Voyager pendant 7 ans avec 800 € par mois : la méthode

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Transcription texte de l’interview :

Olivier Roland : Professeur dans l’éducation nationale, Caroline déménage à Seattle pour être plus près de l’amour de sa vie. Quand ce couple se sépare, plutôt que de sombrer dans la dépression, elle décide de réaliser son rêve : faire le tour du monde.

Caroline : En fait, c’est ce qui m’a aidé un peu à me propulser du fond de la piscine quand je me sentais descendre et être dans ma tristesse. Je me suis dit « un rêve vient de s’éteindre, il va falloir que tu te fasses, que tu allumes un nouveau rêve ».

Olivier Roland : C’est une belle philosophie cela.

Caroline : Et j’avais ce rêve depuis que j’étais ado, depuis que j’avais 16-17 ans, de faire le tour du monde et je me suis dit « c’est le moment ».

Olivier Roland : Alors que, comme elle le dit elle-même, elle est quelqu’un « d’assez peureux ».

Caroline : En fait, il faut savoir que je suis quelqu’un d’assez peureux.

Olivier Roland : Et même qu’elle a peur de l’avion.

Caroline : Au départ, déjà, j’avais peur de l’avion.

Olivier Roland : Oui, avec un pécule de seulement 18 000 $.

Caroline : En gros, j’avais 18 000 $.

Olivier Roland : Dont elle a économisé la majorité en 6 mois, en se privant, car elle ne veut pas se laisser diriger par ses peurs.

Caroline : Je ne voulais pas que ma vie soit dirigée par mes peurs. Je refuse que ma vie soit dirigée par mes peurs et limitée par mes peurs.

Olivier Roland : Elle part comme une aventurière en laissant ses meubles sur le trottoir.

Caroline : Donc, en fait, cela a fini que j’ai laissé tous mes meubles sur le trottoir.

Olivier Roland : D’abord à Montréal, puis au Brésil alors qu’elle ne parle pas portugais. On se fait un português jam pouco ?

Caroline : Non, je parle le portugnol, comme ils le disent.

Olivier Roland : Oui, forcément. Avec une philosophie très libre. C’était quoi la journée typique ?

Caroline : Alors, comment utiliser mon temps ? Non, parce que je n’ai jamais envisagé de voyager en utilisant mon temps. Je n’avais pas forcément envie de rentabiliser justement. Je ne voulais surtout pas que voyager, ce soit un travail. C’est-à-dire, moi, je ne suis pas du genre à étudier Lonely Planet pendant 15 ans avant ni à me faire un petit emploi du temps de ma journée détaillée, à mettre mon réveil à 7 heures du matin. Déjà un de mes rêves, c’était de ne plus mettre de réveil.

Olivier Roland : Même s’il lui arrive de nombreuses péripéties, comme vous allez le voir.

Caroline : Et en fait, là, ils me disent « non, vous ne pouvez pas monter dans l’avion ».

Olivier Roland : Elle apprécie tellement l’aventure qu’elle fait du voyage son mode de vie à temps complet pendant des années, avec un budget mensuel léger.

Caroline : Je dépensais à peu près 800 € par mois.

Olivier Roland : Réalisant le rêve de beaucoup qui se laissent souvent bloquer par des croyances limitantes.

Caroline : Et dans ma tête, je me rappelle, je m’étais dit « Je rêverais de pouvoir voyager 3 ans comme cela, mais avec ce que j’ai de côté, je n’y arriverais jamais ».

Olivier Roland : Ce qui lui permet de se révéler à elle-même.

Caroline : J’ai eu vraiment quelque chose de très fort, j’ai eu le sentiment d’accoucher de moi-même.

Olivier Roland : Comment a-t-elle fait pour accomplir un rêve que beaucoup de gens ont mais n’osent pas réaliser, alors qu’elle avait un salaire dans la moyenne et qu’elle était très attachée à sa ville et à son mode de vie ? C’est ce que nous allons découvrir dans ce podcast, ainsi que comment vous aussi, vous pouvez réaliser ce rêve qui vous trotte dans la tête. C’est parti.

faire le tour du monde avec petit budget et peurs

<Générique>

Salut Caro, merci d’être venue. Tu t’es déplacée de Normandie exprès pour venir ici dans mon petit AirBnb à Paris. Et d’ailleurs, tu vas en profiter pour aller en Espagne et cela correspond d’ailleurs pas trop mal à ton mode de vie. On va en parler.

Déjà, j’aime démarrer les épisodes du podcast par la même question : est-ce que tu as l’impression d’avoir une vie atypique par rapport à la plupart des gens ?

Caroline : Alors, bizarrement non, mais quand je rencontre des gens, souvent, on ne trouve pas que ma vie est tout à fait dans la norme.

Olivier Roland : Et pourquoi ?

Caroline : Parce que j’ai choisi de passer une vie dans laquelle j’ai beaucoup de temps pour moi et dans laquelle j’ai décidé de vivre mon rêve de voyage, et donc j’ai consacré beaucoup de mon temps à voyager. Ce qui ne me paraît pas forcément extraordinaire au sens où je vis avec des gens aussi qui voyagent autour de moi. Mais quand je reviens en Normandie comme c’est le cas actuellement, effectivement, ma vie est peut-être plus atypique que d’autres personnes.

Olivier Roland : Donc, tu as décidé de te consacrer au rêve de tes voyages. Là, tu as voyagé vraiment de manière intense pendant 10 ans, si je ne dis pas de bêtise ?

Caroline : Oui, je dirais au moins 7 ans.

Olivier Roland : Au moins 7 ans. Alors, tu as démarré comment ? Tu étais institutrice dans une école primaire, c’est cela ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : En Normandie ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Et un jour, tu te réveilles et tu dis « j’en ai marre, je veux voyager, je me casse ». C’est cela ?

Caroline : Pas tout à fait. Alors, j’ai effectivement enseigné en Normandie. J’étais à l’école primaire. Après, je me suis spécialisée, j’ai enseigné aux collèges dans les classes d’adaptation. Suite à cela, je suis partie enseigner aux États-Unis et j’ai enseigné 3 ans dans une école française aux États-Unis.

Olivier Roland : A des élèves du même âge. Donc, école primaire ?

Caroline : A des élèves d’école primaire. Je suis revenue, du coup, dans un enseignement primaire.

Olivier Roland : Tu enseignais le français à des Américains ?

Caroline : J’ai enseigné le français à des Américains, des Français, des Chinois.

Olivier Roland : Les cours étaient en français, en fait. Ce n’était pas des cours de français, c’était des cours en français. Donc, c’était une école bilingue.

Caroline : Une école bilingue et une école en immersion.

Olivier Roland : Et c’était où ?

Caroline : C’était à Seattle, exactement à Bellevue.

Olivier Roland : Donc, côte Ouest, au Nord, près du Canada, plutôt pluvieux et un peu comme le Québec mais de l’autre côté.

Caroline : Exactement, The Rainy City, et c’est à 3 heures de Vancouver.

Olivier Roland : Qui est aussi une ville incroyable, paraît-il.

Caroline : Que j’adore aussi pour sa lumière. La lumière, il pleut, mais c’est très lumineux, l’environnement, les montagnes, les lacs, l’océan.

Olivier Roland : C’est intéressant parce que ça, c’était avant que tu te mettes à voyager de manière intense, mais tous les profs en écoles primaires françaises ne vont pas faire des trucs comme cela aux États-Unis. Comment tu as eu l’opportunité ? Comment tu as fait cela ?

Caroline : Alors moi, depuis petite, je voulais être enseignante, depuis toujours, depuis que j’ai 12-13 ans. Par contre, mon rêve, c’était d’enseigner en Afrique. Donc, il y avait déjà le goût du voyage et j’ai toujours eu ce goût du voyage. Je voyageais déjà un peu avant. Et puis, je ne suis pas allée en Afrique. Comme je te l’ai dit, je suis arrivée aux États-Unis. Il se trouve que j’ai rencontré quelqu’un à un moment donné de ma vie qui vivait aux États-Unis, et donc, j’ai voulu partir enseigner aux États-Unis pour me rapprocher.

Olivier Roland : Tu as fait une demande à l’éducation nationale ou tu as dû trouver du boulot sur place ? Comment ça marche ?

Caroline : Je n’ai pas fait de demande à l’éducation nationale, j’ai démarché des écoles françaises aux États-Unis.

Olivier Roland : Par email, j’imagine.

Caroline : Oui, c’est comme cela que j’ai procédé. J’ai cherché sur internet la liste des écoles à l’étranger, aux États-Unis.

Olivier Roland : Mais du coup, cette personne était sur Seattle ?

Caroline : Pas du tout.

Olivier Roland : Ah bon ! D’accord. Elle était où cette personne ?

Caroline : Elle était à New York. Seattle – New York, c’est 15 000 km. C’est la même distance que Paris – New York.

Olivier Roland : Oui, tu aurais pu rester en France en fait.

Caroline : C’est ce qu’il m’a dit à l’époque. Mais en fait, au départ, je n’ai pas postulé à Seattle, je n’ai postulé que sur les écoles de la côte Est. Et ce qui s’est passé, c’est que j’avais été reçue à deux entretiens à l’école de Washington et l’école de Princeton. Suite à ces entretiens, on m’avait proposé un contrat à Princeton. C’était parfait pour New York puisque ce n’est pas très loin. Et finalement, le contrat n’arrivait pas, et puis elle m’a annoncé – ce que j’ai compris plus tard – que la personne qui devait partir et qui avait le poste avait conservé son visa aux États-Unis, donc le poste n’était plus libre. Donc, je me suis retrouvée à ce moment-là sans contrat.

Olivier Roland : Tu étais déjà en partance dans ta tête pour les États-Unis.

Caroline : Oui. Et là, on était déjà au mois d’avril et tout ce qui est mutation au niveau des écoles, cela se passe au mois de janvier. Cela ne se passe pas tard dans l’année. Du coup, en fait, je ne le savais pas, mais cette personne, cette directrice d’école avait envoyé mon dossier à l’école de Seattle qui eux avaient fait leurs interviews mais n’avaient trouvé personne, et ils m’ont contacté fin avril par mail en me demandant de faire un entretien téléphonique, donc on est resté 2 heures au téléphone. Et puis à la suite de l’entretien, juste à la fin de l’entretien, elle m’a dit « Alors, c’est oui ou c’est non ? » En 2 heures, je devais décider si je partais.

Olivier Roland : Ah oui, d’accord, ils ne t’ont pas laissé le temps de réfléchir. Et tu as dit oui ?

Caroline : Et j’ai dit oui.

Olivier Roland : Et tu te retrouves à l’autre bout de ton amoureux.

Caroline : Des États-Unis. C’est cela.

Olivier Roland : A la même distance que Paris. Dans le même pays, mais…

Caroline : Mais c’était plus simple. C’était plus simple parce qu’il y a moins de décalage horaire.

Olivier Roland : En vol interne, oui, 3 heures.

Caroline : Déjà, il y a 3 heures au lieu de 6 heures. Les vols internes, cela coûte moins cher.

Olivier Roland : Oui, c’est vrai. Puis, on se retrouve au milieu.

Caroline : Pour les vacances scolaires, on pouvait se retrouver au milieu, exactement, alors que le milieu, c’est plus compliqué.

Olivier Roland : L’atlantique, c’est plus compliqué. Il y a les Açores, mais bon voilà. L’Islande.

Caroline : C’est original, mais c’est plus compliqué. Non, l’un dans l’autre, c’était vraiment bien. Et puis au-delà de cela, quand je m’étais posé la question et qu’ils m’avaient posé la question, j’ai toujours rêvé d’enseigner à l’étranger et je me suis dit « Quoi qu’il en soit, quitte à s’attendre du côté à Paris ou à s’attendre à Seattle, je préfère vivre aussi cette expérience-là ». Et j’avais aussi – je ne sais pas pourquoi – mais j’avais toujours rêvé de parler anglais et cela a été aussi l’occasion pour moi de maitriser l’anglais et de devenir bilingue même si cela a été un long parcours.

Olivier Roland : Et là, déjà, on voit cette démarche d’aventurière que tu as. Tu n’hésites pas à faire des choses qui te semblent un peu folles, d’aller à Seattle quand tu as ton amoureux à New York et de tenter des nouveaux trucs. Ok, donc tu restes 3 ans à Seattle, tu reviens en France, c’est cela ?

Caroline : Non, en fait, cette relation au bout des 3 ans s’est arrêtée et je me suis retrouvée en situation de devoir choisir si je postulais pour le visa de résident puisqu’on va avec un visa étudiant au départ, le J1, c’est un visa étudiant qui est sponsorisé par l’école quand on va enseigner en école française. Et en fait, au bout de 3 ans, maintenant c’est passé à 5 ans, on doit faire la demande d’un visa résident. Mais aux États-Unis, ce visa résident, le H-1B, c’est un visa qu’on a sur loterie. Cela dépend du nombre de demandes. Il y a un nombre de visas qui est donné. S’il y a beaucoup de demandes, forcément, nos chances diminuent, s’il y en a peu, on a plus de chances.

Et cette année-là, moi, j’avais 50% de chances d’être tirée au sort. Et qui dit 50% de chances d’être tirée au sort dit aussi 50% de chances de ne pas être tirée au sort. Et donc, quand il y a eu cette séparation à laquelle je ne m’attendais pas, je me suis retrouvée à devoir prendre une décision, c’est-à-dire soit je prenais le risque de demander mon visa, de rester à Seattle un peu plus et de continuer cette vie que j’aimais bien, mais finalement avec quand même une petite amertume et je n’avais pas envie d’aller chercher à retrouver la vie que j’avais avant, ou alors… En fait, c’est ce qui m’a aidé un peu à me propulser du fond de la piscine quand je me sentais descendre et être dans ma tristesse, c’est que je me suis dit « un rêve vient de s’éteindre, il va falloir que tu te fasses, que tu allumes un nouveau rêve ».

Olivier Roland : C’est une belle philosophie cela.

Caroline : Et j’avais ce rêve depuis que j’étais ado, depuis que j’avais 16-17 ans, de faire le tour du monde et je me suis dit « c’est le moment ».

Olivier Roland : Tu avais quel âge à ce moment-là ?

Caroline : J’avais 35 ans

Olivier Roland : 35 ans. Et donc, tu te dis « je vais faire le tour du monde », tu te donnes un délai ? Tu voulais faire cela pendant combien de temps ?

Caroline : En fait, je n’avais aucune idée déjà si cela allait me plaire. Je n’avais aucune idée de combien de temps je pourrais tenir avec l’argent que j’allais mettre de côté parce que ça, c’est arrivé au mois de janvier, ma séparation. Et là aussi où je devais donner ma réponse pour la démission à l’école, il fallait le faire au mois d’avril. Il fallait que je mette de l’argent de côté en 6 mois en fait. Donc, je ne savais pas combien j’allais mettre, je n’avais aucune idée de combien de temps durerait ce voyage. Et je m’étais dit en même temps « si cela ne me plaît pas, tu prends le billet de retour et tu rentres », dans ma tête.

Olivier Roland : Absolument, tu n’avais pas grand-chose à perdre.

Caroline : Je n’avais rien à perdre, j’essayais de le vivre.

Olivier Roland : Parce que bon, en étant prof dans l’éducation nationale, tu peux revenir pendant un certain temps, c’est cela ?

Caroline : C’est cela.

Olivier Roland : Cela s’appelle comment déjà cela ?

Caroline : En fait, on a la possibilité d’être en disponibilité dans l’éducation nationale.

Olivier Roland : Cela dure 10 ans.

Caroline : Tout le monde a la possibilité dans un travail ordinaire de demander une disponibilité. La spécificité de l’éducation nationale, c’est qu’on a 10 ans de disponibilité.

Olivier Roland : Ce qui est énorme.

Caroline : En fait, qui est renouvelable chaque année.

Olivier Roland : Ça, c’est intéressant parce que c’est ce que je dis toujours, il faut savoir prendre des risques mesurés dans la vie, mais avoir aussi un plan B, un plan C, un plan D. Là, tu savais que tu avais ce filet de sécurité et cela t’a peut-être aussi aidé. En même temps, il y en a plein qui ont ce filet de sécurité, qui ont le même rêve que toi et qui ne le font pas. Donc, tu te dis « Je ne sais pas si cela va me plaire, mais c’est mon rêve. On va tenter et puis on verra bien ». Tu ne savais pas si cela allait durer un mois ou 5 ans.

Caroline : Je n’avais aucune idée. Honnêtement, 5 ans, à cette époque-là, je n’y pensais pas. Dans ma tête, c’était 6 mois ou un an.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Et j’adorais surtout ma vie à Seattle. J’adorais ma vie aux États-Unis, l’environnement, que ce soit la dynamique de la ville, le culturel, que ce soit la nature autour puisqu’à Seattle, tu as la montagne, tu as l’océan. C’est une ville que je trouvais magique et que je trouve toujours magique malgré la pluie. Alors que je suis quelqu’un qui adore le soleil, et j’ai décidé de renoncer à cela, mais j’ai toujours en moi cette idée que le meilleur reste à venir. Donc, je ne m’arrête jamais à ce que j’ai en me disant que j’ai cela à perdre.

Olivier Roland : Alors, tu vas où ? C’est quoi ta première destination ?

Caroline : Ma première destination, ce n’était pas super original parce qu’il faut savoir que je suis quelqu’un d’assez peureux.

Olivier Roland : On va parler de cela parce que je ne suis pas entièrement d’accord, mais Ok, vas-y.

Caroline : Ma première destination, en fait, à l’époque justement, j’avais cherché un billet pour partir au moment des vacances scolaires et j’avais trouvé – je me rappelle très bien – un billet qui était à 200 $, je me suis dit « ce n’est pas cher » et qui allait à Montréal, donc rien de foufou. Cela parlait français.

Olivier Roland : Tu y étais déjà allée ou pas ?

Caroline : Je n’y étais jamais allée. Et en fait, oui, j’avais projeté d’y aller.

Olivier Roland : C’était en quelle année cela ?

Caroline : C’était en 2013.

Olivier Roland : En 2013. Donc, tu y vas, tu prends juste un billet aller ?

Caroline : Je prends juste un billet aller.

Olivier Roland : Tu sais que parfois, aux frontières, ils t’embêtent si tu n’as pas un billet retour.

Caroline : Dans certains pays, oui, mais à l’époque, je ne savais pas encore.

Olivier Roland : Oui. Non, effectivement.

