah, c’est vrai, tiens » pour raison, machin… C’est juste qu’il faut oser s’y confronter mais à tout le spectre, parce que c’est là que tu fais vraiment les nuances.

Olivier : Alors, est-ce que tu n’es pas un peu comme Ulysse qui a demandé à ses hommes de l’attacher sur le mât pour écouter le chant des sirènes ?

Laurent : Exactement. Et c’est très violent.

Olivier : Comment tu fais pour t’attacher au mât ? La nuance, finalement, non ?

Laurent : Ça, c’est la nuance. C’est toujours… Aujourd’hui, j’ai beaucoup de chance, c’est d’avoir énormément de recul sur les choses, sur beaucoup de points. Je ne veux pas faire genre mastermind… mais c’est parce que je sais ce que tu penses, d’où cela vient, parce que je l’ai eu. Quelqu’un, il est agressif sur un truc politique… tu ne comprends pas pourquoi. C’est parce qu’en fait, il a lu un truc. Il n’arrive pas avec les mots. Les mots ne sont pas suffisants pour dire toute l’énergie qu’il a accumulée de cette lecture, qui l’a envahi. Il s’exprime très bien, mais il est jeune.

Les extrêmes, c’est un truc d’ado. C’est un truc de gens qui ont des pulsions, machin, comme ça. Et en fait, si tu arrives à en mettre plusieurs, à regarder. Quand je dis extrême, cela peut être dans l’amour, dans le sexe, dans la violence. Le film avec l’ultra violence, Orange mécanique, ou les films de Tarantino, pourquoi ce sont des films d’ados ? Parce qu’ils sont extrêmes, parce que c’est violence. Il ne faut pas mettre d’intelligence dans les films de Tarantino. Il y en a un peu un petit discours, machin, mais il ne faut pas se mentir, ce sont des films d’ados.

Olivier : Cioran

Laurent : Cioran, c’est un écrivain. C’est un ado, c’est de l’écriture d’ado. Mais c’est bien écrit, c’est beau.

Olivier : Donc, tu recommandes d’explorer les extrêmes avec les précautions. Du coup, tu commencerais par quoi si tu… ?

Laurent : Je ne peux pas citer de nom.

Olivier : D’accord. Céline alors. Tu as dit Céline.

Laurent : Oui, Céline, c’est bien : « Voyage au bout de la nuit ».

voyage au bout de la nuit Louis-Ferdinand Céline

Olivier : Voyage au bout de la nuit, OK.

Laurent : C’est le plus connu. Mais ça, c’est accessible.

Olivier : Oui, je n’ai jamais vu Céline.

Laurent : Au Lycée, tu peux le Lire. Et peut-être la prof dirait « il faut faire attention », mais…

Olivier : Ah oui, d’accord.

Laurent : Non, mais c’est en gros, parce qu’il voyage après à travers le monde. En fait, c’est juste lui qui raconte sa vie, qui va à la Première Guerre mondiale, qui voit des choses horribles. Il est tellement désabusé de ces gens. Il voit le cadavre de son pote et il le décrit en mode presque c’est beau, genre la tête qui saute, oui, c’est beau. Il décrit comment c’est. Et en fait, il fait le tour du monde, donc il va dans les colonies, dans le machin. Il y a des descriptions un peu hard.

Olivier : De l’époque, oui.

Laurent : Oui, c’est ça. Après, Céline, c’est vraiment tranquille. Mais lisez des livres avec des tripes. Ça, c’est bien. Juste c’est de la littérature, c’est de la fiction.

Olivier : OK, troisième livre ?

Laurent : Alors, Sapiens, des livres un peu extrêmes. Franchement, je pense que je n’ai plus vraiment de références là.

Olivier : OK, très bien. Merci.

Laurent : En lisant ton livre.

Olivier : Tu l’as déjà recommandé, donc c’est bon.

Laurent : Ton livre, Sapiens, c’est des livres un peu qui donnent envie de lire. Mais non, après, il n’y a pas de…. Finalement, c’est un peu tous dans le même moule, ce qui m’a marqué en termes de littérature.

Olivier : Super. Et donc là, cela doit faire 2h qu’on est ensemble. Les gens qui sont là, c’est les plus motivés. Ils sont au taquet.

