De SDF à 10 millions par an : comment gagner avec de mauvaises cartes, avec Anthony Bourbon

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Transcription texte de l’interview :

Olivier Roland : Il a fait partie du panel d’investisseurs de la célèbre émission de télé « Qui veut être mon associé ? » sur M6. Il a fait passer son entreprise Feed de 0 à 10 millions d’euros de ventes en moins de 3 ans. Anthony Bourbon a pourtant vécu un traumatisme tôt dans sa vie.

Anthony Bourbon : Je me retrouve à la rue quand j’ai 16 ans et je dors dans les bus. Aujourd’hui, je n’ai vraiment aucun problème d’argent.

Olivier Roland : Ce qui lui a appris la vie à la dure.

Anthony Bourbon : Je me suis dit voilà « tu as 500 €, il va falloir les rationner », comme je disais à l’époque. Et donc, une fois, je dormais dans les bus, une fois, je dormais chez un pote, une fois, je dormais dans un hôtel miteux à 20 € la nuit.

Olivier Roland : Au point qu’il dit lui-même…

Anthony Bourbon : Ouais, on peut dire que j’étais SDF.

Olivier Roland : Alors, il aurait pu se laisser abattre, mais il a décidé de prendre cette expérience de manière positive et de l’utiliser comme source d’énergie pour se lancer dans l’entrepreneuriat.

Anthony Bourbon : Parce qu’il y a une envie de revanche, de vengeance qui est assez forte. Et je pense que ça se sent quand on regarde les différentes interviews, quand on lit les différents articles ou quand on regarde nos réseaux sociaux. J’ai envie de bousculer le système.

Olivier Roland : Et même si aujourd’hui Feed est un succès éclatant, cette aventure entrepreneuriale connaît des hauts…

Anthony Bourbon : Et du coup, on a une réussite ou en tout cas un parcours qui est assez explosif en mode startup parce qu’on a levé plus de 40 millions d’euros, on a ouvert 5000 points de vente.

Olivier Roland : … Comme des bas.

Anthony Bourbon : On était 80 à un moment et là, on est redescendu à 35 – 40.

Olivier Roland : Et tu vas pouvoir découvrir tout au long de cette interview la ténacité impressionnante d’Anthony, sa rage de vaincre et son énergie qui est au top.

transformer son énergie en tremplin, rage de vaincre

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C’est parti.

<Générique>

Olivier Roland : Salut Anthony.

Anthony Bourbon : Salut.

Olivier Roland : Merci de venir dans le podcast des Rebelles Intelligents. Tu es le créateur de Feed. Et figure-toi que quelques heures avant de démarrer cette interview, j’ai fait un petit sondage à la fois dans mon groupe Telegram et dans mon Instagram, dans mes stories, pour voir un peu le nombre de personnes qui connaissent Feed et qui ont testé les produits. J’ai des résultats assez disparates en fonction des plateformes, c’est intéressant, puisque sur Telegram, il y a 7% de gens qui disent qu’ils ont testé tes produits, 26% qui connaissent mais qui n’ont jamais testé et 67% qui n’ont carrément jamais entendu parler de la boîte. Et sur Instagram, je n’avais que deux réponses possibles. Donc, il y a 22% des gens qui ont déjà testé tes produits, ce qui est beaucoup plus que sur Telegram, c’est intéressant ça.

Est-ce que tu peux présenter rapidement Feed pour les gens qui ne connaissent pas ?

Anthony Bourbon : Yes. Intéressantes tes statistiques. J’aurais plutôt parié sur l’inverse parce que Telegram, c’était plutôt un peu un truc de geeks, de personnes qui sont sur le online, et en général, elles sont assez attirées par le produit. Mais c’est super intéressant.

Du coup, Feed, c’est une marque de nutrition pour tous les moments de la journée. Donc, on a commencé en faisant des barres repas, c’est comme ça qu’on s’est fait connaître ou des poudres repas, des boissons repas, différentes typologies de produits. À la base, c’était pour remplacer un repas complet, comme si tu avais entrée-plat-dessert, mais parfaitement adapté, équilibré, et tu avais l’intégralité des besoins d’un humain classique en se basant sur l’EFSA qui est l’Agence européenne de l’alimentation.

Et puis, très rapidement, on a compris que les consommateurs voulaient un produit plus adapté dans leur quotidien qui puisse un peu s’intercaler entre les repas. Parce que ce qu’on a observé, c’est qu’ils coupaient la barre en deux ou qu’ils ne prenaient que la moitié d’un shaker pour s’en servir comme goûter ou petite pause encas à 10 h. Du coup, ça dégradait l’organoleptique, donc la qualité gustative du produit. Et on a fait une gamme snacks fonctionnels qui vient répondre à des besoins très spécifiques, comme le matin, une barre énergie avec de la caféine à l’intérieur, une barre immunité quand c’est l’hiver avec 1 milliard de prébiotiques, probiotiques, une barre pour le sommeil, une barre avec des protéines pour la séance de sport…

Et c’est intéressant de voir à quel point cela nous a ouvert, on va dire, le marché mass market à des personnes un peu plus lambda, qui étaient un peu effrayées par la proposition de valeur initiale. Et du coup, on a une réussite ou en tout cas un parcours qui est assez explosif en mode startup parce qu’on a levé plus de 40 millions d’euros, on a ouvert 5000 points de vente, on a recruté beaucoup de monde dans l’équipe. On a essayé de faire une aventure qui soit puissante et on est connu pour notre branding quasiment autant que notre produit. C’est-à-dire qu’on essaie de transmettre des valeurs qui vont plus loin qu’un simple produit de nutrition.

Je viens d’un milieu assez défavorisé, ce qui est rarement le cas dans les fondateurs classiques startupeurs parisiens qui ont fait des grandes écoles. Et du coup, il y a eu une sorte d’écho, et les gens se sont reconnus dans mon parcours. Et on essaie d’inspirer, de motiver, en ayant un message assez simple, c’est « Si nous, on l’a fait, vous pouvez le faire aussi. Donc ne baissez pas les bras. Et même si votre condition initiale peut paraître compliquée, ce n’est pas une excuse pour ne pas se lancer, pour ne pas réussir, même si évidemment cela va être beaucoup plus dur pour vous, parce que malheureusement, l’élitisme, la cooptation sociale et tout ce favoritisme qu’on connaît bien dans les hautes strates de la société font que vous allez souffrir, vous allez galérer. Mais malgré tout, pas de Calimero, il faut se lancer et réussir. »

arrêter de trouver des excuses, se lancer et réussir

Olivier Roland : C’est exactement pour cela que je voulais t’inviter dans mon podcast parce qu’on a pas mal de points communs. Moi, j’ai arrêté l’école très jeune, mon père m’a mis dehors. J’ai vu que ça, à priori, c’est ton cas aussi. On aura peut-être l’occasion d’en parler. Je viens d’une famille qui n’est pas du tout entrepreneuse, donc j’ai dû apprendre par moi-même. Et puis, pareil, je n’ai pas fait de grandes écoles et tout ça.

Mais avant, et d’ailleurs Feed, ça a été créé en juin 2016, juste pour donner un peu un contexte. En 2019, tu as déclaré que cela faisait déjà 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et que tu voulais aussi d’ici 5 ans atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires, ce qui est quand même très ambitieux. C’est-à-dire 2024, on aura l’occasion d’y revenir et de savoir si tu es entract pour arriver à cet objectif. Mais d’abord, j’aimerais revenir sur toi et sur ton parcours. Déjà une question que j’aime bien utiliser pour démarrer mes interviews, c’est : est-ce que tu as l’impression d’avoir une vie atypique par rapport à la plupart des gens ?

Anthony Bourbon : Oui, clairement, parce que j’ai un parcours tellement compliqué, semé d’embûches et avec une énorme accumulation d’échecs que oui, c’est atypique. Maintenant, je pense qu’on a tous la possibilité d’avoir un destin qui est différent et que ce n’est pas parce qu’aujourd’hui, vous êtes dans une vie rangée qu’il ne faut pas y aller.

Il y a toujours un élément déclencheur. Et toi et moi, je pense qu’on a eu de la chance au final si on essaie de voir le verre à moitié plein, d’être obligés de se sortir les doigts et d’aller dans l’adversité parce qu’on était obligé, on était confronté à cette situation. Et c’est parfois plus dur, même si ça paraît paradoxal, d’être dans un confort avec une famille aimante, d’avoir un petit appartement payé par les parents parce qu’au final, tu n’oses pas sortir de ce schéma.

Donc, à vous aussi de prendre votre courage à deux mains et de vous lancer dans une aventure qui va évidemment être beaucoup plus risquée. Mais si vous la choisissez bien, être alignée avec votre passion et si c’est votre passion, vous allez forcément être bon parce que vous allez prendre du plaisir. Vous n’aurez pas l’impression de travailler.

Et toi comme moi, on le sait, l’agenda est chargé quand tu fais de l’entrepreneuriat, quand tu essaies de faire de grandes choses. Et du coup, il y a qu’en étant passionné, en aimant ce qu’on fait, qu’on peut l’assumer et accepter cette charge de travail qui, au quotidien, est souvent lourde à porter.

Donc pour revenir à ta question, j’ai toujours tendance à divaguer. Oui, une vie atypique parce que clairement, je me retrouve à la rue quand j’ai 16 ans et je dors dans les bus. Mais aujourd’hui, je n’ai vraiment aucun problème d’argent et ce n’est que le début. Je veux faire beaucoup plus parce que j’ai une sorte de revanche, de vengeance à prendre, et je crois beaucoup au destin et dans l’envie de prouver quelque chose, quasiment un manque de confiance en soi.

Je pense qu’on a tous des histoires évidemment différentes mais qui nous nourrissent et qui nous donnent envie d’aller plus loin. Certains, ça va être comme nous, l’abandon qui va nous motiver à montrer qu’ils ont tort. D’autres, ça va être un professeur à l’école qui nous avait foutu au coin et qui nous prenait pour le dernier des abrutis, alors qu’en fait, c’est simplement lui qui ne savait pas nous enseigner de la bonne manière. Ou un petit frère ou un grand frère qui a toujours eu plus d’attention.

Enfin, bref, il y a 10 000 histoires différentes et c’est en se replongeant dans son histoire que très souvent, les réponses arrivent. Et faire une grande plateforme personnelle, faire une plateforme de marques qui soit vraiment forte et basée sur son histoire, je pense que c’est la première étape et la première chose à faire.

Olivier Roland : Moi, j’aime bien parce que tu as vraiment cette démarche de dire aux gens finalement « Allez chercher dans les problèmes que vous avez eus, une force, une motivation que les gens qui n’ont pas eu cela n’auront jamais. Et ça, si vous savez bien utiliser cette chose, ça peut vous donner une énergie que les autres n’auront pas. », si je résume.

Et tu vois, quand j’ai recherché, j’écoutais plusieurs interviews pour préparer cette interview et j’ai été touché de savoir que tu as été aussi viré par ton père à 16 ans. Alors moi, ça m’est arrivé à 19 ans, quelques mois avant que je crée ma boîte. Donc, c’est quand même assez rare. Ça n’arrive pas à beaucoup d’entrepreneurs cette histoire, j’ai trouvé ça assez incroyable. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ça ? Qu’est-ce qui a fait que tu t’es retrouvé viré par ton père et comment tu as fait pour survivre, vivre cette épreuve ?

Anthony Bourbon : Bienvenue au club. On va ouvrir, je pense, un club d’anciens virés. Ce sera sympa et ça pourra motiver des jeunes qui se retrouvent dans cette situation. Moi, l’histoire est longue, mais en deux mots : Famille compliquée, le père était violent, donc la mère un peu dépressive évidemment, puisque ce n’est pas facile de vivre dans ce type de contexte familial. C’est après le divorce, c’est souvent comme ça chez les femmes ou des personnes de manière générale qui sont plus violentées qu’il y a une rechute, un peu comme l’entrepreneur blues quand tu vends ta boîte, et derrière, tu as une rechute d’adrénaline et souvent tu tombes en dépression parce que ça a changé ton rythme. Là, c’était pareil, c’était le blues post-divorce. Et du coup, on s’est retrouvé à vivre avec ma mère, tous les deux, et ça ne se passait pas bien, on ne se comprenait pas. Pour faire simple, on ne se comprenait plus. Du coup, on avait tous les deux des cicatrices de ces 15 – 20, dernières années. Et vu que ça se passait mal, elle m’a dit « Écoute, casse-toi ». J’ai dit « OK ». Et c’est vrai qu’après, moi, je n’étais pas…

Olivier Roland : Ah, c’est ta mère qui t’a viré ? D’accord.

Anthony Bourbon : Mais mon père ne m’a pas repris non plus. Donc, on peut dire que les deux ont tiré un trait. Après moi, j’ai quand même aussi un ego qui fait que j’ai voulu faire ma vie de mon côté de différentes manières.

Et puis, encore une fois, ce qui est génial et c’est ce qu’il faut passer comme message, c’est que cette épreuve, nous c’est celle-ci, d’autres, ils auront vécu des maladies, des trucs, il y a tellement d’histoires différentes. Mais sur le moment, ça peut paraître une injustice terrible. Tu te dis « je ne vais jamais m’en sortir ». On a des idées noires, on se demande ce qu’on va faire. On est incapable de se projeter dans le temps parce que malheureusement, quand tu es dans des situations un peu terribles, c’est déjà dur de savoir comment tu vas faire pour manger le lendemain ou tu vas dormir dans une semaine, et tu as du mal à lever la tête et à regarder loin devant.

Et c’est le vrai drame de ces histoires, c’est que malheureusement, à 18 – 19 – 20, c’est à ces moments-là que tu dois écrire ta vie. Et pendant que les autres partent en vacances, ont les bons conseils par leurs parents, vont être placés dans les bonnes écoles, toi, tu perds des années qui vont être vraiment dommageables dans ton avenir à la fois professionnel, mais aussi personnel. Donc, servez-vous de ces moments qui sont difficiles.

Olivier Roland : C’est clair, mais c’est dingue quand même parce que moi, j’avais 19 ans, j’avais déjà quitté l’école et j’avais quasiment créé ma boîte. Donc, ce n’était pas le meilleur moment, mais en même temps, j’étais probablement dans une meilleure position que toi parce qu’à 16 ans, j’imagine que tu n’avais pas de projet, tu étais encore à l’école. Mais comment tu fais quand tu te retrouves à 16 ans dans la rue et que tu dois aller à l’école tous les jours ? Qu’est-ce que tu as fait concrètement ? Déjà comment tu as fait pour trouver un lieu pour dormir ? Tu as été voir tes amis d’abord, j’imagine.

Anthony Bourbon : Oui, j’ai galéré. Au moment où je suis parti de chez ma mère, j’ai un pote qui est venu me chercher. Je l’ai appelé et il est venu me chercher. On a été chez lui. Et ses parents m’ont dit « Écoute, on te laisse dormir ici une nuit, mais après, tu pars ». Donc, j’ai compris très tôt qu’il allait falloir compter sur soi-même uniquement et pas sur les autres.