Caroline : Et par contre, j’étais…

Olivier Roland : Il y a des hacks, mais on en reparlera, oui.

Caroline : Et j’ai été vite confrontée à ce souci d’ailleurs dès mon deuxième vol.

Olivier Roland : On va en parler. Donc, tu arrives à Montréal, Ok, et alors ? Tu es toute seule, on est d’accord.

Caroline : A Montréal, j’étais toute seule, mais comme je te dis, j’avais un peu prévu mes arrières parce que j’ai dit que je partais en tour du monde. Et quand tu annonces que tu pars en tour du monde, tu as quand même beaucoup de gens qui te connaissent, qui te disent « Moi, je connais untel qui habite là. Je connais untel qui habite là. Je connais untel qui habite là. » Et il se trouve qu’à Montréal, j’ai été accueillie par une amie de ma tante qui m’a hébergé, et puis au départ, qui m’a mis un peu le pied à l’étrier. Moi, c’était les vacances scolaires, j’étais un peu fatiguée. J’étais aussi avec le coup de ma rupture encore. Donc, je n’étais pas dans une dynamique de voyage super joyeuse, heureuse. Je me suis même dit « Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu n’as pas de plan, tu ne sais pas où tu vas, tu as quitté ton boulot, tu es toute seule ». Je venais de quitter mes amis, là où j’avais vécu pendant 3 ans.

Olivier Roland : Tu louais un appartement d’ailleurs à Seattle. Tu avais arrêté cela, j’imagine.

Caroline : Oui. Et moi, je suis quelqu’un qui fait beaucoup de choses à la dernière minute. Et justement cette histoire d’appartement, je n’avais pas du tout envie de vivre en mode camping pendant 2 mois chez moi, donc jusqu’au bout, j’ai gardé mon appartement en me disant « c’est un petit studio, en 3 jours, j’aurais tout emballé, ça va aller ». Sauf que j’avais accumulé beaucoup de choses en 3 ans et que cela n’allait pas du tout pour faire 3 jours les bagages, comme j’avais prévu, les cartons. Heureusement que j’ai une amie qui m’a beaucoup aidée à ce moment-là. Mais j’avais encore tout chez moi, mes meubles, mes cartons, etc., à quelques heures de rendre les clefs de l’appartement.

Et j’ai un autre ami qui devait venir avec un camion de déménagement pour embarquer tout cela. Le camion est tombé en panne devant l’appartement ce jour-là. Donc, cela a fini que j’ai laissé tous mes meubles sur le trottoir.

Olivier Roland : Ah oui ! Donc, tu as perdu de l’argent aussi.

Caroline : J’ai dit à mes amis de venir prendre ce qu’ils voulaient, et puis, les voisins sont venus se servir. Et moi, je suis partie avec à l’époque un trop gros sac à dos pour moi, mais je n’avais pas envisagé cela comme cela, et même une valise à roulettes en plus parce que je voulais emmener le plus de choses possibles. Moi, cela ne me paraissait rien par rapport à tout ce que j’ai laissé.

partir voyager faire le tour du monde avec l'essentiel

Olivier Roland : Et aujourd’hui, cela te paraît trop parce que tu es habituée à…

Caroline : Puis, parce que j’ai vite vu que c’était trop en fait. J’ai vite vu que c’était trop, j’avais pris…

Olivier Roland : Tu mettais des bagages en soute ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Tu le fais toujours là ?

Caroline : Cela dépend où je voyage.

Olivier Roland : Ok. Moi, cela fait 10 ans que je ne mets que des bagages de cabine, pas 10 ans, 8 ans, et cela hallucine les gens. Je peux voyager 3 mois avec un bagage de cabine et je leur dis « j’utilise cette nouvelle technologie qui s’appelle la machine à laver, je ne sais pas si tu connais ? ». Cela les fait toujours rire, mais ce n’est pas si dur en fait.

Caroline : Non. Et puis, c’est clair que quand tu voyages, tu te rends vite compte que tu as besoin de pas grand-chose parce que tu as tout sur place.

Olivier Roland : Absolument.

Caroline : Tout ce qu’on emmène à la base en prévention, puisque moi, j’avais beaucoup emmené d’au cas où dans ma valise, et finalement, tu te rends compte que n’importe où, où t’arrives, tu as tout. Tu as des pharmacies, tu as des endroits pour acheter des vêtements si tu as besoin, tu as des endroits… enfin, tout ce que tu peux supposément avoir besoin. Tu as des supermarchés si tu veux acheter des produits pour te laver. Je n’en sais rien, mais tout était sur place. Donc, cela ne sert à rien de payer le port pour tout ce que tu as à l’arrivée.

Olivier Roland : Donc, tu es à Montréal, tu te dis « mais qu’est-ce que je fais là ? »

Caroline : Oui, cela a été un mois assez dur.

Olivier Roland : Tu es restée un mois là-bas ?

Caroline : Oui, un mois parce qu’en fait…

Olivier Roland : C’était quand ? Quel mois ?

Caroline : Je suis partie le 31 juillet, je m’en rappelle très bien. A partir du mois d’août.

Olivier Roland : Tu étais partie à la bonne période, il ne faisait pas moins 25.

Caroline : Non, il y avait les piscines découvertes dans les parcs. Ça, c’est cool.

Olivier Roland : Et tu t’es fait des amis ? Tu as rencontré des gens ?

Caroline : En fait, grâce à cette amie de ma tante, elle m’a présenté son entourage, elle m’a présenté des personnes qu’elle connaissait. Je suis partie, du coup, faire des week-ends en camping à la montagne avec des copines.

Olivier Roland : Super, tu avais quand même une vie sociale et tout cela.

Caroline : Oui, je faisais des trucs sympas.

Olivier Roland : Comment tu occupais ton temps ? Comment on passe de quelqu’un qui travaille quand même à temps plein, même si j’imagine, prof, c’est relativement cool, cela dépend ?

Caroline : Non, ce n’était pas si cool.

Olivier Roland : Ok d’accord. Et comment tu passes d’un métier pas si cool en termes de temps à maintenant, j’ai un temps complètement libre, il faut que je l’occupe ?

Caroline : Cela a été justement pour moi, mon rêve, je crois que cela a été la transition. C’est-à-dire que cela, je ne l’avais pas du tout anticipé. Et justement à me retrouver comme cela avec la liberté que j’espérais tant, parce que j’en rêvais de cela, d’avoir tout ce temps pour moi. J’avais justement l’impression avec mon métier que je consacrais toute ma vie à mon travail et que je n’avais pas tant de temps que cela pour moi. En tout cas, je suis quelqu’un peut-être qui en a besoin plus que d’autres, on a tous des besoins différents.

Et finalement, quand je me suis retrouvée avec tout ce temps libre, j’étais un peu comme au bord d’un gouffre. Vraiment, je me suis demandé « Qu’est-ce qui m’avait pris de prendre cette décision-là ? Qu’est-ce que j’allais faire de mes journées ? » Ce sont des questions que je me suis posées. Et pour être tout à fait honnête, au début, j’ai même laissé passer beaucoup de temps. J’ai été un peu happée par à la fois ma solitude, ma tristesse, ma séparation de cette ville que j’aimais, des gens que j’avais laissés là-bas, même de mon métier parce que j’étais attachée à mes élèves, à mes parents d’élèves. Il y avait tout un tas d’attaches que j’avais créées, et tout d’un coup, tu laisses tout. Et tu sais, ce n’est pas comme quand tu pars de France, enfin de chez toi avec ta famille, là, tu laisses tout mais tu ne sais pas si tu vas revoir ces gens. C’est un pan de ta vie, une page qui se tourne vraiment.

Olivier Roland : Et concrètement, tu fais quoi de tes journées ? Tu te balades ?

Caroline : Je suis allée me balader en ville. Je t’ai dit, j’ai rencontré ces personnes qu’on m’a présentées à diverses occasions. Il se trouve que j’avais aussi une amie qui était instit à New York, qui était de passage à Montréal, par exemple, on s’est vu.

Olivier Roland : Tu l’as rempli avec des rencontres.

Caroline : Oui, on va dire, j’ai vécu comme si j’avais un appartement dans lequel je vivais et j’explorais plutôt le quartier. Je partais en week-end. C’était vraiment sur le temps des week-ends pour faire, comme je te disais, du camping, de la rando, tout cela. Mais cela m’est arrivé aussi beaucoup, même au début, de passer des journées à regarder des rediffusions de séries ou de choses comme cela à la télé parce que j’étais épuisée de mon année scolaire aussi, tout simplement. J’avais aussi besoin de ce temps-là pour me remettre dans un mouvement qui était différent. Je ne suis pas passée de l’un à l’autre, en fait. Montréal, cela a été un sas.

Olivier Roland : Ok, et tu savais que tu allais rester un mois ?

Caroline : Non, je n’avais rien prévu.

Olivier Roland : Donc, au bout d’un mois, tu t’es sentie prête à partir ?

Caroline : Au bout d’un moment, je me suis dit « Là, de toute façon, tu tournes un peu en rond, tu as vu ce que tu voulais voir ». Je savais que ce n’était pas la terre d’exploration pour moi, Montréal. Comme je disais, cela faisait 3 ans que je vivais aux États-Unis. C’est une ville Nord-américaine où on parle français, avec une culture quand même francophone, donc il y a beaucoup de choses qu’on connait déjà. Ce n’est pas pareil quand on arrive de France un jour à Montréal que quand on a vécu déjà une autre expérience.

Olivier Roland : Au moins, tu as appris à parler québécois un peu, les expressions et tout cela ?

Caroline : Ça, cela a été un challenge. Quand je suis partie en week-end justement à me retrouver avec des gens qui parlaient québécois, là, je me suis rendu compte qu’on ne parlait pas la même langue. Parce que finalement, quand tu es en discussion, en conversation avec une seule personne, c’est vrai qu’ils font un peu l’effort. Ils parlent avec moins d’accent, il parle assez lentement finalement.

Olivier Roland : Ils font attention aux expressions spécifiques.

Caroline : Voilà. Mais là, quand je me suis retrouvée en camping au milieu, autour d’un feu un soir et chacun racontait des choses avec qu’un langage en mode d’expressions, je ne comprenais rien. Rien. J’avais même pris un petit carnet et je notais tout.

Olivier Roland : Même moi, quand la première fois que j’étais à Montréal, c’est là où j’ai tout de suite commencé à faire mon fichier d’expressions. Je peux animer une soirée pendant une heure et demie avec ça, c’est impressionnant.

Caroline : C’est cela. Et tous les mots où il y avait un mot pour remplacer un autre… Et je m’en rappelle parce que cela me faisait rire, mais en même temps, je me suis rendu compte à quel point je n’arrivais même pas à prendre part à la conversation parce qu’il me fallait vraiment un temps de traduction dans ma tête. La seule chose que je me suis rendu compte, c’est qu’en fait, ils parlent évidemment français mais avec un mode de pensée américain, c’est-à-dire que tout ce qu’ils disent en français, c’est de la traduction quasiment mot pour mot d’expressions américaines.

Olivier Roland : Oui, il y a beaucoup de choses comme cela comme ils disent bienvenue quand tu leur dis merci parce que c’est you’re welcome… Après, c’est comme si tu débarques dans un nouveau milieu qui a son propre vocabulaire technique et que tu vas l’apprendre quelque part, ce n’est pas non plus.

Caroline : C’est cela, exactement. Mais je trouvais cela cool.

Olivier Roland : Puis, c’est génial, je trouve cela fascinant à explorer, oui.

Caroline : Et puis, j’avais une de mes amis à l’époque qui avait travaillé à Seattle, qui était de Montréal aussi, donc je suis restée un petit temps aussi chez elle.

Olivier Roland : Elle te servait d’interprète ?

Caroline : D’interprète quand j’étais avec elle parce que je suis allée dans sa famille. Mais je me rappelle, on avait été à une fête de famille chez elle et elle avait un petit cousin qui m’avait dit « J’aime bien ton accent, toi, la française », comme quoi…

Olivier Roland : Oui, c’est sûr, c’est toujours relatif. Ok, au bout d’un mois, tu te sens prête à partir. Et alors, comment tu décides où tu vas ?

choisir sa destination pour son tour du monde

Caroline : J’avais des petits jalons. A l’époque, j’avais mon voisin à Seattle avec qui je m’entendais bien, on se voyait régulièrement, et qui m’avait dit « Moi, je pars faire un scholarship au Brésil pour un an, donc tu n’as qu’à venir me voir ».

Olivier Roland : C’est quoi un scholarship ?

Caroline : C’est-à-dire qu’il faisait un an d’étude au Brésil.

Olivier Roland : Ok.

Caroline : Et du coup, tu n’as qu’à venir me voir si tu passes au Brésil. Et en fait, j’ai choisi après le Canada, d’aller au Brésil.

Olivier Roland : Quelle ville ?

Caroline : A Rio.

Olivier Roland : Rio de Janeiro, c’est cool cela.

Caroline : Oui, j’ai bien aimé.

Olivier Roland : On se fait un português jam pouco ?

Caroline : Non, je parle le portugnol, comme ils le disent.

Olivier Roland : Forcément, tu avais appris l’espagnol à l’école.

Caroline : Alors, pas tant que cela. J’avais fait un an d’espagnol LV3, donc je n’avais pas non plus un bagage d’espagnol de dingue, mais en tout cas, je comprenais mieux l’espagnol que le portugais.

Olivier Roland : Parce que l’anglais au Brésil, cela ne sert pas des masses.

Caroline : En Amérique du Sud, en général, ils sont un peu réfractaires.

Olivier Roland : C’est clair. Même à Rio qui est pourtant la ville la plus touristique du Brésil, c’est impressionnant.

Caroline : Après, j’avais cet ami qui était américain, qui parlait bien l’anglais et qui parlait portugais couramment.

Olivier Roland : C’est là où tu as eu un problème parce que tu n’avais pas de billet de retour.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Parce qu’il faut le savoir, il y a beaucoup de pays, alors en général, ce sont les compagnies aériennes qui checkent et il y a des hacks pour cela. Il y a notamment un site, il y en a plusieurs, mais il y a un site qui s’appelle « Best Travel Onward », un truc comme cela.

Caroline : «Travel Onward », et je ne sais plus, cela a changé de nom après.

Olivier Roland : « Best Flight Onward », et en fait, vous pouvez réserver un ticket temporaire de retour que vous utilisez pour passer la frontière, et après, c’est annulé automatiquement. Sinon le hack c’est : vous prenez un billet en business qui est remboursable, et dès que vous avez passé la frontière, vous l’annulez. Cela fait partie des règles stupides qui peuvent faire sens d’un point de vue public, mais qu’on peut hacker en tant qu’individu. Parce que moi, je suis comme toi, des fois, j’arrive dans des pays, je ne sais pas quand est-ce que je pars.

Donc là, tu arrives à la frontière du Brésil. Non, c’est même la compagnie aérienne qui te dit « on ne vous laisse pas embarquer si vous n’avez pas de billet de retour ».

Caroline : Oui, cela a été même plus compliqué que cela parce qu’en fait, moi, je prends mon billet pour le Brésil, Montréal – Rio avec deux stops aux États-Unis : un premier stop à Washington et un deuxième stop à Charlotte.

Olivier Roland : Oui, tu cherchais le vol le moins cher.

Caroline : Oui, mais de toute façon, j’ai voyagé toujours à chaque fois en faisant des recherches…

Olivier Roland : D’ailleurs, je ne t’ai pas posé la question, mais tout ce pécule que tu avais accumulé, c’est parce que tu avais un style de vie plutôt minimaliste ?

Caroline : Pas du tout.

Olivier Roland : D’accord, tu dépenses.

Caroline : Quand j’habitais à Seattle, j’étais même la reine du shopping, j’allais manger au restaurant tout le temps, j’adorais voir les spectacles, j’adorais partir en vacances. Donc, c’était no limite.

Olivier Roland : Alors, comment tu as fait pour économiser ?

Caroline : A partir de Janvier, quand j’ai décidé que j’allais avoir ce projet de tour du monde, j’ai commencé à dépenser moins.

Olivier Roland : Donc, tu avais 6 mois alors ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Et on peut savoir quelle somme tu avais de côté ?

Caroline : Alors, déjà, j’avais un tout peu de côté sur mon compte aux États-Unis, ce qui ne m’arrivait jamais en France, j’étais tout le temps débiteur. Mais aux États-Unis, j’avais mis de côté tout simplement parce que j’avais une assurance maladie qui était plutôt bien couverte pour les États-Unis qu’on avait avec l’école, mais par exemple, j’avais entendu qu’un des collègues qui était arrivé avait eu l’appendicite, et moi, je n’avais jamais eu l’appendicite et que l’opération coûtait 30 000 $.

Olivier Roland : Aux États-Unis, cela ne rigole pas.

Caroline : Et que même si tu es bien couvert, de ta poche, il restait 4 000 $ à payer. Donc, en fait, j’avais toujours ces 4 000 $ sur mon compte au cas où.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : J’avais cela. Et après, j’ai mis un peu plus de 10 000 € de côté en 6 mois.

Olivier Roland : Donc, tu avais 13 000 €, dans ces eaux-là.

Caroline : Oui, et tu sais, quand tu es enseignant, tu es payé, tu as ton salaire. Moi, je suis partie fin juillet et mon salaire de juillet est tombé. En gros, j’avais 18 000 €.

Olivier Roland : 18 000 € ?

Caroline : 18 000 $.

Olivier Roland : Dollars, et donc tu t’es dit cela va me suffire pour quelques mois et puis…

Caroline : Je ne savais pas. Comme je t’ai dit, je ne savais pas si cela tiendrait 6 mois ou un an. Je me suis dit…

Olivier Roland : En tout cas, tu faisais attention à ne pas dépenser n’importe comment.

Caroline : Oui, dans ma tête, forcément, je me suis dit « Si j’ai envie que cela dure, je vais économiser là où je peux ».

Olivier Roland : De te faire héberger, si tu peux.

Caroline : Et je savais que j’avais beaucoup de temps, donc cela, c’était extensible. Le temps était extensible, donc cela ne me dérangeait pas de passer du temps.

Olivier Roland : Tu pouvais utiliser ton temps, enfin, ton argent versus ton temps.

Caroline : Cela ne m’a pas dérangé de faire des vols de 23 heures ou des trucs comme cela, vu que derrière, je savais que j’avais de toute façon cela en illimité.

Olivier Roland : Donc là, tu arrives à l’aéroport toute heureuse à Montréal.