Laurent : Par rapport au watch time là.

Olivier : Franchement, là, vous faites partie de la team 2%, je vais revenir là-dessus après. Est-ce que tu peux donner un conseil à tous les gens qui sont là ultra motivés sur comment se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Laurent : Waouh ! C’est une vaste question ça. On parlait des gens qui sortent la tête. Il faut comprendre quelque chose, c’est que c’est naturel que l’on va vous remettre dans l’eau, c’est naturel. Et il faut savoir juste le dépasser. Et le meilleur conseil que j’ai à dire, ça va être très caricatural, mais quand tu l’as face à toi, les gens le font finalement peu, c’est qu’il faut savoir se tromper et aller à fond dans le truc. Et ce n’est pas grave d’être bête, ce n’est pas grave de paraître bête. De toute façon, on est toujours le bête de quelqu’un. Là, il y a des gens qui me regardent, ils font « il se prend pour qui ? Les entrepreneurs, ce sont tellement des gros débiles qui pensent que le monde, il y a du ruissellement, ils ne connaissent rien à l’économie, ils ne connaissent rien à machin… » Pour moi, c’est un débile le gars qui dit ça, mais parce que je sais pourquoi il pense ça… et au fond, il y a des petits faux de vérité dans chaque dream. Tout est nuance.

Olivier : Absolument. Moi, je crois beaucoup au Yin et Yang. Il y a toujours un fond de vérité dans ce que dit ton adversaire.

Laurent : Dans tout. Et non, la startup nation, ça ne règle pas tous les problèmes. Non, qu’un État dirige tout ne règle pas tous les problèmes. Mais à chaque fois, on doit prendre un peu et créer de la nuance. Et les extrêmes ont tendance à penser que les modérés sont bêtes, voire dangereux, mais en réalité, il y a peut-être des modérés qui suivent, il y a des modérés qui pensent. C’est asymptotique. On revient toujours en bas.

Olivier : Mais les modérés au moins essaient de prendre le meilleur de ce qui est à prendre chez les autres.

Laurent : Exactement. Mais pas toujours. Des fois, tu peux être modéré par peur.

Olivier : C’est vrai.

Laurent : Tu fais par consensus mou. Tu ne peux pas. C’est compliqué de savoir qui est éclairé, qui ne l’est pas, qui est rebelle intelligent parce qu’il a fait le tour. Un oxymore, c’est bien de faire un oxymore. Est-ce que c’est vraiment un oxymore un rebelle intelligent ?

Olivier : Non, parce que justement, pourquoi j’ai ajouté intelligent à rebelle ? Parce que tu peux te rebeller par automatisme, et du coup, tu ne réfléchis pas. Si tu es tout le temps dans l’opposition, pour moi, il n’y a pas d’intérêt. Se rebeller intelligemment, c’est justement penser par soi-même. Il faut savoir se rebeller contre les choses contre lesquelles ça vaut la peine.

Laurent : Oui.Mais tu sais, moi, j’aime bien par exemple l’expression idéaliste pragmatique, c’est possible, mais c’est aussi oxymorique.

Olivier : Écoute, super. Merci Laurent pour cette exploration vraiment en profondeur dans plein de sujets. Je pense que vraiment on pourrait en refaire une parce que je suis sûr qu’on pourrait refaire encore 2h sur d’autres sujets. Rien que sur le transhumanisme par exemple, il y a beaucoup de choses à dire. Merci d’avoir partagé tout ça.

Laurent : Merci de me laisser l’occasion de parler et à très vite. Merci beaucoup. Tchao.

Olivier : Et voilà chers amis rebelles intelligents, si tu es encore là, tu fais partie des 25%, des 20%, des 2% qui sont restés jusqu’au bout. En tout cas, tu fais partie de la minorité motivée. Je suppose que c’est parce que ce podcast t’a plu. Si c’est le cas, tu es libre de laisser un commentaire sur ta plateforme de podcast préféré, et si tu le fais, je t’en remercie par avance parce que c’est grâce à des petits gestes comme celui-ci que ce podcast va toucher davantage de rebelles intelligents et les aider à créer l’aventure de leur vie.

Merci d’avoir écouté ce podcast et à très vite pour le prochain.

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