Fabien Olicard, de bac moins 1 à auteur, youtubeur et mentaliste à succès
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Transcription texte de l’interview :
Olivier Roland : Il a raté ses études.
Fabien Olicard : Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études. Moi, j’ai eu cette chance.
Olivier Roland : Et a un bac-1, notamment car il travaillait uniquement les matières qui l’intéressaient et qu’il ne s’est même pas présenté à l’épreuve de rattrapage.
Fabien Olicard : Me voilà au rattrapage, sauf que moi, je bosse ce jour-là et je n’y vais pas. Je me dis « Je le repasserais un jour en candidat libre », puis je ne l’ai jamais fait.
Olivier Roland : Et il a pourtant près de 2 millions d’abonnés sur Youtube, il est un mentaliste reconnu au point d’avoir rempli l’Olympia, a écrit 6 livres qui se sont vendus à plus de 600 000 exemplaires et est un entrepreneur et artiste à succès.
Dans cette interview, Fabien Olicard partage comment avoir le bon mindset pour tracer son propre chemin vers le succès.
Fabien Olicard : En fait, je n’ai pas eu peur de moi, tu vois ce que je veux dire ?
Olivier Roland : Tu n’as pas eu peur de toi. Ok.
Fabien Olicard : Oui. Je n’ai pas eu peur de ne pas trouver de travail. Je n’ai pas eu peur de ne pas savoir m’adapter. Vraiment grâce à ces bouquins, je savais que je n’avais pas appris grand-chose, mais je savais que tout pouvait s’apprendre.
Olivier Roland : Comment voir les échecs comme des expériences amusantes ?
Fabien Olicard : Je te raconte une anecdote. En 2016, fin 2015, le temps de lancer, je créais un magazine d’humour gratuit sur Paris parce que j’en cherchais un et je n’en trouvais pas. Du coup, je dis « je vais le créer ». Je ne connais rien à l’édition, je ne connais rien à tout ça. Je monte ce système-là, je le lance et puis, cela ne marche pas.
Olivier Roland : Comment ne pas avoir à se préoccuper de l’argent ? Comment créer plusieurs entreprises pour multiplier les expériences et trouver ce qui vous plait vraiment ?
Fabien Olicard : Après, j’ai eu un restaurant Savoyard avec un mec qui s’appelle Denis.
Olivier Roland : Un restaurant Savoyard.
Fabien Olicard : Oui, à la Rochelle. Vraiment typique, tu vois, de la Rochelle, les fondus… Donc, on s’était dit 2 ou 3 ans, et puis, on arrête en plein essor.
Olivier Roland : Comment apprendre son métier tout seul sans cursus scolaire ?
Et la magie, tu l’as appris tout seul ?
Fabien Olicard : Depuis l’âge de 8 ans, oui.
Olivier Roland : Ah oui ?
Fabien Olicard : Mais sans vouloir enfermer les livres.
Olivier Roland : Comment développer une « boule de neige d’opportunités » qui grossit en permanence en étant toujours à l’affût ? Comment les voyages ouvrent l’esprit ?
Fabien Olicard : Et ça, c’est sûrement en travaillant en Inde, en Tanzanie, au Chili, en mangeant chez des gens au Chili parce que je croyais que c’était un restau et ce n’était pas du tout un restau, c’était chez des gens. Mais on me dit « viens manger ». « Tu as un peu de soupe pour nous quand même ? ». « Oui, mets-toi autour de la table ». Tu te rends compte qu’en vrai, c’est tout ce qu’on se fait croire à nous-mêmes ici.
Olivier Roland : Comment créer une chaîne YouTube à succès ? Et bien d’autres choses. C’est parti.
<Générique>
Olivier Roland : Salut Fabien.
Fabien Olicard : Comment vas-tu ?
Olivier Roland : Donc, tu nous accueilles dans tes bureaux
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : Pour cet épisode du podcast des rebelles intelligents et on va commencer par la question avec laquelle je démarre toujours : est-ce que tu as l’impression d’avoir une vie atypique par rapport à la moyenne des gens ?
Fabien Olicard : Pas tellement. C’est-à-dire que je n’ai pas tant l’égo de croire qu’elle est si différente. Dans la forme, oui, mais dans le fond, je crois qu’on a à peu près tous la même vie, c’est-à-dire qu’on essaie d’optimiser le temps, on essaie de travailler du mieux possible, on essaie d’avoir les meilleures relations possibles avec sa famille, de prendre le plus de joies possibles. Par exemple, il y a un truc que je ne dis jamais, c’est « moi, tu sais, c’est speed en ce moment. » Parce que je sais que qui que tu sois et quoi que tu fasses dans ta vie, en vrai, le temps, c’est ta problématique principale. Et je me dis « ne crois pas que tu es si différent parce que tes métiers ont des formes différentes. Donc le côté atypique, je pense qu’il est dans la forme, mais qu’il n’est pas dans le fond ».
Olivier Roland : Et tu penses donc finalement, c’est plutôt tes résultats qui sont un peu différents de la moyenne plutôt que tes processus ?
Fabien Olicard : Non, je pense que par contre la manière d’appréhender le chemin est plus atypique, pas unique mais plus atypique. C’est-à-dire que moi, je n’ai pas de plan. Depuis le départ, je n’ai toujours pas de plan.
Olivier Roland : Tu n’as pas de plan.
Fabien Olicard : Je n’ai toujours pas de plan.
Olivier Roland : D’accord.
Fabien Olicard : Si tu me dis « C’est quoi ton goal ? », tiens, je n’ai pas de goal.
Olivier Roland : Alors, tu n’as pas de plan et tu n’as pas d’objectif ?
Fabien Olicard : Non.
Olivier Roland : D’accord. Parce que tu peux avoir un objectif sans plan pour les atteindre.
Fabien Olicard : Non. L’objectif, il est atteint depuis que j’ai 18 ans, c’est-à-dire être heureux le matin et faire ce que je veux. Par contre, il a revêtu des formes différentes. Il y a un moment de ma vie, j’ai vécu dans une toile de tente pendant quelques mois puisque je n’avais pas les moyens de prendre un appart, donc je dormais dans un camping.
Olivier Roland : C’était en France ?
Fabien Olicard : C’était en France, oui, j’étais sur l’île de Ré pour tout te dire. Mais une chose est sûre, c’est que rétrospectivement, j’étais aussi heureux que maintenant. Donc, à partir du moment où j’ai enlevé quelques composantes du style « est-ce que le confort compte dans le fait d’être Ok ? » Non. J’ai répondu assez tôt à la question « qu’est-ce qui me rend profondément heureux ? » La liberté et l’autonomie, ce sont les deux choses. Et si quelque chose m’en enlève un peu, je ne vais pas le faire, ou m’en enlève trop. Ou si je le fais, c’est sur un temps très limité et c’est vraiment conscientisé.
Et une fois que cette introspection est faite, tu dis « mon goal, c’est de continuer à être toujours heureux, et qu’est-ce que je peux expérimenter sans toucher à ces deux composantes-là ? ». Puis tu essaies plein, plein de choses, celles qui ne marchent pas du tout d’ailleurs en termes de résultats, que ce soit pro ou perso, et puis celles après qui ont des singularités. Comme il n’y a pas de plan, il n’y a que des opportunités. Puisqu’il n’y a pas de plan, il n’y a pas de route. Donc, s’il faut tourner à droite à un moment donné, cela a l’air rigolo là-bas, mais je peux tourner à droite.
Olivier Roland : Tu n’as pas de vision à long terme de ce que tu veux devenir par exemple ? Tu te dis juste « quelles sont mes opportunités maintenant pour expérimenter quelque chose d’amusant, tout en gardant ma liberté et mon autonomie ? ».
Fabien Olicard : Exactement. Tu as extrêmement bien résumé. Ce qui veut dire aussi que je n’avais pas prévu de faire de la scène. Je n’avais pas prévu de faire des vidéos. Je n’avais pas prévu d’écrire des livres. Je n’avais pas prévu de faire des magazines… J’avais prévu, si possible, d’être confortable financièrement à un moment donné et puis on expérimente plein de choses, il y a des choses qui ont mieux marché que d’autres, qui n’étaient pas prévues. Et tu te dis « Tiens, c’est marrant parce que ça, c’est ma vie, c’est une hydre, ma vie pro. J’imagine une hydre avec plein de têtes.
Et je me dis en fait, chaque projet, c’est une tête et du coup, qu’est-ce qu’il faut pour la nourrir ? Des fois, il faut de l’argent et il faut de l’énergie, ça c’est sûr, et puis il faut du temps. Le temps et l’énergie, c’est lié. Puis, qu’est-ce qu’elle peut me recracher cette tête ? Elle peut me recracher de la carrière, pour moi qui suis devenu un peu public, elle peut me recracher de l’argent ou elle peut me recracher juste du kif. Et donc, en permanence, je me fais une vision presque mensuelle de : Qui mange quoi ? Qui est boulimique ? Qui est anorexique ? Alors elle, elle mange beaucoup, elle ne recrache pas beaucoup. Oui, mais c’est du kif qu’elle recrache. Ça, j’aime bien, je garde. Tu vois ? Ça, celle-ci, elle prend beaucoup, elle recrache peu. Est-ce que j’y tenais particulièrement à celle-là, non ? Et je n’ai pas de problème à couper cette tête, à cautériser tout de suite et à passer à autre chose parce qu’encore une fois, je n’ai pas l’attachement.
Et c’est ça, quand je te dis le truc atypique de la vision du chemin, c’est que dans la comparaison avec mon entourage, je me rends compte que comme il n’y a pas de vrai projet derrière, je n’ai pas d’attachement émotionnel. Un truc de « Non, mais ça, je n’ai pas envie de l’arrêter parce que quand même c’est toute ma vie, j’en rêvais depuis toujours ». Moi, je rêve de ce que j’expérimente en temps réel, pas de ce que j’aurais pu expérimenter.
Olivier Roland : Oui, c’est intéressant parce que beaucoup de personnes sont rattachées à la liberté. Pour moi aussi, c’est une valeur fondamentale. Mais là, tu as une sorte de méta liberté qui est de ne pas être l’esclave de ton objectif.
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : C’est intéressant et tu te laisses libre finalement d’expérimenter ce que tu veux.
Fabien Olicard : Oui. Je te donne un exemple concret. À une époque, je travaillais énormément à l’étranger, je faisais une trentaine de pays par an en conférence, en faisant des tours de mentalistes sur des bateaux de croisière, des trucs comme ça. Je te parle de cela sincèrement. J’ai super bien gagné ma vie. C’était vraiment… Je pense que n’importe qui à ma place se serait dit « continue le trait, grossis-le et va tout droit ».
Puis, c’est là où j’ai rencontré à Yalta en Ukraine un gars qui me fait « J’ai des amis qui ont ouvert un petit théâtre à Paris. Si tu veux, un jour, je vais là-bas. » Moi, j’y suis le mois prochain, vas-y, je les contacte et puis je pars pour faire deux dates chez eux dans un 49 places, c’est trop rigolo quoi, sauf que je surkiffe ça. Du coup, je dis « je continue ça un peu ». Donc, cela veut dire arrêter de gagner 4 000 € par mois et gagner moins de 4 000 à ce moment-là.
Olivier Roland : En vivant à Paris en plus.
Fabien Olicard : En vivant à Paris, mais ce n’est pas un souci. Mais ce que je veux dire, c’est que quelques mois après, au lieu de continuer cette vie qui était quand même très facile, j’en étais réduit en fin de mois à compter les petites pièces de monnaie pour prendre le ticket de métro.
Olivier Roland : Cela ne doit pas être une transition facile quand même d’être dans une abondance financière et passer à quelque chose de plus restreint.
Fabien Olicard : Je n’ai pas de problème avec l’argent et c’est peut-être pour cela que je n’ai jamais eu de problème d’argent parce que j’en ai toujours assez. Et là, j’en ai assez pour faire des choses merveilleuses dans ma vie, pour faire plaisir à mon entourage, pour faire des énormes kifs. Mais c’est une conséquence, ce n’était pas le goal à atteindre. Après, je ne me fais pas passer pour ce que je ne suis pas, c’est-à-dire que la vie est un jeu de stratégie. Par contre, si je monte un projet, que je m’engage dans un projet à court terme ou moyen terme, je vais le faire le plus intelligemment possible. Quand c’est un projet public comme un livre, par exemple, je veux que ce soit la meilleure version de ce livre que j’écrive, je veux que ce soit la meilleure communication possible, le meilleur contrat que je signe, le meilleur deal et les meilleures retombées possibles.
Après, il n’y a pas d’inconscience ou de côté faussement je m’en fous du résultat, non. Par contre, je m’en fous du résultat à partir du moment où j’ai appuyé de la meilleure manière possible sur tous les leviers que j’avais à disposition. Donc, c’est pour cela qu’il y a eu quelques singularités dans ce cas qui ont fait que la vie financière, après, a repris son cours et que j’ai pu augmenter encore de projets. Et encore une fois, j’en ai plein qui se sont pétés la gueule aussi.
Olivier Roland : Est-ce que tu as déjà entendu parler du concept japonais de l’Ikigai.
Fabien Olicard : L’Ikigai, oui, bien sûr.
Olivier Roland : Tu vois, je trouve cela intéressant parce que pour rappeler pour ceux qui nous regardent, c’est la raison d’être, on pourrait traduire ça par : c’est le carrefour de 4 choses, donc passion, compétence, mission de vie et potentiel économique.
Et je trouve cela intéressant de comparer l’Ikigai à finalement ce que tu fais parce que là, on sent que tu es dans la passion, toujours explorer les passions, les compétences que tu développes au fur et à mesure. La mission de vie, du coup, c’est d’être libre.
Fabien Olicard : C’est de la vivre bien parce qu’être libre, c’est l’étiquette de se sentir bien chez moi. Mais cela aurait pu être une autre étiquette. Tu vois ce que je veux dire ? C’est juste trouver sa propre étiquette, c’est comment être bien, en fait.
Olivier Roland : Du coup, le potentiel économique, cela n’a jamais été une problématique pour toi ?
Fabien Olicard : Non.
Olivier Roland : Mais quand tu as de l’argent, c’est que tu es quand même plus libre de manière générale de…
Fabien Olicard : Non, j’ai plus de possibilités.
Olivier Roland : Tu fais une distinction.
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : D’accord.
Fabien Olicard : Je ne suis pas plus libre parce que vraiment il n’y a pas un projet que je n’ai pas pu monter. Par exemple, depuis 15 ans, je me dis « Si un jour, j’ai une création spectacle et vidéo, tout ce que tu veux, où j’ai un problème de fond, je ferai un crowdfunding ». Je le ferai ce jour-là, je ferai une collecte et j’engagerai les gens, mais ce sera mon dernier recours.