Caroline : No problem.

Olivier Roland : Et on te dit…

Caroline : Non, pas de problème à Montréal.

Olivier Roland : C’est aux États-Unis qu’on t’a dit…

Caroline : Je suis arrivée d’ailleurs au premier stop. Au premier stop, pas de problème non plus. Et je suis arrivée à mon deuxième stop, donc à Charlotte, avant de partir pour Rio, le dernier tronçon et c’est là qu’on m’a dit. J’étais devant la salle d’embarquement, en plus, j’étais arrivée bien en avance parce qu’il y avait un gros temps de transfert, et j’aime bien monter dans les derniers dans l’avion parce que je n’aime pas faire la queue.

Olivier Roland : Je te comprends, j’ai fait cela longtemps.

Caroline : Donc, en fait, j’attends que tout le monde rentre et puis je me présente comme une fleur.

Olivier Roland : Bonjour.

Caroline : Voilà. Et en fait, là, ils me disent « Non, vous ne pouvez pas monter dans l’avion ».

surmonter les obstacles et réaliser ses rêves

Olivier Roland : C’est un peu bizarre quand même leur système, ils auraient pu détecter avant.

Caroline : Voilà, c’est cela.

Olivier Roland : Il reste littéralement 5 minutes là. On est d’accord.

Caroline : Il restait un quart d’heure avant le départ du vol.

Olivier Roland : Donc, tu as acheté un billet en urgence, c’est cela ?

Caroline : J’ai pleuré surtout. J’ai pleuré parce qu’en fait, ils étaient deux, puisque moi, je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas monter au départ, ils ne m’expliquent pas, ils m’ont juste dit « Tu ne peux pas monter, il y a un problème avec ton billet ». Je n’avais pas du tout connaissance de cette histoire à l’époque, de non-possibilité d’aller dans le pays sans billet de retour en fait. Donc, je découvrais. Parce qu’à l’époque, en 2013, il n’y avait pas plein de blogs, il n’y avait pas plein d’infos.

Et je leur dis « qu’est-ce qui se passe avec mon billet ? ». Donc là, ils m’expliquent que la loi fait que je ne peux pas rentrer sur le territoire sans billet retour. Mais en fait, il se trouvait que ça, cela dépend aussi des accords entre les pays. C’est vrai pour les Américains, ce n’est pas vrai pour les résidents français, donc je leur spécifie cela puisque moi…

Olivier Roland : C’est peut-être parce qu’il y a la Guyane qui a une frontière terrestre, tu peux y aller en bus par exemple.

Caroline : Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je pense que c’est surtout des accords.

Olivier Roland : Tu sais, d’ailleurs, c’est très peu connu mais que le pays avec lequel la France a la plus grande frontière terrestre, c’est le Brésil.

Caroline : Ah bon ? Ah oui, de fait, avec la Guyane.

Olivier Roland : Avec la Guyane, la plupart des gens pensent à l’Allemagne ou à l’Espagne.

Caroline : Oui, je n’aurais pas pensé, tu vois, non plus.

Olivier Roland : Mais même ni les Brésiliens ni les Français ne le savent. C’est rigolo. Mais bref.

Caroline : Et donc, je tombe un peu des nues. J’essaie de lui expliquer en plus que ce n’est pas valable par rapport aux Français.

Olivier Roland : Et toi, tu le savais ?

Caroline : Oui, cela, je le savais.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Et il me dit « Non, mais comme tu viens des États-Unis, nous, cela nous est égal. On ne prend pas le risque de te faire monter, c’est nous qui payons ton retour s’ils ne te font pas rentrer ».

Olivier Roland : C’est cela le problème, absolument.

Caroline : Donc lui, il ne voulait rien entendre. Je dis « Concrètement, cela se passe comment ? » J’essayais de négocier, mais encore une fois, on était à un quart d’heure du départ. Et là, il dit à son collègue, il prend son talkie-walkie, il dit « vous déchargez le sac ». Et là, je me suis mis à pleurer. J’ai dit « je vais acheter un billet ». Il regarde son écran et il me dit qu’il y a un billet à 3 000 $. Il ne me sort que des prix comme cela. Le plus bas, c’était 3 000 $.

Olivier Roland : Tu pouvais prendre un billet du genre, tu sais, pour aller à Cayenne. C’est un truc, tu avais des billets à 60 €, je ne sais plus quelle est la ville la plus proche de la Guyane mais tu peux faire…

Caroline : Oui, mais à l’époque, je n’avais même pas pensé à autre chose qu’à un billet retour.

Olivier Roland : Oui, absolument.

Caroline : Et c’est vrai que ce que tu dis, c’est vachement intéressant parce que finalement…

Olivier Roland : Même si tu prends des billets du bus, cela passe.

Caroline : Et cela passe. Non parce qu’après, il a été plus vicieux que cela. Je ne sais même pas si c’était vrai ce qu’il me disait. C’est-à-dire que moi, je lui ai dit justement que je vais réserver un vol en ligne parce qu’on me disait le prix, je me suis dit, c’est son réseau interne, mais sur internet, je vais trouver autre chose. Il me dit « Non, il faut que vous nous présentiez un vol sur papier imprimé ».

Olivier Roland : Oui, peut-être en 2013.

Caroline : Non, mais je pense qu’il voulait clairement me prendre la tête.

Olivier Roland : Ok.

Caroline : Après, comme je me suis mis à pleurer, son collègue est intervenu. Il m’a dit « Écoute, je vais t’aider » et il m’a dit « Par contre, il faut qu’on fasse vite » puisqu’il restait 5 minutes concrètement. Donc, on a couru dans tout le terminal jusqu’au bout du terminal, il s’est mis derrière un bureau, il m’a fait un billet sur le PC. Il m’a dit « Tu as une carte bancaire ? », d’où l’intérêt de voyager avec deux cartes bancaires.

Olivier Roland : Il en faut même plus que deux.

Caroline : Oui, déjà deux. Si tu as une Visa et une Mastercard, c’est déjà bien parce que sinon, tu peux être en galère quand même dans certains pays qui ne prennent pas l’un ou l’autre.

Olivier Roland : Absolument.

Caroline : Et moi, entre autres, ce qui s’est passé, c’est que j’ai voulu payer parce qu’en fait, il m’a fait un billet, c’est le fameux billet qu’il m’avait trouvé à 3 000 $ là, qu’il allait m’imprimer, mais il m’a dit « je te fais un billet remboursable à 100% ». C’est peut-être ce que tu disais, peut-être que c’était un billet business, il ne me l’a pas précisé. Il m’a dit « Dès que tu as passé la frontière et que tu arrives au Brésil, tu téléphones à ce numéro et on te le rembourse ».

Olivier Roland : Et juste une parenthèse, mais cela montre bien la stupidité de ces règles qui sont vraiment bureaucratiques et complètement connes. Cela me rappelle, je fais juste une parenthèse, mais j’avais une copine qui était, qui est toujours brésilienne et on allait au Japon, elle avait besoin d’un visa pour aller au Japon et ils demandaient qu’elle ait toutes les nuits d’hôtel réservées à l’avance alors que nous, on voyageait comme toi.

Caroline : C’est cela.

Olivier Roland : Et donc, l’employé de l’ambassade lui a dit « Ce n’est pas compliqué, vous prenez des trucs remboursables et dès que vous avez le visa, vous vous faites tout rembourser ». Non, mais c’est au point que les gens qui sont chargés du truc vous le disent. Cela montre bien la stupidité du truc. Bref.

Caroline : Mais là, je suis restée jusqu’au bout où, au départ, ils ne voulaient rien entendre. C’est cela qui m’a mis en stress en fait, puisque moi, je n’avais aucune idée.

Olivier Roland : Mais tu es tombé sur un mec plus sympa.

Caroline : Et l’autre, je pense qu’il a eu pitié.

Olivier Roland : Dans ces cas-là, je pense que le hack, c’est de demander à parler au supérieur, mais en un quart d’heure, ce n’est pas forcément possible.

Caroline : En un quart d’heure, tu n’as pas tout qui te vient dans la tête non plus.

Olivier Roland : Non, c’est certain.

Caroline : Et puis, c’était le début de mon voyage, tu vois. Je me disais que je ne suis même pas encore partie.

Olivier Roland : Mais cela coûtait combien ce vol en business ?

Caroline : Cela coûtait un peu plus de 2 000 €.

Olivier Roland : Oui, donc il te fallait avoir confiance en fait qu’il soit remboursé ?

Caroline : Et puis, il fallait avoir l’argent aussi. Et en fait, justement, il y a une de mes deux cartes avec laquelle j’ai essayé de payer, je ne sais plus si c’était ma carte française ou ma carte américaine, il y en a une qui n’avait pas suffisamment un grand débit, donc ce n’était pas possible de payer avec.

Olivier Roland : Et l’autre marchait.

Caroline : Et l’autre est passée. Et là ensuite, il m’a imprimé le billet. Je suis revenue en courant, je suis montée en avion, on décollait. Et cela, c’était cool.

Olivier Roland : Et là, Rio était à toi.

Caroline : Mon Dieu, après tout le trajet, j’ai pensé « j’espère qu’il est vraiment remboursable ».

Olivier Roland : Oui, tu m’étonnes. Et cela a fonctionné.

Caroline : Oui, j’ai appelé quand je suis arrivée.

Olivier Roland : Et le pire, c’est que c’est toujours les compagnies qui checkent parce qu’à la douane, il n’y a jamais personne qui m’a posé la question.

Caroline : Personne ne m’a demandé à la douane.

Olivier Roland : Non, ce n’est que les compagnies qui posent la question. Mais c’est aussi parce que les douanes se disent « les compagnies checkent ». Et c’est vraiment aléatoire. Il y a des fois où moi, j’ai toujours un billet onward au cas où, et il y a plein de fois où ils ne te demandent pas alors qu’ils devraient, mais des fois, ils te le demandent. Donc, c’est la loterie.

Caroline : Moi, cela a été ma première expérience. C’était juste mon vrai premier vol pour moi parce que Montréal, c’était, on va dire, un petit sas, les petites vacances scolaires.

Olivier Roland : Oui, là, c’était le décalage culturel.

Caroline : Et là, j’ai dit « Cela va démarrer comme cela. Je ne suis même pas partie, on m’arrête déjà, cela ne va pas le faire ». Et finalement, après, ça y est, je suis arrivée au Brésil. J’avais mon ami qui m’attendait à la sortie de l’avion, donc c’était parfait. Je suis arrivée au Brésil.

Olivier Roland : Et là, Rio.

Caroline : Rio, cela a été le début des aventures.

Olivier Roland : Oui. Donc là, tu te sentais mieux déjà, tu savais comment utiliser ton temps. Comment tu faisais alors ? C’était quoi la journée typique ?

Caroline : Alors, comment utiliser mon temps ? Non, parce que je n’ai jamais envisagé de voyager en utilisant mon temps. Je n’avais pas forcément envie de rentabiliser justement. Je ne voulais surtout pas que voyager, ce soit un travail. C’est-à-dire, moi, je ne suis pas du genre à étudier Lonely Planet pendant 15 ans avant, ni à me faire un petit emploi du temps de ma journée détaillée, à mettre mon réveil à 7h du matin. Déjà, un de mes rêves, c’était de ne plus mettre de réveil.

Olivier Roland : D’accord, mais si tu n’as rien à faire de la journée, tu t’ennuies au bout d’un moment.

Caroline : Moi, non.

Olivier Roland : D’accord, Ok, tu étais vraiment en mode on flâne tranquille.

Caroline : J’aime flâner, j’aime faire des rencontres, j’aime l’imprévu.

Olivier Roland : Et ça, c’est quelque chose qui t’intéresse beaucoup, on va en reparler, mais tu as vécu des belles aventures grâce à cela.

Caroline : En fait, j’aime laisser l’espace, à ce qu’il arrive quelque chose auquel je ne m’attends pas. Dès qu’on remplit tout son espace, mais c’est vrai même dans une vie ordinaire, dès que tout l’espace est rempli, on n’a pas de place pour l’imprévu. Donc forcément, on sait ce qu’on va faire, c’est rassurant pour les cerveaux comme cela, parce que pour moi, c’est angoissant, mais pour certains gens, c’est rassurant. Du coup, moi, si tu veux, en décidant de partir faire le tour du monde, il y avait l’idée de voyager, mais il y avait aussi l’idée de m’offrir mon temps. Et disposer de mon temps, en faire ce que je voulais, vivre au rythme de mon corps, c’était pour moi ma priorité. Pouvoir dormir quand j’avais envie, pour moi, c’était hyper important. Je suis quelqu’un qui était insomniaque, du coup, j’essayais toujours de récupérer du sommeil tout le temps quand je travaillais. Là, c’était fini. Je savais que si je ne dormais pas la nuit, je dormirais le matin, personne n’allait me prendre la tête. Tu vois ? Pour moi, après, c’est profiter…

Olivier Roland : Tu as vraiment goûté à la liberté totale.

Caroline : C’était le but, en fait. C’était mon but.

réaliser ses rêves de liberté

Olivier Roland : Alors, c’est enivrant ?

Caroline : C’est très enivrant surtout quand on aime cela. Oui, moi, j’adorais.

Olivier Roland : Tu te posais moins la question de « Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait là ? »

Caroline : Je me posais encore un peu la question quand je suis arrivée au Brésil. En tout cas, je ne me posais plus la question « Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? », je me disais « Est-ce que j’ai pris la bonne décision ? » Et à l’époque, je me rappelle, j’avais comme un besoin de me rassurer sur mes choix, de savoir si j’allais sur le bon chemin. Parce que finalement, mon voyage, c’était un peu un voyage initiatique. Je ne savais pas forcément en amont, mais c’était quand même un peu cela. J’avais besoin de me réparer sentimentalement. J’avais envie de trouver un lieu où j’aurais envie de m’installer à nouveau. J’avais envie de prendre du temps pour moi et me retrouver parce que ce qui s’est passé, c’est qu’à ce moment-là dans ma vie, il y a eu cette rupture, mais cette rupture avait ouvert une porte sur bien d’autres choses. Je me sentais complètement épuisée, je me sentais vidée, j’avais besoin de me nourrir, j’avais besoin de me remplir. J’avais l’impression d’avoir donné, donné, donné, donné et d’être complètement à sec. Et à ce moment-là, j’avais besoin de me recharger.

Olivier Roland : Tu es resté combien de temps au Brésil ?

Caroline : Je suis restée un mois.

Olivier Roland : A Rio ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Ok, donc tu t’es dit « je vais rester un mois dans les endroits ».

Caroline : Non, je ne me suis rien dit. Cela s’est fait qu’au bout d’un mois, j’ai commencé à en avoir marre et je suis partie.

Olivier Roland : Alors, tu es allée où ?

Caroline : Quand je suis partie, je suis allée en Argentine après.

Olivier Roland : Et tu avais prévu le coup cette fois-ci le billet retour ?

Caroline : Je suis allée en bus.

Olivier Roland : D’accord. Des fois, d’ailleurs, les billets aller-retour sont moins chers que les billets allers simples, donc il y a même pas besoin de s’embêter.

Caroline : Oui, mais là, j’étais passée en bus et je me demande si je n’avais pas pris un autre billet de bus, mais je ne suis même plus sûre.

Olivier Roland : Donc l’Argentine, tu es restée un mois.

Caroline : Je suis restée un mois aussi en Argentine.

Olivier Roland : Alors par contre, l’Argentine, tu me dis si je ne me trompe, mais c’était le premier pays où tu ne connaissais vraiment personne en arrivant ?

Caroline : Tu te trompes.

Olivier Roland : D’accord, tu avais vraiment ton réseau déjà de…

Caroline : En fait, j’avais ma meilleure amie qui était partie vivre en Argentine.

Olivier Roland : C’est fou quand même, Ok.

Caroline : Depuis 4 ans et on ne s’était pas vu depuis 4 ans.

Olivier Roland : Ah oui, donc tu choisissais vraiment tes destinations pour aller voir les gens.

Caroline : Non, mais c’était une de mes priorités en partant dans ce voyage, c’était d’aller la voir.

Olivier Roland : Donc, à Buenos Aires ?

Caroline : Elle était à Buenos Aires. Donc, oui, je suis allée la rencontrer là-bas.

Olivier Roland : Et alors, un mois en Argentine.

Caroline : Et finalement, j’ai fait aussi un mois, je suis allée un peu dans le Nord à Salta. Et après, j’ai quitté l’Argentine en bus en passant par la Cordillère des Andes.

Olivier Roland : Pérou.

Caroline : Et je suis allée au Chili.

Olivier Roland : Au Chili, un mois ?

Caroline : Un mois.

Olivier Roland : D’accord. Et là, tu connaissais quelqu’un aussi ?

Caroline : En fait, là, j’ai retrouvé mon père que je n’avais pas vu depuis longtemps et qui voulait faire un bout de voyage, donc on a passé un moment ensemble.

Olivier Roland : Du coup, Caro, ce voyage autour du monde a duré combien de temps ?

Caroline : Ce voyage autour du monde ne s’est pas arrêté pendant plusieurs années finalement.

Olivier Roland : C’est dingue cela. C’était quoi ton budget mensuel à peu près ? Tu dépensais combien ?

Caroline : Je dépensais à peu près 800 € par mois.

Olivier Roland : Ok, je trouve que c’est très raisonnable. Ce qui fait que comme tu avais 18 000 €, tu pouvais tenir.

Caroline : Assez longtemps, oui. Mais je ne le savais pas, en fait.

Olivier Roland : Quelque chose comme quasiment 2 ans quoi. Tu ne savais pas quoi ?

Caroline : Au début, je ne calculais pas vraiment combien je dépensais. Je n’ai jamais noté combien je dépensais. Je suis quelqu’un qui marche beaucoup avec ma tête, je savais à peu près combien j’avais retiré et voilà, je calculais à la louche. Je savais qu’au début, de toute façon, j’avais assez.

Et c’est vrai que par contre, je m’en rappelle, quand j’étais à Montréal au début, j’étais partie visiter la ville de Québec et j’avais rencontré une Australienne dans une auberge de jeunesse qui, elle, voyageait depuis 3 ans. Et j’appelais son voyage « un voyage en étoile » parce qu’elle n’avait même pas un circuit dans l’ordre, elle allait dans tous les sens et je lui avais dit « Mais tu dois dépenser des fortunes à aller dans tous les sens et puis tu voyages depuis 3 ans, mais tu as mis combien de côté ? ». Donc, elle avait mis beaucoup de côté, elle avait mis 70 000 €. Elle était ingénieure. Elle avait prévu cela, ce temps. Et dans ma tête, je m’en rappelle, je m’étais dit « Je rêverais de pouvoir voyager 3 ans comme cela, mais avec ce que j’ai de côté, je n’y arriverais jamais ».