Après, je peux comprendre, j’ai vraiment zéro haine. Mais bon, ils ne voulaient pas d’histoires. Ils ne voulaient pas être au milieu de situation familiale compliquée avec mon père, ma mère, donc j’ai compris que ça allait être chaud. Et après, j’ai pas mal galéré, oui. Parce qu’à cet âge-là, je ne sais plus si j’avais 16 ans – 17 ans, franchement. Je ne sais pas si tu as fait pareil, moi, les psys disent que c’est normal, ton cerveau supprime les informations, c’est-à-dire qu’il y a des moments de temporalité qu’ils vont supprimer. Il y a des événements, parfois ils me reviennent, je les ai complètement supprimés de ma mémoire.

Et j’ai beaucoup de mal sur les dates entre autres, genre les années, les trucs. Je suis incapable de dire 1998, 2000, machin. Je n’ai plus de notion du temps comme si mon cerveau avait « delete » complètement le truc naturellement quoi.

Olivier Roland : Mais c’était avant ta majorité, en tout cas

Anthony Bourbon : Oui, et ce n’était pas facile parce qu’effectivement, je faisais les cours par correspondance. Je n’allais pas en cours parce que c’était trop galère, je n’avais même pas de moyen de transport, machin, le tram, le truc.

Olivier Roland : Donc, tu étais dans un squat ? Tu as fait quoi ? Tu as trouvé un boulot pour te payer une petite chambre ? Tu as trouvé des aides ?

Anthony Bourbon : J’avais, je me souviens, 500 € en poche quand je me suis fait sortir que j’avais économisé à chaque anniversaire. Donc, on ne me les avait pas donnés, mais à chaque fois qu’on me donnait 30 € à mon anniversaire, je les gardais. Tout ce que j’avais conservé et économisé, je me suis dit « Tu as 500 €, il va falloir les rationner », comme je disais à l’époque. Donc, une fois, je dormais dans les bus, une fois, je dormais chez un pote, une fois, je dormais dans un hôtel miteux à 20 € la nuit.

Et tu vois, j’alternais. Quand j’allais à l’hôtel, c’était le moment incroyable et il faut toujours essayer de se projeter et se faire des idées, un peu comme dans « La vie est belle ». C’est le film pendant la Seconde Guerre mondiale où le père fait croire que c’est un jeu à son enfant. Moi, c’est exactement ce que je faisais et je me disais « ce soir, c’est le grand luxe, on va à l’hôtel ». Et donc, apprécier l’hôtel pendant une soirée me permettait après pendant une semaine de faire des lieux un peu plus compliqués.

Et petit à petit, j’ai eu la chance d’avoir des potes qui avaient déjà un travail à cette époque. Donc, c’était plutôt des petits jobs, des coiffeurs, des potes comme ça qui m’hébergeaient. Mais ce que j’ai pu observer, aujourd’hui que je fréquente beaucoup de très riches, et qu’à l’époque, je fréquentais beaucoup de très pauvres, c’est que souvent, les pauvres sont beaucoup plus généreux que les riches et beaucoup plus ouverts, beaucoup plus dans le partage. Donc au final, les gens à l’époque me tendaient beaucoup plus la main que si j’avais fréquenté des riches.

Alors évidemment, aujourd’hui, les riches me tendent la main parce que je suis devenu riche avec eux, du coup, ils tendent toujours la main aux gens qui leur ressemblent. Mais à l’époque, clairement, personne ne m’aurait aidé. C’est pour cela que je passe encore une fois un big up à tous ceux qui m’ont accompagné dans ces moments difficiles, s’ils regardent l’interview.

Olivier Roland : Tu as encore des amis de cette période ?

Anthony Bourbon : Assez peu, pour être franc. Parce que je considère que cette vie était tellement pathogène pour moi et tellement synonyme de difficultés. C’était vraiment des moments compliqués que j’ai préféré m’en détacher complètement. J’ai des amis de longue date… mais c’est rare. Dans la grande majorité, j’ai coupé. Parce que même Bordeaux, je n’y vais plus parce que chaque rue où je vais me rappelle un moment relou. Donc, je pense que c’est important de savoir se couper des moments pathogènes.

Et typiquement, pour avoir une image qui est parlante, c’est : on a tous une sorte de sac à dos dans notre périple parce que je considère que la vie est une vraie course de fractionné, un mix entre fractionné, endurance, sprint. Ça change en fonction des moments. Et on a tous un sac à dos rempli de poids, de cailloux, de pierres, tu l’appelles comme tu veux, et en fait, tu réalises que parfois, il faut s’arrêter, vider son sac, tout ce qui est boulets. Les boulets, ce sont les gens qui ne croient pas en vous, qui vont vous dire que c’est impossible de réussir, que vous êtes un bon à rien, que si… Vous en avez tous autour de vous ces personnes qui, à chaque fois que vous lancez une idée, vont vous dire « non, non ». Ces gens-là, il faut éviter.

Évidemment, il faut prendre les remarques qui sont bienveillantes, constructives, qui poussent vers le haut, mais s’entourer de gens qui vont faire en sorte de vous extraire, de vous pousser toujours et essayer de prendre le meilleur de ce que vous êtes. Parce que s’il y a une chose que j’ai pu observer dans ce parcours assez varié, c’est que chaque humain a quelque chose d’incroyable en lui, mais souvent, il ne le sait pas encore. C’est-à-dire qu’on nous a tellement appris depuis la plus tendre enfance à rentrer dans des cases, à apprendre par cœur nos cours d’histoire-géo, puis les maths, puis les machins, qu’on a oublié de se demander qui on est. Qu’est-ce qu’on aime ? Le week-end, on veut faire quoi ? Aujourd’hui, tu as de plus en plus de consoles de jeux et tu as de plus en plus… Et du coup, ça empêche un peu de se dire « qu’est-ce que je fous sur cette planète ? » C’est un peu la matrix.

Pour moi, souvent, j’adore ce film parce que je suis persuadée que c’est un peu ce qu’on vit. C’est ce que certains philosophes appellent le « gnosticisme ». C’est-à-dire qu’on nous a créé une réalité qui n’existe pas vraiment juste pour nous faire oublier qu’on est des robots quasiment et qu’on est là pour servir une cause qu’on ne comprend même pas, dont on n’a pas conscience.

Et j’ai toujours cette image de voir des fourmis dans un aquarium qui vont faire des tunnels, qui vont transporter les mies de pain que tu vas leur donner, mais sans même pas savoir qu’elles sont observées. C’est vraiment cette vie que j’essaie de fuir. Et quand je parle à des gens, je vais essayer de chercher ce qui les différencie. Il y en a, ça va être une aisance à l’oral impressionnante. Quand ils parlent, c’est fluide. D’autres, ça va être la musique. Ils peuvent te jouer de la musique très facilement. D’autres, ça va être les mathématiques, ils calculent très vite. D’autres, ça va être… je ne sais pas, ils sont très photogéniques, ils savent poser, ils sont dans l’esthétisme. D’autres, ça va être…

Bref, tu vois, il y a 10 000 trucs. C’est le chant, c’est la science. Et il faut juste aller chercher ces passions, et c’est ce qu’on essaie de faire avec Feedback qui est notre programme de solidarité, où on met 1% de notre chiffre d’affaires chaque année et on va accompagner des projets sur lesquels personne n’aurait parié, et on va essayer de tendre la main à des gens qui n’ont pas eu de chance mais qui rêvent très grand.

C’est-à-dire qu’on n’est pas juste là pour se dire « allez, on va aider le petit immigré du coin ou le pauvre parce que c’est triste sa condition ». Je considère qu’évidemment, il y a des destins compliqués, mais que ce n’est aucunement un prétexte pour se cacher derrière. Donc, on va essayer d’aider des gens qui ont un rêve énorme.

Typiquement, quelqu’un qui vient nous dire « je veux jouer au foot », cela ne nous intéresse pas. Mais s’il nous dit « je veux devenir le nouveau Mbappé », là, on se dit « OK, il est chaud, il est motivé, il rêve grand, donc il a conscience que les compromis qu’il va devoir faire seront gigantesques. » Parce que si tu veux devenir Mbappé, tu ne vas pas sortir beaucoup en boîte, tu ne vas pas aller au resto, tu ne vas pas jouer à la PlayStation le week-end. Tu vas t’entraîner non-stop. Donc, c’est ce genre de projet qui nous plaît. Et encore une fois, croyez-en vous, trouvez ce qui vous anime, ce qui vous donne envie de vous lever le matin et c’est comme ça que vous pourrez commencer à créer votre vie.

Olivier Roland : Et tu penses qu’il y a un peu trop de distractions dans notre société moderne et que c’est trop tentant de les utiliser plutôt que de… Il faut savoir, le truc, c’est que personne n’aime s’ennuyer, mais que parfois, c’est important comme tu dis pour réfléchir, prendre du recul.

Anthony Bourbon : Tu as raison, c’est super intéressant ce que tu dis et je suis aligné à 200%. Il faut savoir s’ennuyer. Et en fait, vous avez l’impression de vous ennuyer, mais c’est simplement que vous réfléchissez.

Tu n’imagines pas le nombre d’heures que je passe assis sur mon lit à rien faire pour laisser mon cerveau tourner, parce qu’au final, il y a trop de gens qui vivent dans ce que j’appellerais « des épicuriens », des gens qui ont toujours besoin d’être heureux. Donc, ils vont aller boire des verres avec des amis, aller au restaurant. Ils vont aller au cinéma, ils vont aller voir une exposition, le musée, le truc. Mais en fait, leur cerveau n’a pas le temps de se poser, de tourner.

Et je suis intimement convaincu que la détermination peut te permettre de devenir omniscient, c’est-à-dire que si tu penses très fort à quelque chose, un peu de la méthode Coué, mais tu peux activer des leviers dont tu n’as même pas conscience et faire en sorte que ton destin se modifie. Mais il faut d’abord que tu croies en toi et que tu saches où aller avant que la chance te tende la main.

Olivier Roland : Absolument.

Anthony Bourbon : Être ascétique plutôt que épicurien, c’est vraiment quelque chose de clé. Se satisfaire du minimum. Là, je ne peux pas tourner parce que ça va être tout un bordel avec l’écran, mais mon appart, il fait 35 mètres carrés, 40 mètres carrés, il n’y a pas de canapé dedans. Je me coupe au maximum.

Olivier Roland : Tu es minimaliste aussi.

Anthony Bourbon : Minimaliste à fond, c’est-à-dire que je n’ai pas de coca dans mon frigo, je n’ai pas de café, j’ai de l’eau. Tout à l’heure, je ne sais pas si tu as entendu quand j’ai été remplir ma gourde, j’ai de l’eau du robinet que je mets dans ma gourde et je suis trop bien, je veux dire que je suis au maximum. Je ne suis pas du tout dans une phase où je me dis « allez, je me serre la ceinture », simplement que je n’ai pas besoin de plus et je me concentre. Et du coup, tu ne deviens pas dépendant de ton argent et c’est un vrai piège parce que je le vois. Tous les jeunes qui ont de l’argent autour de moi ou même les moins jeunes qui ont de l’argent augmentent leur niveau de vie au fur et à mesure des gains qu’ils font.

Olivier Roland : Oui, ils les dépensent, tu veux dire ?

Anthony Bourbon : Oui. Ils gagnaient 50 000 € l’année dernière, ils ont dépensé 50. Ils en gagnent 100 cette année, ils vont en dépenser 100. Et la réalité, c’est qu’ils n’ont pas plus d’économie. Donc, s’ils se font virer de leur job ou qu’il y a une crise comme le Covid ou machin, ils sont encore plus piégés parce qu’ils vont avoir un loyer qui est plus haut, plus de crédits, la voiture, l’assurance coûte plus cher, l’iPhone, le truc.

Et en fait, les gens oublient que si tu veux économiser 10 000 € de plus à la fin de l’année, tu n’as que deux manières de le faire : soit tu gagnes 10 000 € de plus, soit tu dépenses 10 000 € de moins. Et je trouve que c’est beaucoup plus facile de dépenser moins que de gagner plus.

Générer de l’argent, c’est compliqué, alors que dépenser moins, c’est super simple. Tu n’achètes plus d’iPhone. Tu n’as pas besoin d’aller acheter une superbe voiture, tu te déplaces en métro. Tu ne t’achètes pas des fringues à je ne sais pas combien, à chaque fois qu’il y a une paire de Nike qui sort. Tu pars moins en vacances, tu fais moins de restaurants. Cela baisse drastiquement tes coûts.

Je ne dis pas qu’il faut faire cela toute ta vie. Mais quand tu es dans une étape où tu veux créer, où tu veux prendre ton destin en main, il faut faire des compromis. Et ceux qui te disent qu’en même temps, tu peux faire du yoga, partir en vacances, créer de la valeur et puis aller au ciné, voir tes amis, c’est faux en fait.

Olivier Roland : Je suis entièrement d’accord avec toi. Au début, tu mets le couteau entre les dents et tu fonces.

Tu vois, moi, je suis aussi minimaliste. Ma règle de base, c’est que toutes mes possessions doivent tenir dans un coffre de voiture. Je ne sais pas, est-ce que toi, ça peut s’appliquer à ce que tu as aussi ?

Anthony Bourbon : C’est cool. Je n’avais jamais réfléchi au coffre de voiture, mais je pense que je ne suis pas loin. Moi, tu vois, je le pense différemment, je me dis.

Olivier Roland : Tout ce que tu vois derrière toi, là, c’est loué. Ce ne sont pas mes meubles, en fait.

Anthony Bourbon : Ah, tu as raison.

Olivier Roland : Alors, il y a une exception, ce sont mes guitares. J’ai plusieurs guitares et elles prennent de la place.

Anthony Bourbon : Si c’est ta passion, en général, ça ne rentre pas dedans, c’est-à-dire qu’on a tous droit à une ou deux passions qui ne rentrent pas dans ce calcul parce que j’avais lu un bouquin de minimaliste. Il avait fait un reportage sur Netflix, je crois, mais je ne l’avais pas regardé parce que je préférais lire, mais il disait un truc comme ça : « si tu as une passion, tu sors, tu la sors de ce calcul ». Eux, je crois que c’était 50 objets.

Et bref, moi, j’ai une autre lecture. C’est « si je me fais cambrioler demain, ça doit tellement n’avoir aucun impact sur soit mes économies, soit mon impact. Je dois pouvoir continuer à travailler sans même avoir besoin d’aller déclarer le vol. » Et en fait, je me dis : à part un écran d’ordinateur et deux paires de chaussures, je ne vois vraiment pas ce qu’ils peuvent…

Olivier Roland : Intéressant.

Anthony Bourbon : Je trouve ça cool parce que tu peux te faire braquer sans être affecté. Alors qu’en fait, la plupart des gens, ils sont cambriolés, ils sont en PLS parce que home cinéma, leur chaîne stéréo, leur montre, leur je ne sais pas quoi. Moi, il n’y a absolument rien. Du coup, tu es beaucoup plus libre.

À une époque, quand j’étais jeune, j’étais un peu dépendant de l’argent et je faisais des dépenses idiotes. J’avais des grosses voitures, des grosses montres, des trucs comme ça, et en fait, tu es toujours en stress parce que ta voiture, tu la gares quelque part, tu sais que tu as une chance sur deux de te la faire rayer. À chaque fois que j’ai des belles caisses, on me pétait les vitres, on m’en rayait, on me crevait les pneus. Donc, tu es en panique. Tu es en train de dîner au resto, tu ne prends pas plaisir à échanger avec la personne parce que tu sais qu’on va te défoncer ta caisse. Tu as une belle montre, à Paris, tu as une chance sur deux de te faire couper le bras pendant que tu vas en terrasse.