Je suis passé par des phases d’aisance financière fluctuante, je n’ai jamais fait de crowdfunding. C’est-à-dire, il y avait toujours une possibilité de trouver de l’argent. Oui, c’est ça, je n’ai jamais eu de difficulté à trouver de l’argent quand j’en avais besoin. J’ai un avantage, j’ai une capacité de travail énorme. Tant que le travail me plait, je peux l’abattre, une grosse capacité de résistance. Donc, ce n’était pas un problème. Pour cela aussi. Peut-être que cela ne m’a jamais inquiété l’argent en mode « je trouverai ». Mais pas « je trouverai » inconscient, le « s’il faut que j’aille faire quelques heures en restauration, je trouverai de l’argent. » Il n’y a pas de problème, parce que pareil, je n’ai pas d’égo sur ce que je fais demain.
Ce n’est pas parce qu’à un moment donné… mais ça, c’est la scène aussi qui t’apprend cela. Ce n’est pas parce que tu remplis un Olympia de 2 000 personnes, moi c’était en 2018, que cela veut dire qu’en 2025, je remplirai encore un Olympia de 2 000 personnes. On sait qu’il y a des fluctuations et je suis Ok avec cela. Donc, cela veut dire aussi être capable de réviser ses prétentions de hype, de ce que tu fais, tu vois. Ce n’est pas toujours plus hypant. Des fois, tu peux refaire des choses basiques et c’est très cool aussi.
Olivier Roland : C’est très intéressant parce que finalement, c’est aussi un des dangers du succès, c’est d’être addict à cette reconnaissance, mais aussi à l’argent qui va avec, et donc de diminuer sa liberté parce qu’on devient… notre bonheur dépend d’une chose finalement sur laquelle on n’a pas toujours du contrôle.
Est-ce que tu fais vraiment cela consciemment pour maximiser ta liberté d’un point de vue ?
Fabien Olicard : Oui, absolument.
Olivier Roland : Oui, d’accord.
Fabien Olicard : Et puis après, là depuis quelques années, on va dire, 5-6 ans, je commence vraiment à injecter des choses que tu connais bien, c’est-à-dire dans ma vision d’opportunité, fun ou machin, j’essaie d’identifier aussi les trucs de « attends, il n’y a pas un peu de passif quelque part à faire ? De revenu passif ? » Parce que cela me permettrait de ne plus jamais avoir à penser à « il faudrait que j’aille trouver de l’argent ». Donc, une espèce de conscience de je ne cherche pas après cela, mais c’est quand même plus facile, ça laisse plus d’énergie ailleurs s’il y a un peu d’argent qui rentre tout seul aussi avec un système ou un autre.
Olivier Roland : Absolument. Donc là, tu as quand même un objectif, c’est de trouver…
Fabien Olicard : Ce n’est pas de laisser filer des opportunités comme ça. Ce n’est pas de les trouver, ce n’est pas de les laisser filer. J’ai rencontré un gars par exemple qui a une société qui est géniale, et donc on parlait, on va travailler ensemble sur des projets et tout. Puis, je me suis dit « Mais pourquoi je n’investis pas chez lui ? Son projet, il est trop bien, je pense vraiment que c’est une super idée ». Et je ne fais que de me dire « Si j’avais eu cette idée, je l’aurais développée ».
Je suis retourné le voir en disant « Mais tu as besoin de fond ? Parce que moi, je veux bien t’apporter non pas du temps ou de l’expertise, mais t’apporter l’argent que tu cherches ». En fait, j’étais en train de le conseiller sur comment trouver de l’argent. C’est très con, je vais te le donner et puis comme moi, je le crois énormément, je me dis peut-être que ça, ça me rapportera. Peut-être pas. Mais tu vois, si je n’avais pas eu ce… pas ce goal-là, mais ce petit regard sur ce facteur en plus dans ma vie, j’aurais pu le laisser passer. Donc, ce n’est pas que je le cherche, mais quand j’en vois un, je me dis « Attends, peut-être il y a moyen aussi de m’intégrer un peu là-dedans et générer un peu de passifs là avec cela ».
Olivier Roland : Et est-ce que tu fais aujourd’hui quelque chose qui a un rapport direct avec tes études ?
Fabien Olicard : Non, rien.
Olivier Roland : Rien.
Fabien Olicard : Non. Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études. Moi, j’ai eu cette chance.
Olivier Roland : Raconte-nous un peu.
Fabien Olicard : Moi, je vais jusqu’au bac STI.
Olivier Roland : Bravo, déjà, moi, j’ai un bac-2.
Fabien Olicard : Mais je n’ai pas mon bac, je vais jusqu’au bac.
Olivier Roland : D’accord. Tu vas jusqu’au bac.
Fabien Olicard : Et le problème, c’est que je travaille déjà à cette époque et puis, j’adore cela. Du coup, je me dis « il faut que je fasse le minimum ». Donc, comme tous ceux en plus qui ne se débrouillent pas trop mal à l’école, j’en fous pas une, très grosse incapacité.
Olivier Roland : Tu avais des bonnes notes quand même.
Fabien Olicard : Oui, mais très grosse incapacité à m’organiser dans le travail. Tout ce qui me passionne fait des super notes parce que je m’y intéresse. Tout ce qui ne me passionne pas, je ne le travaille pas parce que cela ne m’intéresse pas. Donc, cela paraît très fluctuant. Et du coup, je calcule tout pour ne faire qu’une heure à chaque épreuve, genre maths appliquées ces 4 heures, je fais une heure et je pars toujours à la fin de l’heure.
Olivier Roland : Ah oui.
Fabien Olicard : Et la philo, je ne fais pas de brouillon, j’écris au propre et tout. Philo, super, j’ai eu 18/20, mais c’était coeff. 2, donc autant te dire qu’il fallait que j’ai ça en physique appliquée.
Olivier Roland : En première L, tu aurais fait meilleur score.
Fabien Olicard : Oui, c’est cela. Et puis, en citant Mano Solo, je n’avais même pas une rêve de philosophe ou quoi, j’avais des rêves de chanteur. Puis après, je passe au rattrapage parce que j’ai 9,93, je crois, je n’ai pas 10, et le problème de mon dossier scolaire, c’est que tous les jours, il y a une absence non justifiée. C’est-à-dire que les profs qui ne m’intéressent pas, les contraintes horaires que je trouve injustifiées, je n’y vais pas, c’est comme ça. Donc en fait, ils ne me donnent pas les 7/10ème qu’il faut comme ils font, des fois, ils arrondissent parce que mon dossier scolaire est considéré comme mauvais à cause de ces absences.
Donc, me voilà au rattrapage, sauf que moi, je bosse ce jour-là et je n’y vais pas. Et je me dis « je le repasserai un jour en candidat libre » et puis je ne l’ai jamais fait. Voilà. Mais je savais que je n’allais pas continuer mes études depuis le départ.
Olivier Roland : Mais c’est intéressant parce que finalement, on a beaucoup de points communs là-dedans et tu avais vraiment cette notion de « tu prends à la carte ce qui est à prendre dans le système ».
Fabien Olicard : Oui
Olivier Roland : Tu avais bien conscience que le tout monolithique n’est peut-être pas si intéressant. Il y avait un coût d’opportunité aussi.
Fabien Olicard : Tu sais, j’avais dit à ma mère un truc. C’est notre seul conflit dans la vie, c’est que je n’ai pas mon bac. Et ma mère, dans l’instant, le vit très mal. Et je dis « Mais tu ne comprends pas un truc, c’est que j’ai arrêté mes études parce que je veux apprendre des choses et je veux avoir le temps de lire ces choses, je veux avoir le temps de faire les formations que j’ai envie de faire, je veux apprendre à la carte. ». C’était juste cela en fait le truc. Ce n’était pas un problème de s’intéresser à des nouvelles choses, c’était un problème de vraiment sur 8 heures de cours, suivant les profs ou les matières que j’avais, des fois, je disais « mais en une heure, c’était plié ».
Il y a des cours où je décrochais, la mécanique analytique, parce que j’avais compris ce dont on reparlait, mais je ne voyais pas l’intérêt de refaire une semaine sur ce truc que toute la classe, y compris moi, avions compris. Donc, je ne venais pas durant toute la semaine et puis forcément, je ratais le petit truc en plus qu’il ne fallait pas rater, tu vois, évidemment.
Olivier Roland : Qu’est-ce que tu faisais de ce temps que tu gagnais, tu faisais l’école buissonnière ?
Fabien Olicard : Alors, pour le coup, mes parents savaient où j’étais, j’étais chez moi. Et je lisais, j’avais bouffé des bouquins que je prenais à la médiathèque, je les lisais chez moi. Je faisais des…
Olivier Roland : Plutôt des livres pratiques ou des livres de fiction ?
Fabien Olicard : Non. En général, je fais…, mais j’ai encore ce rythme-là aujourd’hui, 2-3 livres pratiques et une fiction.
Olivier Roland : Ok.
Fabien Olicard : Mais ce n’est pas fait consciemment. Je sens qu’à un moment donné, il y a besoin d’intégrer un peu ce que tu as lu et d’expérimenter. Et puis une fiction, c’est cool, je me mets en immersion. Et les fictions quand elles sont bonnes, j’ai toujours du mal à quitter l’univers, donc je n’ai pas envie de renchaîner une fiction et je reviens sur des pratiques.
Olivier Roland : Une des meilleures fictions que tu as lu ?
Fabien Olicard : « Le Papillon des étoiles » de Werber.
Olivier Roland : Ok, que je n’ai pas lu.
Fabien Olicard : Oui. Pour moi, c’est le meilleur livre, ce n’est pas le plus connu et c’est un livre d’ailleurs qui, contrairement aux restes de son œuvre, se recoupe avec rien de ce qu’on connait de lui et il ne pouvait pas y avoir un 2. C’est un film quoi, tu vois. Et c’est une fiction intéressante parce qu’elle se passe sur des milliers d’années. C’est très marrant de se dire « tu commences le livre avec des gens que tu vas quitter déjà bientôt, puis ça va être d’autres personnes ». Donc, tu n’as pas ce protagoniste que tu vas suivre tout le long. C’est un super bouquin.
Olivier Roland : Je le lirais, du coup, intéressant. Et c’est intéressant qu’à 18 ans ou même avant, à 17 ans, je ne sais pas, tu étais déjà à cette démarche de lire des livres pratiques. Moi, cela a été ma plus grande erreur. J’adore lire, mais je ne faisais que lire des livres de fiction, et pendant 8 ans, j’étais entrepreneur, je n’ai lu aucun livre de business, ce qui m’a fait perdre un temps fou. Donc toi, tu avais quand même cette démarche de t’auto-éduquer déjà.
Fabien Olicard : En fait, apprendre des trucs, c’est-à-dire que par exemple, les livres qui me serviront après dans ma vie en marketing ou des choses comme ça, c’est un peu des hasards que je tombe dessus. Ce sont des titres sexy, des couvertures un peu sexy et je me dis « Ah ! Ça a l’air intéressant, je lis cela parce que rien ne me rebute ». Mais à la base, c’était vraiment, par exemple, autre conversation que j’ai eue avec ma famille, moi, je ne voulais pas passer le bac. Je voulais faire un BEP mécanique, électricité, peu importe, un truc qui me serve dans la vie.
C’était toujours le truc de je veux apprendre, je veux avoir des skills, en fait. Je faisais énormément de jeux de rôles à l’adolescence, j’adore cela et pour moi, j’ai une fiche personnage et je peux mettre des points un peu partout. C’est cela que je voulais. Donc, oui, j’allais directement sur des livres pratiques, des livres de connaissance, des livres de savoir, pas des grandes théories, des mecs qui ont expérimenté ou des bios. J’adorais les biographies, j’aime toujours les biographies d’ailleurs.
Olivier Roland : Tu avais cette approche concrète et trouvais que l’école était trop théorique, en fait.
Fabien Olicard : Oui, trop. Pas assez appliqué, presque dans tous les sens du terme d’ailleurs, mais pas assez appliqué à du concret. C’est-à-dire que moi, j’avais un prof de maths qui m’a fasciné en 1ère, meilleure note de ma vie, je devais plafonner à 19 en maths cette année-là. Mais pourquoi ? Parce qu’il était génial. Tu arrivais en cours et puis, il disait « Vous avez vu, on a gagné hier ». Je suis de La Rochelle, on a le rugby. « Là, on a gagné » et tout. « Je me demandais là en arrivant : il faudrait tirer de quel angle, avec quelle force quand on a le vent de la marée montante pour que la courbe soit la plus sûre de rentrer ? ». Il fait « Bon, allez-y, on s’y colle ». On se collait à cela, trop bien.
Olivier Roland : Ça, c’est super intéressant.
Fabien Olicard : C’est génial. C’est appliqué à quelque chose. Un jour, il avait la canette. Il buvait du soda, il avait sa canette, il fait « Pourquoi elles sont comme ça les canettes ? Est-ce que c’est vraiment le meilleur volume, la meilleure position pour contenir 33cl en utilisant le moins de matériel ou pas ? Venez on fait cela ? » On a fait cela durant 2 heures. La réponse, oui, c’était des ingénieurs qui avaient pensé à cela avant nous, mais on l’a vérifié. Et du coup, on a été pioché dans tous les outils qu’on avait à notre époque à ce stade de connaissance pour réussir à faire cela. Mais c’est vraiment très stimulant. Tout fait sens d’un coup, tout fait sens.
Olivier Roland : Tu en parles aussi parce que c’était quand même assez rare comme comportement finalement.
Fabien Olicard : C’est un cas unique. J’avais lui et j’avais mon prof de philo qui était passionnant, mais parce qu’on sortait du programme. En fait, c’est juste cela. Ce qu’il nous faisait faire mon prof de maths, je pense que s’il avait été contrôlé, il se serait pris un blâme, c’était hors programme. Ce n’était pas ce qu’on devait faire à ce moment-là. On n’utilisait pas des formules qu’on devait apprendre à ce moment-là. Oui, mais on s’intéressait aux maths, ce n’est pas cela le plus important ? Et on développait notre sens logique. Mieux encore, on était obligé de le composer avec le peu de connaissances qu’on avait.
Donc, c’est intéressant de se dire « Ok, je n’ai pas ma scie avec moi, je n’ai pas mon marteau, je n’ai pas mes clous, pourtant, il faut que je découpe une planche et que je la mette sur le mur. Comment je fais ? » J’ai un petit couteau quand même, j’ai cela, j’ai de la pâte à fixe, c’est pareil, mais avec des formules de maths. Donc, tu bricoles et tu obtiens un résultat parfois un peu bancal, mais tu as cherché ta solution.
Olivier Roland : Et ça, c’est important parce que finalement, cela t’apprend à penser en dehors de la boite, à être créatif et à trouver des solutions concrètes aux problèmes concrets.
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : Ce que l’école devrait enseigner et qu’elle ne fait pas tant si bien que cela, c’est le problème.
Fabien Olicard : Cela développe ton sens logique, ta stimulation personnelle, le sens du défi aussi, de « Ah, tu ne peux pas le faire parce que tu n’as pas assez de connaissances ». Il faut voir.
Tu vois, il y a cela aussi. Le shoot d’adrénaline que tu as quand tu es en train de résoudre quelque chose auquel tu n’es pas censé être préparé, c’est intéressant aussi l’autosatisfaction derrière.