Olivier Roland : Et au final, tu as réussi.

Caroline : Et au final, cela s’est réalisé, oui.

Olivier Roland : Ça, c’est dingue parce que la plupart des gens sont persuadés qu’il faut énormément d’argent pour voyager pendant plusieurs mois, alors qu’en fait, on peut se débrouiller. Quand tu arrêtais de te faire héberger, c’est quand tu es allée au Chili si j’ai bien compris.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : C’est ton père qui t’a payé certains trucs.

Caroline : Au début, oui. J’ai payé un peu, mais c’était lui qui payait la grosse partie.

Olivier Roland : Après, tu es allée en auberge de jeunesse alors ?

Caroline : Non, juste après, je n’ai pas été en auberge de jeunesse, j’ai été en couchsurfing dans le Nord du Chili.

Olivier Roland : Ok, oui. Cela, je le faisais aussi. Tu te faisais héberger. Alors, il y a quelque chose dont il faut parler parce que je pense qu’il y a pas mal de téléspectatrices, si on peut dire cela pour les chaînes YouTube, qui se demandent. Déjà, il n’y a pas beaucoup de gens qui osent voyager seuls, mais en plus, les femmes peuvent avoir un peu plus peur aussi. Toi, tu t’es posé la question par rapport à cela ou cela ne faisait pas partie de l’équation ?

Caroline : Si, comme je te disais, je suis quelqu’un d’assez peureux dans ma vie.

Olivier Roland : Oui, c’est cela qui est dingue parce que franchement, je pense que là, les gens qui sont en train d’écouter, ils disent « Mais comment cela ? Elle est peureuse, elle fait des trucs que plein de gens rêvent de faire et que peu de gens osent. ».

Caroline : Oui, mais en fait, c’est pareil. Ça, c’est une décision que j’ai prise avec moi-même. Je ne voulais pas que ma vie soit dirigée par mes peurs. Je refuse que ma vie soit dirigée par mes peurs et limitée par mes peurs. Donc, j’ai beaucoup de peur, mais j’y vais. Et jusqu’à la preuve du contraire, je ne me mets pas en danger, c’est-à-dire que comme j’ai des peurs, forcément, j’avais balisé mon chemin au début. Je ne parlais pas espagnol, mais au fur et à mesure, je parlais un peu mieux espagnol. Je me suis accoutumée à l’ambiance locale, au pays. En plus, franchement, Brésil, j’ai eu des aventures chamaniques et compagnie auxquelles je ne m’attendais pas.

Olivier Roland : Tu as testé l’Ayahuasca ?

Caroline : Aussi, l’Ayahuasca. Je ne sais pas si tu connais Umbanda aussi, ce sont des chamans.

Olivier Roland : Cela t’a ouvert tes chakras, tout cela.

Caroline : Moi, je n’étais pas du tout au fait de tout cela à l’époque. Maintenant, bien plus, mais je suis arrivée un peu là-dedans par hasard et je ne m’attendais pas du tout à ce que cela allait provoquer en moi, chez moi. J’ai été très surprise effectivement, comme tu le dis, on peut dire que cela ouvre tes chakras, mais en tout cas, cela…

Olivier Roland : Cela ouvre tes horizons quoi.

Caroline : Oui, cela m’a ouvert des horizons. Cela m’a aussi à la fois donné confiance et encore une fois, cela a suscité de la peur aussi parce que je me suis retrouvée à faire des choses que j’avais dit que je ne ferais jamais, comme marcher seule la nuit à Rio. Cela, je m’étais dit que je ne le ferais pas.

Olivier Roland : Qui est une des villes les plus dangereuses au monde, il faut quand même se rendre compte, oui.

Caroline : Et je m’étais dit que je ne le ferais pas. Puis finalement, l’ami chez qui je vivais… Après, voilà, je suis partie effectivement la nuit pour aller, à l’époque, c’était une cérémonie Umbanda, et il n’était pas là, donc j’avais dû y aller seule ce soir-là, mais je suis partie avec, j’avais un tee-shirt blanc, un jeans, pas de sac à main, pas de bijoux.

Olivier Roland : Oui, aucun signe de richesse à Rio.

Caroline : Aucun signe sur moi. Je n’avais strictement rien, les cheveux attachés. Je ne me suis pas apprêtée. Je veux dire, c’était vraiment… quand je dis en même temps, je jalonne, oui, je ne vais pas chercher non plus à me mettre dans des situations.

Olivier Roland : Absolument.

Caroline : Cela ne veut pas dire qu’il ne va rien arriver.

Olivier Roland : Les cariocas, c’est ce qu’ils font, c’est-à-dire les habitants de Rio. J’ai un ami carioca qui me dit « en plus, il faut avoir l’air aware » parce qu’ils vont toujours préférer une cible qui a l’air un peu perdu, touriste, que quelqu’un qui fait attention.

Caroline : Et je connaissais exactement mon chemin, je savais où j’allais, c’est-à-dire que je connaissais exactement mon parcours puisque je l’avais fait quelques jours avant. Donc, je n’étais pas du tout en train de flâner.

Olivier Roland : Et il ne s’est rien passé finalement ?

Caroline : Non, il ne s’est strictement rien passé.

Olivier Roland :  Et ça, c’est intéressant parce que les gens ont souvent aussi un peu cette peur. Moi, je suis allé au Brésil plein de fois, c’est un des pays le plus dangereux du monde et les statistiques le montrent, mais moi, il ne m’est jamais rien arrivé. Je ne me suis jamais senti en insécurité. Donc, il faut relativiser, cela reste toujours quand même assez minoritaire comme situation, cela peut arriver, mais ce n’est pas cela qui doit empêcher un voyage.

Caroline : Oui. Après, cela dépend, il faut savoir aussi où on va. Par exemple, mon ami, il travaillait dans une favela, il travaillait avec des enfants défavorisés. Il ne m’avait pas dit cela comme cela. Il m’avait dit « Est-ce que tu veux venir voir où je travaille ? » Je lui avais dit « Oui ». Du coup, je me suis retrouvée dans un bus qui partait loin. Je me suis dit « On va où exactement ? ». Et en fait, tout le long du chemin, il commençait à m’expliquer où on va, dans la favela la plus dangereuse de Rio.

Olivier Roland : Ok.

Caroline : Et l’association, elle est à la limite de la favela, là où on n’a pas le droit d’aller parce qu’après, il y a des coups de feu et tout cela, machin. Je dis « Ok, c’est cool ». C’était cool. C’était un travail avec les enfants, donc cela m’intéressait. Et puis, en fait, c’était une chouette expérience. On s’est quand même retrouvé à traverser cette favela à pied, encore une fois.

Après, avec une femme de l’association, ils ont leurs badges autour du cou, mais on s’est retrouvé, on nous a ouvert les portes, on est rentré dans les maisons, dans les familles. Lui, il prenait des photos, c’est un photographe. Et c’était assez impressionnant ce qui peut se cacher derrière ces petites maisons, des fois, avec les fils de barbelés à l’extérieur, qui sont toutes petites en façade et hyper grandes des fois dehors, des fois toutes petites aussi puisqu’il y avait différents types de familles, plus miséreuses les unes mais d’autres plus riches. Mais en tout cas, aller dans une favela, je l’avais mis aussi sur ma liste à ne pas faire, et cela, j’ai dû le faire le deuxième jour.

Olivier Roland : Tout cela, finalement, cela t’a fait relativiser un peu ta peur.

Caroline : Oui, en fait finalement, je me suis confrontée à mes peurs dès le début en ayant cet ami qui était là aussi qui, lui, me transmettait son expérience. Parce que par exemple, lui, l’Ayahuasca, il le faisait avec l’église du Santo Daime, donc c’était dans un cadre religieux.

Olivier Roland : Ok.

Caroline : Je n’étais pas du tout au fait, mais je suis très curieuse.

Olivier Roland : Alors, peut-être rapidement pour les gens qui ne connaissent pas l’Ayahuasca, c’est une drogue psychédélique, mais qui est utilisée traditionnellement au Brésil depuis des centaines, peut-être même des milliers d’années. C’était déjà utilisé quand les européens sont arrivés. Je crois que c’est légal au Brésil parce que c’est dans un cadre religieux justement.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Et il y a beaucoup de gens qui disent que quand ils en ont pris, ça leur a vraiment ouvert des portes. C’était ton cas ? Je ne sais pas si tu veux en parler.

Caroline : Si, je peux en parler un peu. Pas non plus, je ne vais pas me déballer dessus, mais en tout cas, je ne l’ai jamais perçu comme une drogue et ce n’est pas comme ça qu’on me l’a présentée. On m’avait présenté une cérémonie. D’ailleurs, tu as une entrevue avec une personne pour savoir si tu peux y participer parce que c’est un cadre privé. Donc moi, le monsieur qui m’a fait l’entretien, c’est un monsieur qui avait 80 ans.

Olivier Roland : Il parlait anglais ?

Caroline : Non, il parlait portugais, mais en fait, j’avais mon ami qui faisait la traduction.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Et si tu veux, justement quand je suis arrivée après, le jour de la cérémonie, c’était vraiment plus comme une église, les gens étaient habillés en bleu marine et blanc, la petite chemise. Il y avait des chants. D’ailleurs, je ne sais pas comment ils faisaient pour tenir avec l’Ayahuasca, jouer de la guitare, chanter debout, parce que moi, première prise, j’étais finie. Il fallait que j’aille m’allonger dans un lit. Mais tu as des gens qui te prennent en charge. C’est organisé. Tu as des pièces aussi.

Puis, justement, il m’avait demandé comment je réagissais aux médicaments… pour savoir comment mon corps réagissait. Moi, il m’avait servi une demi-dose au départ. Et en fait, il communie avec l’Ayahuasca. Et l’Ayahuasca, c’est une racine mélangée à une autre plante d’Amérique du Sud, c’est deux plantes mélangées. Et pour eux, cela donne des messages concernant la communauté, concernant ta vie. C’est une plante de vision pour eux. Ils disent que c’est grâce… après, je suis allée en forêt amazonienne et tu as des Chamans qui expliquaient que c’est aussi grâce à l’Ayahuasca, par exemple, qu’ils ont découvert des médecines traditionnelles. Quelle plante on va prendre pour soigner cela ? Ils disent que c’est l’Ayahuasca qui leur a donné ces réponses-là et ces visions-là.

Donc moi, en fait, j’ai eu une expérience très douce parce que tu peux voir des choses qui sont très dures. On dit que tu perçois le fond de ton âme ou le fond de ton inconscient. J’ai vu des choses très douces et cette expérience, par rapport à mes visions, par rapport à ce que j’ai vécu, j’ai eu vraiment quelque chose de très fort. J’ai eu le sentiment d’accoucher de moi-même. Donc, c’était vraiment physiquement aussi.

Olivier Roland : C’était une vraie expérience spirituelle.

Caroline : Physiquement aussi, j’ai beaucoup pleuré et je riais en même temps. C’était très spirituel. Il faut savoir que la cérémonie, cela dure 8 heures. Mais quand tu sors, parce qu’en fait, tu n’as aucune conscience du temps. Et quand la musique s’arrête à la fin de la cérémonie, tu reviens à toi, c’est automatique.

Olivier Roland : Oui, tu te sens bien directement.

Caroline : Oui, alors que moi, j’étais allongée dans un lit.

Olivier Roland : Tu as de la chance parce que beaucoup de gens prennent de l’Ayahuasca sans ce cadre finalement qui a été raffiné quand même au fil des siècles. Là, tu es arrivée dans le truc traditionnel.

Caroline : Et puis là, ce n’était pas du tout un truc à touristes. Et tu vois, même justement, ils vont communier 3 fois dans la cérémonie et moi, j’avais déjà des tremblements… Donc, ils sont venus me voir et ils m’ont dit « Non, tu restes allongée ».

Olivier Roland : Pour toi, une demi-dose, c’était tranquille. C’est bien encadré.

Caroline : Et quand je suis sortie, c’est vrai que je me sentais vachement apaisée par rapport à mon projet de voyage. Toutes ces questions que je me posais avant, j’ai eu ce message que j’étais sur le bon chemin. Cela m’a apaisé. J’ai eu ce message que je cherchais, en fait.

Olivier Roland : Tu sais que c’est intéressant parce que là, il y a de plus en plus de recherches notamment aux États-Unis qui montrent que tout ce qui est psychédélique, notamment là, ils s’intéressent beaucoup aux champignons, c’est bien plus efficace que le Prozac pour traiter les dépressions, qu’il y a des études qui montrent que prendre des champignons… ils ont plus étudié les champis que…

Caroline : Que l’Ayahuasca.

Olivier Roland : Que l’Ayahuasca, mais en tout cas, il y a des effets relativement proches, que cela permet… les gens qui ont pris des champignons se sentent plus connectés aux autres, cela se voit même des années après, alors que normalement, c’est une caractéristique qui reste figée dans les tests psychologiques. Et là, cela bouge. Ce serait intéressant de voir ce que cela donne l’Ayahuasca quand cela sera étudié un peu plus en détail, mais j’ai l’impression que c’est un peu la même chose. Je n’en ai jamais pris.

Caroline : Ils disent que c’est la plante de la révélation. Mais après, moi, mon bémol, je vais être complètement transparente là-dessus.

Olivier Roland : Oui, vas-y, c’est la purge.

Caroline : Au départ, quand il m’en a parlé, alors cela peut être aussi une purge, moi, c’était mon anxiété, tout ce qui est vomi dans l’autre sens.

Olivier Roland : Parce qu’il faut savoir, l’Ayahuasca, c’est connu, on se vide un peu de tous les côtés.

Caroline : De tous les côtés, oui. Donc, moi, c’était un peu mon angoisse.

Olivier Roland : C’est le gros inconvénient.

Caroline : Oui, c’est pour cela qu’ils t’allongent. Donc, tu as une pièce aussi où les gens justement vont pouvoir aller vomir… Moi, j’avais très soif. J’étais à deux doigts de ramper par terre. Enfin, vraiment, on m’a guidé après. C’est pour cela que je te disais « Je ne sais pas comment les autres pouvaient jouer de la musique et chanter des chants pendant que toi, tu es en train d’agoniser ». C’est un peu spécial.

Mais par contre, c’est vrai qu’avant de faire cette expérience-là, j’ai quand même beaucoup réfléchi. En moins de quelques mois, on m’en avait déjà parlé 3 fois. J’avais été en voyage avant à Porto Rico, on m’avait proposé aussi de faire l’Ayahuasca et j’avais dit non. J’avais cherché sur Google et je n’étais pas du tout rassurée de ce que j’avais lu. Et là, j’hésitais aussi. C’est parce que j’étais avec cet ami. Lui, il avait essayé et expérimenté plusieurs fois. Il m’a emmené dans ce cadre, ce qui m’a rassuré quand j’ai vu les personnes, qu’il y avait des femmes enceintes, ce sont des familles.

Olivier Roland : Ah bon ! Des femmes enceintes peuvent prendre cela ?

Caroline : Je ne sais pas si elles peuvent prendre, mais là dans ce cadre-là, en tout cas, c’était une église, donc tu avais vraiment tout le monde. Et ce n’est pas du tout un truc pour aller faire une expérience psychédélique. Ce n’était pas du tout le délire parce que je ne suis pas du tout branchée drogue…

Olivier Roland : Oui, en fait, quand on dit drogue, c’est très réducteur.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Ce n’est pas l’héroïne ou de la coque. On dit drogue psychédélique, mais on devrait trouver un autre terme, substance peut-être.

Caroline : Mais du coup, c’est vrai que dans ma tête, il y avait un côté encore une fois qui me faisait peur et mon ami m’a dit « Écoute, tu fais ou tu ne le fais pas. Tu fais comme tu veux. Moi, je pratique cela. Si tu as envie de venir avec moi, tu viens ». Encore une fois, ma curiosité m’a amené à aller jusqu’au bout de l’expérience et parce que comme j’en avais entendu parler 2 fois avant. A chaque fois que j’entends parler 3 fois de quelque chose, je me dis « c’est un signe ». Donc, je suis allée tester.

Olivier Roland : Et tu en es sortie grandie, non ?

Caroline : En tout cas, comme tu disais, cela m’a ouvert des portes de réflexion et je me suis sentie surtout rassurée.

Olivier Roland : Et donc, du coup, tu avais moins peur ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Et tu t’es dit « embrassons l’aventure encore plus »

Caroline : C’était un peu cela.

Olivier Roland : En tout cas, tu dis que tu étais peureuse, mais tu as fait quelque chose que peu de peureux font, c’est-à-dire de ne pas te laisser arrêter par la peur. Ce que tu disais, tu t’es confrontée aux peurs très vite.

Caroline : Sinon, ta vie est réduite.

Olivier Roland : Non, mais exactement. Donc, retenez cela, on peut ressentir la peur et même de manière forte, comme cela a été le cas de Caroline, mais c’est juste se dire « C’est juste un signal parmi d’autres, je vais avoir peur et le faire quand même ». Et c’est cela qui permet de réduire la peur. Et là, dans ton cas, c’est génial parce que cela a été vraiment un voyage aussi initiatique où tu as découvert des nouveaux horizons et cela t’a permis de te dépasser.

Caroline : Oui, il faut savoir que moi, au départ, déjà, j’avais peur de l’avion. Donc si tu veux, à partir de là, si je m’arrêtais à mes peurs, je ne faisais rien. On ne va pas se mentir. Par exemple, j’avais fait le choix à l’époque, comme j’avais peur de l’avion, il fallait que je trouve une solution, donc j’avais quand même une petite plaquette d’anxiolytique et je savais que si j’étais prise d’une peur panique en vol, je pouvais prendre un anxiolytique. Il y a des gens qui ne vont pas vouloir faire cela, mais moi, cela a été ma solution pour vivre ce que j’avais envie de vivre. Et puis, au fur et à mesure, plus tu fais quelque chose, moins tu as peur. Et cette angoisse de l’avion, elle me revient parfois, mais c’est très rare parce que c’est passé avec le temps.