C’est vraiment un stress perpétuel. Pour quel gain ? Si ce n’est penser que tu impressionnes les autres. Alors qu’en réalité, les gens qui sont importants, qui ont réussi, tu ne les impressionneras pas parce que tu as une montre à 30 000 € ou même 100 000 €, parce qu’ils s’en foutent. Et les pauvres, tu ne les impressionneras pas non plus parce qu’ils ne sont même pas au courant de combien coûtent ta Richard Mille ou ta Audemars Piguet.

En fait, c’est un calcul complètement foireux, mais ça prend du temps. Et quand j’en parle avec les jeunes, je vois que c’est quelque chose qui n’est pas naturel chez eux et que tu as besoin d’évoluer petit à petit. Et c’est ce qui m’est arrivé, mais moi, personne ne me l’avait expliqué. C’est pour ça que j’aime bien essayer de transmettre les messages et ce que j’ai appris parce que je considère que cela fera gagner un peu de temps aux gens qui l’écoutent.

Olivier Roland : Oui, le comportement par défaut. Tu connais Sénèque, le philosophe romain ? 

Sénèque De la brièveté de la vie

Dans son livre « De la brièveté de la vie« , il dit que c’est la nature humaine de défendre ses possessions avec énormément d’énergie alors que tout le monde se laisse envahir son temps sans problème. C’est vraiment le comportement par défaut. Effectivement, cela demande une certaine prise de conscience de développer une habitude de ne pas être comme ça. Et quand tu dis « si je suis cambriolé, à la limite, je n’ai même pas besoin d’aller au commissariat, je peux commencer, je peux recommencer à bosser directement », on voit cette idée de prioriser le temps sur les possessions, et ça devrait être le comportement par défaut, mais ça ne l’est pas. Donc, merci de partager ce message, ça me fait plaisir.

D’ailleurs récemment, il y a, comment il s’appelle ? Le fondateur de Telegram, c’est Durov. Il a publié un message qui disait qu’il déplorait le fait qu’il y a trop de personnes qui se distraient. Et il dit « le problème, c’est que le cerveau humain, si vous passez trop de temps à jouer à des jeux vidéo, à regarder des séries et tout ça, votre cerveau va penser à des problèmes qui sont liés à : comment je fais pour gagner cette partie ? Qu’est-ce qui va se passer dans la suite de cette série ? Et du coup, il n’est pas en train de trouver des solutions à des problèmes qui sont concrets. Donc, il déplorait comme toi le fait qu’il y a un peu trop de distractions aujourd’hui. C’est juste pour te dire que les grands esprits se rencontrent.

Pour revenir à ta période où tu étais à la rue, tu as une période où tu as été vraiment SDF, tu arrivais quand même à trouver un toit ?

Anthony Bourbon : Et c’est marrant parce que tu vois, il n’y a pas si longtemps que ça, si tu tapes Anthony Bourbon SDF sur Google, je pense que l’article va remonter. Il y a une journaliste qui me contacte, elle contacte mon équipe et on fixe le rendez-vous. Et quand elle arrive, je dis « mais c’est pour quel journal ou quel truc, quel média ? » Et elle me dit « SDF, je ne sais pas quoi ». Et je la regarde et je lui dis « pourquoi tu viens me voir ? » Elle dit « À l’époque, tu n’avais pas de domicile fixe ». Je dis « oui, mais je n’étais pas vraiment SDF ».

Et en fait, tu réalises que la définition de SDF, on a tous l’image du mec qui boit de la bière, à moitié défoncé sur le trottoir. Mais un SDF, c’est quelqu’un qui n’a pas de domicile fixe comme son nom l’indique, donc il n’a pas soit un loyer qu’il est capable de payer ou un appartement qu’il possède ou un endroit de chute régulier. Et moi, c’était mon cas. Donc, oui, on peut dire que j’étais SDF, mais ça fait vraiment bizarre. C’était le mot qui…

Olivier Roland : Tu me fais réaliser que j’ai été SDF quelques mois avant de créer ma boîte. C’est incroyable, mais je n’avais pas pensé à ça non plus. Mais tu as raison, c’est sans domicile fixe à la base. Donc, waouh, OK.

Donc, ça a duré combien de temps cette période où finalement tu étais SDF ? Tu as préféré oublier ?

Anthony Bourbon : Non, mais en fait, je suis resté SDF au moins pendant deux ou trois ans parce que j’étais… Alors après, j’étais SDF mais quand même chez des gens.

Olivier Roland : Oui, tu avais un toit.

Anthony Bourbon : Ouais, j’étais chez ma copine de l’époque, chez des potes. Mais au début, la vraie galère, ça a dû durer au moins 6 mois. 6 mois – 1 an vraiment la galère. Et après, tu trouves des solutions. Et pour rebondir sur ce que disait le mec de Telegram, c’est exactement ça. Comme moi, j’étais dans des situations catastrophiques, mon cerveau cherchait à résoudre des trucs de manière très pragmatique.

Et quand je vois aujourd’hui, j’allais dire « j’ai de la chance », mais en fait, non, c’est plutôt la malchance d’écouter les problèmes de riches, c’est terrible. C’est-à-dire que quand j’entends des histoires, des engueulades, ou des personnes qui se font la tête parce qu’il y en a un qui a son papa qui ne lui a pas dit « bonne nuit » ou parce que l’autre est parti trop en vacances cette année, qu’il s’en veut. Des trucs de ouf. Des trucs que je te promets, si je le racontais, tu ne me croirais même pas. Et alors qu’en fait, quand tu viens d’en bas, tu n’as pas le temps avec ce type de sujet.

Donc quelque part, toujours voir le verre à moitié plein et tourner ce qui semble être un désavantage, de prime abord, en une force. Et franchement, ce qui aurait dû me détruire à l’époque me rend quasiment indestructible aujourd’hui. Parce que quand tu as vécu des vrais problèmes de galère dans ta jeunesse, tu n’es absolument pas stressé quand tu vas pitcher ta startup devant des investisseurs, tu n’es pas du tout stressé quand il y a un moment important, tu vas faire des interviews, tu es full détente. Et ça, c’est cool parce que tu as encaissé de l’expérience, alors que les jeunes qui ont mon âge, à 30 ans, ils sont en panique parce qu’ils doivent passer sur BFM Business ou parce qu’ils doivent aller pitcher. Et tu vois dans leur voix, tu vas sentir l’émotion, le stress.

Donc encore une fois, si vous êtes aujourd’hui dans une situation catastrophique, c’est cool, vous avez presque de la chance et ça vous permet de relativiser un peu ce qui vous arrive.

Olivier Roland : Et tout à l’heure, tu mentionnais que tu n’avais pas du tout apprécié le fait de devoir apprendre des trucs par cœur à l’école. Comment tu as vécu ton parcours scolaire ? Est-ce qu’il y a des choses qui… Est-ce que cela t’a été utile d’après toi ? Quel diplôme tu as d’ailleurs ?

Anthony Bourbon : J’ai un bac scientifique. J’ai fait un bac scientifique, et après, j’ai fait un Master 2 de droit privé général et un Master 2 de droit de l’immobilier. Je fais un double Master 2 à Bordeaux et j’ai fini mon Master 2 à Paris.

Et alors, ma lecture des cours, c’est très négatif. C’est très négatif pour différentes raisons. La première, c’est que cela ne tient pas compte du tout des passions des jeunes. C’est vraiment des cases dans lesquelles on veut forcer tous les élèves à rentrer. Il y a beaucoup d’échecs scolaires. Et je ne sais plus dans quel pays ils expliquent que si un élève a des mauvaises notes, c’est le prof qui se fait engueuler et qui est moins payé, parce qu’en fait, ce n’est pas de la faute d’un élève. Quand tu as 12 ans, si tu es nul en géographie, ce n’est pas de ta faute. C’est soit qu’il n’y a personne pour t’aider à la maison et que personne ne te donne les bons réflexes, soit que le prof t’apprend mal. Mais tu vois, personne n’est assez bête pour ne pas retenir la capitale de je ne sais pas quel pays. Donc, c’est plus un problème global qu’un problème d’élèves.

Ça, c’est le premier point. Ça manque de passion, il faut qu’on arrive à trouver ce qui plaît à un élève et faire graviter les autres matières autour. Je m’explique. Si tu es passionné de mathématiques et que c’est ta matière préférée, ce sera beaucoup plus simple de te faire apprendre la disposition des planètes dans l’espace. Si on te met des énigmes mathématiques en disant « si je te fais 3 + 2 en sachant que X est la terre », je dis n’importe quoi, tu vas le retenir, ça va t’amuser. Et je trouve que l’exemple des planètes est intéressant parce que ça fait partie des trucs « what the fuck » qui m’ont toujours interpellé. C’est-à-dire que, est-ce que tu te souviens, toi, par exemple entre Saturne et Jupiter, qui est le plus proche de la Terre ? Pas du tout.

Olivier Roland : Moi, oui, parce que je suis passionné par l’espace. Mais effectivement, dans la vie concrète, ça ne sert à rien. Je suis d’accord avec toi.

Anthony Bourbon : Je te prends un autre exemple parce que je veux que ça te parle. Est-ce que tu as rejoué de la flûte traversière, vu que tu es parti du collège ?

Olivier Roland : Non, c’est la flûte à bec. C’est la flûte à bec au collège. Non, non.

Anthony Bourbon : La flûte à bec, pardon. Et en fait, ça, c’est l’exemple parfait. Tu as plein d’hypothèses, plein d’exemples différents qui montrent que tu as passé du temps sur des sujets qui ne te servent à rien en fait. Et je m’étais amusé à faire la flûte à bec. Le calcul, tu en fais 1h par semaine.

Alors ça, on dit « oui, ce n’est pas grand-chose 1h par semaine ». Sauf que quand tu multiplies par 40 semaines ou 35 semaines de cours, multipliés par quatre ou cinq ans de collège, ça te fait quasiment un an de cours que tu aurais pu faire sur un autre sujet. Et si tu es passionné de géographie, de math, de dessin, de ce que tu veux, c’est du temps où tu aurais pu être meilleur. Et je pense vraiment qu’il ne faut pas être bon partout, mais plutôt être très bon dans ce qui te plaît.

Je ne dis pas qu’il faut être une buse en math parce que tout de suite, il y a des gens qui vont te dire « oui, mais c’est important de savoir écrire et compter. » Évidemment, tu vois, mais tu peux savoir compter sans avoir fait 8 ans de maths à l’école. Et tu peux savoir lire et écrire sans t’être tapé la Pléiade et tous les livres des Lumières. Donc, se concentrer sur ce qui nous plaît pour être le meilleur dans un domaine.

Je pense honnêtement qu’aujourd’hui, si tu n’es pas très bon quelque part, ça va être très dur de t’en sortir parce qu’il y a des experts sur tous les sujets. Et aujourd’hui, tu vois la granularité rien que dans le online, c’est les métiers un peu modernes. À l’époque, tu disais « je suis dans le online », ça suffisait, tu étais un expert du online. Aujourd’hui, le online, tu as 50 strates. Tu as les réseaux sociaux, tu as l’acquisition. Mais dans l’acquisition, tu as le SEA et l’acquisition Facebook qui est différente de ce que tu vas faire quand tu es Content Manager où tu vas vraiment devoir créer du content et l’adapter pour les différents réseaux. Gérer une communauté, c’est un autre sujet…

Enfin, tu as l’affiliation, le CRM. C’est devenu dans une granularité qui est tellement extrême que si tu n’es pas très bon dans ton domaine, tu seras explosé par les gens autour de toi. Donc plutôt que d’être moyen, et c’est ce qu’on t’apprend à l’école, il faut avoir 10 partout.

Donc, le brevet des collèges, c’est intéressant parce que moi, je l’avais déjà avant de passer l’examen. Tu as 16 matières, il faut avoir 10 de moyenne pour avoir 160 points, 16 fois 10. Il se trouve que j’avais déjà le brevet avant de le passer. Et on t’apprend à être dans la moyenne justement. On t’apprend à être lambda, alors que je trouverais ça beaucoup plus passionnant de te forcer à être passionné, à savoir ce que tu veux faire. Et ça, c’est un taf que devraient faire les profs.

Et juste pour terminer sur ce sujet, un autre truc qui me choque vraiment profondément, c’est ce qu’on a tous connu : le moment où tu passes chez le conseiller d’orientation surtout quand tu n’es pas très bon. On va te pousser vers des voies. Tu ne sais pas trop ce que cela veut dire Bac STT, STG, STME. Je ne sais pas quoi, des noms absurdes. Et ces études-là vont définir ce que tu vas faire les 40 prochaines années de ta vie. Parce qu’en toute logique, si tu fais un Bac STT, je ne sais même pas ce que c’est, mais je crois que c’est un truc de commerce, tu vas devenir un représentant de commerce. Si tu fais STT, tu ne vas pas être ingénieur ou tu ne vas pas être pilote de chasse ou tu ne vas pas être, je ne sais pas, peu importe.

Et en fait, ce qui est fou, c’est que les 40 prochaines années de ta vie reposent sur les épaules de quelqu’un qui ne te connaît pas, avec qui tu as passé dix minutes et qui, en fonction des notes que tu as, va dire « va faire ce Bac STT ». Donc, tu imagines…

Olivier Roland : Et qui ne mesure en rien en quoi ses conseils sont en adéquation avec la réalité parce qu’il n’a pas de feedback, en fait. C’est marrant que tu dises ça parce que c’est exactement ce qui s’est passé quand j’étais en troisième. En troisième, j’avais des notes déjà moyennes parce que je commençais à être complètement démotivé par le système scolaire, et quelqu’un m’a dit exactement ça. Le conseiller d’orientation m’a dit « tu devrais faire un truc technique et tout ». Je l’ai envoyé bouler. Mais voilà, on est d’accord.

Alors, juste pour élargir un peu, il y a quand même de plus en plus de gens qui font un métier ou quelque chose qui n’a rien à voir avec leurs études. Et notamment l’entrepreneuriat, c’est ce que je dis aussi, c’est une excellente manière de court-circuiter le système.

Tu vois, moi, ma première boîte, c’était une boîte de services informatiques et on s’est retrouvé à gérer le parc de concession commerciale Peugeot avec des dizaines et des dizaines de postes. Et jamais à aucun moment, les gars, quand ils m’ont sélectionné moi, ma boîte, plutôt que la boîte du concurrent, ils m’ont demandé quel était mon diplôme. Alors que s’il m’avait pris pour le même job mais en tant qu’employé, c’est la première question qu’ils m’auraient posée.

Donc, l’entrepreneuriat, c’est une manière de court-circuiter tout ce truc. Et je suis assez d’accord avec ce tu dis finalement sur les inadéquations du système scolaire et le fait que c’est un peu trop généraliste. Mais justement, tu ne trouves pas qu’en tant qu’entrepreneur, c’est aussi une compétence d’avoir une certaine généralité dans tes compétences, d’être un peu transversal pour pouvoir justement être capable d’être le chef d’orchestre, et de faire en sorte que tout le monde joue harmonieusement. Donc, ce serait une sorte de contre-exemple à ça. Tu es d’accord avec ça ?