Olivier Roland : Et ce contraste que tu avais entre ces livres pratiques qui t’apprenaient des choses intéressantes et tes cours, cela a renforcé le fait que tu ne voulais pas avoir ton bac et tu t’es dit finalement « Les bouquins, ça me suffit et j’ai juste à faire quelque chose dans ma vie » ?
Fabien Olicard : En fait, je n’ai pas eu peur de moi. Tu vois ce que je veux dire ?
Olivier Roland : Tu n’as pas eu peur de toi. Ok.
Fabien Olicard : Oui. Je n’ai pas eu peur de ne pas trouver de travail, je n’ai pas eu peur de ne pas savoir m’adapter. Grâce à ces bouquins, je savais que je n’avais pas appris grand-chose, mais je savais que tout pouvait s’apprendre. Il y avait vraiment un truc de « tout peut s’apprendre, tout peut s’expérimenter ». On a le droit de se tromper, on a le droit de rater et d’apprendre de ses échecs. Ça, c’est un truc qui est très clair pour moi. Mais aussi parce que je fais de la musique, j’ai appris la musique tout seul, donc évidemment, j’ai cassé les oreilles à mes parents avant de réussir à taper un petit Georges Brassens à la Green, à la guitare, tu vois. Donc, il n’y a pas de panique à avoir, il n’y a jamais de catastrophe. Et dans les choses qui sont dans l’ordre de l’inné, moi, je suis né avec aucune peur du regard de l’autre.
Olivier Roland : Vraiment ?
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Zéro.
Fabien Olicard : Je m’en bats les couilles.
Olivier Roland : D’accord.
Fabien Olicard : Je n’ai pas cet égo-là.
Olivier Roland : Tu n’as plus besoin de dépasser cela.
Fabien Olicard : Non. Mais cela, je te dis, il n’y a aucune fierté puisque j’ai toujours eu cela. Moi, je suis capable de tourner une vidéo pour Youtube qui va faire quand même pas mal de vues et c’est l’équipe qui dit « Regarde-toi dans un miroir s’il te plait. Tu as des trucs là, tu as de la bouffe là ». On s’en fout.
Olivier Roland : Une patate.
Fabien Olicard : Oui, c’est cela. Donc, rater n’a jamais été un problème parce que je n’avais pas peur du jugement.
Je te raconte une anecdote. En 2016, fin 2015, le temps de lancer, je créais un magazine d’humour gratuit sur Paris, parce que j’en cherchais un, je n’en trouvais pas. Du coup, je dis « je vais le créer ». Je ne connais rien à l’édition, je ne connais rien à tout cela. Je monte ce système-là, je le lance et puis cela ne marche pas, tu vois, 1 mois – 2 mois. Les retours sont très positifs, ce qui ne marche pas, c’est la vente des encarts publicitaires. En fait, mes clients sont principalement les théâtres, les spectacles et les billetteries. Ils ne croient pas au projet, ils n’ont pas l’habitude d’investir leur argent là-dedans. Ils préfèrent mettre une bannière sur BilletRéduc à 1 500 € par mois, mais une page dans un magazine spécialisé qui est pourtant distribuée gratuitement, cela ne fait pas encore partie de leur vision. Donc, j’ai du mal à les avoir.
Je trouve quelques clients quand même, des VTC, je leur vends le truc après le spectacle. Il faut bien qu’ils appellent un VTC, des choses comme ça, mais rien de très viable et beaucoup, beaucoup d’énergie dedans pour pas grand-chose, parce que quand je reçois les 80 000 exemplaires, moi, je vois dans ma tête des cartons arrivés. Quand il y a un camion qui arrive qui livre des palettes devant chez toi, tu fais « Ah oui ! », mais quand je me disais « Les dispatchers, ils vont venir et ils vont en prendre les livres pour la journée. » Non, c’est lourd le papier, je le découvre ce jour-là.
Olivier Roland : Alors, qui a couronné 80 000 ?
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Et tu n’avais pas cette démarche. Tu connais le lean startup, j’imagine, de minimiser ses risques, de commencer avec un produit mini viable. Tu étais en mode full.
Fabien Olicard : Je lance le truc. Oui.
Olivier Roland : 80, mais qu’est-ce que tu as fait de ces 80 000 magazines ?
Fabien Olicard : On les a déposés en théâtre, on les a distribués…
Olivier Roland : C’est énorme.
Fabien Olicard : Et d’ailleurs ça, c’était le seul truc qui me gonflait, c’est quand j’en parlais aux directeurs de théâtres et tout, j’ai dit « Vous ne vous rendez pas compte ? 80 000, c’est beaucoup. Regardez les chiffres de l’édition que je commençais à… » Ça, c’est encore autre chose. Au bout de 3 mois, je me dis « D’accord. Cela me prend toutes mes journées, toute mon énergie ».
Olivier Roland : Tu faisais cela tous les mois ?
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Tous les mois, tu avais 80 000 exemplaires ?
Fabien Olicard : Non. Après, on a réduit à 40 000.
Olivier Roland : D’accord. Seulement 40 000, ça va, que tu distribuais gratuitement.
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Et c’était quoi ? Des blagues, des…
Fabien Olicard : Des interviews de metteurs en scène, d’artistes, des bons plans de spectacle, des livres I feel good.
Olivier Roland : Sur la comédie alors.
Fabien Olicard : Mais toujours dans… Voilà, Humour magazine, c’est l’humour sous toutes ces formes.
Olivier Roland : Et tu cherchais des annonceurs.
Fabien Olicard : Je cherchais des annonceurs et puis je cherchais comment déléguer. Et au bout de 3 mois, je vois, c’est quand même un projet de vie ce genre de magazine tel que je l’avais monté, et donc, je me dis « j’arrête ». J’avais monté une petite équipe, on était 3 autour. J’ai dit « On va arrêter le mois prochain. C’est le mois de Juillet, on fait le dernier numéro », et puis, on laisse passer ça, je prends pour moi.
Donc, les deux me disent « Non, mais qu’est-ce qui… » On était tous du milieu du théâtre. « Qu’est-ce qu’ils vont penser toutes les prod qu’on a pu contacter, les théâtres, les machins ? Quelle réputation on va avoir et tout ? » Mais rien. Et je leur dis un truc qui est sincère, je leur dis « Tout le monde s’en fout de ce qu’on a fait. » Dans 3 mois, plus personne n’y pense, l’été sera passé et peut-être au mois de Décembre, un jour, quelqu’un dira « mais il n’y avait pas un magazine l’année dernière ? »
Je fais « mais n’attachez pas trop de valeur à ce qu’on a fait parce que nous, c’est important parce que c’est nous, mais ne croyez pas… ».
Et je leur prends des exemples concrets de « Tu te souviens des spectacles qui se sont plantés dans telle salle ? ». « Non, on ne se souvient pas de ces ratés-là. ». Donc, je leur dis « on s’en fout quoi », tu vois, pas de… Et c’est pour ça que je t’ai dit « pas d’égo, pas de problème sur le regard de l’autre. Arrêtez quoi. » Moi, je voyais juste tout le…
A cette époque-là, cela va te parler parce que je t’ai dit ça c’est au mois de Juin, il y a donc un autre projet lancé par hasard qui est en train de prendre, c’est ma chaîne Youtube. Je me dis « Du coup, cette énergie-là, il faut la mettre là, il ne faut surtout pas… ». Youtube, c’est un hasard, c’est cela qui monte, bon, mettons le temps là. Et la jolie fin de story, c’est qu’en 2020, je lance un nouveau magazine qui s’appelle « Curiouz », qui marche super bien. Son fonctionnement, c’est du diamant, mais parce que je me suis planté en 2016. Sans cela, jamais je lance Curiouz et jamais il a la mécanique qu’il a aujourd’hui parce qu’il l’a eu dès le départ.
Moi, je suis très Mario Bros. J’essaie le niveau très vite, je tombe dans le trou, maintenant, je sais qu’il y a un trou. Cela ne m’intéresse pas tellement d’avancer de manière précautionneuse puisque je m’en fous de tomber.
Olivier Roland : Alors, pour pouvoir faire cela, il faut quand même avoir un plan de secours quand tu tombes dans le trou. Il ne faut pas que quand tu tombes dans le trou, tu te retrouves SDF dans la rue.
Fabien Olicard : Mais ce ne sont pas des projets de vie, oui.
Olivier Roland : Ce sont des risques mesurés quand même.
Fabien Olicard : Disons qu’en tout cas, il faut être capable de se dire « je rajoute ça à ma vie ». C’est-à-dire que moi, à l’époque, ma ligne de conduite, c’était « Je gagne ma vie avec le spectacle vivant et ça roule comme ça, donc si je lance un nouveau projet, je n’arrête pas le premier. »
Quand j’écrivais mon livre, je n’ai pas arrêté de faire des vidéos. Quand la tournée vient de reprendre, je n’arrête pas d’écrire mon prochain livre non plus. Enfin, tout doit se marier, et là, c’est une question de gestion, d’organisation, d’équipes aussi, de te dire « Ok, je génère de la richesse. Tout de suite, je vais créer des équipes avec cette richesse-là, sinon je ne peux pas tout faire ». Et si tu as envie de tout faire, trouver des solutions.
Olivier Roland : Donc, tu raisonnes vraiment en petits projets que tu peux tester rapidement pour voir si ça fonctionne ou pas, enfin un petit ou pas parce que 80 000 exemplaires quand même, tu y allais à fond. D’ailleurs, c’est une méthode que Jeff Bezos fait beaucoup aussi. Il dit qu’on voit tous les succès d’Amazon, c’est parce qu’on ne voit pas les dizaines et centaines de projets qu’ils ont testé et qui n’ont pas marché.
Et ça, c’est aussi très intéressant ce que tu as partagé. C’est ce que je dis toujours pour essayer d’aider les gens à dépasser la peur de l’échec, c’est qu’en général, les échecs se voient beaucoup moins que les succès.
Fabien Olicard : Oui, c’est ça.
Olivier Roland : C’est logique, et tant mieux.
Fabien Olicard : Alors si tu veux, in fun fact, fort de ce raisonnement-là que j’ai aussi, dans les catégories de choses que je fais dans la vie, j’étudie ceux qui auraient dû réussir.
Olivier Roland : Ceux qui auraient dû, c’est-à-dire ?
Fabien Olicard : Ceux qui avaient toutes les clés, tout. Par exemple, en mentalisme, j’ai beaucoup regardé les carrières des mentalistes où je trouve leur travail incroyable, qui ont eu des opportunités incroyables et qui ne sont pas les leaders du mentalisme aujourd’hui. Comment cela se fait ? Et c’est Wald qui étudie les avions durant la seconde guerre mondiale et qui dit « il faut renforcer là où il n’y a pas eu d’impact de balles ». Et on lui dit « mais pourquoi ? ». Parce que ceux qui ne sont pas revenus, ils ont dû avoir des impacts ici.
C’est exactement ce que j’ai fait et que je fais dans pas mal de projets. Je me dis « Comment cela ? J’adore ce travail. Je trouve qu’il y avait toutes les opportunités. Pourquoi cela n’a pas pris ? ». Et je vais apprendre 10 fois plus que si je regarde celui qui a pris et que je me biaise un peu le cerveau à trouver des raisons qui ne sont peut-être pas les vraies.
Olivier Roland : Mais ça, c’est important parce que c’est quelque chose que les ingénieurs n’avaient pas compris effectivement. Au début, ils voulaient renforcer les endroits où les balles, il y avait des trous de… Ils se disaient « Voilà les gens, ils se prennent plutôt les balles là » et il y a quelqu’un qui leur a dit « Mais attendez, quand il n’y a pas de balles, c’est que les avions n’ont pas survécu, ils ne sont pas rentrés ». Et ça, c’est un biais du survivant.
Fabien Olicard : Exactement, vous n’étudiez que les survivants, donc forcément, vous ne pouvez pas comprendre ce qui a impacté ceux qui ne sont pas rentrés. Vous pensez à l’inverse, vous pensez à 360. Mais c’est intéressant de faire comme cela.
Olivier Roland : Pour revenir à tes 18 ans quand tu rates ton bac, tu dis « Ok, je n’en ai pas besoin ». Et qu’est-ce que tu fais alors pour gagner de l’argent, pour entrer dans la vie active ?
Fabien Olicard : J’ai travaillé en restauration.
Olivier Roland : Ok, serveur ?
Fabien Olicard : Oui. Parce que je faisais déjà ça depuis l’âge de 14 ans.
Olivier Roland : Tu as commencé à 14 ans ?
Fabien Olicard : Oui. Moi, je viens d’une famille extrêmement modeste et je cherchais comment gagner des sous. Puis il y avait un restau dans mon village, j’étais allé la voir vers mes 13 ans, c’était une dame qui s’appelait Renée. J’ai dit « comment… je peux travailler, passer le balai et tout ça », machin. Elle avait un perroquet qui chiait partout, j’ai dit « Moi, je peux gratter les merdes ». Puis, elle me fait « Non, mais reviens plus tard » et tout. Je dis « Bon, d’accord ». Donc, je suis revenu le lendemain, je passais plus tard. Enfin, tu soules quoi, tu vois. Elle fait « Non, non, mais plus tard, c’est plus tard quoi ». Donc, je suis revenu une semaine après et puis, elle a fait « Va nettoyer la salle ». Déjà, je nettoie la salle, elle me donne la pièce. Et puis, je fais « Je reviens quand ? ». Et c’est comme cela que j’ai commencé à travailler pour elle de manière complètement illégale évidemment, mais tu sais, le petit truc de village quoi.
Et mine de rien, j’apprends le métier, j’apprends la salle, j’apprends la cuisine, j’apprends le bar, j’apprends ce métier-là. Et pareil, il y a toujours des petits moments de vie, des petites opportunités. Je continue la restauration et tout ça à un moment, mais je suis encore au lycée. Je rencontre un gars qui fabrique des nappes en polyester. 100% polyester, un coup d’éponge au quotidien, infroissable et anti-tâche.
Olivier Roland : Tu te rappelles bien le slogan.
Fabien Olicard : L’argument de vente et ça n’existe pas encore en grande surface, c’est encore une innovation. Et il me dit « Moi, je vends cela à des gens qui vendent cela sur les marchés ». Ok, il y a plein de marchés chez moi et vraiment, je trouve les nappes belles et tout. Je fais « Vas-y ». Je prends le peu d’argent que j’ai sur mon livret de caisse d’épargne, j’achète une Mazda dépouillé, une vieille bagnole, j’achète du stock et me voilà à vendre cela. Je me crée une patente quand même, je paie ma patente. Je vends cela sur l’île de Ré, à la Rochelle, je me fais un peu de sous avec cela. Et avec ces petits peu de sous, cela m’a fait des pécules aussi pour investir sur des choses. Après, j’ai eu un restaurant Savoyard avec un mec qui s’appelle Denis.
Olivier Roland : Le restaurant Savoyard.
Fabien Olicard : Oui, à la Rochelle, vraiment typique, tu vois, de la Rochelle et les fondus entre les huitres.