Olivier Roland : Je pense qu’on ne va pas pouvoir faire tous les pays que tu as faits. Rapidement, sur la première année, après le Chili, tu as fait quoi ?

projet tour du monde quel pays visiter

Caroline : Finalement, mon projet initial, c’était d’aller du Chili à l’île des Pâques. Je rêvais d’aller à l’île des Pâques. Et puis comme en voyage, tu fais des rencontres, j’ai changé mon parcours. Donc, après le Chili, je suis allée en Bolivie. Et après, je suis remontée. J’ai fait le Pérou, l’Équateur et j’ai fini mon voyage en Équateur.

Olivier Roland : Alors, fini, c’est-à-dire c’était au bout de combien de temps ?

Caroline : J’ai fini mon voyage en Amérique du Sud.

Olivier Roland : Ok. Et cela, c’était au bout de combien de temps ?

Caroline : 6 mois.

Olivier Roland : 6 mois. Et alors, là, tu t’es dit « il faut changer de continent ».

Caroline : Alors, non. Ce qui s’est passé, c’est que j’avais donné un rendez-vous à ma cousine aux vacances scolaires de février à Bali, donc il était temps pour moi de partir à Bali.

Olivier Roland : Parce que quand tu dis que tu as un budget de 800 € par mois, cela inclut les vols, on est d’accord ?

Caroline : Oui, en fait, j’ai dépensé 10 000 € tout compris.

Olivier Roland : Sur quoi ?

Caroline : Sur un an, jour pour jour.

Olivier Roland : D’accord. Oui, et là, par exemple, un vol de l’Équateur à Bali, c’est quand même cher, non ?

Caroline : Oui, c’était mon plus cher.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Mais il a fallu vraiment que je trouve le plus économique possible, donc je suis repassée par les États-Unis.

Olivier Roland : Tu es passée par Tokyo, et après, tu as fait…

Caroline : Non, je suis repassée par les États-Unis.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Je suis repassée par Los Angeles et de Los Angeles, je suis allée en Asie.

Olivier Roland : Et à aucun moment, en ce voyage, tu n’as fait d’action pour gagner de l’argent, des petits boulots et trucs comme cela ?

Caroline : Non.

Olivier Roland : Non, Ok, intéressant.

Caroline : Tant que j’avais de l’argent, je n’ai pas cherché à en gagner. Je me suis dit « quand je n’aurai plus d’argent, je reprendrai mon travail ».

Olivier Roland : Donc, au bout d’un an, tu as dépensé 10 000 €, il t’en reste 8 000, on est d’accord ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Donc, tu continues ? Cela a duré combien de temps avant que tu n’aies plus d’argent ?

Caroline : C’est là que j’ai dit « je continue ». En fait, cela n’a pas duré parce que très vite, je me suis rendu compte que j’adorais ce mode de vie, et donc, j’ai cherché une solution pour pouvoir le faire le plus longtemps possible. Et au bout de 6 mois à peu près puisque c’était en février 2014, je suis partie en août 2013, j’ai réalisé en février 2014 que j’avais terminé de payer le prêt d’un studio que j’avais acheté quand j’étais étudiante à 18 ans, et donc, j’ai décidé de vendre ce studio pour utiliser l’argent et continuer à voyager.

Olivier Roland : Et tu ne voulais pas utiliser le loyer tout simplement pour… ?

Caroline : En fait, le loyer ne me dégageait pas assez d’argent.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Avec le loyer, je devais toucher à peu près un peu moins de 400 € par mois, sachant qu’il y a les charges à payer. Donc, en gros, il te reste quoi ? 150 €. Je n’aurais jamais pu vivre un mois avec.

Olivier Roland : Non.

Caroline : Alors que là, cela me dégageait une somme qui me permettait de vivre plusieurs années avec.

Olivier Roland : Alors, parlons de cela parce que ce n’est pas tous les jours que tu vois des étudiants de 18 ans qui achètent un studio. Pourquoi tu as eu cette démarche ?

Caroline : Je viens d’une famille où mes deux parents travaillent à la banque et que mon père ne voit pas l’intérêt de perdre de l’argent dans des loyers, plutôt que mettre de l’argent dans un prêt qui coûte le même prix pour être propriétaire à la fin.

Olivier Roland : Donc là, il t’a donné un très bon conseil.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Parce que tu as payé grosso modo le même prix que si tu avais eu un loyer là.

Caroline : Oui parce que tu as le droit. Alors, ce n’est pas l’APL, mais tu as une autre aide quand tu es propriétaire. Et l’un dans l’autre, tu as la même dépense que si tu avais un prêt, que si tu avais un loyer.

Olivier Roland : Donc, au bout de 15 ans, il était remboursé ?

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Tu l’as vendu combien, du coup ?

Caroline : Je l’ai vendu 50 000. Après, il y avait des frais de notaire, ou 60000, je ne sais plus. Enfin, il m’est revenu à près entre peut-être un peu moins de 50 000 €.

Olivier Roland : Ok. Donc là, tu avais de quoi faire des années et des années ? Enfin, 5 ans.

Caroline : Au moins 5 ans, voilà.

Olivier Roland : A 10 000 € par an.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : 10 000 € par an, on se dit que tu n’es quand même pas toujours dans le plus grand confort.

Caroline : Non, parce que j’ai fait comme tu l’as dit.

Olivier Roland : Tu as démarré cela à 35 ans. Déjà, ce n’est pas…

Caroline : J’ai fait beaucoup d’auberges de jeunesse, beaucoup de couchsurfing.

Olivier Roland : Et faire des auberges de jeunesse à 35 ans, ça va ? Il n’y a pas un décalage ?

Caroline : Alors, il y a de tout.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : J’ai rencontré aussi des personnes de 60 ans qui sont à la retraite et qui décident de partir voyager. J’ai rencontré des jeunes. Cela m’est arrivé de passer des journées avec des gens qui avaient 19-20 ans. En fait, le truc, c’est quand on voyage, on rencontre des gens qui ont les mêmes passions que soi. Donc là, je n’interviens pas forcément parce qu’on a tous envie plus ou moins de faire, de découvrir en tout cas les mêmes choses, et on a une démarche qui est sensiblement la même. Par contre, au bout d’un moment, forcément, on ne va pas se retrouver sur tout non plus, mais on ne passe pas 24 heures sur 24 ensemble.

En voyage, des fois, on passe 24 heures sur 24 avec des gens qu’on rencontre, cela m’est d’ailleurs arrivé de rester avec des gens pendant quelque temps et de suivre un parcours pendant quelque temps. Mais c’est vrai que la première année évidemment, c’est l’aventure, la découverte. Tu vis ta meilleure vie. Enfin moi, c’était la meilleure année de ma vie, c’était vraiment la réalisation aussi de ce rêve. Tout est nouveau. Au fur et à mesure que tu voyages, la nouveauté, tu en as quand même de moins en moins. Il faut aller la chercher, il faut aller dans d’autres pays. C’est plus ponctuel, on va dire. Et voyager devient ta routine. C’est dur à dire, mais c’est un peu cela.

Olivier Roland : Oui, je comprends. Et cela, les gens ont du mal à…

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Moi, cela fait 10 ans que je voyage 6 mois par an. Maintenant, pour pouvoir prendre l’avion, c’est comme prendre le train pour la plupart des gens.

Caroline : C’est cela.

Olivier Roland : Et je rejoins ce que tu disais au tout début, que maintenant, c’est la vie normale, mais quand on parle aux gens, tu vois souvent les yeux qui s’écarquillent.

Caroline : Oui, mais même moi, pour tout te dire, je ne pense jamais en distance. Par exemple, quand on va me dire « c’est loin », dans ma tête, je pense jamais que c’est loin, je pense c’est combien d’heures de vol. Donc finalement, tu vas au bout du monde. Je vois quand j’étais allée en Polynésie, c’est peut-être un des plus loin par rapport à chez nous, c’est 24 heures de vol, cela veut dire qu’en une journée, tu y es.

Olivier Roland : Oui, ce n’est rien du tout.

Caroline : C’est quoi une journée pour traverser le monde ?

Olivier Roland : Oui, les gens se plaignent de cela. Ils ne se rendent pas compte que les grands-parents de nos grands-parents, ils mettaient des mois. C’est fou.

Caroline : Et du coup, pour moi, à partir de ce moment-là, rien n’est exclu au sens où même si je suis au bout du monde et même si je suis malheureuse comme les pierres, je mets, au pire, un jour et demi – deux jours pour rentrer chez moi.

Olivier Roland : Absolument.

Caroline : C’est quoi la limite ? Pour moi, tu vois, ça, c’est une fausse…

Olivier Roland : Oui, absolument, et c’est très répandu.

Caroline : Une fausse restriction.

Olivier Roland : C’est peut-être une manière de rationaliser.

Caroline : Oui, justement, je pense que c’est là où chercher à rationaliser, c’est dans une réalité qu’on connait. Mais finalement, quand ta réalité est haute, rationaliser, tu rationalises complètement différemment parce que du coup, enfin moi, je sais que…

Olivier Roland : Tu changes ta réalité, tu vas chercher ta rationalisation.

Caroline : Bien sûr. Je trouve. Puisque tes repères ne sont pas les mêmes, parce que ta façon de raisonner n’est pas la même non plus. Tu vois, même moi, mon rapport à l’argent n’est peut-être pas le même que quelqu’un qui va payer son loyer tous les mois… On me dit « cela coûte cher de voyager », je dis « cela coûte cher d’être sédentaire ». Excuse-moi, cela, mais tu dépenses plus d’argent en louant quelque chose que…

Olivier Roland : Surtout en plus, tu vis dans des pays à bas coûts, typiquement l’Asie du Sud-Est.

Caroline : Ça, c’est relatif. Mais après, encore une fois, chacun a un contexte de vie. Tu as des gens qui… enfin, chacun, tu sais, à chaque fois qu’on vient échanger sur ces sujets- là, tout le monde te renvoie son image et sa vie. Après, c’est sûr. En fait, pour moi, il y a zéro limite, même par exemple, peut-être que c’est plus compliqué. Je donne un exemple qu’on me sort souvent quand on a des enfants, ou quand on a un certain âge, ou quand on a construit des choses, peut-être que c’est plus compliqué, mais pour moi, cela reste une histoire de choix. A partir du moment où tu es prêt à perdre un certain nombre de choses pour gagner d’autres choses, tu crées de l’espace. Si tu veux tout conserver et ajouter des choses, il faut avoir de l’argent. Si tu n’as pas d’argent, il faut libérer de l’espace, mais à partir du moment où…

Olivier Roland : Je suis d’accord. Moi qui ai de l’argent et pas trop de temps, j’aime bien payer des trucs pour gagner du temps. Mais tu peux faire l’inverse. Cela dépend de la quantité que tu as dans chaque direction.

Caroline : Oui. Et puis, sur ce que tu as. Comme tu m’as demandé « est-ce que j’ai travaillé ? », non. Forcément, à un moment donné, quand tu ne travailles pas, cela veut dire que tu vis sur un capital argent. Tu as beaucoup de temps. Mais c’était un choix aussi. J’aurais pu très bien dire « Tiens, j’essaie de me trouver des boulots, de continuer à garder à flot mon système et comme cela, je pourrais peut-être le faire plus longtemps ». Mais moi, ce que je kiffais vraiment, c’était d’être libre de mon temps. Donc, j’ai vécu mon kif jusqu’au bout. Je m’étais dit « quand j’arriverai à zéro, je reprendrais quelque chose et puis c’est tout ».

Olivier Roland : Du coup, au niveau de ta vie amoureuse, je pense que les gens se demandent un peu comment tu fais ? Tu rencontres des gens au gré des voyages et puis tu vois ce qui se passe.

Caroline : Je me laisse porter comme pour le reste. Après, ce n’est pas forcément facile quand tu es en voyage de construire quelque chose qui dure, sauf si tu rencontres quelqu’un qui va vouloir, ou qui vit de la même façon que toi, ou alors, qui va te proposer en tout cas un projet de vie ensemble qui te fait vraiment envie. Parce que moi, je ne suis pas contre non plus pour changer de mode de vie si ce qu’on me propose tout d’un coup me met des paillettes dans les yeux.

Olivier Roland : Oui, il faut t’envoyer du rêve.

Caroline : Voilà. Mais sauf que je n’ai pas trouvé de magicien au cours de mes voyages, du coup, j’ai continué à vivre mon rêve. Et après, tu as toujours des rencontres occasionnelles, tu as des coups de cœur… mais je n’ai pas, pendant mes voyages, construit ma vie amoureuse. C’est vrai que c’est un pan de ma vie que j’ai un peu laissé de côté. En fait, c’est pour cela que je te disais au départ que pour moi, c’était un voyage initiatique peut-être long par rapport à d’autres gens parce que c’est une longue période de vie quand même, quand tu as cet âge-là en plus. Mais moi, c’était comme un reset. Et du coup, ce qui prend dans la vie des gens souvent beaucoup de temps, c’est-à-dire le couple, la famille et le travail, moi, tout cela, c’était au niveau zéro, je dirais, dans l’échelle des domaines de vie.

Olivier Roland : Oui, tes priorités, d’accord.

Caroline : C’était à zéro. Par contre, le temps pour moi, tout ce qui était tourné vers l’intériorité, tout ce qui était l’expérience, la découverte, ça, c’était au maximum. Donc, le développement personnel. Après, je faisais du développement personnel sans en faire, c’est l’expérience qui m’a créé des rencontres.

Olivier Roland : Est-ce que cela fait partie pour toi justement de rencontrer des hommes quand tu voyages ? Cela fait partie du voyage, cela fait partie du plaisir de voyager ?

Caroline : Oui, quand ils sont agréables, comme tout. Mais après, tu as des bonnes et des moins bonnes expériences.

Olivier Roland : Mais du coup, quand tu rencontres un local, il te plonge dans la culture locale de manière plus…

Caroline : Oui, ce n’est pas forcément toujours facile non plus. Et puis, moi, je n’ai pas eu non plus énormément d’expériences avec des locaux. Cela m’est arrivé, mais c’était furtif et vu que je ne restais qu’un mois.

Olivier Roland : Oui.

Caroline : Je ne suis jamais restée plusieurs mois parce que j’ai rencontré quelqu’un. Mais il y a des gens à qui cela arrive, et donc, ils vivent. Il y en a même qui décident de rester là où ils sont. Moi, souvent, justement ces rencontres-là m’ont amené à me questionner sur quelle vie j’ai envie d’avoir.

Olivier Roland : Alors, quelle vie tu as envie d’avoir ?

quelle vie veux tu avoir

Caroline : Je ne sais pas si j’ai encore trouvé la réponse. Je pense que c’est remis en question à chaque fois, à chaque nouvelle rencontre, je ne parle pas qu’amoureuse, une nouvelle rencontre. Quand tu rencontres des gens, la vie t’inspire aussi peut-être d’une autre façon que la tienne… cela remet en question tes schémas, mais je n’ai pas forcément trouvé cette réponse toute faite que je cherchais au départ ou même ce lieu où je me suis dit « c’est là où je veux vivre ».

Aujourd’hui, je me rends compte, et cela, ça a été une vraie satisfaction… Comme tu disais, je suis rentrée en Normandie là où je suis née, chez mes parents même, et je me rends compte qu’aujourd’hui, je suis bien partout, même chez moi. Et cela, pour moi, c’est quelque chose d’énorme parce que pendant très longtemps, même avant que je parte vivre aux États-Unis, quand j’étais dans ma vie en France, j’ai toujours eu cette sensation de me sentir à l’étroit et de ne pas avoir assez d’espace.

Olivier Roland : Et qu’est-ce qui a changé la perception ? Tu as suffisamment exploré le monde ?

Caroline : Je pense que se donner l’autorisation d’assouvir ses rêves, cela te donne de la liberté. Tu sais que tu peux le faire, donc tu es plus heureux. Tu ne reviens pas dans un espace où tu es enfermé puisque tu sais que tu peux en sortir quand tu veux. Me donner l’autorisation de quitter mon travail aussi, puisque cela aussi, surtout éducation nationale, il y a le côté sécurisé, mais il est tellement sécurisant que cela peut devenir la prison dorée comme on dit souvent. Parce pour en sortir, tu perds ton concours, donc tu renonces aussi à quelque chose que tu as beaucoup cherché à avoir.

Puis, le fait tout simplement de se rendre compte que rien n’est permanent et que tout dépend simplement de tes propres choix finalement et de ce que tu es prêt à accepter pour vivre ce que tu as envie de vivre, tout en sachant que dans tout, il y a des contraintes. Moi, même dans mon mode de vie qui peut faire « rêver » ceux qui sont inspirés par cela, il y a aussi des contraintes.

Olivier Roland : Oui, bien sûr.

Caroline : Comme tu disais, l’inconfort parfois, le fait tout simplement de ne pas avoir un chez soi fixe. Des fois, tu manques d’intimité aussi parce que quand tu vis dans des auberges de jeunesse, si tu es dans des dortoirs de 12 en permanence, il faut savoir s’adapter beaucoup, supporter le bruit des autres, supporter le bazar des autres, supporter tout un tas de choses que tu n’as pas à supporter dans ton quotidien. Tu n’as pas de lieu forcément pour te ressourcer si ce n’est si tu t’exclus un peu du groupe et tu te retires, je ne sais pas, dans la nature ou un endroit… Mais qui a envie d’aller s’isoler toute seule dans la forêt quand tu es au bout du monde ? Pour une peureuse, ce n’est pas vraiment la bonne idée. Tu es forcément avec du monde.

Olivier Roland : Une peureuse courageuse quand même.

Caroline : Alors, par contre, c’est ce que je dis. Oui, en effet, je pense que derrière, il y a une forme de courage d’aller au bout de ses envies. Et ça, c’est quelque chose qui m’anime, mais ce n’est pas valable dans tout non plus. Donc, il n’y a rien de parfait.

Olivier Roland : Non, c’est sûr.

Caroline : Mais en tout cas, je dirais que pour moi, l’objectif, et c’était toujours cela, c’était de me sentir bien dans ma vie et de trouver là où je me sentais bien. Mais là où tu te sens bien au fur et à mesure que ta vie avance, cela change. Il n’y a rien d’éternellement stable, la vie n’est que mouvement, donc selon là où tu te trouves sur la vague, tu vas te sentir plus ou moins bien à différents moments de ta vie parce que toi-même, tu n’as plus les mêmes aspirations, tu n’es plus la même personne. Ce que tu as vécu t’amène à vouloir d’autres choses. Donc, soit tu sais t’adapter en permanence et suivre le flot et tu peux garder ce sentiment-là – moi, c’est ce sentiment que je recherche – soit tu veux rester cristallisée là où tu es. Il y a des moments où cela ne correspond pas, et du coup, forcément, c’est plus compliqué, et des moments où tu t’y sens quand même en sécurité, donc tant mieux. Mais pour moi, la sécurité est très rassurante, et des fois, elle me manque. Et à la fois, elle est emprisonnante. Quand on aime la liberté, ce n’est pas forcément simple.