Anthony Bourbon : Intéressant ce que tu dis. Il y a plusieurs points pour commencer par l’entrepreneuriat effectivement. Il y a beaucoup d’entrepreneurs qui disent n’avoir aucun talent et c’est ce qui les rend talentueux dans tout. Parce qu’au final, tu es obligé d’être capable de tout comprendre pour pouvoir donner des ordres et c’est pour ça qu’il faut absolument être passé par les différents échelons de ta société pour être un bon manager. Parce que si tu manages, je dis n’importe quoi, quelqu’un qui fait ses négociations avec Franprix, mais toi, tu n’as jamais négocié avec Franprix, tu ne peux pas savoir combien de temps ça lui prend, tu ne peux pas savoir comment commencer les négociations…

Donc, c’est clé que les entrepreneurs ne recrutent pas trop vite, mais mettent les mains dans le cambouis quand ils commencent leur boîte. Ça, c’est le premier point. Tu as raison, il faut être capable de tout faire.

Pour autant, même si on est aligné sur le fait qu’au début, tu vas tout faire, au moins comme ça, tu es tranquille. Tu vas faire la finance, les sales, le marketing, le service après-vente. Moi, je passais des heures le soir quand je rentrais chez moi à répondre sur les forums, à répondre aux réseaux sociaux parce que la journée, je n’avais pas le temps. Et donc, t’es vraiment de A à Z, comme Amazon.

Olivier Roland : Tu es l’homme orchestre plutôt que d’être le chef d’orchestre.

Anthony Bourbon : L’homme orchestre.

Pour autant, si tu veux faire quelque chose de grand, je pense que tu dois avoir ce qu’on appelle le Unfair Advantage. Donc, c’est vraiment ce petit plus qui fait que c’est injuste pour tes concurrents parce qu’ils ne vont pas pouvoir lutter. Et quand j’investis dans des boîtes, j’ai la chance aujourd’hui d’avoir investi dans une quarantaine de boîtes, des startups… ce que je vois, c’est que des startups qui cartonnent, il y a toujours cet Unfair Advantage.

Il y en a, ça va être parce qu’ils ont une grosse communauté. Je pense à Justine Hutteau de Respire. Quand j’ai investi dedans, j’ai tout de suite vu sa communauté ultra engagée. Elle avait déjà, je ne sais plus, 30 000 – 40 000 personnes, 1 000 000 de vues sur LinkedIn. Je savais qu’avec ça, ça lui donnait une visibilité qu’il aurait fallu deux ans à accumuler si c’était une nobody. D’autres, ça va être un charisme à toute épreuve. Ils vont dégager un truc de ouf. D’autres, ça va être des acharnés du travail. Et tu sais qu’ils ont une telle capacité de résilience et d’encaissement que ça va dépoter.

Donc, il faut être capable de toucher à tout, tout en étant conscient qu’il va falloir être très bon quelque part quand même, à un moment, et que ça doit être ton levier central. Il y en a qui vont très bien écrire, quand d’autres vont être très à l’aise à l’oral. Déjà, ça t’oriente vers quels réseaux sociaux tu vas choisir. Il y en a où tu vas faire beaucoup de YouTube, d’Insta Live, des trucs comme ça, quand de l’autre côté, tu vas faire beaucoup de LinkedIn. Si tu aimes bien écrire, tu vas plutôt tenter LinkedIn, tu vas te faire des blogs, des trucs comme ça.

Donc, être conscient de ses forces et de ses faiblesses, je pense vraiment que c’est la priorité quand tu commences une boîte, de poser et d’avoir l’honnêteté de te dire « quels sont mes forces, mes faiblesses ? Quel est mon but ultime dans la vie ? » Parce que je suis persuadé que si toi, aujourd’hui, tu fais ce métier de renvoyer l’ascenseur, de partager tes connaissances, c’est sûrement lié à ton histoire, parce que peut-être que tu aurais aimé qu’on te le fasse quand tu étais jeune, qu’on te tende la main, que toi, tu as envie de vivre par procuration toutes les personnes que tu vas extraire parce que ça te rappelle ton passé.

Bref, il y a plein de possibilités, mais souvent les aventures que tu vas lancer sont ancrées dans ton histoire et tu ne t’en rends même pas compte. Et quelque part, quand j’ai creusé ces sujets, je me suis rendu compte que Feed, c’était la poursuite assez logique de ce que j’étais. Quand j’étais jeune, je faisais beaucoup de sports et je pesais les ingrédients que je mangeais quand je faisais les compétitions. J’ai été confronté à la faim quand j’étais dans la rue et donc, quelque part, ça s’est ancré dans mes gènes. Ensuite, quand j’ai créé Feed à 25 – 26 ans, c’était pareil. Je voyageais beaucoup parce que j’avais lancé plein de business entre temps et je sautais les repas. Donc, j’étais confronté à la faim de nouveau, mais plus pour l’argent, par manque de temps. Et tout ça fait que Feed est arrivé parce que je lutte contre la malnutrition qu’auraient pu vivre plein de jeunes, que moi j’ai vécu.

Quand tu es au Crous, dans les logements sociaux horribles de Fac universitaire ou de trucs comme ça, tu sais que tu manges mal, tu sais que tu dois faire la queue, tu paies cinq balles à la cantine du Crous, mais que c’est atroce. Là, pour 2,50 €, avec Feed, tu peux manger. Tu vois, ça répond toujours à quelque chose. Donc, posez-vous sur une bonne plateforme et c’est comme ça que vous pourrez réussir à avoir un projet qui vous dépasse.

Olivier Roland : Donc, c’est quoi ton Unfair Advantage à toi ?

Anthony Bourbon : C’est dur de dire ça parce que franchement, cela fait un peu prétentieux, mais je dirais que je suis capable de transmettre de l’émotion. C’est-à-dire que j’ai cette chance, quand je fais un rendez-vous, de pouvoir embarquer des gens avec moi.

Et il y a beaucoup de personnes dans l’équipe de Feed qui te diront, ce n’est pas à moi de le dire à leur place, mais ils sont venus non pas pour le salaire, non pas pour le confort parce qu’ils auraient pu avoir mieux dans une autre boîte ou une grosse boîte, mais ils sont venus pour l’aventure et pour me soutenir dans mon parcours. Parce qu’il y a une envie de revanche, de vengeance qui est assez forte. Et je pense que ça se sent quand on regarde les différentes interviews, quand on lit des différents articles ou quand on regarde nos réseaux sociaux. J’ai envie de bousculer le système.

Donc, cette envie de tout chambouler, de tout faire exploser, de remettre la méritocratie au cœur de la société, je le fais par altruisme plus que par égoïsme. Parce qu’en fait, aujourd’hui, j’ai de l’argent, j’ai la chance de pouvoir vivre sans travailler à partir d’aujourd’hui si je le souhaite. Pourquoi je me mettrais autant dans des embrouilles ? Même mes potes qui ont l’argent disent « Mais pourquoi tu ne fais que nous taper dessus sur une interview ? Ce n’est pas sympa. » Ça me cause plus de problèmes qu’autre chose, mais je le fais parce que je veux venger tous ceux qui ont été dans ma situation et qui n’ont pas pu malheureusement réussir comme je l’ai fait, ou avoir la chance de réussir, même si je ne crois pas trop dans la chance. Mais c’est une vengeance générationnelle que je veux faire.

Cette révolution, cette guerre, cette armée qu’on est en train de lever, c’est quelque chose qui me dépasse et les gens s’y retrouvent. Donc, je pense que la véritable force de Feed, au-delà de moi, c’est cette envie de révolution générationnelle.

Olivier Roland : Donc, tu dirais, c’est ta capacité à mettre de l’émotion, mais aussi finalement ton engagement, ton énergie.

Quand je regardais les interviews pour préparer celle-ci, j’étais vraiment frappé par ton vocabulaire guerrier qu’on ne voit jamais chez les entrepreneurs. Même les Américains, ils sont plus arrondis. Tu vois ce que je veux dire. Là, tu es en mode « Moi, les concurrents, je veux les détruire. Je ne veux même pas gagner. Je veux qu’eux arrêtent d’exister ». Tu es vraiment comme Napoléon. Tu es en mode  » il n’y a pas de quartier ».

Et on te sent porté par cette mission-là. C’est cette émotion, mais elle vient finalement de… comme tu dis, c’est cette envie de revanche, mais pas destructrice, pas méchante, même si on pourrait dire « détruire ses concurrents… ». Mais tu veux montrer l’exemple, tu veux encourager les autres à trouver des forces dans des choses qui pourraient être vues comme des inconvénients, des problèmes de vie… Et tu es vraiment porté par ça. J’ai l’impression que ton Unfair Advantage c’est un peu ça, tu vois.

Puis tu es aussi, je pense, pas vraiment politiquement correct. Même pas du tout. À une époque où ça devient, je trouve, de pire en pire, en particulier aux États-Unis. En francophonie, ça va encore, mais quand même on sent une certaine tendance. Ton impolitiquement correct, tu penses qu’il vient de cette expérience de la rue ?

Anthony Bourbon : Oui, clairement. Et encore une fois, si cette émotion, elle passe, c’est parce qu’elle est authentique. Donc, n’essayez pas de faire comme moi je le fais. Si vous êtes quelqu’un de foncièrement ou fondamentalement gentil, soyez gentil. Si vous êtes quelqu’un de drôle, soyez drôle. Si vous êtes quelqu’un de déterminé, soyez déterminé. Et au final, les boîtes qui fonctionnent et qui sont inspirationnelles ou qui sont incarnées par leurs fondateurs, elles fonctionnent quand c’est vrai, quand c’est juste.

Et aujourd’hui, grâce aux politiciens qui sont complètement faux, les grands publics arrivent à sentir les choses.

Et ça me fait toujours marrer là. Tu vois, ce sont les périodes électorales. Tu as toutes les fins de race où ça fait 10 élections qu’ils essaient de venir. Ça fait 10 fois qu’ils se font bâcher, mais ils sont encore persuadés qu’ils peuvent gagner. Je suis toujours interpellé par ça. Tu vois des noms qui reviennent tous les quatre ans et tu leur dis « Mais gars, je ne sais pas, respecte-toi, abandonne », tu vois, genre « va faire autre chose ». Arrête d’essayer si tu as 1% des voix à chaque fois. Mais tu vois, ils ont cette incapacité à juger. Mais pour autant, le grand public, lui, sait sentir les choses.

Et Justine Hutteau, on en parlait tout à l’heure, ça fonctionne parce qu’elle est vraiment gentille. Quand tu vois ses vidéos, elle est souriante, elle raconte sa vie de famille, elle va faire un marathon, elle va faire un truc. C’est sa vie. Si elle essaie de faire comme Feed en mode guerrier, elle n’est pas crédible. Barooders, une autre founder, Edwige, ça va être le sport. Elle est passionnée de sports outdoor, elle fait une market place de seconde main outdoor où tu peux vendre des skis, acheter des planches de kite parce que c’est ce qui lui plaît, ça fait 10 ans qu’elle fait du sport tous les jours.

Donc, cet esprit guerrier vient naturellement, et je ne le force pas. Et c’est pour ça qu’il sonne. Parce que quand je rentre sur un plateau et que j’ai envie de dire un truc, je vais le dire et personne ne va pas m’en empêcher. Et c’est ce qui va se passer avec « Qui veut être mon associé ? » là qui commence mercredi, demain et tous les mercredis pendant six semaines. Et à des moments je vais dire des trucs, la production débute, je dis « waouh ».

Olivier Roland : Je trouve ça intéressant. D’ailleurs, je suis très content que cette émission soit enfin arrivée en France parce que ça fait genre 10 ans que Shark Tank existe aux États-Unis, peut-être même plus. Et pour moi, je voyais ça comme un signe du manque d’état d’esprit entrepreneurial en France qu’il n’y ait pas ce genre d’émission. Mais bon, c’est une parenthèse, on reviendra là-dessus plus tard.

Maintenant, parlons un peu de Feed quand même. Tu as créé ça mi-2016, tu te réveilles un jour.

Anthony Bourbon : C’est la boîte, on lance. On crée la boîte en parlant, en 2016, je ne fais que du feedback pendant six mois. C’est-à-dire qu’avant de me lancer, je vais interroger des gens, je creuse pour voir si des gens seraient prêts à acheter ce genre de produit. Je fais vraiment du renseignement, un peu comme un RG, les renseignements généraux. Je vais vraiment creuser la data et, une fois que je suis sûr de moi, je lance en décembre 2016. Mais le vrai début, c’est janvier 2017.

J’imagine, ça a été très vite. Tu disais tout à l’heure, on a fait 2 millions la première année, 7 millions la deuxième, 10 millions la troisième. Après, on a arrêté de communiquer parce qu’on a un gros actionnaire qui est arrivé et qui nous a fait signer des NDA. Ce sont des documents qui disent que tu n’as pas le droit de donner des chiffres, machin. Clairement, j’avais dit 1 milliard de CA, on est un peu en retard, je dois avouer parce que le Covid a piqué. Là, cela fait 2 ans que c’est vraiment galère.

Olivier Roland : Tu veux dire au niveau du développement ?

Anthony Bourbon : Oui, au niveau du chiffre d’affaires. On a dû vraiment être capable de se réinventer, de repenser notre modèle parce que les magasins étaient fermés, donc on ne pouvait plus travailler chez Franprix, chez Monoprix, ou en tout cas, on n’était plus dans la priorité des rationnements parce qu’ils prenaient en priorité les pâtes, l’eau. Cela avait un nom, mais je l’ai oublié. Ce sont des denrées prioritaires ou un truc comme ça. Donc, très compliqué de visiter les magasins à cause du Covid, les salles de sports sont fermées, les gens ne travaillaient plus dans leurs bureaux mais chez eux, ce qui fait qu’ils n’allaient pas acheter des produits chez Franprix et Monoprix entre midi et deux. Bref, c’était galère.

Ils avaient le temps de cuisiner parce qu’ils n’avaient rien d’autre à faire. Du coup, quand tu as le temps de cuisiner, tu ne manges pas forcément du Feed… Donc un peu relou. Pendant 2 ans, franchement, on a été complètement plat, c’était galère. Très dur, époque de résilience. On a toujours l’impression que c’est facile. De l’extérieur, les gens te regardent, ils disent « tu as levé 40 millions, tu as ci, tu as là… C’est cool. Tu dois beaucoup kiffer en ce moment » ?

Pas du tout. Au contraire, les deux dernières années, c’est les pires qu’on ait vécu parce qu’imagine quand tu as une croissance monstrueuse et que d’un coup, tu prends un plafond, et que tu as beau faire tout ce que tu peux, cela ne prend pas. Donc là, il a fallu expliquer à l’équipe que c’était un moment compliqué, mais que ça allait payer. Ça te permet aussi de voir les gens fiables et pas fiables parce que tu as toujours les gens qui croient beaucoup en toi quand ça va bien, et quand tu marches sur l’eau, tout le monde t’applaudit. Sauf que dès que tu commences un peu à t’enfoncer, ils vont avoir tendance à te mettre la tête sous l’eau plus qu’à essayer de t’en sortir.