Olivier Roland : Et tu faisais quoi là-dedans ?
Fabien Olicard : Moi, je faisais la salle et mon pote faisait la cuisine. Donc, on fait cela. Moi, je sais que je veux arrêter à un moment donné, je dis « Moi, je ne veux pas être comme tous les gars de la rue », c’était une rue. Tous nos potes, ils étaient bien plus âgés que nous. Lui, il avait 27 ans, je devais en avoir 19. Ils avaient, eux, 45-50 ans et puis ils nous disaient « Non, mais je fais cela, mais je ne vais pas faire cela toute ma vie, la restauration ». Le problème de la restauration, c’est que tu enchaînes et un jour, tu lèves la tête et c’est trop tard.
Donc, on s’était dit « 2-3 ans » et puis on arrête en plein essor, cela marche bien, on revend. Et moi, à ce moment-là, j’ouvre une société pour faire des anniversaires pour enfants à domicile puisque j’adore la magie. Et j’ai vu ces trucs exister aux Etats-Unis et cela n’existe pas en France, je me dis « je vais faire ça ». Donc, je lance ce truc-là en 2006. Je le ferme au bout d’un an quand je reçois l’appel de charge de l’année d’après.
Olivier Roland : Tu es sérieux ?
Fabien Olicard : Je me dis « Mais ils sont fous. Je vais me payer tout cela. » Donc, je ferme le truc. Mes parents, catastrophés, « Il a fermé son entreprise, mon Dieu ». J’ai dit « Mais je n’ai pas fermé, tout va bien, il me reste 10 000 € sur le compte. Je n’ai pas de dette, j’ai plein d’idées. »
Olivier Roland : Tu n’avais pas anticipé les charges que tu devais payer alors ?
Fabien Olicard : Non.
Olivier Roland : D’accord, intéressant. Tu étais encore très innocent finalement.
Fabien Olicard : C’est ça.
Olivier Roland : Pourtant, tu travailles dans un restaurant. Je veux dire, tu avais un restaurant, vous le savez.
Fabien Olicard : Oui. Je savais que cela allait tomber, mais c’est le coup des forfaits en fait, cela m’a soulé. Et je sais que je pouvais continuer, mais je savais que j’allais continuer pour payer mes charges, et j’ai dit « non, ce n’est pas assez rigolo ».
Olivier Roland : Parce que la première année, cela dépend du statut que tu as.
Fabien Olicard : J’avais l’ACCRE en plus.
Olivier Roland : Tu avais une exonération, mais il y a aussi un forfait quel que soit le chiffre d’affaires que tu as fait.
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : Il n’y avait pas l’autre entreprise à l’époque ?
Fabien Olicard : Non. Et puis, tu ne montais pas de SAS parce qu’il fallait un commissaire aux comptes à l’époque.
Olivier Roland : C’est pour l’égo, c’est quand tu gagnes déjà un peu d’argent.
Fabien Olicard : Oui, c’est cela. En vrai, c’était la meilleure décision, c’était de l’arrêter là et de se dire…
Olivier Roland : Et l’État n’est jamais venu te chercher ?
Fabien Olicard : Non, j’ai fermé. Vraiment je n’avais pas de dette quoi, je ne devais rien à personne.
Olivier Roland : Tu devais à l’Etat, du coup.
Fabien Olicard : Non.
Olivier Roland : Ah ! Tu les avais payés tes charges.
Fabien Olicard : Oui. J’ai payé mes charges et j’arrête au moment où je reçois le prévisionnel des charges de la prochaine année.
Olivier Roland : Ah! D’accord.
Fabien Olicard : Oui, c’est pour cela que tu le disais. Non, cela, j’avais anticipé mes charges à payer. C’était quand je voyais les forfaits qu’ils m’imposaient pour la deuxième année où je me suis dit « Oh non, on ne va pas jouer à cela. J’arrête et je vais monter autre chose ». De là, je commençais à faire des spectacles.
Olivier Roland : Attends, tu t’es dit « Tous les ans, je veux en recréer une nouvelle », du coup, parce que forcément si tu recrées une nouvelle structure…
Fabien Olicard : Non, je me dis « je ne fais pas une autre entreprise, je vois ce que je fais ».
Olivier Roland : D’accord. Et c’est intéressant, tu as quand même l’imposition qui t’a un peu découragée d’être entrepreneur au moins temporairement.
Fabien Olicard : En fait, toutes les idées que j’avais, qui demandaient un peu d’investissement, je me dis « non, j’ai tout filé pour les charges ». En fait, j’avais aussi une vraie vision de mon mini business à l’époque, à un moment donné, ce sont des anniversaires à domicile, donc c’est le mercredi et samedi. Avec ces deux jours-là par semaine, moi, je ne peux en couvrir que deux moi-même si j’avais des demandes. Donc en fait, si j’en veux plus, il faut que je fasse travailler d’autres personnes et que je les forme, mais ma marge va être très petite, donc je n’ai pas une possibilité de croissance folle, cela va être compliqué. Tu ne peux pas en vendre…Si à un moment donné, cela cartonne, tu as 8 demandes pour un mercredi et puis toi, tu n’as que deux gars qui peuvent y aller en fait des fois, donc compliqué. Puis, comme d’hab, je me dis c’est quoi qui m’a vraiment plu ? Moi, c’était de faire du show, c’était ça. On va faire du show sous d’autres formes, on verra.
Et après, j’étais partout. Cela peut être très long, mais en gros, je continue à faire des prestations pour adultes, pour des adultes que j’ai rencontrés pendant que je faisais les anniversaires pour enfants. On me dit « Vous faites cela pour les adultes ? ». Je fais « Oui, sûrement. Oui, je vais faire cela oui. Vous avez un truc ? Je vais venir. Je vais venir gratuitement en plus. Je vous préviens, c’est la première fois. » Et hop, les gens sont contents parce que tu es honnête, tu ne fais pas payer et puis tu fais ton truc.
Puis, il s’avère qu’il y avait des gens de grosses sociétés là-bas qui te demandent ton contact. Eux par contre, tu les fais payer parce que tu te dis « S’ils ont demandé le contact, c’est que le produit était Ok ». Il y a des choses comme cela après.
Olivier Roland : Et la magie, tu l’as appris tout seul.
Fabien Olicard : Depuis l’âge de 8 ans, oui.
Olivier Roland : Ah oui ?
Fabien Olicard : Mais sans vouloir enfermer les livres.
Olivier Roland : Toujours lire des livres.
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Tu as pris les tutos Youtube, j’imagine.
Fabien Olicard : Même pas.
Olivier Roland : Même pas. C’est plus dur quand même quand tu n’as pas la vidéo pour te montrer exactement comment faire.
Fabien Olicard : Tu veux que je te fasse voir mes belles pièces, je vais te faire voir mon premier livre. Ne bouge pas, je te ramène la relique à l’âge de 8 ans. Sur un vide grenier, je trouve cela à 10 francs et je l’achète.
Olivier Roland : C’est l’original que tu as acheté ?
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Et tu peux le montrer à la caméra ?
Fabien Olicard : Bien sûr, c’est un livre qui est côté aujourd’hui. C’est un livre qui appartenait à un Parisien. Il se retrouve dans un village de 1 000 habitants à la Rochelle sur un vide grenier, j’ai acheté cela 10 francs, c’est incroyable. Pourquoi ? On ne sait pas, cela m’attire. Et tu disais « Comment tu apprends ? » Ce sont les vrais bouquins de l’époque. Tu as les planches et cela te renvoie aux planches… Moi, je ne m’en rends pas compte à l’époque, je viens d’acheter un bouquin pour les professionnels de l’illusionnisme pour ce cercle fermé. Donc, mon attrait pour l’illusionnisme vient de ce bouquin qui ne m’a jamais lâché, que j’ai toujours et que je ne vendrais jamais d’ailleurs parce que là, il y a une valeur affective. C’était fou, c’est incroyable. Donc, c’est avec cela que j’ai appris la magie.
Olivier Roland : Et là, tu étais loin de te douter que cela va être ton métier plus tard.
Fabien Olicard : Et je ne savais pas du tout. Je ne savais pas que ça allait m’emmener aussi au mentalisme, au cerveau, à ces trucs comme ça parce que déjà à l’époque, quand je suis petit, dis-toi que ce qui m’intéresse dans les tours de magie, je n’en fais pas aux copains, je n’en fais pas à la famille. C’est très personnel.
Olivier Roland : Comment tu t’entraines pour savoir que tu fais bien le tour ?
Fabien Olicard : Devant le miroir, ce n’est pas un problème cela. Et puis, je n’avais pas besoin d’un auditoire pour être content de faire mes manips. Tu vois ce que je veux dire ?
Olivier Roland : Oui.
Fabien Olicard : Et surtout ce que je me dis, c’est que le secret est fascinant, le tour est génial et puis cela transforme le réel dans le réel. C’est incroyable. Le secret est toujours fascinant, de logique et d’ingéniosité, plus que de dextérité souvent. Mais ce qui me fascine encore plus et c’est ce qui va m’emmener vers mon métier actuel, on va dire, mes passions actuelles, c’est de me dire mais pourquoi ça marche sur le cerveau ? Pourquoi il ne se dit pas c’est dans la main droite alors que c’est dans la main droite, et c’est logique puisque ce n’est pas dans la main gauche. Qu’est-ce qui s’est passé là-dedans ?
Et c’est comme cela que j’ai découvert les biais cognitifs, les différents champs de l’attention, tous ces trucs-là. C’est parce que je trouvais cela encore plus magique de me dire pourquoi notre cerveau… Par exemple, excuse-moi, je vais dans tous les sens, comme le dirait Van Damme. Mais en 2006, quand je fais des trucs pour enfant, je suis fasciné par un truc, les tours de magie pour enfant, c’est les plus durs. Ils n’ont pas besoin de comprendre comment tu as fait pour émettre la bonne hypothèse.
Par exemple, tu fais voir un livre de coloriage avec des choses pas coloriées, tu claques des doigts et hop, c’est colorié et ils vont te dire « ce ne sont pas les mêmes pages ». Tu dis « Oui, mais comment c’est possible que ce ne soit pas les mêmes pages ? » « Je ne sais pas, mais ce ne sont pas les mêmes ». Et ils ont raison, ce ne sont pas les mêmes. Ils n’ont pas besoin de relier les 2 points. Tu vois ce que je veux dire ?
Olivier Roland : Tu veux dire que nous, les adultes, on a trop tendance à regarder le raisonnement et on se laisse tromper par cela.
Fabien Olicard : Oui, on complexifie, tout à fait. Tu transformes une carte devant un enfant, il va te dire soit la magie existe et cette carte s’est transformée, c’est une bonne hypothèse de réalité de transformer, soit il va te dire ce n’est plus la même, et il a raison. Et ça lui suffit. Tu auras beau lui dire « Oui, mais comment j’ai fait ? ». « Je ne sais pas, ce n’est plus la même, tu l’as changé ».
Olivier Roland : Et au final, ce qui fait la fascination pour la magie, c’est qu’on se doute bien que ce n’est pas la même carte, mais on se demande comment tu as fait pour changer sans que nous, on voit la chose.
Fabien Olicard : Ça, c’est français, c’est plutôt français. Pour avoir beaucoup travaillé à l’étranger, c’est plutôt un raisonnement français et c’est plutôt un raisonnement, on va dire, basique. Pour avoir travaillé dans tous les milieux du plus populaire au plus élitiste, je me suis aperçu d’un truc, c’est que les gens qui tombaient un peu dans les tours de magie, ce sont des gens qui ont l’habitude de ne pas comprendre des choses, qui ont une certaine limite de bagage culturel ou intellectuel et qui, souvent, ne comprennent pas un truc et, du coup, ils se sentent insultés dans leur intelligence de ne pas comprendre ce tour. Alors que c’est normal, c’est la règle du jeu de ne pas comprendre un tour.
Alors que les personnes qui ont plus l’habitude de réfléchir, de machins, je connais un artisan… cela n’a rien à voir avec les études, je connais un artisan qui a l’habitude de trouver plein de solutions hyper ingénieuses pour lui et de comprendre plein de petits trucs. Il a été obligé d’avoir cette mécanique. Sur les tours de magie, il les adore parce qu’il sait que c’est normal de ne pas comprendre. Donc, il en fait son affaire. Il sait que s’il ne comprend pas, ce n’est pas un problème qui vient de lui, c’est plutôt un truc intéressant qui vient de moi à ce moment-là.
Olivier Roland : Intéressant.
Fabien Olicard : Donc, c’est un autre cheminement, mais c’est plutôt français tout cela ce comportement face à la magie.
Olivier Roland : Tu crois que ça vient de notre culture cartésienne qui essaie d’analyser un peu tout ?
Fabien Olicard : Oui, ou peut-être notre égo qui prend aussi beaucoup de place et qui a l’impression qu’il faut en faire une affaire personnelle tout de suite de : est-ce que je vais le dévaloriser ? Est-ce que je vais galérer ? Est-ce que je vais dire j’aime pas ? Est-ce que je vais prendre le paquet de cartes dans mes mains ? Je n’ai jamais vu cela. J’ai travaillé en Inde, au Qatar, au Chili, au Canada. Je n’ai jamais vu cela ailleurs qu’en France la possibilité de prendre le jeu de cartes de la personne pour dire « Hé, moi, je peux le mélanger ? »
Olivier Roland : Il y en a qui t’ont fait cela ?
Fabien Olicard : Oui, bien sûr.J’ai des souvenirs de ça, le gars qui m’a dit « je peux mélanger ton jeu de cartes ? ». Je fais « Oui, mélange-le ». Puis, je faisais de table à table, tu sais, comme on dit du close-up. Donc, je partais à une autre table, je faisais tous mes tours, je fais « Ah ça, mélange ». Je fais une autre table, « ah, ça mélange oui ». Et je faisais toute ma soirée jusqu’attendre qu’il disait « Moi, tu ne reviendras jamais ». Je dis « Tu as mélangé, tu fais le tour. Tu as voulu mélanger. Moi, je fais d’autres tables en attendant ».
Tu vois, de le remettre. Mais je sais que ce n’était pas méchant de sa part, mais il n’y a qu’en France que j’ai vu ce genre de situation.
Olivier Roland : A ma connaissance, il n’y a pas d’école de magie qui délivre des diplômes pour devenir magicien.
Fabien Olicard : Non.
Olivier Roland : Donc là, c’est excellent parce qu’on a quand même un excellent exemple d’un métier magicien mentaliste.
Fabien Olicard : Oui, mais mentalisme encore moins.
Olivier Roland : Oui, et où vraiment, tu dois apprendre par toi-même et il n’y a pas de parcours scolaire pour faire cela.