Olivier Roland : Une des raisons qui m’a poussé à t’interviewer aussi, c’est qu’on s’est vu 2 fois avant en fait, et à chaque fois, tu nous as régalé, moi et les gens qui étaient là, avec des récits de voyage vraiment marrants et exotiques. Est-ce que tu peux en partager un là le plus intéressant ou drôle qui te vient à l’esprit ? Puisque j’imagine que tu as vécu vraiment beaucoup d’aventures.

Caroline : Oui, j’ai vécu pas mal d’aventures. Après, c’est drôle pour l’audience.

Olivier Roland : Oui, c’est cela.

Caroline : Après, c’est vrai que j’aime beaucoup raconter, donc forcément voilà. Mais, je ne sais pas, il y en a un en particulier que…

Olivier Roland : On peut parler de l’Inde, par exemple.

Caroline : On peut parler de l’Inde.

Olivier Roland : Parce que l’Inde, il faut quand même comprendre, je suis allé en Inde 2 fois. La première fois, j’étais avec ma copine de l’époque qui était blonde. Il faut bien comprendre qu’en Inde, les femmes blondes, partout où vous allez, ce sont elles qui sont l’attraction touristique. Vous pouvez être dans le palais le plus incroyable du monde, c’est la fille blonde qui est l’attraction touristique. Littéralement, vous avez 3 types de personnes : il y a ceux qui vont vous demander s’ils peuvent prendre en photo, il y a ceux qui prennent des photos sans demander et il y a ceux qui passent comme cela l’air discret en prenant des photos mais en se cachant un peu.

Caroline : C’est exactement cela.

Olivier Roland : Mais c’est impressionnant. Et l’Inde, c’est vraiment un énorme décalage culturel. Cela fait peur à beaucoup de gens de voyager seuls là-bas. Alors comment, excuse-moi, une petite femme blonde comme toi est partie en Inde et comment tu as vécu l’expérience parce que cela a dû vraiment être particulier quand même ?

Caroline : Oui, l’histoire avec l’Inde, elle est longue chez moi. J’ai fait des études de géographie. Il faut savoir que j’avais prévu dans mon cursus à l’époque de partir faire une partie de mes études 6 mois en Inde. Puis finalement, la vie a fait que j’ai décidé de passer mon concours de professeur des écoles à la place de partir cette année-là. Et donc, j’ai toujours eu aussi un petit regret de ne pas être allée en Inde. Et bizarrement, cela aurait pu être le premier pays dans lequel j’aurai décidé d’aller lors de mon tour du monde, mais en fait, j’avais énormément d’appréhension d’y aller seule, parce qu’à l’époque, quand je voulais y aller faire mes études, je voulais y aller avec une amie, et il se trouve que moi, j’avais redoublé mon année de licence, donc elle est partie à l’époque sans moi. Et moi toute seule, c’est pareil, cela a été un frein un peu. Donc, j’ai mis très longtemps à me décider à aller en Inde. Pour te dire, je crois que je suis allée en Inde en 2018, donc c’était ma cinquième année de voyage.

Olivier Roland : Tu commençais à être rodée quand même.

Caroline : Oui, je commençais déjà à être rodée. Et en fait, on va dire, ce qui a initié ce voyage-là, c’est que j’ai eu un couple d’amis que je connaissais depuis Seattle qui se mariait à Delhi. Ils m’ont invité à leur mariage. Dans ma tête, je me suis dit « c’est l’occasion d’aller en Inde ». Je vais être un peu prise un peu comme tous mes autres pays en début du tour du monde, un peu drivé, tu vois, au départ. Donc, je suis arrivé à Delhi et là effectivement, j’étais dans le contexte avec mes amis du mariage. Là, c’était l’un de…

Olivier Roland : Normal, safe.

Caroline : Oui, on se déplaçait en taxi. On savait où on allait. Puis, on n’avait pas trop le temps de visiter. On était là pour cet évènement-là. Par contre, j’ai profité de cette occasion justement un peu comme le reste, c’est-à-dire, cela m’a permis de m’acclimater au pays, de comprendre les codes. Peut-être pas tous les codes, mais en tout cas, d’être dans l’environnement, de voir un peu comment les gens évoluent. Je ne sais pas comment expliquer, mais d’enlever au fur et à mesure les couches d’appréhension.

Suite au mariage, on est parti tous ensemble à Goa, et après, chacun est reparti tout seul et moi, j’ai décidé de poursuivre mon voyage en Inde. Là, j’ai repris mon petit backpack, mon sac à dos, et j’ai repris mes habitudes de voyage en bus, en train, chose que j’appréhendais pas mal de voyager en bus en Inde toute seule puisque j’avais entendu tout un tas de choses sur la sécurité dans les bus. Puis, c’est vrai que je ne vais pas dire que je n’ai pas eu peur quand je l’ai fait, mais il ne s’est rien passé.

Olivier Roland : Et finalement, dans tous tes voyages, tu n’as jamais eu de problème sérieux de sécurité.

Caroline : De sécurité, non. Cela m’arrivait d’avoir des accidents, mais pas de sécurité. Et je sais que cette fois-là, c’est vrai que j’avais pris un bus pour aller… On était dans le sud de l’Inde, j’étais dans toute la partie sud et j’étais allée au centre de l’Inde, et on visitait des ruines. Et notamment, j’avais fait cette rencontre avec un vieux monsieur qui déjeunait dans le même café que moi un matin et qui avait commencé à discuter avec moi, en me racontant sa vie, comme quoi il travaillait comme consul de France à l’époque. Il était Brésilien d’origine justement.

Olivier Roland : En Inde ?

Caroline : Ou Colombien ou Brésilien, oui, et il vivait depuis des années en Inde. Et puis, il jouait du violon, il était musicien… Il me racontait toutes ses aventures qui l’avaient amené à voyager… Puis justement, il m’a dit « Écoute, tu restes combien de temps dans cette ville ? ». Là, je ne restais pas non plus tout un tas de temps dans cet endroit précis. J’avais fait des rencontres, mais j’avais surtout un peu visité l’endroit. J’avais d’autres projets. Justement, on s’est connu aussi via le blogging puisque moi, je fais partie quand même des gens qui ont suivi Blogueur Pro.

Olivier Roland : Qui est donc ma formation, pour ceux qui ne connaissent pas. C’est comme cela que…

Caroline : On s’est rencontré. Et à l’époque, j’avais un voyage qui était prévu dans le Kerala, j’ai un blog dans le voyage et bien-être.

Olivier Roland : Qui s’appelle ?

Caroline : Le monde dans ma valise.

Olivier Roland : On vous a mis le lien pour le podcast.

Caroline : Avec le blog, on m’avait proposé d’aller tester une cure ayurvédique dans le Kerala. J’avais ce rendez-vous-là et il fallait que j’occupe un peu de mon temps avant d’aller à ce rendez-vous-là. Du coup, je fais cette rencontre avec cet homme-là qui me propose, il me dit « Si tu n’as rien de prévu, est-ce que cela te dit de me suivre et de venir en bus chez moi ? Je t’invite quelques jours pour venir visiter mon village parce que moi, je connais un homme qui est absolument extraordinaire. »

Olivier Roland : Et ça, c’était le consul ?

Caroline : Alors, celui qui m’avait dit qu’il avait eu une vie de consul.

Olivier Roland : D’accord, mais ce n’était pas un Indien d’origine quoi ?

Caroline : Non.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Non, il était originaire d’Amérique du Sud.

Olivier Roland : Il te dit « j’ai connu un homme extraordinaire »

Caroline : Que je veux te présenter, qui fait des miracles. Il me vend un peu le personnage mystique, qu’il faut aller prier… Évidemment là, ma curiosité est piquée, donc je lui dis « Bon Ok, on part demain ». Je vais réserver mon billet de bus et je me retrouve à partir avec ce monsieur dans un village que je ne connaissais pas du tout, et dont j’avoue là tout de suite, j’ai oublié le nom, donc en bus, le bus local en Inde.

Olivier Roland : Oui, le bus indien, c’est une expérience aussi.

Caroline : Voilà. Donc, on part tous les deux. Et déjà, pendant le trajet en bus, je me rends compte que j’avais peut-être fait une petite erreur en suivant ce monsieur. J’étais assis entre lui et une dame indienne qui ne comprenait pas forcément l’anglais, mais qui n’arrêtait pas de me faire des signes en le regardant et en me disant « il a un petit problème, il a l’air spécial ». Et moi aussi, je commençais à le trouver très spécial. On arrive dans cette ville qui avait été construite de toute pièce par l’homme dont il me parlait, c’était une ville…

Olivier Roland : C’est une sorte de gourou, de prophète.

Caroline : C’est cela.

Olivier Roland : Comme il y en a beaucoup en Inde.

Caroline : Qui s’appelle Baba Yaga. Il avait fabriqué toute cette ville, une école de musique en forme de violoncelle, tout un tas de formes originales dans la ville. Et donc, il a ses disciples qui sont là. Mais moi, je ne connaissais pas du tout, je n’en avais jamais entendu parler, pourtant apparemment, il est assez connu en Europe. Puis, on arrive dans la ville et là, il réserve un petit tuk-tuk pour m’emmener chez lui, mais qui était à l’extérieur de la ville.

Olivier Roland : C’était prévu que tu dormes chez lui ?

Caroline : Voilà, dans une…

Olivier Roland : C’est juste pour montrer que tu n’as pas froid aux yeux.

Caroline : Non, c’est vrai.

Olivier Roland : Il y a beaucoup de femmes qui, là, n’auraient pas accepté.

Caroline : Oui. Alors là, je m’étais dit « c’est un vieux monsieur ».

Olivier Roland : Ok.

Caroline : Donc, cela me paraissait tout à fait sans danger.

Olivier Roland : Élégant, raisonnable, sans arrière-pensée.

Caroline : Voilà, mais j’ai été un peu naïve sur ce point-là. Bref, nous nous retrouvons chez lui. Déjà, on arrive dans une espèce de résidence où quasiment toutes les maisons sont vides. Il habite au bout de la résidence dans sa maison pleine de fioritures.

Olivier Roland : De fioritures ?

Caroline : Oui, c’est-à-dire qu’il avait un jardin avec tout un tas de statues en tout genre qui s’illuminent la nuit…

Olivier Roland : D’accord, Ok, un peu chargé du coup ?

Caroline : Un peu chargé. Il me présente ma chambre un peu chargée aussi, avec des cadres qui s’illuminent dans la nuit, des barreaux aux fenêtres, sans fenêtres, c’est juste le vent qui passe. Oui, j’ai vécu un moment un peu où je me suis demandé là pourquoi j’avais pris la décision de le suivre quand même, puisqu’après, c’est devenu un peu glauque, il voulait absolument que je regarde des vidéos de ce monsieur dont il me parlait tant. Je découvre que c’est un monsieur qui est mort.

Olivier Roland : Et tu pensais qu’il était vivant et que t’allais le rencontrer en plus.

Caroline : C’est cela. Et sur les vidéos, il me le montre en chaise roulante juste avant sa mort. C’était assez spécial. C’était un peu glauque, et vraiment glauque même. Donc, je me dis « bon, on va passer la nuit, puis demain, il faut que je trouve une solution ». Il voulait m’emmener le rencontrer, mais là, j’avais compris quand même qu’il était mort depuis que je regardais les vidéos.

Olivier Roland : Donc, il voulait que tu voies quoi ? Sa tombe ?

Caroline : Sa tombe, en fait.

Olivier Roland : D’accord. C’est marrant qu’il ne l’ait pas précisé quand même…

Caroline : Oui. Puis, c’est vrai que… Donc, j’avais une salle de bain dans ma chambre, et puis le lendemain, il s’est quand même pris de rentrer dans ma chambre sans frapper. J’étais dans la salle de bain. J’ai commencé à le trouver un peu louche. J’avais mis un pantalon pour aller en ville où on devait aller pour justement se rendre dans ce lieu. Il voulait absolument m’aider à mettre un sari. Moi, je ne voulais pas du tout qu’il m’habille. Bref, j’ai commencé déjà à devenir un peu plus agressive. Puis, il m’avait emmené. Il y avait sa femme de ménage qui nous avait accompagnés, mais il habitait une toute petite maison, rien de luxueux. Et on était allé en ville à l’endroit où il voulait m’amener, avec cette femme parce qu’en fait, il y avait une partie homme, une partie femme, c’est elle qui me guidait dans la partie femme. Puis, suite à la visite, je lui ai dit « Écoute, moi, je vais visiter ici le village ». Lui, il voulait rentrer faire une sieste. Et il me dit « Non, mais toi aussi, tu rentres faire une sieste ». Je dis « En fait, ce n’était pas une question, je ne te pose pas la question. Je suis une grande fille, donc je te dis simplement, je t’informe que moi, je ne rentre pas ». Et puis, j’ai senti que j’avais affaire à quelqu’un qui avait quand même un petit problème. La femme de ménage, elle a vu que je commençais à m’énerver, donc elle lui a dit de laisser tomber, donc ils sont partis tous les deux. Puis moi, finalement, j’ai été prendre un thé, histoire de réfléchir

Olivier Roland : Et tu avais tes bagages avec toi là ?

Caroline : Non.

Olivier Roland : Ah oui, tu avais laissé tes bagages chez lui.

Caroline : Justement, j’avais appelé ma sœur à ce moment-là qui m’a dit « Non, mais qu’est-ce que tu fais ? Prends ton sac et casse-toi. ».

Olivier Roland : Ce qui, à mon avis, était un bon conseil.

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Caroline : Et du coup, j’ai pris un tuk-tuk, je suis rentré chez lui. J’ai dit au gars du tuk-tuk de m’attendre devant la maison, que j’en avais pour 2 minutes. Je suis rentrée dans la maison sans frapper, je suis allée dans la chambre, j’ai pris mon sac à dos, je n’avais presque rien enlevé parce que je n’avais pas dormi de la nuit tellement j’avais les jetons dans la chambre avec les barreaux et les trucs qui s’allumaient partout. Et je suis sortie. Il était dans son fauteuil, il s’est réveillé à ce moment-là, il me dit « Ah, tu t’en vas ? » J’ai dit « Oui, j’ai une urgence, ma mère est malade » et je suis partie comme cela. Je suis remontée dans le tuk-tuk, j’ai dit « Emmène-moi à la gare routière ». Et à la gare routière, j’ai demandé un bus le plus loin possible.

Et du coup, j’ai pris un bus pour retourner sur la côte à 14 heures de route, mais c’était un bus de nuit. J’avais dit « je ne voyagerais jamais de nuit dans un bus en Inde », me voilà dans le bus de nuit et je me retrouve évidemment avec que des hommes dans le bus.

Olivier Roland : Et tu es blonde.

Caroline : Et je suis blonde. Et là, je me dis « Oh là là, qu’est-ce que j’ai fait ? ». Il y a une dame qui arrive avec son mari et un petit enfant, ils étaient une famille. Du coup, je suis allée directement vers elle et je lui ai dit « Je voyage toute seule, est-ce que tu peux me surveiller ? » Et elle m’a dit « je te dirais quand je descends ». Et son mari était là aussi, il l’a dit au chauffeur. Par contre, je suis restée dans ma couchette. Je n’ai pas été ni aux toilettes, ni été boire pendant 14 heures de route, je suis restée dans ma couchette et je ne suis pas descendue du tout à aucun arrêt.

Olivier Roland : Pour pas te faire voir, d’accord

Caroline : Non. Après, c’était peut-être un trop plein de, tu vois, cela ne veut pas dire qu’il faut le faire, mais les arrêts, c’était la nuit, c’était des parkings avec que des hommes. Moi, je ne me sentais pas vraiment à mon aise. Je n’avais pas envie d’aller chercher non plus à me mettre dans des situations compliquées. Après, je suis arrivée sur la côte et j’ai continué mon voyage. Je suis allée faire ces fameux séjours ayurvédiques qui étaient absolument géniaux. Pour le coup, c’était des super endroits. Et après, c’est là aussi où j’ai ensuite rencontré le maître Yogi qui m’a ensuite initié au Yoga.

Olivier Roland : Parce que maintenant, tu es prof de Yoga, c’est comme cela que tu gagnes ta vie.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Donc, à la base, tu as été initiée en Inde par un vrai maître Yogi.

Caroline : En tout cas, oui, j’ai fait cette rencontre de cet homme-là puisque j’avais fait du Yoga dans le premier endroit où j’avais fait la cure, et après, j’ai été visitée d’autres endroits avec la même enseigne. Et il s’est trouvé qu’en fait, le premier jour en faisant la visite, je suis tombée à la renverse dans les escaliers. J’ai déboulé les escaliers, je me suis emplafonné la tête dans le mur en pleine face. Donc, j’avais la tête complètement déformée et je ressemblais à une éléphante même pendant un mois presque, j’avais l’œil tout noir, la tête tuméfiée.

Olivier Roland : Tu faisais du Yoga comme cela.

Caroline : En fait, oui, il m’a dit qu’il n’y avait pas de souci.

Olivier Roland : C’est marrant, Ok.

Caroline : C’est comme cela que j’ai commencé des cours privés avec lui parce que ce n’était pas du tout prévu comme cela initialement, je devais rester 3 jours. Le fait d’avoir eu cet accident, je suis restée beaucoup plus longtemps. Donc, il m’a dit « C’est bien, tu vas pouvoir continuer les cours ». Lui, il trouvait que j’avais des prédispositions. Enfin, bon, bref.

Et moi en fait, ces cours ont été une révélation. A chaque cours, je me libérais de quelque chose, je pleurais beaucoup. Il a remis en question, pas mon mode de vie, mais il me disait qu’il sentait sans qu’on échange parce qu’on ne parlait pas, tout était simplement dans la sensation. Mais il me disait « Tu es quelqu’un qui va beaucoup chercher la liberté à l’extérieur ». Il me dit « Tu ne seras jamais en paix tant que tu n’iras pas la chercher à l’intérieur », et il m’a montré le chemin, et c’est comme cela que j’avais envie d’enseigner le Yoga pour partager ce chemin qu’il m’avait transmis.