Donc, ça a permis de faire le tri dans l’équipe, garder les vrais bons profils, ceux qui sont déterminés à la fois quand ça va bien, mais aussi quand ça va mal. C’est souvent dans ces cas-là que tu vois qui t’entourent parce que plus tu gagnes d’argent, plus tu es heureux, plus tu as des belles voitures, plus tu as d’amis bizarrement. Tu reçois toujours plus de messages dans ces moments-là. Mais c’est quand tu es au fond que tu verras les gens qui sont là pour toi vraiment. Bref, tout ça pour dire qu’on a affiné l’équipe.

Olivier Roland : Vous êtes combien aujourd’hui ?

Anthony Bourbon : On était 80 à un moment et, là, on est redescendu à 35 – 40.

Olivier Roland : Ah oui, quand même.

Anthony Bourbon : Oui, c’était vraiment un moment relou ça. C’est un peu cliché de dire ça, mais quand tu fais un PSE, donc c’est un plan social, tu vires des gens pour faire simple en raison de ta situation économique, c’est sacrément relou… puisque moi, j’ai voulu le faire moi-même. La plupart des gens prennent quelqu’un pour s’occuper de ces PSE : avocats et compagnie ou DRH externalisé, pour annoncer aux gens « tu vas t’en aller ». Ou alors, il y a des vidéos qui sont assez sympas, enfin façon de parler. Il y en a une là qui est sortie il y a deux semaines, un mec qui vire 1500 personnes en visio en 30 secondes. Il convoque toute son équipe, il y a je ne sais plus 3000 personnes dans l’équipe et il dit en 30 secondes » Ah oui, by the way, je voulais vous informer que… »

Olivier Roland : Vous êtes tous virés.

Anthony Bourbon : Il y en a 1500 qui vont être virés. Si vous êtes déconnectés de la réunion, c’est que c’est terminé. Merci pour votre travail. Et là, clac !

Olivier Roland : Ah ouais, c’est terrible.

Anthony Bourbon : Mais vraiment terrible, violent. Mais donc moi, j’ai essayé de le faire en face à face pour tout le monde. Je l’ai fait en face à face. C’est vrai que n’est pas facile parce que tu vois des gens tu as recrutés, en qui tu as cru, et tu dois te séparer d’eux. Mais c’est aussi ça l’entrepreneuriat et je veux envoyer ce message de transparence, d’honnêteté parce que dans cet écosystème parisien complètement suranné et complètement fake. Tu crois trop que c’est beau, facile. Tu regardes les mecs à la télé, ils ont levé 300 millions, ils font une licorne. Sauf que ce qu’on ne dit pas, c’est que son père, il est PDG d’une grande banque et que c’est cette banque qui a mis l’argent au début, et que lui, il a mis 2 millions de love money pour le lancer, qu’il a déjà un appartement place du Trocadéro et que, tu vois, il n’a pas de problème d’argent et ça fait 3 ans qu’il prépare son projet. Toi, tu as l’impression que tu peux y arriver et que ça va être facile, sauf que quand tu mets le nez dans la merde, j’ai envie de dire, tu vas réaliser que ça sent mauvais.

Donc, il faut envoyer un vrai message et expliquer aux jeunes que c’est possible. Mais attention, il va y avoir des compromis. Et ça, ça leur permet de se préparer et d’éviter une douche qui peut être sévèrement froide.

Olivier Roland : Et donc, pour revenir à l’origine de Feed, tu connais Soylent ?

Anthony Bourbon : Oui.

Olivier Roland : Parce que c’est une boîte finalement qui a un concept similaire américain. Est-ce que tu as été inspiré par eux ?

Anthony Bourbon : Oui, grave. Je reconnais. C’est la première marque de ce qu’on appelait à l’époque les meal replacements, donc vraiment du remplacement, substitut de repas pur et dur. C’est une marque qui a été créée en 2012 par un Américain. Soylent, ça fait référence à Soleil Vert qui est un film de science-fiction où tu apprends à la fin du film que les humains se mangent eux-mêmes parce qu’ils mangent une sorte de petit pavé comme ça, de liquide un peu dégueulasse, et en fait, ce sont des humains qui sont recyclés.

Donc, eux, on a compris très vite, ils avaient cette vision très transhumanisme. L’humain n’a pas besoin d’avoir accès au monde extérieur pour survivre. Et ils ont créé un produit qui n’est quasiment que de l’OGM, que des organismes modifiés génétiquement…

Olivier Roland : Mais ce qui n’est pas du tout ton approche.

Anthony Bourbon : Pas du tout mon approche, même si on veut faire aussi pratique dans des formats de barres, de boissons, mais avec des ingrédients qu’on a l’habitude de consommer depuis des centaines d’années, voire des milliers d’années. Donc nous, c’est assez classique. C’est des graines de sarrasin, farine de lin, flocons d’avoine, de l’huile d’olive, etc., des fruits, des légumes. Tu vois, des trucs standards, et on va juste rajouter en faisant un équilibre évidemment parfait des minéraux, des vitamines, de manière à complémenter. Et c’est ce qu’on appelle un peu les « alicaments, » c’est-à-dire qu’en même temps que tu manges, tu prends des sortes de médicaments parce que ça te fait du bien pour ta santé. C’est comme si tu prenais des cures, de compléments. Et aujourd’hui, on a réalisé de plus en plus et ça continue d’augmenter chaque jour un peu plus, que ton alimentation a un rôle clé à tous les niveaux de ta réussite. C’est-à-dire que si tu veux bosser…

Olivier Roland : C’est évident.

Anthony Bourbon : Je vais être en forme, si tu ne manges pas bien, que tu ne dors pas bien, que tu ne te fais pas un peu de sports, tu ne peux pas y arriver parce que tout est lié en fait. Donc, celui qui mange des fast-foods ou des pizzas tous les jours ne peut pas réussir sa boîte. Ou alors au détriment de sa santé, et il va devenir obèse ou il va avoir les artères bouchées à 40 ans. Mais si tu veux tenir dans le temps et faire quelque chose de grand, tu es obligé d’avoir ce rythme de vie. Et l’alimentation, c’est un des leviers principaux.

Et c’est pour ça que Feed s’est imposé assez naturellement à moi parce que ça vient d’une expérience personnelle. Je voyageais beaucoup quand j’avais 25 – 26 ans, je faisais plein de business. Je sautais des repas, je mangeais des pizzas. Moi, je déteste cuisiner. Je ne dis pas du tout qu’il ne faut pas cuisiner, c’est toujours les Français qui disent ça.

Olivier Roland : On est pareil.

Anthony Bourbon : Voilà. Je n’aime pas cuisiner. Je trouve que le ratio temps passé vs plaisir n’est pas bon. C’est-à-dire qu’il faut que j’aille faire mes courses, cela me prend une heure. Je fais la queue, ça me rend ouf. Bref, désagréable. Je dois porter mes courses jusqu’à chez moi, c’est chiant. Mais il y en a qui va me dire « oui, mais tu as des livreurs ». Oui, mais l’impact, tu vois. Je me dis « un livreur, il va m’emmener mon paquet de courses. L’impact CO2, l’impact humain, le coût de tout, ce n’est pas possible ». Donc au final, après, il faut que je le cuisine. Ça va me prendre encore une demi-heure horrible.

Une fois sur deux, je vais louper la cuisson. Après, il faut que je lave la vaisselle, il faut que je sorte les poubelles. En fait, ce n’est pas intéressant. Soit je vais au resto et je sais que je vais bien manger, soit je mange une barre de Feed ou je commande des plats qui sont tout faits, Journey par exemple. Je mange un truc qui s’appelle Journey, « ey » à la fin comme « voyage ». Je me fais livrer une fois par semaine tous mes plats. J’en ai entre 10 et 15, ils sont cuits sous vide, je n’ai plus qu’à les réchauffer deux minutes aux micro-ondes et ils sortent comme si ça sortait d’un grand resto gastro parce que c’est cuit sous vide, tu les découpes.

Et il faut savoir, je ne le savais pas avant que même dans les grands restos, on peut réchauffer au bain-marie quand c’est le coup de feu. Et du coup, tu as la qualité des plats du resto et ça change toutes les semaines les cartes. En fait, c’est comme si j’étais au resto. Tu imagines le temps passé, le kif que c’est.

manger comme au restaurant, rapide et livré chez soi

Olivier Roland : Absolument.

Anthony Bourbon : J’ai 15 plats et je mange des trucs que je n’aurais jamais mangés, des brocolis, des patates douces, des trucs hyper équilibrés. C’est mon plaisir. Et je pense, même si on divague un peu mais c’est intéressant, je pense qu’il n’y aura plus de cuisine dans les appartements d’ici 10 ans maximum.

Olivier Roland : Intéressant.

Anthony Bourbon : Cela coûte trop cher. L’immobilier coûte beaucoup trop cher. Tu regardes à Paris, c’est entre 10 et 15 000 le mètre carré. Je ne te parle même pas des endroits parce qu’il y en a 20 à 25 000 €, mais ceux qui peuvent mettre 25 000 € auront les moyens d’avoir une cuisine et un cuisinier. Mais pour les gens normaux, mettre 20 mètres carrés dans une cuisine, ça ne fait plus de sens. Alors qu’aujourd’hui, tu as 10 000 solutions pour manger rapidement, que ce soit avec la Smart Food comme Feed, ou les livraisons de plats comme Journey, ou je crois beaucoup aussi à la robotique. Il y a de plus en plus au Japon notamment de robots, de bar à salade ou de trucs comme ça qui se sont mis dans les cuisines. Tu n’as plus besoin d’avoir autant de place.

Bref, tout ça pour dire que, et le Covid l’a accéléré, les manières, les usages et nos habitudes alimentaires sont en train de changer comme plein d’habitudes différentes. Et c’est cool de ne pas avoir peur de l’avenir, mais de s’y intéresser, de se projeter plutôt que d’être le passéiste de service. Tu sais, tu as toujours les gens qui diraient « c’était mieux avant. Moi, de mon temps, on allait chercher les patates dans le jardin ». Mec, c’est cool, va chercher tes patates mais nous prends pas le chou, on a des trucs à faire, nous.

Donc, n’ayez pas peur de ce qu’on vous dit, faites votre vie et passez du temps sur ce qui vous intéresse. Et n’ayez pas honte, comme moi, je n’ai pas honte de dire « moi, je n’aime pas cuisiner, je m’en fous », tu vois. Pourtant, je suis le royaume de la gastronomie, la France, machin, truc. D’ailleurs, soit dit en passant, il y a un Français sur cinq qui est obèse, un Français sur deux qui est en surpoids, un Français sur trois qui est en carence et un Français sur deux qui ne fait pas assez de sport. Donc, si tu veux, les Français qui viennent te donner des conseils…

Olivier Roland : En général, oui.

Anthony Bourbon : Voilà. Donc, concentre-toi sur ce qui te fait kiffer et c’est comme ça que tu réussiras.

Olivier Roland : C’est intéressant parce que moi aussi, j’ai décidé de déléguer à l’univers ma bouffe puisque je mange au resto tout le temps ou alors je me fais livrer des trucs. Et pareil, moi, je suis d’accord avec toi. Ça permet de manger sainement, diversifier, sans se prendre la tête et tu peux te focaliser sur le plus important. Et puis, ça permet de manger tellement mieux que si tu faisais toi-même la bouffe, c’est clair.

Et tu vois, ma copine me disait en rigolant « Mais ta cuisine, elle sert juste à mettre ta machine à café ». Oui. Et c’est vrai que c’est intéressant. Je n’avais pas pensé à ça, mais oui, ça peut devenir une salle optionnelle effectivement, c’est intéressant.

Anthony Bourbon : Au Japon, tu n’as plus de cuisine parce que c’est trop cher le mètre carré. Vu que les apparts sont plus petits. Toi, tu vois tu aurais pu, je dis n’importe quoi, faire un bureau ou faire une mini salle de sport ou faire, je n’en sais rien, un dressing. Bref, il faut repenser ces trucs-là. Et c’est intéressant de faire des paris comme ça sur l’avenir.

Olivier Roland : C’est intéressant. Après, là, on est vraiment dans une parenthèse, mais il y a quand même une tendance démographique qui est à la baisse dans la plupart des pays développés, le Japon en particulier, donc ce n’est pas sûr que l’immobilier va continuer à rester aussi cher, on verra. Quand il y a moins de gens, ouais… Bon, bref.

Anthony Bourbon : On se refait un podcast dans 10 ans et on regarde.

Olivier Roland : Et on en reparle. Puis, il y a quand même beaucoup de gens qui aiment faire la bouffe, donc voilà. C’est intéressant. Je trouve ça intéressant, challengeant intellectuellement.

Parlons un peu de l’émission « Qui veut être mon associé ? ». Comme je te dis, moi, je trouvais ça, c’est tellement un excellent signe que les temps changent. Je ne sais pas si tu es d’accord avec moi. Moi, je te dis, je trouvais ça vraiment… l’absence de cette émission qui est, à la base, canadienne, qui ensuite a été américaine, extrêmement connue aux États-Unis et qui s’est répandue dans à peu près tous les pays du monde, je veux dire, c’est assez impressionnant. Le fait que ça ne soit pas en France, moi, je trouvais ça vraiment aberrant. Mais en même temps, je me suis dit « c’est logique, ça montre bien qu’il y a un problème de culture entrepreneuriale en France ». Est-ce que tu es d’accord avec ça ? Est-ce que tu faisais le même constat que moi ?

Anthony Bourbon : Oui, je regardais Shark Tank, j’étais un grand fan de Shark Tank où ça dépotait. Et je pense qu’on est encore un peu en retard. Et c’est aussi ce que j’ai expliqué au producteur quand j’ai rejoint l’aventure. Moi, je veux envoyer du bois. C’est-à-dire que si je viens pour faire figuration en étant gentil, ça ne m’intéresse pas. La saison 1, je la trouvais beaucoup trop douce, trop fausse. C’est-à-dire que tout le monde était gentil, tout le monde se souriait, na, na, na, na, c’est bisounours. Là, la saison 2, tu vas voir, on envoie du bois.

Olivier Roland : Oui, il faut un Kevin O’Leary dans l’émission, sinon ce n’est pas marrant. Donc, c’est toi, ça va être toi le bad boy qui engueule les gars et tout.

Anthony Bourbon : J’essaie d’être juste. C’est-à-dire qu’il y a des moments où je vais être sympa parce qu’ils les méritent, et puis des moments où je vais être dur quand il faut être dur. Et c’est ça l’entrepreneuriat, ça ne sert à rien de cajoler les entrepreneurs en disant « vous êtes beaux, vous êtes gentils. » Il y en a un autre là qui débarque en disant « oui, mais moi, j’étais malade, ma vie n’est pas facile ». Oui, mais bon, ce n’est pas le propos, on fait du business ici. Si tu veux venir dans le monde des requins, il faut assumer. Ce n’est pas parce que tu as une maladie qu’on va investir chez toi.

Donc, cela manquait d’énergie. Maintenant, je pense que c’est un vrai step qui a été passé avec cette saison 2. Et s’il y a une saison 3, ça ira encore plus loin. Il faut souligner quand même que M6 a fait ce pari et c’est tout à leur honneur, parce que tu as raison, il y avait zéro émission de business sur le PAF en France, c’est quand même dramatique.