Fabien Olicard : Tu dois creuser ton chemin. La magie, c’est un peu différent parce que…, mais ça pareil, je le découvrirais longtemps après. Il existe une fédération internationale, une fédération française et des clubs en local, toutes les ramifications et tu peux aller apprendre la magie. Moi, je ne connais pas ça. Du coup, j’apprends vraiment tout par moi-même, je trouve mes solutions. Je ne suis pas un grand technicien, donc je développe mes solutions à moi, des gestes très précis que je n’arrive pas à obtenir et je sais que cela ne m’intéresse pas, et je me dis « si je fais ci comme ça », cela fonctionne en fait. Donc, je mets un temps beaucoup plus long que ceux qui sont en école justement, en club de magie quoi, à apprendre les basiques.
Et ce qui est marrant, c’est qu’en 2007, j’ai gagné le prix des Cannes d’or qui est un concours national, et moi, quand j’y vais là-bas, c’est pour me confronter à d’autres personnes. Je ne connais pas d’autres magiciens, je vais les voir faire.
Olivier Roland : Toi, tu as déjà des clients et tu fais des spectacles.
Fabien Olicard : Oui. Et donc, je vais les voir faire et toute la journée, on passe la journée ensemble, des gars très sympathiques vraiment et je me prends des gifles. Je dis « Ah ! La vache. Ah ! Les tueurs. » Ce sont des tueurs. Et le soir même, on fait tous les trucs, les machins. Alors, c’est en vraie condition de close-up, donc on allait dans des bars, il fallait aller à une table. Tu avais le jury qui nous observait et tout, microté et tout ça. Et on allait voir des personnes qui étaient là pour nous juger, mais aussi des gens qui n’avaient rien demandé. Il fallait être capable de les aborder, de faire ton tour, etc., machin. Après, le jury aussi passait pour recueillir leurs impressions. C’était très intéressant comme système.
Et donc, on fait cela et puis après, il y a la remise des prix et moi, je suis venu en voiture depuis la Rochelle, c’est à Cannes. Je n’ai pas beaucoup d’argent, donc si je peux économiser une nuit, tant mieux. Ils annoncent les résultats, et moi, je suis à la porte du fond avec mon blouson, mon manteau, ma petite sacoche, limite, la clé de la voiture dans la main en mode : j’écoute qui a gagné pour savoir et puis je file. Comme ça, je prends la route. Sauf que c’est moi qu’on appelle. Donc, je suis vraiment monté sur scène avec mes affaires, mon machin, c’était pour te dire également que ce n’était pas prévu. Je me dis « impossible que je gagne, ils étaient si fort techniquement ».
Et en fait, je le comprends après suite à des discussions. Les deux choses qui ont fait la différence, c’est qu’ils venaient tous dans leur parcours de club de magie, donc ils ont appris la même chose de la même manière au même moment. Donc en fait, on avait de très bons interprètes mais toujours des mêmes choses. Moi, cela sortait des sentiers battus. Même mes techniques, elles étaient très underground. Elles paraissaient fortes, mais elles cachaient mes faiblesses en fait, je les avais créés pour compenser des faiblesses chez moi. Donc, c’était un peu inédit pour eux.
Et puis la deuxième chose, c’était l’habitude de travailler. Cela a fait une grande différence, c’est-à-dire que moi à une époque, pour roder, quand je crée un nouveau numéro de magie, qu’est-ce que je fais ? Je vais sur les terrasses de la Rochelle et je vais faire de la magie au pourboire. Et c’est comme cela que je me rode. Et je ne demande jamais un pourboire, donc j’ai toute une mécanique psychologique qui incite…
Olivier Roland : Tu as un chapeau quand même ou…
Fabien Olicard : Non.
Olivier Roland : Non, rien, d’accord.
Fabien Olicard : Mais le dernier tour, c’est toujours avec de l’argent, jamais un gros billet, qu’il va falloir me fournir. Puis, j’ai quelques blagues de « Reprenez votre billet. Qui veut rester ici ? Qu’il est gentil, vous voulez me féliciter, je vous le redonne » jusqu’à tant qu’on me dit spontanément.
J’ai même une technique, la technique du livre d’or. Des fois quand il fallait que je ramène un peu de cash quand même. J’avais un tout petit livre d’or et quand je voyais qu’ils n’avaient pas compris que j’étais au pourboire et je ne voulais jamais le verbaliser, si tu vois, je disais « Si vous voulez, je recueille un peu de mots en ce moment, si vous voulez m’en écrire un pendant que je vais à la table d’à côté ». Donc, j’ouvrais et puis il y avait un petit billet de 50 francs dedans, je remercie la table virtuelle qui n’existait pas, je le remerciais pour cela J’empochais ça et puis j’allais faire un tour à une autre table et je récupérais mon livre d’or où il y avait un billet qui avait été glissé.
Olivier Roland : Tu crées de la preuve sociale.
Fabien Olicard : Bien sûr, c’est cela.
Olivier Roland : Le seul métier de salariés que j’ai fait, c’était celui de serveur dans une crêperie et on mettait… c’est très connu comme truc, on mettait des pièces pour faire croire qu’il y avait des pourboires de donnés.
Fabien Olicard : Oui, c’est cela. Donc, je faisais ça comme ça et cela m’a servi parce que le jour J, comme c’était des conditions réelles d’attaque de table… c’est vrai qu’il y a des magiciens, qu’il y avait des tueurs en dextérité. Dans mon souvenir, je me souviens, ils s’approchaient d’une table, puis ils reculaient, et puis ils y allaient, puis ils disaient « excusez-moi ». Et moi, j’avais déjà fait deux tables pendant ce temps-là, c’est-à-dire que je n’avais aucun complexe à repérer le trou de la table et à faire comme un serveur, j’arrive et j’y vais. Et déjà, je n’arrivais jamais en disant que j’étais magicien, jamais. Je ne disais jamais « Est-ce que vous voulez que je vous fasse un tour ? ». Il y a la possibilité de me dire non.
Olivier Roland : Donc, tu préfères demander pardon que la permission ?
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : C’est un bon principe.
Fabien Olicard : Bien sûr.
Olivier Roland : Sauf dans les trucs légaux.
Fabien Olicard : Non, mais c’est cela. J’arrivais à table et puis, d’ailleurs je me faisais passer pour un serveur le temps d’une phrase, dire « Bonjour, quelqu’un a pris votre commande ? » « Oui, c’est bon ». « C’est formidable, on va pouvoir passer à la magie alors » et crac !
Olivier Roland : C’est excellent comme introduction. Ils pourraient même supposer que tu étais un employé du restaurant qui était là pour les…
Fabien Olicard : Oui. De toute manière, il fallait qu’on m’accole l’étiquette de confiance. Il ne fallait pas qu’on m’autorise à arriver sur la table parce qu’on risquait de ne pas m’autoriser, parce que de peur de X ou Y ou autres choses. Et puis après, socialement, j’avais aussi commencé à travailler dans la restauration et dans ma magie de pourboire de qui est le leader de la table et qui est le vrai leader de la table. Tu as le leader qui parle fort et puis tu as le vrai leader qui est celui qu’on va respecter, qui prend les décisions quand même. Comment j’en fais mon allié s’il est contre moi dès le départ ?
Pendant que je faisais des tours à une table, je voyais qui est-ce qui commandait le vin sur l’autre table. C’est lui qu’il faudrait que j’aille voir. Et quand j’irai le voir et que je rentrerai sur la table, il va tout de suite falloir que je fasse comprendre que je ne vais pas prendre sa place et qu’au contraire, on va faire des choses ensemble. Grâce à lui, ça va être formidable, pas grâce à moi, ne t’inquiète pas.
Donc, c’était tout cela, tous ces jeux-là. Et en fait, ces grands techniciens de magie contre lesquels je concourais n’avaient pas cette intelligence sociale. Ils ne l’avaient pas travaillé, ils ne l’avaient pas expérimenté, donc ils avaient par contre de bien meilleure compétence que moi dans la technicité.
Olivier Roland : Mais c’étaient des techniciens, c’est cela. Toi, tu étais un humain avec toute la composante.
Fabien Olicard : Oui, c’est ça.
Olivier Roland : Donc, il leur manquait un peu de…
Fabien Olicard : Oui. En fait, c’est là où je me suis rendu compte qu’il n’y a pas de mauvais tour, mais vraiment le tour le plus basique du monde suivant par qui il est fait, il peut être brillant. Et les tours qui marchent mieux sur le public en close-up ou quoi ne sont pas des tours qui ont bluffé les autres magiciens, ce sont des tours avec la lecture la plus simple. En fait, si je ne peux pas t’expliquer mon tour de magie en trois phrases, c’est qu’il est trop compliqué à suivre et il va floper à table. Et cela, je le garde pour plein de choses, pour mes livres.
Mes livres, quand je les réfléchis, je me dis « comment Michel qui a acheté le livre et qui l’a aimé, comment il va en parler à Jean-François » ? S’il n’est pas capable d’en parler parce que ce n’est pas assez clair, c’est que je me suis planté dans l’écriture de mon livre, il faut que je revoie un peu ma copie. Mon spectacle, c’est pareil. En sortant du spectacle, si tu ne sais pas résumer mon spectacle, c’est que mon spectacle, il n’est pas lisible.
C’est dur des fois dans l’égo de retourner vers la simplicité, mais c’est un travail qui est vraiment nécessaire. Comment je rends les choses plus simples à partir du moment où ce sont des choses où je le tiens de « bouche-à-oreille » derrière.
Olivier Roland : Parce que c’est aussi une sorte de malédiction qui nous touche quand on devient un expert du sujet, c’est que justement on cherche aussi à impressionner nos pairs et on cherche aussi un défi personnel. Du coup, on va se couper du public qui lui est à des milliers d’années-lumière dans tout cela.
C’est un plaisir pour toi de rester connecté à la simplicité ou c’est vraiment un exercice que tu te forces à faire ?
Fabien Olicard : Non, c’est un plaisir. Je sais pourquoi je fais cela. Et effectivement de ce que tu dis, je sais que la majorité de ceux qui apprécient le mentalisme en France de spectacle, pour le pratiquer parce qu’ils le pratiquent, je sais qu’ils ne me valident pas. Il y a beaucoup de grands noms du mentalisme qui me valident, mais parce qu’ils ont passé des steps dans la vision de leur art. Moi, je crois que la chose la moins intéressante dans la magie ou dans le mentalisme, c’est le tour.
Olivier Roland : Donc, le plus intéressant, c’est quoi ? C’est la connexion au public, c’est l’émotion.
Fabien Olicard : C’est tout le reste, ces moments, et c’est partagé. C’est : qu’est-ce que tu as envie d’envoyer et véhiculer ? Qu’est-ce que tu veux transformer et ne pas transformer ? Après publication de cette vidéo, il y aura la dernière de mon spectacle actuel qui sera diffusée sur C8. Donc, tout le monde pourra le voir. Il sera en replay, il sera gratuit.
Ce spectacle dure deux heures. En 4 ans de scène avec ce spectacle, 3 ans et demi, il n’y a personne qui est sorti avec une autre phrase que c’était un super spectacle de mentalisme.
Dans ce spectacle de deux heures, il y a combien de numéros d’après toi de mentalisme ?
Olivier Roland : Je n’en ai aucune idée. Un seul, c’est cela ?
Fabien Olicard : Non, il y en a 4.
Olivier Roland : D’accord, Ok.
Fabien Olicard : Il y en a 4 en deux heures. Et pourtant, tout le monde te dira « J’ai vu un spectacle de mentaliste, cela enchaîne ». En fait, cela n’enchaîne pas si tu arrives en voyant le spectacle à te dire pourquoi j’ai l’impression d’avoir vu plein de tours ce soir et tu te poseras la bonne question de « c’est quoi nos arts ? ».
Pour moi, enchaîner un tour, c’est surtout un truc de l’égo, de tu ne vas pas comprendre ce que j’ai fait, tu te positionnes vis-à-vis de cela. Moi, je ne me positionne pas vis-à-vis de cela. A un moment donné, le tour va être support à quelque chose et le secret, s’il y en a un, il ne doit pas être la pierre angulaire. Quand j’ai créé un spectacle, il faut que si j’enlève tous les tours, il reste un spectacle. Les tours doivent être un apport de spectacle, mais ils ne peuvent pas être le spectacle.
Olivier Roland : Intéressant.
Fabien Olicard : Et c’est le problème d’ailleurs de la magie. Quand tu commences la magie, si je t’apprends un tour, tu peux aller faire le tour. Mais tu n’es toujours pas comédien, tu n’as toujours pas de texte, tu ne sais pas quel est ton personnage, quel est ton clown intérieur, quel est le message que tu veux donner, quel est le moment où tu veux leur faire passer. Tu n’as que le secret d’un tour, autant dire rien du coup. C’est le seul art la magie où tu as l’impression de connaitre quelque chose parce que tu connais le secret d’un tour. Et c’est un problème parce qu’il faut se déconstruire mentalement pour se dire la chose qui est la plus précieuse, le secret, c’est la moins importante. Elle est précieuse, mais pas importante.
Olivier Roland : Pour revenir à ton parcours, on s’était arrêté au moment où tu étais en train de commencer à faire des spectacles. Tu gagnes ce prix. Comment tu en es arrivé à faire des spectacles dans les bateaux de croisière en voyageant partout ?
Fabien Olicard : Comme d’hab. Je ne l’ai pas fait exprès Monsieur
Olivier Roland : D’accord. Tu es tombé dedans comme cela par hasard.
Fabien Olicard : En gros, je continue sous forme structurée de l’intermittence du spectacle. A force de faire des spectacles, on me dit « je te paie en cachet ». Cela sert à quoi les cachets ? C’est illégal ce truc. Et on me dit « Oui, mais tu n’es pas intermittent ». Je dis « Si, sûrement, oui ». On me renseigne, l’intermittence, c’est quoi ? Je comprends, je dis « Donc, on va me donner l’argent, quand je ne travaille pas, c’est incroyable, merci beaucoup ». Le système français qui est une spécificité culturelle unique en France.
Donc, ça me permet de le développer effectivement parce que l’intermittence, c’est… d’ailleurs, petite parenthèse, on parle souvent de l’intermittence du spectacle. Ce n’est pas un métier, c’est un statut chez Pôle emploi. En fait, tu es chômeur mais qui est…
Olivier Roland : très avantageux par rapport à ce qu’ont la plupart des gens.
Fabien Olicard : C’est cela. Mais ton statut social, c’est chômeur à ce moment-là. Mais par contre, effectivement, c’est sécurité absolue quand tu te lances. Ça, c’est une chance inouïe. Je ne sais pas si je l’aurais continué, j’aurais peut-être fait un changement à un moment donné pour faire quelque chose de plus standard. Cela aurait peut-être pris un peu moins de temps. Mais le fait est que ça existe, donc je suis là-dedans, c’est plutôt cool.
Et puis, je rencontre un gars qui travaille sur les bateaux de croisière. Je dis « Mais tu fais quoi ? » et tout. Il fait « Moi, je fais les excursions » et tout. Je fais « C’est peut-être incroyable comme vie, c’est trop bien. Et il y a quoi à bord ? On dort, on mange, on fait ça ». Il fait « Non, il y a aussi des spectacles le soir, des artistes ». Je dis « D’accord, mais ce sont des français », il fait « Oui, on a des français et tout ». Super. Je rentre chez moi. Alors, c’est quoi les compagnies d’agence de croisière ? J’envoie un mail au pif à un gars qui est à Londres. Il me répond le lendemain, on commence à discuter et puis il me dit les conditions et je fais « Hors de question ! ».