Olivier Roland : Et alors, c’est intéressant parce que cette aventure avec ce monsieur un peu bizarre finalement, j’ai envie de dire, c’est comme pour tout, ce sont des inconvénients de tes avantages, dans le sens où tu n’as pas froid aux yeux, tu n’hésites pas à aller à la rencontre de l’aventure et à dire oui aux opportunités d’aventures quand elles se présentent.

Caroline : A partir aussi quand c’est glauque.

Olivier Roland : Oui, ça, c’est bien. Mais du coup, est-ce que tu regrettes cette partie où tu te dis « non, c’est normal parce que sinon si j’étais trop prudente, je raterais d’autres occasions, là, c’était génial » ?

Caroline : Je pense que oui. Après, je pense qu’il faut vraiment s’écouter, c’est-à-dire que comme je te disais, là, j’avais peut-être fait un mauvais choix au départ. Après, je me connais aussi. Tu vois par exemple, ce que je te disais, pour moi, c’était un monsieur de 80 ans

Olivier Roland : Ah, il avait 80 ans.

Caroline : Oui. Donc, tu vois, sa force physique, moi, je suis petite mais il n’était pas beaucoup plus grand que moi, il ne faisait pas 1,90 mètre.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : C’était un Sud-Américain. Moi, j’ai fait beaucoup de boxe.

Olivier Roland : Dans les pires des cas, oui.

Caroline : Je sais aussi que j’ai une rage qui peut être énorme. Si tu veux, par exemple, si on m’attaque… je ne suis pas téméraire, je ne vais pas aller me bagarrer ni rien. Mais là, dans ce contexte-là avec ce monsieur-là, je ne me sentais pas dans un danger. Mais cela aurait pu, c’est ce que je te dis, là, je pense que j’ai manqué de lucidité quand même un peu.

Olivier Roland : Mais finalement, c’est un prix à payer pour être aussi ouverte que toi sur toutes ces aventures.

Caroline : Oui, après, c’est ce que je te dis, il ne faut pas aller pousser le danger. Si tu sens que ça ne le fait pas, à un moment donné, il ne faut pas non plus rester dans quelque chose d’extrêmement inconfortable.

Olivier Roland : Et ça, c’est intéressant parce qu’il y a cette notion de risque mesuré. Mais finalement, beaucoup de gens trouveraient déjà cela complètement fou de partir, super risqué surtout pour une femme de partir toute seule en Inde comme cela. Finalement, il ne s’est rien passé à part cet épisode.

Caroline : Non.

Olivier Roland : Ok, tu es restée combien de temps en Inde ?

Caroline : Au final, un peu plus d’un mois, je crois. Je ne sais plus exactement.

Olivier Roland : D’accord. Donc, tu es repartie initiée au Yoga et désireuse d’en apprendre plus sur cette discipline. As-tu une autre anecdote à partager, je ne sais pas, ce qui te vient à l’esprit, ce que t’auras envie de partager à notre audience de rebelles intelligents ? Cela fait quand même une heure et demie qu’on parle. Donc là, il n’y a plus que les gens ultras motivés qui sont là, qui te kiffent, qui adorent ton histoire.

Caroline : Oui, j’en ai plusieurs. Mais en fait, moi, ce qui me marque à chaque fois, c’est un peu les concours de circonstances.

Olivier Roland : D’accord.

Caroline : Je me suis retrouvée par exemple… Alors après, je n’ai pas non plus envie de tourner le cliché. Il ne se passe pas que des choses dramatiques. Il y a des gens qui voyagent. Moi, j’ai des amis, j’ai rencontré plein d’amies voyageuses qui ont vécu des voyages sans péripéties du tout. Mais je sais que par exemple, moi, j’ai eu ce moment-là.Ce que j’aime bien, en fait, c’est l’enchaînement des évènements, de noter l’enchaînement des évènements et remarquer les choses qui arrivent de façon… presque tu as l’impression que c’est écrit.

Et je sais, quand je suis allée en Nouvelle-Zélande et, pour le coup, j’avais planifié parce que j’étais en Australie. Pas en Nouvelle-Zélande, en Tasmanie. J’étais en Australie, j’avais prévu une semaine en Tasmanie, mais je n’avais pas pris de billet retour. Si, j’avais pris un billet retour. Et du coup, j’avais loué une voiture, je voulais faire le tour de l’île. Et j’avais pris un couchsurfing. Au départ, c’était un couple de personnes âgées. Le monsieur m’avait aidé à faire mon itinéraire, avait peaufiné avec moi les endroits qui étaient sympas… et je suis partie toute seule en voiture.

Il s’est trouvé qu’un jour, j’étais en montagne, j’avais un peu présumé de certainement mes forces, ma fatigue. J’avais mal dormi parce que j’étais arrivée trop tard sur le site où je voulais faire des excursions. C’était un site de montagne, donc il y avait des balades à faire. Et du coup, je m’étais dit « Tant pis, je vais rester sur le site ». Mais il n’y avait pas du tout d’hôtel à proximité, donc j’ai dormi sur le parking. Il faisait très froid la nuit, donc je n’avais presque pas dormi. J’avais fini avec toutes mes affaires de ma valise accumulées sur moi dans ma voiture. Et à 5h de matin, j’avais tellement froid que j’avais attendu l’ouverture du parc et j’étais partie en randonnée, limite encore dans la pénombre. Et en chemin, je rencontre deux filles un peu plus jeunes, qui me disent « Oui, nous, on monte jusqu’au sommet ». Moi, j’étais partie pour une heure de randonnée et je me suis retrouvée à randonner jusqu’au sommet pendant 6 heures. Enfin, bref.

Donc, j’étais un peu fatiguée vu que je n’ai pas dormi la veille, mais j’avais eu tellement froid sur le parking, je me suis dit « Je ne vais pas rester ici, il faut absolument que je rejoigne la côte », et je voulais retrouver la mer. J’ai fait une petite sieste en me disant je me retape et je repars avec ma voiture en montagne. Sauf que je me suis endormie au volant sur l’autoroute et que j’ai eu un accident de voiture. Et là pour moi, justement, ce genre de précaution, ça, ce sont des choses auxquelles maintenant, je fais très attention. Mais avant, j’y faisais aussi attention. Là, je ne m’attendais pas à me dire à 14h que j’allais m’endormir comme cela au volant. On était en pleine journée.

Olivier Roland : Alors, c’était quoi les conséquences de cet accident ? Tu n’as pas eu de dommage physique trop important apparemment.

Caroline : Non. Mais encore une fois, c’est de la chance parce que je roulais au bord d’un ravin, donc je partais dans le ravin. J’ai heurté un petit poteau en bois, ce qui m’a réveillé, donc j’ai braqué ma voiture dans l’autre sens. Sauf que l’autre côté, c’était les pierres, le talus, les arbres, donc la voiture a traversé l’autoroute et est montée sur le talus. Elle s’est plantée dans un arbre. Elle était pliée en deux, elle est partie à la casse. L’airbag ne s’est pas ouvert, mais moi, je n’avais rien.

Olivier Roland : Tu as de la chance.

Caroline : Donc, je suis sortie de ma voiture …

Olivier Roland : Et si tu n’avais pas pris le poteau, tu serais partie dans le ravin alors.

Caroline : C’est cela. Tu vois, c’était quand même là, mais ce n’est pas ce truc-là. En fait, il s’est trouvé que cet accident-là m’a amené à revenir en arrière, à ramener… pas ramener la voiture, mais en tout cas, retourner à l’endroit où je l’avais loué. Je suis arrivée, j’avais pris un AirBnb juste en face de l’endroit de location. Pas un AirBnb, une auberge de jeunesse qui était juste en face. Et je rencontre dans cette auberge une jeune fille. Le soir, elle s’assoit à la table en face de moi et puis elle me parle. Donc, je raconte ma journée un peu chaotique et elle m’a dit « Écoute, moi, je fais des études de médecines chinoises, si tu veux, je te fais un massage Shiatsu. En fait, j’avais juste les vertèbres un peu tassées par le choc et elle m’a remis directement.

Puis, suite à cela, j’ai une amie de France qui m’envoie des messages en me disant « Tu te rappelles, j’avais ma famille d’accueil quand j’étais jeune en Tasmanie, est-ce que tu les as vus ? ». Je dis « Non, j’ai eu un accident de voiture, donc là, je suis toute seule et puis j’ai envie de partir, je vais prendre mon vol… » Et elle me dit « Non, mais tu vas voir, ils sont vraiment sympas. Appelle leur fils, il a à peu près notre âge ». J’appelle ce gars et il me demande où je suis, et il me dit « Je suis là dans 15 minutes, je viens te chercher ».

Le gars arrive 15 minutes plus tard, il propose de m’héberger. Il vivait avec une coloc. Ils avaient une troisième chambre, il me dit « tu peux rester autant que tu veux ». Donc, je reste chez lui. Et du coup, il me fait visiter la ville, super sympa.

Et puis, il me dit « Écoute, moi, je travaille dans un golf, c’est le plus vieux golf d’Australie, il est construit dans une ferme au centre de la Tasmanie, ce serait vraiment génial que tu puisses le voir. J’y vais demain, est-ce que tu veux venir avec moi ? » J’ai dit « Écoute, j’ai mon billet retour, donc c’est dommage ». Cela me disait bien, mais bon. Et puis, il se trouve que je ne reçois jamais le mail de confirmation de réservation du vol, donc j’appelle la compagnie, et là, la dame de la compagnie au téléphone m’explique, me dit « Écoutez, je ne vois pas votre réservation ». J’ai dit « Ah bon, j’ai réservé un vol ». Elle me dit « Vous n’aviez pas dû aller au bout du paiement, il n’y a plus de place sur le vol, donc vous n’avez pas de billet ». Je raccroche et je dis « Écoute, je n’ai pas de billet, finalement, on va aller au golf ». Et puis, en arrivant au golf, il me présente le propriétaire qui réglait des soucis familiaux et qui me dit « Écoute, tu ne fais rien en fait ? Tu es en voyage ? », il me dit « c’est cool ». Il dit « Moi, je n’ai pas prévu, mais je dois partir à Melbourne, tu ne veux pas rester pour tenir le golf ? ».

Olivier Roland : Tu es sérieuse, c’est dingue quand même. Donc, il a accroché sur toi très vite.

Caroline : Ça, c’était le premier jour.

Olivier Roland : Oui, c’est fou quand même.

Caroline : Lui, il est parti du coup dans la journée, et le lendemain, il est parti.

Olivier Roland : Ou alors, il était désespéré pour retrouver quelqu’un.

Caroline : En fait, il cherchait quelqu’un, donc il m’a montré. Et puis, je restais un peu avec Christian qui m’avait accompagné, qui était prof de golf là-bas et qui m’aidait aussi, puisque du coup, il y avait la maison d’hôte et le golf. Donc, je me suis retrouvée à gérer les clients du golf qui venaient et présenter le parcours… Les gens qui venaient pour loger pour la maison d’hôte, il fallait leur faire à manger. On leur servait le déjeuner, on dînait avec eux le soir à table, ensuite, tu rangeais tout.

Et puis, l’un dans l’autre, il m’appelle dans la semaine, il me dit « Au fait, je ne t’ai pas dit, j’ai des journalistes qui doivent passer pour faire un article sur le golf et puis là, nos nouvelles prestations… tu vas les recevoir. » En fait, j’ai reçu les journalistes, j’ai fait les photos. Je me suis retrouvée en première page du journal de Tasmanie parce que finalement, ils ont fait un article sur la française qui tenait le golf. Donc, par exemple… De toute façon, quand tu voyages, c’est bourré d’anecdotes. Des anecdotes, j’en ai plein.

Olivier Roland : On voit que tu peux littéralement en parler pendant des heures et des heures. Et c’est cela aussi, je pense que ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que tu t’es créé une vie extrêmement riche d’expériences, alors que pour beaucoup de gens finalement, dans leur vie, les jours se ressemblent un peu. C’est comme le film, comme il s’appelle, avec Bill Murray où il se réveille tous les jours et c’est le même jour.

Caroline : Un jour sans fin.

Olivier Roland « Un jour sans fin », exactement. D’ailleurs, la morale de ce film, c’est qu’au bout d’un moment, quand tu apprends à t’améliorer, à te dépasser, tu arrives à transcender ce côté répétitif. Et là, tu as vraiment créé l’aventure de ta vie. D’ailleurs, tu as dit que tu voulais te créer ta retraite finalement à 35 ans, et on voit bien que…

J’avais déjà partagé sur ma chaîne Olivier Roland, pas la chaîne des Rebelles Intelligents, cette notion de prendre des mini-retraites. Plutôt que de prendre sa retraite à 65 ans, on la prend par exemple à 70 et on a 5 ans de mini-retraite qu’on peut répartir tout au long de sa vie active et qui permet de profiter de la vie quand on a encore beaucoup d’énergie. Là, tu as pu faire des choses que probablement, tu ne pourras pas faire quand tu auras 70 ans par exemple.

Caroline : Moi, oui. Effectivement, c’était un de mes rêves, c’était de me dire je veux prendre une mini-retraite de 35 à 40 ans justement pour tout ce que tu viens d’expliquer. C’est-à-dire de vivre ce que j’ai envie de vivre, mais à ce moment-là de ma vie, pas forcément attendre, en capitaliser sur un futur incertain parce que le temps que dure sa vie, il y a une durée moyenne, mais personne n’en est sûre en fait. La preuve, regarde, j’ai eu cet accident de voiture, ma vie aurait pu s’arrêter là.

Olivier Roland : C’est vrai.

Caroline : En fait, je trouve cela presque prétentieux de se faire des plans sur la comète sur dans 20 ans parce que personne ne sait s’il se réveillera demain, et ce qu’il lui arrivera dans la journée. Il ne faut pas être négatif non plus. Évidemment, quand on vit, on peut construire aussi des choses et on peut aussi prévoir des choses. Mais je pense qu’il faut aussi ne pas reporter tous les projets qui comptent profondément pour un temps bien trop loin en tout cas, et profiter de sa vie quand on est sûr qu’on l’a, et comme tu dis, quand on est en énergie de le faire.

Et encore une fois, je pense que les désirs qu’on a à 20, à 30 ans, à 40 ans ne sont pas les mêmes et ils ne seront pas les mêmes que ceux qu’on peut avoir à 60 ans et au moment de la retraite. Comme je le disais, moi, si cela se trouve, au moment de la retraite, je n’aurais pas du tout envie d’aller barouder à droite à gauche avec mon sac à dos. Peut-être que oui, mais je n’en sais rien.

Olivier Roland : Bien sûr. Alors, qu’est-ce qui t’a fait arrêter les voyages ? C’est parce que tu n’avais plus de réserve d’argent, tu en avais marre, il y a eu le Covid ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

réserve argent budget tour du monde

Caroline : Il y a eu tout cela.

Olivier Roland : Tout en même temps, d’accord.

Caroline : Il y a tout cela, c’est-à-dire que….

Olivier Roland : Est-ce tu angoissais quand tu voyais la fin de ta réserve arriver ?

Caroline : Oui, un peu quand même. D’ailleurs, j’avais fait la formation de Blogueur Pro parce que pour moi, cela me faisait aussi rêver de pouvoir travailler en ligne.

Olivier Roland : Et on va parler. Et malheureusement, tu ne t’es pas super accrochée sur le blog, mais on en a parlé du potentiel.

Caroline : Après, comme tu vois, j’adore raconter des histoires, j’adore écrire. Mais le blogging, il ne faut pas oublier que c’est un métier, cela prend beaucoup de temps, donc il faut consacrer ce temps à ce travail. Et pendant mes voyages, pour moi, je n’arrivais pas à faire la concession de consacrer un temps de travail suffisant pour faire vivre le blog comme il doit l’être, parce que les gens se disent qu’en ligne… je l’imagine, en tout cas, il y a quand même beaucoup de gens, quand on en parle ,qui pensent que le blogging, c’est l’argent qui tombe du ciel un peu par chance.

Olivier Roland : Il faut bosser, bien sûr.

Caroline : C’est beaucoup de stratégies, il y a beaucoup de choses à mettre en place. Et c’est quand même, on choisit d’y consacrer un temps, même si après derrière, on va avoir une récurrence… Mais en tout cas, il faut le donner ce temps-là.

Olivier Roland : Et juste avant de faire cette interview, je t’ai recommandé de tester Tik Tok. Tu vas faire quoi ? Le même nom que pour ton blog ?

Caroline : Peut-être.

Olivier Roland : On verra bien. On mettra le lien. De toute façon, au moment où la vidéo sortira, le compte Tik Tok aura été créé, tu auras déjà publié des vidéos. Acceptes-tu ce challenge ?

Caroline : C’est ton challenge, mon nouveau challenge.

Olivier Roland : Voilà, exactement. On verra ce que cela va donner.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Donc, tu vois la fin de la réserve qui arrive.

Caroline : Alors, j’arrivais un peu en bout de réserves. Il faut savoir qu’en fait, le Covid, c’était en 2020. C’est cela ? Février, quelque chose comme cela, 2020.

Olivier Roland : Oui, février, mars, oui.

Caroline : Et moi, j’ai passé mon diplôme de Yoga en juillet 2019.

Olivier Roland : En Inde ?

Caroline : En Thaïlande.

Olivier Roland : Parce que, pourquoi pas ?

Caroline : Alors, parce que j’ai cherché pendant très longtemps l’école qui me convenait. Mais au-delà de l’école, j’avais envie de trouver la personne qui me convenait. Donc, j’ai fait des recherches jusqu’à tant que je sois attirée par une personne. Et ce que j’ai aimé dans la formation notamment que j’aie choisie, c’était une école canadienne à la base, une femme qui était prof de Yoga au Canada qui avait son école et qui a créé la retraite en Thaïlande. Et ce que j’aimais, c’est qu’il y avait beaucoup de professeurs d’horizons différents, avec des formations Yoga de natures différentes parce qu’il y a plusieurs types de Yoga.

Là, on avait la richesse de plusieurs types de Yoga, ce qui moi, me donnait ensuite la capacité de choisir ce qui me parlait le plus dans l’enseignement que je recevais. Il y avait beaucoup, il y avait aussi des enseignants qui étaient avec un Yoga plutôt traditionnel, même basé beaucoup sur la religion bouddhiste… puisqu’ils étaient d’origine de Thaïlande, ou ils avaient été en Inde faire des retraites… plusieurs fois. Ils étaient très imprégnés. On avait un Français qui faisait aussi, du coup, sa particularité. Et ce que j’aimais, c’était d’avoir une ouverture d’horizon.