Olivier Roland : Alors qu’au Québec, ça fait longtemps que ça existe.

Anthony Bourbon : Ouais. Au Québec et même au Japon. Aux États-Unis, tu as 10 émissions de business par semaine. Là, il n’y en avait pas une seule. La saison 1 n’a pas cartonné non plus. Ça faisait 1 million, 1 million et demi, je crois, de personnes, ce qui est beaucoup, mais pas assez pour une case de ce programme. Et le boss de M6, Nicolas de Tavernost a dit qu’il voulait refaire la saison 2, et de ce que j’ai compris, qu’il voulait faire une saison 3 si cela fonctionnait.

Donc, il y a une impulsion, et il faut le reconnaître parce que la télé est complètement abandonnée par les jeunes qui sont sur Netflix, Amazon et compagnie. Et cette émission « Qui veut être mon associé ? » attire le public jeune. Et c’est marrant, c’est la première fois qu’en prime time, j’entends une chaîne dire « Nous, on veut se concentrer sur les jeunes ». Et c’est ce qu’a dit Nicolas de Tavernost encore la semaine dernière dans un article. Il disait « Nous, notre priorité, c’est les jeunes parce qu’ils ne viennent tellement jamais regarder la télé, que pour une fois qu’ils le font, il faut qu’on se concentre sur eux. »

émission business, qui veut être mon associé Anthony bourbon

Tu vois, ce qui me fait kiffer, c’est que la ménagère de 50 ans à qui on essaye de fourguer des plats en inox là sur tous les autres programmes, cela ne va pas être notre priorité. On va essayer d’aller chercher des jeunes, de les inspirer, de les motiver. Et ça, c’est quand même courageux. Donc, espérons que cela va inspirer d’autres chaînes, d’autres programmes, et qu’on va mettre l’entrepreneuriat au cœur de la société.

Parce qu’honnêtement, avec ce qui est en train de se passer, l’évolution du télétravail, les gens qui fuient les grandes villes pour aller vers la province… à mon avis, les créations d’entreprises sont en train d’exploser, idem pour les levées de fonds. C’est le moment ou jamais de se lancer. Et c’est en donnant l’exemple, moi, je crois beaucoup aux preuves par l’exemple et c’est pour cela que c’est important aussi qu’il y ait des jurys dans cette émission qui soient plus jeunes parce que je crois que la moyenne d’âge est de 60 ans ou un truc comme ça, il faut aussi que les jeunes puissent se reconnaître.

Si tu ne vois que des personnes de 60 ans, tu te dis « j’ai du chemin à faire », alors qu’en réalité quand tu vois quelqu’un de 30 ans, tu te dis « si lui, il l’a fait à cet âge-là, je peux le faire aussi ». Et les gens ont besoin de s’identifier, et c’est aussi ce qui manque en politique, à des parcours qui leur ressemblent, c’est-à-dire que pas forcément des gens qui ont fait des grandes écoles, ou pas forcément la personne qui était mariée avec le bon mari ou la fille du bon père. Il faut des gens qui viennent d’en bas, qui viennent de tous les milieux et qui peuvent faire miroir avec les existences des personnes qui regardent le programme.

Olivier Roland : Et donc, tu penses que c’est un signe des temps qui changent, d’un changement de culture ?

Anthony Bourbon : Oui.

Olivier Roland : J’ai quand même vu que l’Humanité a dit lorsque la saison 1 est sortie que c’était une sorte de – qu’est-ce qu’ils ont dit ? – une propagande du patronat, un truc comme ça, ce qui montre bien à quel point ils sont complètement à la ramasse, et tant mieux. De toute façon, aujourd’hui, ils sont en soins palliatifs, n’est-ce pas ? Mais voilà. En tout cas, ça me fait marrer. Mais je pense qu’il n’y a pas si longtemps, ça aurait été vraiment, si tu veux, il y a 10 ou 20 ans beaucoup plus répandu ce genre de pensée.

Anthony Bourbon : Et c’est terrible. Les gens sont dans un schéma, et là, tu parles de la presse qui est catastrophique à mon sens, mais c’est pareil pour la politique. C’est-à-dire que les gens sont dans des carcans. Tu as la presse de gauche, la presse de droite. La presse de droite va taper sur l’immigration, la presse de gauche va taper sur les patrons. En fait, ce sont des clichés et en politique, c’est pareil, il n’y a plus de bon sens.

Et tu vois, aujourd’hui, c’est pour cela que je vote blanc et que je ne vote pour aucun parti parce que tout est tellement cliché maintenant que j’ai la chance de voir des politiques pendant des dîners, des trucs comme ça. Tu vois à quel point l’image qu’ils ont, l’image publique qu’ils ont et qu’ils se sont créée, n’a rien à voir avec l’image qu’ils ont en perso. Il y en a qui sont ultra sympas en perso, qui vont te faire des blagues alors qu’ils ont une image très froide à la télé, ou d’autres qui sont très à gauche mais qui ne te parlent que de montres, de voitures, qui voyagent en business class, machin, quand tu es en dîner avec eux dans des 3 étoiles à 500 balles par tête le menu. Et tu vois que tout est faux.

Et je pense qu’il faut aller vers une société qui est moins « judgy », qui va moins critiquer l’autre, regarder, envier, mais plutôt se concentrer sur elle-même. Et je trouve que ce genre d’émission, c’est au contraire une quête vers la liberté des personnes qui viennent d’en bas et qui veulent s’extraire de leur condition parce que si tu n’as pas fait les grandes écoles et que tu n’as pas d’argent, tu ne pourras pas changer ta classe sociale.

Parce que tu le disais très bien tout à l’heure, personne ne va te recruter à un super poste si tu n’as pas fait d’études. Et il va te falloir 20 ans pour gagner deux ou trois positions. Donc, ta seule manière de t’extraire, c’est l’entrepreneuriat. Et l’entrepreneuriat, cela va être dur, compliqué. Tu vas te mettre en danger, mais c’est la course vers la liberté. Donc au contraire, les gens de gauche devraient louer l’entrepreneuriat et le pousser pour que, un peu comme dans 1989 de George Orwell.

Olivier Roland : 84.

Anthony Bourbon : 84, pardon, les prolétaires puissent monter et aller chercher de la classe des élites pour pouvoir faire mentir leur destin.

Olivier Roland : C’est intéressant parce que tu as vraiment ce côté un peu révolutionnaire, mais révolutionnaire capitaliste, entrepreneur. Et cela me fait penser que Xavier Niel a écrit une préface pour mon bouquin « Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études », où il disait en gros comme toi que l’ascenseur social d’après lui en France était mort ou en tout cas vraiment rouillé et que l’entrepreneuriat, c’était la voie royale pour exploser ça, et puis aussi l’auto éducation et ce genre de choses. Encore une fois, des grands esprits qui se rejoignent, n’est-ce pas ?

Comment tu as été approché par M6 ? Pourquoi, toi, je veux dire ? Tu connais les critères ?

Anthony Bourbon : Je pense qu’ils cherchaient un discours un peu franc, quelqu’un qui dise les choses. Ils voulaient aussi mettre de la jeunesse parce que très clairement, ce sont les jeunes de 25 – 35 qui regardent l’émission, donc cela paraît quand même logique de leur mettre au moins une personne qui ait leur âge pour qu’ils puissent s’identifier. Et après, le parcours qui est différent, qui résonne aujourd’hui avec tout ce qui se passe, il y a quand même beaucoup d’instabilité en France. Avec les gilets jaunes, on a vu quand même plusieurs mouvements. Moi, je suis ni pour ni contre. Je pense que la vision n’était pas la bonne et que cela ne sert évidemment à rien de casser des voitures, des vitrines, mais que cette énergie qui a été distribuée pendant des semaines et des mois, je pense, est révélatrice d’un mal-être assez profond, que moi, j’ai senti depuis 20 ans.

C’est-à-dire que comme moi, je viens de tout en bas, j’ai vécu dans les banlieues. Ça montait déjà à l’époque la haine, les injustices, cette incapacité de nous écouter, les élites. Les élites ne savent même pas qu’on existe. Elles ne savent même pas que le peuple existe. Et à un moment, le peuple va s’exprimer d’une manière ou d’une autre. Et à mon avis, les gilets jaunes, c’était les prémices. C’était un début parce que c’était mal organisé. Les pseudos leaders n’avaient pas de vision. C’était nul. Mais le jour où quelqu’un va arriver avec un but, une vision, un état d’esprit, il va vraiment créer une armée et va monter quelque chose de puissant, je pense que ça va faire très mal. Et je pense honnêtement que de notre vivant, on va le voir.

Olivier Roland : Tu parles de quoi ? De vraiment une révolution en France ?

Anthony Bourbon : Je pense qu’il va y avoir une révolution méritocratique et que le peuple ne va plus se satisfaire des bouchées de pain qu’on lui jette quand on en a envie. C’est vraiment important de comprendre que personne ne peut se satisfaire d’aussi peu. Et pour avoir vécu à la fois la vie de pauvre, mais aussi la vie de riche, c’est absolument atroce les différences qu’il y a. Et l’un comme l’autre ne savent pas que le monde à l’opposé existe. C’est-à-dire que les pauvres n’imaginent même pas qu’il y a des gens qui prennent un jet privé pour faire un aller-retour dans le week-end pour ne pas laisser leur copine seule qui pète une crise de jalousie ; comme les riches n’imaginent pas qu’il y en a qui se rationnent la nourriture pour pouvoir finir les fins de mois. Parce qu’ils ne comprennent pas quand je leur en parle, ils disent « Tu abuses. Attends, tout le monde a bien 100 balles pour acheter à manger ».

Et quand ces deux mondes vont collapses, vont se rentrer dedans, il va y avoir des choix à faire. Mon but, ce n’est vraiment pas de stigmatiser, d’ostraciser et d’opposer, plutôt de réussir à réunir. Mais la seule manière de réunir ces deux mondes, cela passera par la méritocratie, c’est-à-dire que tout le monde doit pouvoir changer de milieu.

C’est-à-dire que tu ne peux pas te sentir à l’aise ou dans le confort parce que tu es riche en te disant « Mon argent a tellement été bien placé que je n’ai plus besoin de travailler », et j’ai plein de gens comme ça autour de moi. « Mes parents ont bien réussi ». Eux n’en foutent pas une parce qu’ils savent que rien qu’avec l’argent qui a été placé, le patrimoine immobilier apportera du dividende. Ça, ce n’est pas normal. Il faut être beaucoup plus imposé quand tu ne crées pas de valeur. À l’inverse, quelqu’un qui crée de la valeur parce qu’il entreprend et qu’il recrute des gens, il ne faut pas l’imposer du tout.

Et je ne dis pas parce que c’est moi, puisque je m’en fous de payer mes impôts, mais je prends 34% sur tout ce que je gagne. Puisque je ne me verse quasiment pas de salaire, je ne fais que du cash out, des trucs comme ça. Donc, à chaque fois que je gagne de l’argent, c’est 34 points.

Ce sont 34 points que je n’investis pas dans d’autres startups parce que je n’investis que dans des startups. Tout l’argent que j’ai, je l’investis, c’est-à-dire que je n’ai pas de cash tellement je fais qu’investir. J’exagère. Soit j’ai un matelas, mais ce n’est rien par rapport à ce que j’investis.

Ne pas prendre d’impôt sur les gens qui créent, mais plutôt prendre des impôts sur les gens qui n’en foutent pas une depuis X générations. Et à l’inverse, il faut que les pauvres puissent aussi devenir riches. Il faut qu’il y ait un vase communicant entre les deux strates et il n’y a que comme ça qu’on arrivera à ne pas opposer les différents levels de la société.

Olivier Roland : Est-ce que tu penses qu’Internet, on a vu le côté disruptif énorme. En 20 ans, cela a remplacé des industries entières, en tout cas, les acteurs de l’industrie entière, ça en a créé de nouvelles. Est-ce que tu t’intéresses un peu au crypto, au web 3 qui a aussi ce potentiel aujourd’hui ?

quel avenir pour les cryptomonnaies, le web 3.0, la blockchain

Anthony Bourbon : Oui, bien sûr. Cela paraît cliché de dire « le web 3, la blockchain, on y croit beaucoup », mais c’est le cas. Et j’adore cette décentralisation et c’est exactement ce qui va arriver en politique, c’est-à-dire qu’il n’y a plus un chef de village, pour imager pour ceux qui ne connaîtraient pas la blockchain et ces mots un peu guerriers.

La blockchain, c’est la décentralisation. On peut l’imaginer et l’expliquer comme à l’époque, dans un village, il y avait un chef de village qui avait toutes les infos sur toutes les familles sur un registre. Sauf que si ce registre était perdu, brûlé, détruit ou que le chef de village faisait défaut, mais personne ne pouvait s’en apercevoir, la blockchain décentralise l’information, et au lieu qu’il y ait une personne qui ait le registre, le registre va être dispatché chez tous les habitants. Et à partir du moment où tous les habitants ont la même information, ils peuvent la recouper et voir si elle est vraie.

La blockchain, c’est ça. Et la politique, ça va être ce qui va lui arriver. C’est-à-dire qu’il n’y aura plus un homme providentiel, parce que cela, tu vois, je n’y crois pas du tout, un mec qui va résoudre tous les problèmes de la France ou une nana d’ailleurs. Il faut arrêter. Tu ne peux pas mettre autant de pressions sur un Homme. Et ce n’est même pas une question de droite ou gauche, tu ne peux pas. Il faut juste des gens de la société qui ont déjà travaillé, qui viennent du privé, qui n’ont pas fait juste l’ENA et je ne sais pas quoi pour venir nous déballer des vérités alors qu’eux n’ont jamais travaillé ou n’ont jamais payé d’impôts, c’est absurde.

C’est comme si, je ne sais pas, tu veux apprendre à faire du pain, mais au lieu d’aller voir un boulanger, tu vas voir un charcutier et tu dis à ton charcutier « Apprends-moi à faire du pain, donne-moi des conseils ». Pourquoi un homme politique viendrait nous donner des conseils ou viendrait créer des lois pour nous, alors qu’eux-mêmes n’ont jamais bossé ? Les hommes politiques commencent à bosser avec nos impôts et ensuite, un peu comme Fillon, va travailler avec des sociétés russes et va siéger dans des banques de sociétés russes ou des sociétés de Dubaï.

Tu vois, c’est juste une blague. Les mecs font leur réseau et leur carnet d’adresses grâce à la politique et ensuite ils vont gagner de l’argent. Non, je pense que c’est l’inverse qu’il faut faire, un peu comme c’est le cas des US. D’abord, tu fais du blé et tu prouves que tu as été capable de créer quelque chose, et je dis de l’argent, mais ça peut être plein de choses. Tu peux avoir eu un impact sur l’écologie, tu peux avoir été un super artiste, tu peux avoir été un grand sportif, peu importe, je m’en fous. Mais tu montres que tu as su faire quelque chose de tes dix doigts, et ensuite tu viens donner des conseils, ensuite tu viens essayer d’apporter à ta société, d’apporter à ton peuple, mais il ne faut pas que ce soit dans le sens inverse.