Olivier Roland : Ah bon,ce n’était pas vraiment avantageux ?
Fabien Olicard : Pas du tout.
Olivier Roland : Oui, en termes de salaire, de…
Fabien Olicard : De liberté et d’autonomie, de tout.
Olivier Roland : Parce que finalement, tu es bloqué sur un bateau pendant des semaines, c’est cela ?
Fabien Olicard : Oui. Déjà, c’était, tu partais 3 mois. Moi, j’ai dit « non, je pars une semaine, je ne pars pas 3 mois. »
Olivier Roland : Mais, tu étais en mode « je veux une croisière ».
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : D’accord.
Fabien Olicard : Tu partages ta cabine avec d’autres personnes. Je fais « Non, je n’ai plus 15 ans, je ne partage la cabine avec personne ». C’était payé 400 € net, c’est un truc comme ça. Tu es nourri, logé, blanchi bien sûr.
Olivier Roland : 400 € ?
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Par mois ?
Fabien Olicard : Non, la semaine.
Olivier Roland : Ah ! La semaine, d’accord.
Fabien Olicard : Oui, pardon. Des fois, quand ils manquent quelqu’un dans un bus pour une excursion, tu dois y aller. Cela m’intéressait moyennement. Et le dernier truc et cela joue aussi, tu avais ta cabine sous le niveau de la mer. Donc, tu n’avais pas de hublot, tu avais des cabines aveugles en fait aussi du centre du bateau.
Olivier Roland : Oui, cela n’envoie pas du rêve là.
Fabien Olicard : Je dis « Non, attention, moi, je ne cherche pas du travail ». Donc, je regardais cela parce que c’était rigolo et tout, Cédric Cabanne. Et puis, en échange comme cela avec lui, avec Cédric pendant un an quand même, de temps en temps, et puis à la fin, on trouve des justes milieux : cabine solo assurément, pas la certitude de ne pas avoir une cabine aveugle, mais s’il y a une cabine hublot, c’est Ok, c’est moi qui la prends. Pas de nécessité de faire des excursions, les machins et trucs. Je ne viens qu’une semaine ou 10 jours suivant la longueur de croisière et je justifie ma prestation en 45 minutes, par contre, elle doit être nickel à ce moment-là. Puis, j’ai un salaire mieux que celui qui est proposé, que je tairais pour mes copains qui étaient sur le bateau avec moi à l’époque.
Donc là, cela devient cool pour moi. C’est super, faisons cela. Tu vois, c’est vraiment ce hasard et je me mets à faire des croisières, j’aime bien. J’aime bien la difficulté de ces spectacles aussi. J’ai vraiment fait plein de spectacles difficiles dans ma vie et j’aime bien cela parce qu’encore une fois, ce n’est pas le tour qui prime, ce n’est que la connexion.
Olivier Roland : Tu faisais cela en français ou en anglais ?
Fabien Olicard : En français, parfois en anglais. Mais la plupart du temps, ce n’était pas un public francophone. C’est que là, tu as devant toi majoritairement des personnes âgées le soir, qui ont fait des excursions toute la journée depuis 8h du matin, qui en ont plein les pattes. Ils sont assis devant toi et leur chambre, elle est derrière eux. Si ça ne leur plait pas, ils se lèvent et ils vont se coucher, et tu dois les accrocher.
J’ai jeté ma conduite, tu sais, ma régie de il faudra m’envoyer tel son, telle lumière. J’ai dit « Lumière tout le long, et quand je lève le bras, tu m’envoies un jingle » et j’ai dit « Je vais tout improviser ». Pas improviser à blanc, j’ai des tiroirs de savoir-faire, mais je vais composer en fonction de l’énergie de la salle et je vais les garder, je ne veux pas qu’il y en ait un qui se lève et qui aille se coucher.
Et sur mon premier spectacle, il y a deux personnes du premier rang, un couple qui va se coucher. Ça, c’est le drame. Cela me casse les jambes, mais je continue et ce sera les deux seuls de la soirée. C’est un bateau, on se retrouve tous le lendemain, je les repère, je vais aller les voir, je fais « Excusez-moi, pour mon autocritique personnelle, j’aimerais bien savoir ce qui vous a déplu au point de vous coucher hier soir ». Il fait « Non, c’était super. Non, non, non. Nous, par contre, tous les soirs, comme on se lève tôt, on a une règle : C’est à 21h, on va à la cabine. » J’ai dit « D’accord ». Peut-être j’avais envie de leur dire « Pourquoi vous vous mettez au premier rang, s’il vous plait ? », tu vois, mais ma foi, c’est leur croisière, ils font bien ce qu’ils veulent. Tous les soirs, ils se faisaient 15-20 minutes de spectacle et ils allaient se coucher systématiquement.
Donc, je dis « Ok, j’ai réussi à ce que personne ne se couche ». Mais par contre, là aussi, j’ai un peu dépossédé mon égo en mode pour l’instant, je ne fais pas ce que je veux absolument faire sur scène, je fais ce qu’il faut pour le public à ce moment-là. Après, tout se relie. Partant de là, je rencontre des gens, on me dit « Est-ce que tu sais faire une conférence, tu saurais faire une conférence en Inde sur la mémoire ?
Olivier Roland : En Inde ?
Fabien Olicard : Oui. Il y avait deux conférences : une au Ritz-Carlton et une pour Sony TV, qui fêtait ses 10 ans là-bas, qui est un peu l’équivalent de TF1 ici.
Olivier Roland : Là, on voit deux choses intéressantes déjà dans ton parcours. C’est la boule de neige d’opportunités qui, chaque opportunité en amène d’autres et à chaque fois, tu les prends, et tu as aussi ce rapport à l’argent qui te permet d’être cool et quand tu as cette opportunité que tu as, qui ne te plait pas, tu es libre de dire non.
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : Et cela renforce ton positionnement dans la négociation, cela te permet d’avoir une meilleure condition.
Fabien Olicard : Oui. Parce que sur la croisière, c’est un an, un an plus tard qu’on deale à travailler ensemble. Pour moi, c’est ton intérêt ce truc.
Olivier Roland : Ce n’est pas la fin du monde.
Fabien Olicard : Mais non. J’avais parlé un vendredi soir avec un mec qui faisait des croisières, je trouvais ça rigolo. Je me dis « il prend des artistes », j’essaie. On n’est pas d’accord, next, ce n’est pas grave, et du coup, cela se fera quand même.
Et donc le mec, pour les conférences, il me dit « tu la feras en anglais » et tout. Je fais « Oui, moi, j’ai le niveau anglais des bateaux de croisière. » Donc, des 30 nationalités différentes sur un même bateau, il n’y a pas un natif anglais.
Olivier Roland : Tu parles du globish quoi.
Fabien Olicard : Et voilà, on se débrouille. Donc, je dis « Oui, je peux la faire en anglais, il faut voir si je suis dispo. C’est dans combien de temps ? » Il me dit une date, c’est dans 6 mois. Impeccable, j’ai le temps de l’apprendre entre temps. Je peux en mettre des économies, cours particuliers d’anglais. Et le jour J, il n’a jamais su que je ne parlais pas anglais réellement à l’époque où il m’a engagé. Mais ça, c’est la force de cela par bluffer parce que tu sais que tu feras ce qu’il faut par contre sur le délai qui te reste.
Et de là, j’ai énormément de contrats qui sont proposés à l’étranger. Alors, pour deux raisons, déjà parce que les français sont bien côtés à l’étranger dans le système soit des conférences, soit des exhibitions de tour, moi, c’était pour le mentalisme, et ensuite parce que je ne suis pas le meilleur français, mais je suis le moins chiant. C’est-à-dire que les contrats, les tout ça. Moi, quand je travaillais au Qatar par exemple, à Doha, je n’avais pas une feuille de route, je ne savais pas où je dormais, je ne savais pas si quelqu’un allait venir me chercher à l’aéroport, je ne savais pas si je serais vraiment payé, du coup.
Et sur tout ce que j’ai fait, tous mes contrats à l’étranger et je te dis durant des années, c’est 30 pays par an, je n’ai pas eu un seul défaut de paiement, je n’ai pas eu un hôtel minable, je n’ai pas eu autre chose que des belles voitures avec des beaux chauffeurs à l’aéroport. Ce n’est juste pas la même manière que nous de travailler.
Olivier Roland : Puisque tous les autres négocient ce genre de choses à l’avance.
Fabien Olicard : Il faut les contrats, les machins, les garanties, sûrement des choses que je demanderais aujourd’hui d’ailleurs pour être sûr de ne pas me déplacer pour rien. En tout cas, j’étais extrêmement flex à l’époque. J’ai dit « Oui, on le fait. Bien sûr, j’arrive ». Je ne sais pas s’il y aurait quelqu’un, il y a une limousine incroyable. J’ai un hôtel, un truc, c’est quoi ? C’est le Hilton. C’est des gros hôtels ça, non ? Et c’était fou.
Olivier Roland : Et ça, c’était en même temps que tu faisais tes croisières ?
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : D’accord. Ça, c’était toute ta période où tu voyageais tout le temps avant que tu reviennes à Paris
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : et te retrouver à moins de 4 000 € par mois.
Fabien Olicard : C’est à peu près cela.
Olivier Roland : C’est incroyable quand même que tu doutes. Cela a duré combien de temps cette période où tu as voyagé partout ?
Fabien Olicard : Ça a duré 3-4 ans, on va dire. Là, cela déborde un peu avant, un peu après.
Olivier Roland : Et tu étais basé en France quand même ou… ?
Fabien Olicard : Oui, à la Rochelle.
Olivier Roland : Et tu avais une copine ? Comment cela marchait ?
Fabien Olicard : Mon retour à Paris se fait comme ça. A un moment donné, en 2008, je rencontre quelqu’un qui est en dehors de Paris, mais qui habite à Paris, et je me dis « il faudrait qu’on puisse se voir plus facilement, donc il faut que j’aille un peu à Paris. »
Olivier Roland : Parce que tu passais combien de jours en France par an finalement ?
Fabien Olicard : Cela dépendait, mais c’était un quart de l’année, on va dire.
Olivier Roland : Quand même.Avant d’enchaîner, une question intéressante, c’est : tous ces voyages que tu as fait, qui t’ont vraiment fait sortir de la culture française, qui t’ont fait découvrir d’autres pays, qu’est-ce que cela t’a apporté en termes d’ouvertures d’esprit, peut-être de changement d’opinion ?
Fabien Olicard : Non. La chose que cela m’a amené, c’est, les règles tacites de société ne sont que des règles tacites de société. Je me suis vraiment rendu compte de la construction des personnages de tout un chacun dans la vie, que si je te croise demain en guichet de la poste, tu ne seras pas le Olivier que je rencontre maintenant et tu n’es peut-être pas le même Olivier là dans la vidéo que quand tu es avec tes potes d’enfance, tu vois ce que je veux dire ? En fait, au final, ce ne sont que des facettes des personnes qu’on rencontre avec les règles tacites de vie.
Ça, je m’en suis vraiment rendu compte à force de voyager, et qu’en fait, au final, si tu creuses, on est les mêmes avec les mêmes aspirations de joie et de plaisir, les mêmes peurs, les mêmes angoisses, les mêmes désespoirs, tu vois ce que je veux dire. On est beaucoup plus basique que ce qu’on a envie de faire voir dans notre quotidien de société. Et ça, c’est sûrement en travaillant en Inde, en Tanzanie, au Chili, en mangeant chez des gens au Chili parce que je croyais que c’était un restau et ce n’était pas du tout un restau, c’était chez des gens, mais on me dit « Mais viens manger », « Tu as un peu de soupe pour nous quand même ? », « Oui, mets-toi autour de la table ».
Tu te rends compte qu’en vrai, c’est tout ce qu’on se fait croire à nous-mêmes ici en disant « Tu te rends compte quand même comment il a dit à Monique ? ». Non, mais on s’en fout de comment il a dit à Monique, ce n’est pas très important. Donc, cela m’a amené encore plus de reculs où j’en avais déjà sûrement pas mal. Ça, c’est ce que cela a amené et cela m’a amené aussi le côté : j’ai vraiment rencontré des gens qui vivent de rien mieux que nous.
J’ai rencontré le plus grand magicien du monde en Inde, plus grand à mon sens. C’est un trophée Fabien Olicard que j’ai amené. Je suis dans la rue et puis, il y a un mec au sol, pas de dent, pas grand-chose, au sol, qui cueille une plante et qui me dit « tiens, prends-la », un bout d’herbe. Il fait « c’est magique ». Je prends, je vois pour lui donner une pièce, je donne un peu de sous. Et puis, il me dit « Non, non » et là, il me fait des tours de magie. Il ramasse une boule de terre, il fait une boulette de la terre, il prend un bâton et il me fait des tours de magie avec ce truc.
Mais moi, je connais ces tours, je les connais. Et le mec, pourtant, je sais à l’avance les gestes qu’il va faire, il arrive à me bluffer l’œil une ou deux fois, c’est fort quoi. Et là, je vais pour lui dire qu’en vrai, je connais, je suis magicien et tout. Et j’ai eu beaucoup de recul de me dire « mais non, lui, il est magicien ». Lui, s’il ne réussit pas, il ne mangera pas ce soir. Il fait croire aux gens, aux autres indiens qu’il a des vrais pouvoirs magiques et il arrive à leur faire croire cela et sa vie est construite sur la réussite du geste parfait, et c’est un édenté qui vit dehors.
Donc, moi, je suis bien gentil avec mes petits tours de cartes, mais c’est ça la vraie magie. C’est de se dire « Waouh ! Le mec, il a pris une boule de terre, il a cassé une branche d’arbre et il m’a fait un tricks que je sais faire, quand j’ai eu la bonne balle que j’ai acheté chez le bon fournisseur et le bon bâton que j’ai acheté chez le bon fournisseur et que je me suis entrainé, et que je suis habitué au même poids de la balle et tout cela. Lui, il te prend. Tu vois ?
Et cela m’a amené beaucoup de recul sur ces trucs-là, sur ce qu’on estime être le minimum. A un moment donné, c’est le minimum, il me faut au moins cela pour performer. En fait, c’est : qu’est-ce que tu crées ? Cela m’a amené ça.
Tout cela pour te dire, je me dis à fin 2010, il faut que je vienne un peu plus sur Paris. Et là, je me souviens d’un gars que j’ai rencontré à Yalta en Ukraine, je travaillais sur toute la côte ukrainienne. Il me dit « Moi, j’ai des potes, ils ouvrent …», c’est une troupe et ils ont achetés un petit théâtre à Paris, la Comédie des 3 bornes, si tu veux, on a le contact et tout. Et je me dis « Tiens, je vais aller les voir ces gens-là » parce que si je viens à Paris, il ne faut pas que je m’ennuie pendant qu’elle travaille, il faut que je fasse des trucs. L’inactivité me pèse, tu vois ce que je veux dire. Tu es enfermé chez elle, ce n’est pas très intéressant, il faut que je m’amuse un peu.