Donc, j’ai fait ma formation qui ouvrait principalement sur du hatha Yoga. C’est ce que je préfère, parce que c’est ce que j’avais appris aussi en Inde et qui est le Yoga traditionnel. Et pour moi, c’est une base, on va dire. Après, il y a toutes les déclinaisons. Après, on était formé à trois enseignements différents.

Suite à ma formation de Yoga, je n’avais pas trop fait de plan, mais je comptais rester un peu en Thaïlande et voyager un peu en Asie. Mais en fait, il s’est trouvé que juste derrière ma formation, la semaine suivante, d’ailleurs, je devais faire une formation de massage thaïlandais que j’ai commencé, mais le premier jour, j’ai attrapé la dengue et je me suis retrouvée hospitalisée en Thaïlande pendant 8 jours.

Olivier Roland : Tu avais une assurance santé ?

Caroline : Cela, toujours voyager avec une assurance voyage spécifique.

Olivier Roland : Tu l’as fait par quel fournisseur ?

Caroline : Je ne sais même plus là à qui j’avais pris. Je pourrais te le dire si tu veux le nom, mais là, je ne sais plus comment elle s’appelle. Mais je sais que j’avais pris la même que pendant mon tour du monde, et pourquoi je dis « toujours » ? La première année, je n’avais pas pris d’assurance.

Olivier Roland : C’est une erreur classique.

Caroline : Mais en fait, je l’avais fait par méconnaissance. Honnêtement, je ne savais pas.

Olivier Roland : Oui.

Caroline : Puis, je pensais qu’avec ma carte de crédit, cela suffirait.

Olivier Roland : Avec les American Express, normalement, c’est inclus, mais cela dépend.

Caroline : En fait, si tu veux, avec la carte de crédit, tu as une assurance, mais tu as une assurance au départ de la France, il faut le savoir. Donc, à partir de ton deuxième voyage, ce n’est plus pris en compte et cela ne fonctionne déjà que 2 mois ou 3 mois, un truc comme cela. Tu as un délai. Cela, je ne le savais pas. Il se trouve que la première année, il ne m’est rien arrivé, donc tant mieux. Sinon, une assurance, c’est au cas où il t’arrive quelque chose. Évidemment, cela peut être inutile, sauf que tu n’es pas à l’abri de savoir ce qui va t’arriver.

La dengue, pour le coup, cela s’attrape avec une piqûre de moustique. Donc, tu vois, on n’a pas de choix. Et moi, comme j’étais seule, je devais être hospitalisée. J’étais sous perfusion. Tu perds toutes tes défenses immunitaires. Je dormais 24h/24. Il fallait qu’on me nourrisse, on me portait pour aller aux toilettes. Je ne pouvais pas marcher. J’avais une énorme fièvre, plus de 40 de fièvre pendant presque 8 jours. Donc, tu n’avais pas le choix. Sauf qu’encore une fois, les coûts hospitaliers, chez nous, on en a rarement conscience parce qu’on ne les voit pas.

Olivier Roland : Donc, tu étais en Thaïlande là.

Caroline : Oui. Moi, j’avais vécu aux États-Unis, donc je savais combien cela pouvait coûter.

Olivier Roland : Oui, mais en Thaïlande, c’est beaucoup moins cher. C’est réputé d’ailleurs pour le ratio coût/bénéfice.

Caroline : Oui, c’est beaucoup moins cher. Mais tu vois, là, j’ai été à un hôpital américain parce qu’il n’y a pas d’hôpital thaï sur l’île, et du coup, je crois que c’était l’équivalent pour la semaine quand même de 15 000 €.

Olivier Roland : Ouf, cela fait mal. C’est étonnant pour la Thaïlande quand même que cela soit aussi cher.

Caroline : C’est sympa d’avoir son assurance, tu vois.

Olivier Roland : Oui.

Caroline : Il faut savoir aussi que l’assurance, avant d’être administré à l’hôpital, il faut prévenir l’assurance avant, il faut qu’il valide ton administration, parce que sinon si tu les appelles après coup, ils peuvent refuser la prise en charge. Ça, c’est aussi un petit piège à assurance. En tout cas, il vaut mieux éviter. Et moi, je me vois encore, j’étais couchée sur le bureau, ils me disaient « Mais il faut qu’on vous mette sous perf ». Et je disais « Appelez mon assurance et quand j’ai la validation, vous me mettez sous perf ». Mais en fait, je ne suis pas entrée avant d’avoir la validation de l’assurance, et pourtant, je n’étais pas très en forme.

Olivier Roland : Pour tous ceux qui veulent voyager sur le long terme comme ça, c’est important d’avoir ce genre de…

Caroline : Et puis cela vraiment, la dengue, c’est l’exemple typique. C’est pas de chance pour le coup.

Olivier Roland : Absolument.

Caroline : Il n’y a aucune prise de risque. Tu te fais piquer par un moustique, cela peut arriver n’importe quand et à n’importe qui.

Olivier Roland : Donc, tu as un diplôme de Yoga, il y a ta réserve qui baisse, tu as le Covid qui arrive. Du coup, tu fais quoi ?

Caroline : En fait, la dengue m’a emmené à rentrer chez moi, ce qui n’était pas prévu. Je suis rentrée chez moi pour me retaper parce que j’étais vraiment en forme, plus en forme, et puis je n’avais plus beaucoup d’argent non plus. Et donc, je suis restée chez moi et le Covid, après, est arrivé rapidement. Donc, j’ai démarré mes cours en ligne tout simplement. J’ai commencé à essayer de développer mon réseau en ligne. Puis, j’ai trouvé cela assez fastidieux parce que je n’avais pas toutes les techniques et je ne mettais pas en place non plus toutes les techniques.

Olivier Roland : Et là, tu as changé complètement de vie. Tu passes de la nomade perpétuelle qui ne travaille pas à la sédentaire qui essaie de monter un business.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Cela n’a pas été trop dur ?

Caroline : Pour moi, monter un business, c’est toujours dur.

Olivier Roland : C’est ton prochain défi.

Caroline : Voilà, c’est mon prochain défi.

Olivier Roland : Aujourd’hui, tu es quand même prof de Yoga en présentiel.

Caroline : Oui, je donne des cours en présentiel.

Olivier Roland : Cela te permet de gagner. Tu ne roules pas sur l’or, mais tu gagnes ta vie.

Caroline : Oui, je gagne ma vie. Et comme je te le disais, c’est vrai que j’ai un confort de vie au sens où je suis revenue quand même vivre chez mes parents et je n’ai pas beaucoup de frais. C’est toujours pareil, il faut faire un calcul entre ce que tu as dépensé et ce que tu gagnes.

Olivier Roland : Oui. Aujourd’hui, tu as 43 ans et tu es retournée chez ton père.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : On voit aussi que tu es…

Caroline : Parce que là, encore une fois, c’est une période de transition dans ma vie. J’ai la chance d’avoir une relation avec mes parents qui me permet de le faire aussi, qui ont aussi un espace qui me permet d’être accueillie, parce qu’on habiterait dans un 10m2, ce ne serait pas possible.

Olivier Roland : Ça, c’est sûr.

Caroline : Là, on a un espace suffisant pour ne pas se marcher dessus. Mais du coup, en tout cas, pour moi, cela a été ma solution. Après, encore une fois, chacun trouve sa solution.

Olivier Roland : Et là, cela te démange le démon du voyage.

Caroline : C’est ce que tout le monde me demande, et bizarrement, pas tant que cela.

Olivier Roland : Tu dis cela, mais tout à l’heure, tu vas prendre un bus pour aller à Bilbao.

Caroline : En Espagne.

Olivier Roland : En Espagne, du côté du Pays basque.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Tu as toujours un peu la bougeotte quand même.

Caroline : Oui.

Olivier Roland : Et tu m’as dit d’ailleurs, parce que là, tu es venue à Paris pour faire cette interview, tu m’as dit « je ne savais pas trop quand j’allais y aller, mais du coup, je profite, je combine tout. »

Caroline : Exactement.

Olivier Roland : On retrouve quand même cet esprit de flexibilité, de recherche d’opportunité.

Caroline : Toujours. Et pourquoi je prends le bus ? Comme je te l’ai dit, parce que c’était plus facile d’aller à l’arrêt de bus à Bercy que d’aller à l’aéroport, et les horaires m’arrangeaient mieux.

Olivier Roland : Et puis, c’est un bus de nuit, donc tu dors et c’est de la téléportation quoi.

Caroline : Pour moi, cela me paraissait plus cool, alors qu’il y a des gens à qui cela paraît plus compliqué. Mais moi, cela me paraissait beaucoup plus simple. Pour moi, ce n’est même pas vraiment des voyages, tellement c’est proche.

Olivier Roland : C’est vrai. Mais intéressant parce que pour beaucoup de gens, c’est un voyage et pas un petit voyage. Quand même, tu as tellement étendu ta zone de confort qu’aujourd’hui, tu peux faire des trucs qui paraissent être des voyages pour les gens et qui ne le sont pas. Donc, tu ne te vois pas trop revoyager comme avant.

Caroline : Ce n’est pas que je ne me vois pas. C’est qu’en fait, aujourd’hui, ma réalité, elle est encore autre. Donc, si tu veux, je m’adapte et j’ai la chance d’être à un moment dans ma vie où je me sens bien partout. Je n’ai plus cette frustration que je pouvais avoir quand j’avais envie de voyager tout le temps, de rentrer et de me sentir mal quand je rentrais, et d’avoir cette fièvre de repartir, où finalement, tu arrives dans un quotidien qui n’est plus le tien, où les gens t’ennuient, où tu ne vas pas trouver forcément ce qui va t’animer.

Aujourd’hui, j’ai réussi à retrouver cet équilibre qui fait que quand je rentre… J’ai toujours été contente de retrouver mes proches, parce que je suis assez proche de mes amis, ma famille… mais c’est vrai que quand je rentre, là aujourd’hui en tout cas, je… Après, il y a eu le Covid. Le Covid, pour moi, finalement, tu n’avais plus le choix. Tu étais là. Mais je veux dire, par exemple, les gens qui rêvaient de voyager et qui ont été stoppés par le Covid, ils sont stoppés dans un rêve.

Olivier Roland : Oui. Tu as eu de la chance, cela aurait pu arriver 3 ans avant.

Caroline : Et moi, j’ai envie de te dire, dans ma tête, je me suis dit « Tu n’as plus trop de tunes, tu veux monter ta boite ? ».

Olivier Roland : C’est le moment, c’est l’opportunité.

Caroline : Tu n’es même pas frustrée de ne pas voyager, personne ne peut le faire. Plus ou moins personne. En fait, « c’était presque du pain bénit ». Cela m’a permis de me reposer.

Olivier Roland : On passe un peu du coq à l’âne, mais j’aime bien poser ce genre de question aux invités du podcast : comment tu as vécu ton parcours scolaire ?

parcours scolaire personne atypique

Caroline : En fait, je dirais que j’étais moyenne à l’école tout le temps.

Olivier Roland : Tu aimais bien l’école ?

Caroline : Je n’ai pas de souvenir mémorable de l’école. Je n’ai pas de souvenir absolument désagréable. Mais j’ai l’impression que j’étais un peu dans ma lune à l’école. J’étais plutôt à bavarder au fond de la classe que sur les premiers rangs à répondre à toutes les questions. Bizarrement, je suis devenue enseignante. J’aime enseigner et je pense que je suis plutôt bonne dans ce domaine. Je n’étais pas forcément la meilleure élève. Je n’étais pas une cancre, mais je faisais le strict minimum. On en a parlé un peu par rapport aux langues, c’est vrai que j’étais particulièrement nulle en langue. Il y a d’autres domaines où j’étais nulle.

Olivier Roland : Alors là, aujourd’hui, tu es trilingue. Tu parles anglais, français, espagnol.

Caroline : Espagnol, oui. Mais en fait, le fait de vivre aux États-Unis, déjà, je me suis rendu compte que la façon d’apprendre les langues à l’école…

Olivier Roland : C’est une catastrophe.

Caroline : A part pour les gens qui sont prédisposés à l’apprentissage en général, donc qui sont bons élèves, cela va bien. Pour tous les autres, c’est un apprentissage qui est à l’envers de la norme.

Olivier Roland : Absolument, de ce qu’il faudra faire.

Caroline : Donc, quand tu vis après en immersion. Et puis moi, c’est la façon dont j’ai appris le français aux enfants en immersion, c’est-à-dire que tu commences d’abord par apprendre à parler et tu te mets dans un bain de langage. Ensuite, quand tu sais parler, tu apprends à lire et ensuite, tu fais de la production écrite.

Olivier Roland : C’est d’autant plus important en anglais où la prononciation est complètement décorrélée de l’écrit.

Caroline : C’est cela. Et du coup, c’est vrai que quand tu te remets dans un processus finalement de l’apprentissage d’un enfant qui nait et qui apprend la langue, c’est un apprentissage beaucoup plus naturel. Et moi, je suis quelqu’un qui a besoin de mettre du sens dans tout ce que je fais et je pense que ce qui, en partie, a joué dans mon éducation, les choses où j’ai bloqué, c’est quand je ne voyais pas de sens. Apprendre pour apprendre ne m’intéresse pas. J’aime apprendre quand on suscite ma curiosité, quand on suscite ma créativité ou quand j’ai un but d’apprendre. Mais apprendre pour apprendre ne m’intéresse pas.

Donc quand tu fais partie de ces gens-là, puisqu’on a tous des cerveaux qui fonctionnent différemment, même le mien fonctionne comme cela, forcément, l’apprentissage à l’école en te disant « parce que tu vas dire cela 50 fois, tu vas le retenir », chez moi, cela ne fonctionne pas du tout. Donc, cela n’a pas fonctionné. J’avais dû avoir 2 à l’oral en anglais au bac.

Olivier Roland : Ah, quand même.

Caroline : Quand je partais aux États-Unis, tout le monde était surpris que je parte sans savoir parler anglais. Mais pour moi, cela n’empêche pas non plus de partir. Après, j’ai beaucoup pleuré les 6 premiers mois puisque j’avais l’impression d’avoir 12 ans pendant 6 mois. Il fallait quelqu’un pour tout faire : pour louer un appart, pour acheter une voiture, pour les assurances, pour la banque.

Olivier Roland : Mais tu as quand même appris sur le tas.

Caroline : La nécessité fait que, en fait. C’est qu’à un moment donné, je n’ai pas parlé super bien anglais dès le départ, mais la nécessité a fait que je me suis mis… Je pense que ton cerveau, à un moment donné, porte son attention sur ce dont il a besoin pour survivre. Donc, tant que j’avais des gens pour me traduire… je me laissais porter. Puis, au fur et à mesure, tu es quand même dans un bain de langue, même si moi, j’étais beaucoup dans du français le fait d’être à l’école française. Mais à un moment donné, j’ai eu un déclic, j’ai rencontré une amie que j’aimais beaucoup qui ne parlait pas du tout le français, mais je ne sais pas pourquoi je l’aimais bien, je ne peux pas expliquer. J’ai eu envie de la connaitre davantage, et je pense que naturellement, j’ai fait beaucoup plus d’effort et j’ai beaucoup plus appris.

Après, les voyages n’ont fait que renforcer mon anglais puisque là, je parlais tous les jours alors que quand j’étais aux États-Unis, finalement je parlais beaucoup français dans la journée. Et voilà l’Espagnol, c’est pareil, c’est l’Amérique du Sud qui m’a permis de…

Olivier Roland : De t’y mettre.

Caroline : Qui m’a permis de m’y mettre.

Olivier Roland : Merci Caro d’avoir partagé tout cela, c’était excellent. Pour tous ceux qui sont encore là, ils font partie des ultras motivés, tu leur as mis des étoiles dans les yeux, qu’est-ce que tu peux leur donner comme conseil pour se mettre à voyager ?

Caroline : Pour se mettre à voyager, j’ai envie de dire « Achète un billet d’avion. Mets-toi dans des dispositions pour te libérer le plus de temps possible et puis pars. » Tout est une histoire de décision. Quand on a décidé, on se lance. Le plus dur, c’est de prendre la décision. Le reste, ce n’est que du matériel, cela se met en place, on trouve des solutions.

Olivier Roland : Merci. Tu peux nous rappeler le nom de ton blog ?

Caroline : Mon blog, c’est « Le monde dans ma valise ».

Olivier Roland : Merci à toi.

Caroline : Merci à toi surtout.

Olivier Roland : D’avoir inspiré tout le monde avec tes récits de voyage fantastiques. Et bien sûr, tu nous as partagés même pas 5% des…

Caroline : Oui, de toute façon, c’est difficile de partager en quelques heures, mais de partager 10 ans d’aventure. Là-dessus, si un jour, j’arrive au bout de mes projets, j’aurais peut-être un livre qui sera terminé, parce qu’il est commencé depuis longtemps, mais bon.

Olivier Roland : Excellent. Tu as le titre déjà ?

Caroline : C’est « Ma liberté ».

Olivier Roland : Oh, « Ma liberté ». « Ma liberté », un jour, peut-être en librairie chers amis.

Caroline : Un jour peut-être, sait-on jamais.

Olivier Roland : Merci Caroline.

Caroline : Non, merci beaucoup à toi.

Olivier Roland : Et voilà chers amis rebelles intelligents, si tu es encore là, tu fais partie des 25%, des 20%, des 2% qui sont restés jusqu’au bout. En tout cas, tu fais partie de la minorité motivée. Je suppose que c’est parce que ce podcast t’a plu. Si c’est le cas, tu es libre de laisser un commentaire sur ta plateforme de podcast préférée. Et si tu le fais, je t’en remercie par avance parce que c’est grâce à des petits gestes comme celui-ci que ce podcast va toucher davantage de rebelles intelligents et les aider à créer l’aventure de leur vie.

Merci d’avoir écouté ce podcast et à très vite.

Reader interactions

One Reply to “Voyager pendant 7 ans avec 800 € par mois : la méthode”

  1. Bonsoir,
    Je fais partie des 2% qui ont été passionnés par cette interview. A tel point que je laisse un commentaire pour la première fois. Quelle aventure! Merci d’être aussi inspirante. Merci, merci, merci!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
    CJ

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