Donc, oui, la blockchain à fond. Je fais plein d’IDO, ICO pour revenir sur le sujet. J’investis beaucoup dans les outils, surtout j’aime beaucoup les outils comme Starton ou ce genre de boîtes dans lesquelles j’ai investi, qui vont vraiment simplifier justement, démocratiser l’accès au web 3. C’est quand même compliqué aujourd’hui d’avoir des Devs au web 3.

Olivier Roland : C’est clair.

Anthony Bourbon : C’est super compliqué si tu veux lancer un projet. Personne n’y bite rien, il faut être honnête. Quand tu rentres vraiment dans la technique des smart contracts et compagnie. Tout le monde pense qu’ils parlent de blockchain, qu’ils s’y connaissent parce qu’ils ont acheté un demi-bitcoin et trois Ether, mais si tu veux, enfin, c’est bien plus compliqué que ça.

Donc, oui, à fond sur la blockchain, à fond sur les projets. Je pense qu’il va y avoir un flot incroyable de nouvelles aventures parce qu’il y a un croisement qui est en train de se faire entre le 2.0 et le 3.0, et clairement, c’est l’avenir. Maintenant, cela va prendre du temps, il ne faut pas s’emballer non plus.

Par exemple, les NFT, j’adore la techno et je pense que cela va apporter énormément sur le droit de propriété en tant que tel et que cela va venir se greffer sur plein de sujets. Pour autant, est-ce que les NFT comme on les voit avec un singe, qui valent 2 ou 3 millions, ou des avatars un peu basiques, vont garder cette valorisation qui est excessive ? Je ne pense pas. Mais c’est comme tout, il y a des marchés qui vont se réguler naturellement, comme quant au début du 2.0, il y avait des dizaines de milliers de sites et, après, ça s’est filtré naturellement.

Olivier Roland : Oui, j’ai l’impression qu’on est en 99 et qu’on doit trouver Google et Amazon parmi toutes les merdes, et il y en a beaucoup.

Anthony Bourbon : C’est clair qu’il y a des sacrées merguez. Et il y a tellement d’IDO, et les gens sont tellement oufs qu’il faut garder un esprit critique. C’est-à-dire que là, les IDO, les ICO, les listings qu’il peut y avoir, les gens investissent sans même savoir de quoi on parle. C’est-à-dire que tu vas sur les Launchpad – Launchpad, c’est pour investir des petits tickets sur des projets qui ne sont pas encore listés – tu en as qui arrivent tous les jours et les gens investissent leur argent sans même savoir de quoi on parle.

Olivier Roland : Exactement.

Anthony Bourbon : Et ça, je pense que c’est un peu le signe d’une bulle dans la création.

Olivier Roland : C’est sûr. En 99, c’était le même problème. Ce qui a conduit à la bulle de 2000, c’est que les gens, ils avaient tellement peur de rater le wagon, le train, qu’ils mettaient de l’argent sans comprendre en quoi ils y mettaient. C’est ça le problème. Parce que les gens confondent le fait d’identifier une révolution. Comme les gens ont bien compris, il y a plein de gens qui ont compris en 99 qu’Internet allait chambouler la société, donc ça, c’est une chose, mais ils confondent. Ils pensent que parce qu’ils ont identifié une révolution, ils savent identifier les entreprises qui vont être gagnantes de la révolution. Ce sont deux compétences différentes. Et c’est beaucoup plus dur d’identifier les entreprises que d’identifier la révolution.

Anthony Bourbon : De toute façon, cela me fait penser à un truc et c’est pour cela que j’investis dans les outils blockchain qui vont être un peu les vendeurs de pioches et pas les chercheurs d’or. C’est-à-dire que, quand on se dit « il y a de l’or, » tout le monde se dit « je vais en trouver » et ils vont aller chercher de l’or. Sauf que pour chercher de l’or, ils vont avoir besoin d’acheter des pelles et du matériel. Il vaut mieux être le vendeur de pelles que le chercheur d’or parce que le chercheur d’or, tu en as peut-être 1 sur 100 qui va trouver une pépite, alors que le vendeur de pelles et de pioches, lui, non-stop il va vendre.

Donc essayez, si jamais vous voulez investir, d’investir sur les projets qui vont mettre à disposition des outils, comme Starton encore une fois, qui met en place des plugins et des API pour offrir la possibilité de faire des smart contracts, de lancer sa crypto… son token, à des Devs qui n’ont aucune compétence et qui sont justes des 2.0. Donc, essayez toujours d’investir dans l’outil plutôt que dans le projet, on va dire, produit.

Olivier Roland : Intéressant. Et toi, tu as investi dans des cryptomonnaies ?

Anthony Bourbon : Oui.

Olivier Roland : Tu peux partager un peu celles qui t’intéressent ?

Anthony Bourbon : Oui, j’ai investi dans quelques tokens, mais honnêtement, des petits montants. Enfin, petits par rapport à ce que j’investis à droite, à gauche. Je dois avoir 100 000 € de tokens. Mais ce n’est vraiment pas ma spécialité. J’ai fait quelques trades sur des shitcoins, des trucs comme ça, mais cela n’a pas d’intérêt à mon sens parce que ce n’est pas reproductible.

Olivier Roland : D’accord.

Anthony Bourbon : C’est du pur cul, du pur hasard. J’ai des grands classiques. Et si je dois donner un conseil, mais qui n’en est pas un parce que vous faites ce que vous voulez avec votre argent, ce serait plutôt d’aller sur les grands trucs connus, les Ether, Etherum, Bitcoin, Solana, enfin les trucs solides. Parier sur un secteur plus que sur une crypto parce que des cryptos je ne sais pas, tu dois en avoir peut-être 10 000, je n’en sais rien, mais c’est monstrueux ce qu’il y a. Donc, comment tu veux analyser de manière sensée et pragmatique des tokens quand tu n’y bites rien.

Moi, j’aime beaucoup les Play to Earn, par exemple. Ce sont des jeux où tu vas jouer et gagner de l’argent, c’est-à-dire que tu vas créer ton robot en NFT par exemple. Je pense à MechaChain où j’ai investi, donc je disclose, mais ce sont des Français. C’est une boîte française qui est canon, vous pouvez aller voir ce qu’ils font. Tu construis ton robot avec des NFT.

Olivier Roland : C’est Ecom French Touch qui a créé ça. Oui, ils m’ont interviewé il y a un an, c’est comme ça que je les ai découverts. C’est marrant. OK, là, tu as investi dedans, super, excellent.

Anthony Bourbon : Là, ils ont fait leur première private sales, c’est vraiment pour les gens qui les suivent… Je suis devenu advisor du truc, donc j’ai vraiment pu investir des gros montants. Et j’y crois beaucoup, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un intérêt pour moi.

Tu vois, faire un shitcoin qui va monter mais qui ne sert à rien, qui est de la pure spéculation, ce n’est pas du tout une révolution. Il y a eu plein de petites actions de merde dans les biotechs et comme ça, il y a 10 ans, qui ont fait des énormes envolées, les Delta Drone et compagnie dans la tech. Il y a eu plein de trucs. Mais par contre, quand il y a un projet, que les gamers, tu leur dis « Vous allez gagner de l’argent. Quand vous allez acheter votre robot, vous jouez, vous gagnez de l’argent. Vos robots, ils vont pouvoir « se reproduire ». Ce n’est pas le bon terme, mais si tu achètes un des premiers robots, il va avoir des meilleures notes que ceux d’après. Donc, tu vas pouvoir les faire un peu saillir à la zed.run. »

Pour ceux qui connaissent Zed Run, c’est un truc de cheval en NFT où tu achètes des chevaux et ils vont saillir entre eux. Plus tu t’achètes un cheval pur, plus… enfin. Là, cela devient intéressant et tu offres plus que le jeu. Et typiquement, on a tous joué quand on était jeune à FIFA, à Call of Duty, je ne sais pas quoi. On achetait ou on gagnait nos tenues, nos armes, et on les perdait au jeu suivant. Tu vois, cela n’a aucun sens. Tu vas acheter des trucs. Là, cette blockchain permet d’avoir un flingue, mais tu vas le garder sur tous tes jeux. Et pareil pour ta tenue, pareil pour ta tronche.

Et la blockchain permet d’offrir des opportunités comme ça qui sont incroyables. Mais avant de vous lancer dans un Play to Earn, creusez vraiment parce qu’il y a des gens qui vont investir sans faire la différence entre une fully diluted market cap et une market cap. Donc, ils vont dire « Oui, la market cap, elle n’est pas chère », alors qu’ils parlent de la fully diluted. Tu vois, ils n’ont pas compris qu’il y avait un enjeu de libération de tokens et que si tu as plus de tokens, ça a un impact vs s’il n’y en a pas beaucoup en ligne.

Bref, tout cela pour dire qu’il faut maîtriser votre secteur. Et là, on parle de la blockchain, mais c’est valable pour absolument tous les sujets, toutes les verticales. Si vous ne maîtrisez pas ce que vous faites, vous allez prendre une quille parce que sur Internet tout le monde parle toujours de l’argent facile… mais la réalité, c’est qu’il faut bien maîtriser son domaine, il faut avoir les bons conseils, il faut être bien entouré par des gens qui maîtrisent le sujet. Il faut passer du temps à s’informer.

apprendre avec les livres, se former autrement qu'avec l'école

Et tu disais tout à l’heure, aujourd’hui avec Internet, les bouquins, tu peux vraiment apprendre plein de choses. Et c’est pour cela que je ne crois plus dans l’école parce que, d’autant plus s’il y a du métaverse. Même si je ne crois pas dans un métaverse, mais je crois plutôt une multitude de métaverses. Là, on est dans le métaverse. On fait une interview entre nous, alors qu’on est à, je ne sais pas combien, une centaine ou milliers de kilomètres.

Donc, on est déjà dans un métaverse. Mais l’école va permettre d’avoir des cours en direct. Je ne sais plus si Harvard ou une énorme école qui l’a annoncé hier, mais qui va faire tous ses cours maintenant en visio via un métaverse. Ça, c’est pour faire sexy, mais c’est ni plus ni moins un zoom où tu n’as plus besoin de payer. Et du coup, toi, tu peux être dans la banlieue de Bamako, j’exagère un peu, mais tu peux être à Bamako et faire tes cours à Harvard. Je ne sais pas si tu as une bonne connexion wifi, mais vous avez compris ce que je veux dire. Donc, cette capacité à s’informer, à acheter des livres sur Amazon, un Kindle, c’est incroyable.

Olivier Roland : Oui, c’est incroyable.

Anthony Bourbon : En un bouton, tu as le bouquin qui arrive dans toutes les langues, c’est exceptionnel.

Olivier Roland : J’ai ma bibliothèque dans ma poche en permanence. C’est quand même fou quand tu y penses.

Anthony Bourbon : C’est incroyable la galère que c’était quand tu partais un mois en vacances ou un mois quelque part dans une autre maison. Tu pars avec 4 livres, cela te prend la moitié de ta valise. Là, tu as un Kindle, un téléphone, un ordi, tu peux avoir 8 000 livres que tu télécharges en deux clics, tu peux t’échanger des livres avec tes potes et tout. On est dans une génération quand même incroyable et il ne faut pas se plaindre parce que j’entends souvent des jeunes qui me disent « Ouais, nous, nos parents, ils ont eu le pétrole, les matières premières, l’immobilier. Après, il y a eu le trading, il y a eu le 2.0. Nous, on n’a rien de tout ça. » C’est vrai que nous, on a quand même vraiment de la chance avec tout ce qui se passe, la blockchain, le e-commerce. Aujourd’hui, tu peux devenir un e-commerçant avec 50 €, Shopify.

Olivier Roland : Absolument.

Anthony Bourbon : Un Shopify, tu le fais toi-même. Tu peux lancer des blogs, tu peux lancer…

Olivier Roland : Tu peux te créer une audience, avec rien, de millions de personnes.

Anthony Bourbon : Tu as une audience de ouf juste parce que tu as créé du contenu intéressant. C’est-à-dire que ce n’est pas une question de : est-ce que tu as les moyens ? Est-ce que ton père est connu ? Pas connu ? Tu crées du contenu intéressant. Les gens s’abonnent, point barre. Et ce que j’adore, c’est que c’est juste. Cette époque, elle est juste, c’est-à-dire que si tu arrives à créer du contenu engageant qui apporte quelque chose aux autres, les gens te suivront. Il n’y a pas de notion de, est-ce que ton… je ne sais pas quoi, tu as de l’argent ? Pas d’argent ? Non, c’est ton talent, ton travail.

Et c’est cela qui énerve. Aujourd’hui les youtubeurs ou les influenceurs qui réussiront, mais vont frustrer des gens parce que les gens auront toujours une excuse pour dire « eux, ils l’ont fait, mais moi, je n’ai pas pu, na, na ». En fait, c’est faux, travaille et tu y arriveras, tu vois. Passes-y du temps. Sois patient parce qu’il n’y a pas de réussite rapide. Toi, j’imagine que cela n’a pas explosé du jour au lendemain. Tu ne t’étais pas réveillé un matin avec je ne sais pas combien d’abonnés. Non, tu as mis du temps.

Olivier Roland : C’est sûr.

Anthony Bourbon : Et tu as fait des vidéos et quand ça ne marchait pas, tu as continué à en faire. Quand tout le monde t’a dit d’arrêter et que c’était con de faire ça, tu as quand même continué…

Olivier Roland : En tout cas, on sent vraiment dans tout ce que tu partages, cette envie de changer la société pour le meilleur, avec ce côté un peu révolutionnaire, mais pas dans la révolte finalement, dans le fait que tu veux encourager l’entrepreneuriat, donc la méritocratie par l’entrepreneuriat, les technologies disruptives. Mais est-ce que tu penses aussi qu’il va falloir faire des réformes politiques ? J’ai l’impression que tu penses à ça, non ? Je te sens très engagé et passionné par ça.

Anthony Bourbon : Et tu as raison, ça me passionne. Mais je ne suis pas du tout engagé dans le sens où ça ne m’intéresse pas parce que la cinquième République n’est pas du tout adaptée et qu’elle ne permet pas de faire de grands changements. Donc, je pense qu’il y aura une sixième République qui va être prise par la force et qui va être imposée.

Olivier Roland : Carrément, waouh.

Anthony Bourbon : Et je pense que de notre vivant, on va avoir des choses incroyables. Et tu vois ce qui se passe en France aujourd’hui, un peu comme ça s’est passé avec Trump. Aujourd’hui, nous, c’est Zemmour. Peu importe et ce n’est pas une question de dire oui ou non, mais en tout cas, on voit qu’il y a du mouvement et qu’il y a des nouvelles strates qui sont en train de se créer et que les gens veulent du changement et qu’ils en ont marre d’entendre toujours les mêmes politiciens depuis 30 ans ou 40 ans qui n’ont rien changé, que ce soit droite, gauche, machin. Ils ont envie de changement. Et quand le peuple va prendre conscience de sa puissance de frappe, je pense que ça va être terrible pour les politiques de l’ancien monde. Et du coup, il va falloir décentraliser, il va falloir créer un modèle qui soit beaucoup plus fiable où les gens puissent se reconnaître, les gens pourront avoir un impact et où les politiciens surtout seront au service du peuple et pas l’inverse.