Je les rencontre, ils me disent « Non, cela ne nous intéresse pas du tout ». C’est quoi le mentalisme ? » En fait, c’est un tas d’humours. J’ai dit « Mais moi, ce que je fais, je crois que c’est rigolo en vrai, je fais rire les gens. » Non, nous, c’est pour moi que des comédies ou du one man show. Et je les soule, un peu comme le restau quand j’avais 14 ans. Et je les soule tellement qu’ils me disent « Tu arrêtes quand ? ». Et je dis « Le jour où vous me laissez faire 5 minutes devant vous ». Ils sont 4 associés, je fais 5 minutes. Et là, vous me dites non, derrière, promis, je ne reviendrais plus. Mais je vois bien que vous avez une image de ce que je fais, je ne suis pas sûr que c’est celle que je rends vraiment. Ils me disent Ok. J’y vais, je fais un numéro de 5 minutes. Il me fait « C’est bon, tu fais les mardis à 20h et tout » pour 3 mois, donc je reste 2 ans. Je fais 2 ans chez eux. Et au bout de 2 ans…
Olivier Roland : Là, ce n’était plus à moins de 4 000.
Fabien Olicard : Donc, je n’étais plus à moins de 4 000. Et en même temps, je me rends compte de certaines choses, c’est-à-dire que moi, ça remplit, il y a du monde dès les premières dates parce que le produit est atypique, je pense que c’est juste cela à l’époque. Et je me dis « Tiens, je vais aller voir un gars qui s’appelle Arnaud Cosson », qui n’était pas très connu à l’époque et tout, je vais le voir et puis, je me prends une gifle sur scène. Il fait du one man show. Là, c’est ça un texte et une mise en scène, on m’en avait parlé. Moi, j’improvise.
Olivier Roland : Tu improvises toujours. Toi quand même, tu sais un peu les numéros que tu vas faire.
Fabien Olicard : En fait, je sais les tours que je vais faire, j’ai les intentions de ces numéros, mais chaque soir le texte est différent. Et là, je commence à bouffer des shows. Tous les soirs, je joue. Je vais jouer aussi sur des scènes ouvertes 10 minutes, 5 minutes dans le sous-sol d’une pizzeria devant 10 personnes, gratos, contre une pizza et tout. Mais je joue, je joue, je joue. Je fais voir des shows et j’écris et j’apprends des autres comme d’habitude de : pourquoi ça marche ? Pourquoi il fait tel rythme ? Pourquoi je ne me suis pas ennuyé avec lui et que je me suis ennuyé avec lui ? Et j’essaie de percevoir tout ça et de travailler.
Tu parlais de l’Ikigai. Moi, je pars souvent des trois cercles avec les talents, la chance et le travail. Je ne crois pas avoir de talents plus que les autres au départ. Je ne suis pas sûr que la chance, elle m’attend. Mais je me dis « Le travail, je peux en fournir trois fois plus que vous. » Ça, je n’ai pas peur. Donc, je me dis « Avec cela, je peux rattraper le retard sur les autres bulles ».
Olivier Roland : C’est intéressant. C’est aussi ce que dit Will Smith, qu’il peut prendre n’importe quel gars dans une pièce, qu’il fait la même chose que lui. Et lui, il va juste l’épuiser de travail.
Fabien Olicard : Oui, c’est ça exactement. Oui, je n’ai pas ce… je suis un bourreau là-dessus. Et souviens-toi, quand j’ai lancé les vidéos de Youtube, je dis « je vais en faire une par jour pendant un an ». Je ne le referais pas, c’était une tannée, mais c’était cool. Cela ne me fait pas peur ce genre de chose en plusieurs restes de ma vie.
Donc, je fais ce truc, j’améliore du coup les spectacles… Au bout de 2 ans, je me rends compte que c’est un chemin qui me plait bien, donc je continue à le creuser là. Je ne suis plus du tout avec la personne qui habitait à Paris, mais je reste à Paris. Et puis, je me dis « il me faut une salle un peu plus grande ». Alors, je regarde les salles qui accueillent les magiciens ou les mentalistes du Point-Virgule qui me dit « Mais moi, j’adore ce que tu fais, mais nous, Point-Virgule, on n’a jamais programmé un magicien ou un mentaliste le soir, c’est un théâtre d’humour ». Donc, je fais un showcase que je monte pour eux, je les invite, il me fait « C’est bon », je ferais 2 ans au Point-Virgule. Et je me dis, c’est ça mon goal qui m’amuse : emmener mon art à tous les endroits où on dit « Par contre, personne n’en a mis ici parce qu’on n’en veut pas là ».
Et c’est comme ça que je ferai l’Olympia, la Scène musicale, le Zénith de Paris bientôt, parce que tous ces endroits-là n’étaient pas faits pour accueillir ce que je fais. Et je me dis « C’est trop marrant, ça, c’est cool ». C’est plus du jeu que de l’égo de dire « Ce n’est que des endroits où on m’a dit : non, ça, on n’en fait pas nous ici, ce ne sera pas possible ». Il faut voir.
Olivier Roland : Donc, tu es toujours dans l’exploration joyeuse et repousser les limites.
Fabien Olicard : Oui, c’est cela. Oui, c’est le « faut voir » parce que c’est un vrai il faut voir, parce qui si cela se trouve, c’est moi qui vais voir que non, effectivement, ce n’est pas possible d’amener ça là. Non, ce n’est pas grave.
Mais tu sais quand tu construis un numéro de mentalisme ou de magie, le problème de la construction de ces numéros, c’est qu’en général, tu pars de ton bagage technique et tu te dis « Avec ça, je peux faire ça, ça, ça, ça et atteindre ce point-là ». Je n’ai jamais construit mes numéros comme cela. J’ai des carnets entiers qui sont de « il faut faire ça ».
Olivier Roland : Tu veux dire, un petit…
Fabien Olicard : Le goal ultime, le fantasme. Si la magie existe, si le mentalisme était aussi puissant que de la télépathie, c’est quoi que j’aimerais faire ? C’est le fantasme de mes numéros. Le final de mon ancien spectacle, j’avais écrit au départ « je veux qu’un mec colorie un bonhomme sur un tableau », et à la fin, je demande au mec, au spectateur, d’enlever sa chemise et il est habillé pareil et ses vêtements ont changé. Ça, c’est mon goal. C’est impossible. Bien sûr que c’est impossible, mais c’est mon goal.
Et de là après, je note mon bagage technique et ce que je sais faire. Et après, je vais mettre des contraintes : je ne veux pas de complices, je ne veux pas de ci, je veux de cela, je ne veux pas de cela… Puis, ça laisse reposer. Et à un moment donné, tu dis « Là, je peux rejoindre. Là, je peux rejoindre », et un jour, c’est presqu’à se toucher. Et ce jour-là, soit tu as rencontré une nouvelle connaissance dans ta vie ou dans un livre ou quelque chose qui te débloque ou qui te donne l’idée finale pour ficeler ton pont, soit tu dis « Attends, si j’enlève cette contrainte, c’est terminé ». Et moi, la contrainte que j’ai enlevé, la seule différence, c’est que c’était moi qui étais habillé comme le gars avait dessiné, plutôt que lui.
Mais si je n’étais pas parti de « je veux que je spectateur soit habillé à la fin comme le gars qui l’a dessiné », jamais je n’aurais osé penser que je pourrais faire le numéro que j’ai fait. Je me serais arrêté à un truc vachement plus basique, un dessin dans une enveloppe, un truc comme ça. Je n’aurais pas pensé à mettre les vêtements sur moi, à trouver une solution pour que ce soit viable, possible, marrant… parce que j’aurais mis la barre trop bas.
Donc, dans beaucoup de choses que je construis, je me dis « Visons là, cherchons à voir comment on peut relier tout cela. » Et puis, il y a des trucs, des fois, tu mets de côté très longtemps et il y en a qui n’aboutiront jamais. Puis il y en a, tu as une discussion avec quelqu’un et le gars, il te fait « Tiens, moi, j’ai fait hier dans tel domaine » et tu dis « oui, tant, tant, tant ». Et c’est son truc, son raisonnement ou sa technique, je l’applique à mon domaine dans mon truc que j’avais noté là, cela raccorde, c’est super.
Olivier Roland : Donc, c’est cette idée d’avoir là quand même des objectifs qui sont ambitieux, tu ne sais pas trop comment tu vas…
Fabien Olicard : Ce n’est pas ambitieux.
Olivier Roland : Ce n’est pas ambitieux.
Fabien Olicard : C’est qu’ils ne sont pas limités.
Olivier Roland : Ils ne sont pas limités par la technique que tu as aujourd’hui.
Fabien Olicard : Oui par la technique ou par l’argent ou par… il n’y a aucune limite au projet. Et ce n’est pas pour le rendre ambitieux parce que cela voudrait dire, il y a une volonté d’avoir un gros projet, c’est plus pour se dire « je ne m’encombre pas de résoudre les problèmes qui n’existent pas encore. » C’est quoi que je veux vraiment ?
Olivier Roland : Et après, tu cherches le chemin de moindre résistance pour y arriver.
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : Et tu couples cela avec une prise de risque limitée mais récurrente.
Fabien Olicard : C’est cela.
Olivier Roland : Et l’avoir finalement à ton moteur de recherche en permanence qui est la recherche d’opportunités et de solutions.
Fabien Olicard : Oui, c’est cela, tu as tout résumé.
Olivier Roland : Donc, tu es en train de faire des shows à Paris. Comment tu enchaînes sur Youtube ? Tu disais tout à l’heure que tu avais eu cette idée de faire 80 000 exemplaires d’un magazine et qu’en même temps, tu démarrais ta chaîne.
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Et c’était quand cela ? 2011, ta chaîne ?
Fabien Olicard : 2016, la chaîne.
Olivier Roland : 2016, d’accord.
Fabien Olicard : 2011, en fait. J’ai une chaîne Youtube, mais j’ai un compte Youtube qui me permet de mettre les teasers de mes spectacles, c’est la seule utilité de ce truc. Le moment où je me lance sur Youtube d’ailleurs, je ne sais pas ce que c’est Youtube, je n’ai pas compris le système des chaînes et tout. Pour moi, Youtube, c’est, quand je dois manger vite fait de temps en temps quand je suis tout seul, je sais qu’il y a un gars qui s’appelle Norman et un autre Cyprien, peut-être qu’ils ont fait une vidéo marrante que je n’ai pas vu. Je n’ai pas compris le principe de l’abonnement et tout.
En 2015, je décide d’arrêter mon deuxième spectacle, je vais l’arrêter le 19 décembre 2015 et je vais partir en écriture du troisième. Et je sens que le troisième spectacle, il faut que je me libère d’un truc en créativité. Je sens que je fais des spectacles que j’estime que les gens attendent et je n’ai pas encore écrit des spectacles que j’ai envie de faire. Qu’est-ce que j’ai envie de dire vraiment ? Qu’est-ce qui me passionne ? Qu’est-ce que j’ai envie d’amener sur scène ? Avec le risque de ne pas plaire à tout le monde et que c’est Ok. Mais je n’ai pas encore cette créativité-là.
Puis, je fais le premier JT de ma vie pour France 2, on est en 2015, c’est une catastrophe. Je suis nul devant la caméra. En fait, je me rends compte que comme je suis assez empathique, je me colle à l’énergie de la personne, et manque de bol, la personne qui m’a interviewé est très molle, pas drôle, donc je suis très mou et pas drôle. Je me colle, tu vois, et je me dis « Oh là ! Là ! C’est nul ».
Et je parle avec un pote et je dis « Tu sais ce qui serait un coup de génie ? Le gars qui veut se faire un vrai défi créatif, il fait une vidéo pendant un an sur Internet. Et à la fin de l’année, il a 3 avantages et peut-être 4. »
Premier avantage : il sait monter des vidéos. Terminé de payer des gars qu’on va chercher pour monter nos teasers.
Deuxième avantage : les caméras, il n’en a plus rien à foutre parce qu’il aura trop tourné, il aura passé le cap et il ne sera pas comme moi au truc.
Troisième avantage : il aurait été dans le deep du créatif. Il aura vraiment trouvé les choses dont il a envie de parler parce qu’il est obligé tous les jours de remettre le couvert.
Puis, quatrième peut-être avantage potentiel : il a peut-être créé un public en plus.
Il me dit « Super ! Pourquoi tu ne le fais pas ? ». Je fais « Non, je n’ai pas le temps. Il ne faut pas exagérer. Imagine, faire cela tous les jours et tout, hors de question. Moi, j’ai le magazine, j’ai la boite que je viens de lancer, j’ai le spectacle qui tourne bien, vraiment j’ai autre chose à faire. Sauf que l’idée, elle ne se décolle pas. Je me dis « le meilleur conseil que je pourrais donner à quelqu’un à ce moment-là, c’est celui-là. ». Du coup, 1er janvier, je me lance.
Olivier Roland : 2016.
Fabien Olicard : 2016.
Olivier Roland : En plus, c’était pile dans le moment où l’algorithme adorait un contenu quotidien.
Fabien Olicard : La régularité, oui. Tout cela, c’est un hasard, encore une fois. Je fais cela durant un mois, donc au bout d’un mois c’est-à-dire 30 vidéos, une trentaine de vidéos.
Olivier Roland : Donc, tu tournes et tu montes tout seul.
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Tout, tout seul. C’est intéressant parce que j’ai fait aussi 3 défis comme cela d’une vidéo par jour avec les mêmes objectifs que toi, sauf que moi, c’était plutôt en mode : Ok, c’est mon équipe qui va monter. Au début, je ne faisais même pas de montage du tout. Mais c’est vrai que c’est extrêmement… ça forge.
Fabien Olicard : En fait, la mécanique, c’est que j’ai 5 vidéos d’avance. Donc, je pense qu’à partir du 10 janvier, j’ai zéro avance, je les ai déjà cramées.
Olivier Roland : Là, qu’est-ce que tu fais ? Tu paniques un peu ?
Fabien Olicard : Je me dis, « Ok, lève-toi plus tôt déjà ». C’est une année où j’ai très peu perdu de temps sur les réseaux sociaux, sur les machins. Tu te rends compte qu’en fait, il y a beaucoup de temps gâchés que j’ai été exploré et grappillé. Donc, je ne me couchais pas plus tard, je me levais juste un peu plus tôt. Par contre, c’est l’année où j’ai « le moins appris de choses », c’est-à-dire qu’en termes de lecture ou tout cela, je me suis reposé sur mes acquis là par contre, j’ai assez peu de découvertes cette année-là, à part le monde de Youtube, mais cela a été un peu une année de jachère, en mode : tout ce que j’ai engrangé de connaissances et d’expériences, je m’en sers cette année.
Olivier Roland : Ce qui est un bon cycle à avoir aussi.
Fabien Olicard : C’était très agréable à faire et puis c’était agréable de retrouver après la découverte l’année d’après. Donc en général, le matin, je me réveillais bras croisé dans le lit et je me disais « Tu ne te lèves pas tant que tu n’as pas ton idée de base ». Donc, je créais comme ça dans le lit. Des fois, je m’endormais un peu et je me réveillais. Je fantasmais un peu la vidéo que je vois « Oh, j’avais une idée ». Je me levais, j’écrivais et je notais des points plus que du mot-à-mot, tu vois ? Tac, tac, tac. Je faisais 2 ou 3 recherches, 2 ou 3 bricoles. Je tournais et, ensuite, je montais. Et une fois que c’était fait, la journée pouvait commencer.
Olivier Roland : Ok, intéressant.
Fabien Olicard : C’était comme cela.
Olivier Roland : Et tu n’avais pas trop la tête du réveil quand même ?
Fabien Olicard : Si, des fois. Ce n’était pas grave. Ce que j’essayais de faire le samedi, c’était de faire coup double, d’en écrire deux, d’en tourner deux, d’en monter deux, pour essayer de préserver mon dimanche.
Olivier Roland : Tu écrivais tout à l’avance, il y avait un prompteur.
Fabien Olicard : Non.
Olivier Roland : Ce sont des listes.
Fabien Olicard : C’était vraiment des points. Et puis, comme cela partait sur une connaissance préalable, c’était quand même assez facile à faire. Il y a très peu de vidéos que j’ai scriptées cette année-là, très peu.
Olivier Roland : Donc, tu n’as pas raté un seul jour ?
Fabien Olicard : Pas raté un seul jour.
Olivier Roland : Et alors, le résultat sur un an, cela a donné quoi ?
Fabien Olicard : Au bout de 31 jours, je me dis « c’est sympa, j’adore cela », un peu comme pour le théâtre, je crois que je vais continuer et j’adore. Au bout de 60 jours, j’ai, je crois, 1 500 abonnés sur la chaîne et je me dis « Ok, je peux me donner un goal fantasmé qui serait d’avoir 12 000 abonnés à la fin de l’année. » Ça ferait 1 000 abonnés par mois, c’est bien payé. Et puis, à cette époque-là, je ne rationalise pas comme les chiffres de Youtube, je rationalise en salle de spectacle.
Olivier Roland : Et en linéaire plutôt qu’en exponentiel.
Fabien Olicard : Exactement. Donc, 12 000 personnes pour moi, c’est le Palais des sports, c’est super. Et à la fin de l’année, ce sera 270 000 abonnés sur la chaîne. Le 31 décembre, on bloque à 270 000.
Olivier Roland : C’est une belle progression.
Fabien Olicard : Et c’est fou.
Olivier Roland : Il n’y a pas beaucoup de Youtubeurs qui ont une progression aussi rapide.
Fabien Olicard : Oui, c’était fou. Et l’année d’après, un an encore après, on passe le million d’abonnés.
Olivier Roland : Mais là, ce n’était plus à une vidéo par jour. Tu n’as pas refait, tu sais qu’il y a beaucoup de travail.
Fabien Olicard : Je n’étais plus à une vidéo par jour. Après, c’était marrant parce qu’après, j’en faisais 10 à 12 par mois. Tout le monde me dit « Mais tu as un rythme ». Je dis « j’ai un rythme. ». Quand tu sors une vidéo par jour, au début quand tu fais une vidéo, tu l’attends, tu la montes, 2 jours après, tu es là, il faut que je fasse une vidéo, cela fait longtemps.
Et on en parlait avec Pierre Croce qui faisait une vidéo juste du lundi au vendredi, lui à l’époque. Pierre Croce, on se connait depuis longtemps par la scène à la base et on se disait lui et moi, c’est marrant, en vrai, pour la plupart de nos formats, tu sais, c’est la loi de Laborit, qu’on ait une journée ou une semaine pour la préparer, on y consacre à peu près autant de temps. Ce n’est pas parce qu’on a une semaine qu’on met beaucoup plus d’écritures, beaucoup plus d’énergie en prépa, on fait autre chose que cela, mais on ne met pas beaucoup plus sur ce post-là.
Olivier Roland : Est-ce qu’il y a des actions que tu fais au quotidien que la plupart des gens ne font pas ?
Fabien Olicard : Qu’est-ce que je fais au quotidien que la plupart des gens peut-être ne font pas ?
Olivier Roland : Et qui donne peut-être un avantage ou… ?
Fabien Olicard : Je note tous les trucs supers.
Olivier Roland : Donc quoi ? Les idées, les…
Fabien Olicard : Non, les trucs que je vis de super.
Olivier Roland : Ah ! D’accord.
Fabien Olicard : Alors, c’est soit parce que c’est une chouette réalisation personnelle ou professionnelle, soit parce que j’essaie en code couleur, j’ai aussi des choses folles. C’est fou. J’ai rencontré untel que je voulais rencontrer un jour dans la vie, j’ai rencontré, c’est fou. Donc, je note cela.
Olivier Roland : Tu as quoi ? Un carnet…
Fabien Olicard : C’est dans le téléphone pour la plupart du temps, mais maintenant, j’ai un fichier sur l’ordi avec cela. Et les trucs un peu trop cools, régulièrement, je les lis.
Olivier Roland : Et c’est juste une phrase qui résume ce que tu as fait.
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : C’est du genre, J’ai rencontré Schwarzenegger par exemple.
Fabien Olicard : Exactement.
Olivier Roland : D’accord.
Fabien Olicard : Ne pas oublier que la vie, elle est souvent rythmée par la projection à très court terme des choses que tu es en train de réaliser et tu as l’impression d’être toujours en train de faire. Mais en fait, il y a des choses qui méritent d’être faites et d’être vécues qui sont trop cools. Donc, je les note pour m’en rappeler. Ça, c’est un truc qui me porte beaucoup.
Olivier Roland : Et quand tu les relis, tu ressens quoi ? De la gratitude ?
Fabien Olicard : Oui.
Olivier Roland : Cela te permet d’avoir…
Fabien Olicard : Enormément de gratitudes. Puis la deuxième chose que je fais, c’est que je fais en sorte de me décoller au maximum des projets. C’est-à-dire qu’on pourrait se dire « Tous tournent autour de Fabien Olicard, moi, je ne connais pas ce gars-là. », c’est-à-dire qu’on est toute une équipe à travailler sur un spectacle, c’est le projet. On est toute une équipe à travailler sur les vidéos, c’est le projet.
Et c’est très intéressant parce que je suis un vrai ouvrier, tout cela, avec tout le monde même si j’ai le final cut des grosses décisions. Mais c’est surtout quand j’ai un truc qui cartonne, c’est dans mon truc des choses cools et stylées, ce n’est pas dans mon égo. Et quand j’ai un truc qui ne marche pas, cela ne m’appartient pas. C’est juste notre projet, il n’a pas convaincu, on ne s’y est pas pris comme il fallait, mais je ne me sens pas « pas aimé » parce que j’ai un spectacle qui va capoter par exemple.
On ne sait pas, cela peut m’arriver parce que j’ai une vidéo qui ne marche pas. Cela m’arrive des vidéos où pendant une période, je ne prends plus du tout d’abonnés… Je sais que ce n’est pas moi, Fabien, le Fabien qui vais boire des coups après et tout cela, ce n’est pas moi. Cela, je ne m’en veux pas à moi, c’est le projet commun qui a moins plu. Donc ça, c’est un truc. Quand je parle…
Olivier Roland : Pour pallier son égo au succès du projet.
Fabien Olicard : Oui. Et quand j’en parle avec des gens qui ont des métiers qui ne sont pas des métiers pourtant de visibilité comme le tien ou le mien en partie, donc des métiers plus standards, je me rends compte que leur égo est quand même dans leur entreprise ou dans leur projet et que ça, ça les blesse au quotidien parce que cela ne les met pas dans des bons positionnements. Et des fois, je les vois prendre la décision que je n’aurais pas prise et je me demande si ce n’est pas lié à l’égo à ce moment-là. Je n’ai pas toutes les données pour juger de leurs situations, mais très souvent, je me dis « Ah la la, ils ont oublié qu’on rigolait, que c’était pour rire, que c’était un jeu et que ce n’était pas eux ». Tu n’es pas ce que tu fais, tu es ce que tu vis, c’est différent.
Olivier Roland : Donc, le proverbe « Travailler sérieusement sans trop se prendre au sérieux », cela te parle. C’est exactement ce que tu fais finalement.
Fabien Olicard : Oui. Moi, je fais toutes les choses sérieusement parce que je sais que ça ne l’est pas, c’est vraiment cela. Quand je m’engage dans quelque chose, je m’engage réellement et pour de vrai, et je ne vais pas le lâcher, sauf si j’estime à un moment donné que c’est trop de contraintes et on va le lâcher. Je n’ai pas de problème à lâcher le truc, tu vois ce que je veux dire ? Il ne faut pas oublier que tout ça, c’est un peu pour rigoler.
Olivier Roland : Et pour terminer, toi qui as lu beaucoup de livres pratiques, est-ce que tu en as 3 qui t’ont vraiment influencé ? Si tu peux citer le top 3.
Fabien Olicard : « L’art de la guerre », ça, c’est sûr.
Olivier Roland : Ok.
Fabien Olicard : Que je lis et je relis, je relis encore. C’est presqu’un truc de voyance ce truc. Moi, je peux me poser une question, ouvrir et je vais dire « hé, pas con ». J’adore ce livre pour cela. J’ai lu quoi qui m’a… ce n’est pas un livre pratique là, mais c’est de l’histoire personnelle, c’est « Je suis né un jour bleu ».
Olivier Roland : « Je suis né un jour bleu » ? Je ne connais pas ce livre.
Fabien Olicard : Oui. C’est un livre qui était écrit par un autiste, qui était très intéressant, sur des trucs que je comprends. Il t’explique par exemple dans le livre que c’est un jour en marchant entre deux lampadaires qu’il a compris la notion de l’infini. Ce qui se dit, mais si là, je vais à la moitié, j’aurais fait la moitié de la route et après, si je fais la moitié de ce chemin, j’aurais encore fait la moitié de la route. Et en fait, il est rentré dans un délire où il s’est dit « Mais en fait, je n’arriverai jamais au deuxième lampadaire parce qu’il restera toujours la moitié de la route. » Je trouvais que cela ouvrait à plein de réflexions qui m’ont beaucoup marqué et qui m’ont, en quelque sorte, influencé.
Puis, il y a beaucoup trop d’autres livres. Après, d’un point de vue général, ce sont tous les livres qui s’adressent aux néophiles dans un domaine qui m’ont marqué. Je vais te dire un truc parce qu’on a de la chance qu’ils existent et on ne s’en rend pas compte. Ton livre en fait partie. Je te donne un exemple concret. Un jour, je me dis « J’en ai marre, je ne comprends rien, c’est quoi leur truc de bourse ? »Tu vois, la bourse, c’est quoi ? J’ai acheté « La bourse pour les nuls », je l’ai dévoré. Je ne me suis pas intéressé plus que cela après, mais j’ai compris comment marchait la bourse. Et je me suis dit, c’est quand même génial, on vit à une époque incroyable où on peut trouver des condensés de savoir, faits par des experts à destination de ceux qui ne connaissent rien. C’est un peu fou.
Olivier Roland : C’est extraordinaire. Et la toute dernière question parce que là, il y a quand même des gens qui, cela fait une heure et demie qu’ils sont ici, donc ils sont super motivés, il y a peut-être 20% des gens qui sont allés jusqu’au bout. Pour les gens motivés qui te regardent encore et qui ont adoré tout ce que tu as à partager, qu’est-ce que tu peux leur donner comme conseil pour vivre une vie plus libre et plus autonome ?
Fabien Olicard : Moi, je leur disais « trouvez », alors j’appelle cela « des mantras ». Trouvez d’abord vos mantras, c’est-à-dire notez sur une feuille de papier tout ce que vous désirez dans votre vie, en pro et en perso. Vous notez des trucs très concrets : une belle voiture, une Tesla, machin et tout. Vous laissez reposer cela, vous faites cela pendant une semaine dès qu’il y a un truc qui vous vient. Au bout d’une semaine, vous prenez cette feuille et vous essayez de rassembler des choses par des phrases plus liantes. Tu vois ce que je veux dire ?
Si tu veux une belle maison, une belle voiture, en fait, tu veux du confort, donc obtenir tout le confort dont j’ai envie. Tu essaies de résumer pour avoir plus que quelques phrases. Puis, ces quelques phrases, tu essaies de les réduire encore, de trouver des concepts plus volatiles derrière jusqu’à tant d’obtenir 1 – 2 ou 3 mots, des mots très purs. Et c’est le travail que j’ai fait quand j’étais ado qui n’est basé sur aucune méthode, c’est ma méthode à moi et qui m’a fait obtenir les mots « autonomie » et « liberté ». Et de là, j’ai su que ce qui me rendait heureux, ma boussole décisionnelle, c’était ces deux trucs. Mais cela a transformé ma vie.
Olivier Roland : On le voit bien, tu l’as partagé. Ce sont vraiment des choses qui ont été tes… l’Etoile du nord.
Fabien Olicard : Exactement, et avec une charge mentale très diminuée. Pour prendre une décision qui paraît sexy, mais je ne sais pas trop, mais elle a dit quoi la boussole ? Je reste libre avec cela. Avec cela, non. Donc, je vais là en fait.
Olivier Roland : Comme si tu avais un système d’exploitation mental sur lequel s’appuie tout le reste.
Fabien Olicard : Exactement, c’est pour cela. Je ne sais pas si vous devez être plus libre ou plus autonome, mais vous devez trouver ce qui vous rend fondamentalement heureux et vous serez plus libre parce que tu sais pourquoi tu prends ta décision. Je fais assez peu de tableaux plus et moins sur des vraies grosses décisions parce que je sais qu’en fait, derrière tout cela se cache « c’est quoi qui me rend plus heureux chaque jour ? » C’est juste cela.
Olivier Roland : Merci beaucoup Fabien d’avoir partagé tout cela.
Fabien Olicard : Merci d’avoir accepté que j’ai un peu moins de temps et que ce qu’on aurait aimé avoir.
Olivier Roland : Parce que là, on aurait pu parler une demi-heure ou une heure en plus, mais voilà. Fabien, tu as été très pris en ce moment, donc merci d’avoir consacré tout ce temps pour les rebelles intelligents.
Et voilà chers amis rebelles intelligents. Si tu es encore là, tu fais partie des 25%, des 20%, des 2% qui sont restés jusqu’au bout. En tout cas, tu fais partie de la minorité motivée, donc je suppose que ce podcast t’a plu. Si c’est le cas, tu es libre de laisser un commentaire sur ta plateforme de podcast préféré. Et si tu le fais, je t’en remercie par avance parce que c’est grâce à des petits gestes comme celui-ci que ce podcast va toucher davantage de rebelles intelligents et les aider à créer l’aventure de leur vie. Merci d’avoir écouté ce podcast et à très vite pour le prochain.