Parce que là, ils nous prennent un peu pour les prostituées de service qui vont payer leurs impôts et qui vont dire Amen bien gentiment. Alors qu’en réalité, cela devrait être les politiciens qui justifient leurs dépenses déjà pour commencer. Et un peu comme à l’allemande, en Allemagne tu dois justifier pourquoi tu as pris ta voiture, pourquoi tu as pris un garde du corps. Ce n’est pas open bar le truc. Donc, il faudrait inverser cette tendance et réussir à motiver le peuple, à l’inspirer et pas toujours à l’opprimer.

Et je ne pense pas que ce soit en faisant ce qu’on appelait à l’époque en droit « l’inflation législative », c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’il y a un problème, on va faire une nouvelle loi, une nouvelle loi… Et ça s’empile, ça s’entasse, ce qui fait qu’il ne peut plus y avoir.

Olivier Roland : Ça devient illisible, c’est clair.

Anthony Bourbon : Il y a un avocat du droit de l’immobilier, mais des droits de l’immobilier professionnels, il y a un avocat du droit immobilier B to C parce que c’est différent.

Olivier Roland : Et ça crée une injustice parce qu’on peut, il y a des lois qui ne sont pas totalement appliquées, qui vont être utilisées dans des cas particuliers. Donc, ça crée une injustice sociale. Mais tu vois, on en a parlé du potentiel de disruption du web 3, de ce qu’a fait Internet déjà. Tu as mentionné aussi tout à l’heure qu’avec le Covid, il y a eu une accélération du télétravail et que de plus en plus de gens se barrent des villes et vont à la campagne.

Justement, on n’en parle pas assez, mais allons un cran plus loin. Parce qu’au-delà du fait que les gens peuvent se barrer de la ville aujourd’hui et aller à la campagne, ils peuvent aussi très facilement changer de pays. Tu n’as plus besoin à partir du moment où tu fais du télétravail, tu n’as plus besoin d’être dans un pays en particulier, on s’en fout. À partir du moment où tu bosses à distance, tu peux bosser à distance. Alors, il faut peut-être que tu sois dans un fuseau horaire pas trop éloigné, mais ça laisse quand même beaucoup de possibilités. Si on se dit plus 2h, moins 2h, ou plus 3h, moins 3h, tu as l’Europe entière, tu as toute l’Afrique, tu as le Moyen-Orient. C’est un truc de fou. Est-ce que tu ne penses pas qu’il y a une possibilité que la politique liée à la géographie devienne obsolète ?

Anthony Bourbon : C’est super intéressant, et c’est fou que tu me parles de cela parce qu’il y a deux semaines, j’en parlais avec un pote. Et on disait que le concept même de pays allait évoluer, parce qu’effectivement, de la même manière que les gens vont de Paris à Bordeaux, ils peuvent très bien aller de Paris à Dubaï ou de Paris à Miami, ou peu importe. Et clairement, je pense qu’il va y avoir de nouveaux usages qui vont se créer avec ce qu’on appelle les « digital nomades« , ces personnes qui peuvent travailler avec leur ordinateur comme toi, comme moi, où on va dire que 80% de notre travail, on peut le faire depuis chez nous.

À partir de cette semaine, j’ai beaucoup d’interviews parce que c’est le lancement de « Qui veut être mon associé ? », donc je vais aller dans les radios, dans les télés, dans les trucs comme ça, mais c’est une semaine dans le mois. Si je cale tous mes rendez-vous presque la même semaine, je viens une semaine par mois à Paris, je m’en sors largement. Je peux driver mon équipe. On est tous en télétravail, on se fait confiance les uns les autres. On a mis en place des check-up et des réunions pour ne pas perdre le lien. Clairement, ce système de pays va être amené à évoluer et je pense que je vais me poser dessus parce qu’on a réalisé avec mon pote que quand tu creusais un peu, tu pouvais aller assez loin là-dessus. Et je pense que l’humanité, de manière générale, peut reprendre son destin en main sans être forcément attaché, rattaché à un pays.

Et j’ai toujours trouvé cela d’ailleurs assez beauf pour être franc ou assez paradoxal, ce sont les supporters d’un endroit. C’est-à-dire que tu es né à Bordeaux et les mecs vont être comme des fous sur les Girondins de Bordeaux. Tu es né à Marseille et les mecs sont comme des oufs pour Marseille. Tu es né à Paris… Et en fait, j’ai l’impression que ça, c’est en train de passer parce que tu vois ce côté un peu quasiment hooligan, genre, tu es né dans une ville et tu dois défoncer tous les gens qui ne sont pas nés de la même ville. C’est super arriéré quoi. Cela me rappelle un peu les Vikings qui, en fonction de la bourgade où ils étaient nés, se foutaient sur la tronche tous les jours.

Je pense que l’humain a mieux à apporter à la société. Et si on monte encore d’un étage et qu’on est un peu plus « Bird View » c’est la même chose pour le pays. Pourquoi le Français devrait être contre les États-Unis ou contre le machin ? L’humain, de manière globale, est un habitant de la planète si on veut rentrer dans une image un peu facile, est un humain, et du coup, il pourrait y avoir effectivement une évolution des frontières. Et comme le télétravail, à mon avis, va s’imposer de manière assez brutale au reste du monde, pourquoi pas être de moins en moins dépendant de son pays ? Mais il va falloir sacrément réfléchir quand tu vois le bordel que c’est pour régler un truc en France, si on enlève le consul.

Olivier Roland : Mais justement, je trouve que peut-être ça pourra créer une pression positive pour faire changer les choses parce que là, au bout d’un moment, les pays vont être de plus en plus en compétition entre eux pour attirer les talents et les nomades digitaux et tout ça.

Tu sais, moi, cela fait 11 ans que je voyage six mois par an. J’ai déménagé à Londres en 2015. En 2018, je suis venu à Dubaï. Donc, je vis ça déjà. Et je vois que Dubaï, c’était déjà un hub, mais ça devient un hub d’entrepreneurs francophones. C’est une folie. Mais oui !

Là, je discutais avec un gars qui a une boîte d’édition vidéos. Il aide des youtubeurs à rendre tout cela chiadé. Il m’a dit « On vient à Dubaï parce que sinon on perd des clients, parce que tous nos clients viennent ici. Pas tous, mais une grosse partie de nos clients viennent à Dubaï. » Donc, tu te rends compte un peu le mouvement que cela crée. Et je me dis « Là, on n’en est qu’aux prémices et cela risque de vraiment disrupter énormément les choses. »

On fait vraiment une grosse parenthèse là, mais c’est vrai que c’est intéressant. Je me dis que cela pourrait être un facteur de pression pour les politiques de leur dire « écoutez les gars, si vous ne vous bougez pas les fesses, les gens sont de plus en plus mobiles et vont se barrer. » Et en plus, les personnes qui se barrent, ce sont souvent les entrepreneurs, ceux qui créent de la richesse, des emplois et ce genre de choses. Et maintenant, je veux dire, n’importe qui, qui fait du télétravail peut partir dans un autre pays. Donc, cela va même toucher les classes moyennes. Je veux dire, c’est quand même impressionnant. Mais je pense que ça peut être très, très disruptif, de manière assez destructrice au début, mais que sur le long terme, c’est mieux pour l’humanité.

Anthony Bourbon : Tu as raison, je suis aligné, c’est hyper intéressant. Je vais me poser dessus pour réfléchir parce que c’est un sujet qui est passionnant et je n’ai pas mis assez de temps. Et je vais essayer de trouver des bouquins, des trucs qui en parlent parce que clairement, c’est l’avenir. Il va se passer des choses, donc il faut être informé toujours un peu en amont. Donc, je vais creuser tout ça.

Olivier Roland : Je pourrais te partager des ressources, si tu veux. J’ai prévu de faire mon prochain livre sur ce sujet parce que je trouve que ça va être super intéressant.

Il nous reste quelques minutes. Du coup, est-ce que tu fais des actions quotidiennes ou régulières qui sont différentes de ce que font la plupart des gens ?

Anthony Bourbon : J’essaie d’être très réglé. Ça peut faire un peu robot, mais c’est la seule chose qui marche parce que j’ai un tempérament assez addictif. Donc, si je ne suis pas très précisément un cahier des charges ou un planning, je peux me lever à midi le lendemain. Ce que je fais, c’est que je me couche tous les jours à la même heure, je me lève tous les jours à la même heure.

Olivier Roland : C’est à quelle heure ?

Anthony Bourbon : Je me couche vers minuit et je me lève vers 8h – 8h et demie. Je dors beaucoup en fait.

Olivier Roland : Moi, je fais comme toi.

Anthony Bourbon : Tu vois, il y en a plein de CEO, tu leur poses cette question, ils vont te dire « Écoute, le matin, je me lève à 6h, je bois un grand verre d’eau, je fais 100 pompes et puis je vais faire un câlin aux arbres pour absorber leur énergie ». Ils vont te faire des morning routines de ouf. La réalité, c’est qu’en fait, je les connais, ils se lèvent vers 9h et demie, bourrés de la veille. Bref, peu importe.

Il faut faire des trucs simples et faciles à tenir. Celui qui te dit « Je me lève à 4h du matin, je lis un bouquin, je vais courir une demi-heure dans le froid, torse nu. » OK, tu le fais trois jours et après tu tombes malade, donc tu arrêtes. Mais faites des trucs simples : bien manger, bien dormir, faire un peu de sport, lire beaucoup. Moi, j’essaie de lire 50 livres par an, c’est-à-dire que quand je dis ça, en fait, quand tu le prends par semaine, c’est un par semaine.

lire des mindels routine matinale

Les ebooks ou les Kindle, quand tu regardes, tu as souvent des Kindle à 200 pages, 250 pages et que tu prends l’habitude de lire assez vite, tu tournes les pages et tu ne lis pas des livres romans à l’eau de rose, tu sais, où Gertrude, elle a envie de se faire sauter par je ne sais pas qui. Tu fais un des trucs qui vont t’apporter quelque chose, c’est-à-dire que tu lis des bouquins sur ta verticale, sur la blockchain, sur des sujets politiques.

Olivier Roland : Tu les lis ? Tu les écoutes en audio ? Donc, tu prends un temps dans la journée pour ça ? Parce qu’on a l’impression que tu travailles beaucoup. D’ailleurs, tu travailles combien d’heures par semaine à peu près ?

Anthony Bourbon : Franchement, beaucoup. Je n’ai même pas compté, d’ailleurs, il faudrait que je le fasse. Mais c’est hardcore, quand je fais 9h – 21h minimum, sachant que le midi, je mange une barre de Feed ou un Journey, donc cela me prend 15 minutes max.

Olivier Roland : Tu prends tes week-ends ou pas ?

Anthony Bourbon : Non, le week-end, je bosse, je suis moins hardcore, mais je bosse quand même au moins 3 à 4h par jour. Je pense, je fais au moins 70 – 80 heures.

Olivier Roland : Waouh. Tu prends des semaines de vacances ou pas du tout ?

Anthony Bourbon : Là, non, ça fait un moment. En décembre, je ne suis pas parti parce que je dois finir un bouquin aussi. Donc, du coup, j’ai tout refait comme je suis un peu…

Olivier Roland : Je voulais te demander si tu avais prévu d’écrire un livre parce que tu as vraiment une philosophie à partager.

Anthony Bourbon : Oui, c’est ça.

Olivier Roland : Donc, attends. Tu gères une boîte qui a des problèmes de croissance, mais que tu vas amener à 1 milliard. Tu bosses déjà 70 heures par semaine. Tu investis dans 40 boîtes, tu participes à une émission de télé, tu écris un bouquin, c’est impressionnant.

Anthony Bourbon : C’est chargé, mais honnêtement, c’est passionnant. Et c’est pour cela que j’invite tout le monde à faire ce qui les passionne parce que quand ça te fait plaisir de le faire, tu n’as pas l’impression de travailler.

Et honnêtement, je dis que je travaille 70 heures par semaine, mais je n’ai même pas fait le calcul parce que je ne m’en rends pas compte. Je kiffe. Tu vois là, cet échange avec toi, je trouve que c’est passionnant. Je n’ai pas du tout l’impression de travailler. Juste après, j’enchaîne, je vais chez Radio France pour parler de « Qui veut être mon associé ? ». C’est pareil, je trouve ça cool. Et puis, le lendemain matin, j’ai un point avec mon équipe pour faire un point branding, mais peu importe. Branding, je trouve ça trop cool. On va réfléchir à nos deux prochaines campagnes Métro, qu’est-ce qu’on va faire comme message ?

En fait, plus tu travailles, plus ça te plaît et c’est un cercle vertueux. Et c’est ce qui fait que cela fonctionne parce que j’investis dans des bonnes boîtes. Du coup, quand j’investis dans des bonnes boîtes, je prends des bonnes idées de ces boîtes-là et je les mets chez Feed. Feed me permet d’aller faire du média et le média me permet d’apporter de la notoriété à Feed, mais aussi à mes startups. Donc, les startups pensent à moi quand elles cherchent à lever des fonds parce qu’elles savent que je peux aller pousser sur les médias. Et tout ça fait des cercles vertueux qui sont super positifs. Donc, ravi d’avoir cette vie. Je ne sais pas combien de temps je la tiendrai parce que si ça se trouve dans 5 ans, je vais vouloir voyager, faire tous les pays du monde, mais il faut s’écouter au moment où tu vis quoi.

Olivier Roland : Quand tu prends 1h par jour pour lire, finalement, c’est plus une pause dans ta journée de travail. Oui, je peux comprendre ça. Et puis, ça te stimule et tout ça. OK.

Dans les actions quotidiennes, tu as à lire. Tu as dit, du coup, manger tes produits. Voilà.

Anthony Bourbon : Dans les trucs, je me mets souvent au moins 20 minutes. Certains appelleraient ça de la méditation, pompeusement. Moi, j’appellerais plutôt ça un débranchement, un débranchage de cerveau. Je m’assois et je réfléchis, mais c’est sans réfléchir vraiment. Je suis sur mon lit. J’appelle ça…

Olivier Roland : Donc, tu essayes de t’ennuyer, c’est ce qu’on disait tout à l’heure.

Anthony Bourbon : J’essaye de m’ennuyer. Je suis là, je squatte ou je parle de sujets un peu pourris.

Olivier Roland : Tu parles ? Tu parles tout seul sur ton lit ?

Anthony Bourbon : Soit je parle tout seul, soit je parle avec ma copine.

Olivier Roland : D’accord.

Anthony Bourbon : Un truc bidon. Je ne vais pas parler de trucs hyper… mais de trucs qui ont à voir avec ma vie. Je m’en fous des histoires des uns et des autres, ça ne m’intéresse pas de savoir qui fait quoi. Il faut être égoïste. On appellerait ça peut-être « le quart d’heure égoïste », où tu penses à toi et tu te demandes si tu prends du plaisir en ce moment, est-ce que ta vie te satisfait ? Qu’est-ce que tu pourrais faire de différent ?

Et c’est super important d’être égoïste. Tout le monde dit « il faut penser aux autres et tout ». Évidemment, dans le business, il faut faire du content qui apporte aux autres, machins, mais c’est aussi important de se kiffer, c’est important de s’aimer et de se dire « est-ce que j’aime ce que je suis en ce moment ?  » Ouais, parce que si toi, tu ne te kiffes pas, personne ne va pas te kiffer. Donc, à un moment, il faut aussi renvoyer une image de toi qui est positive, il faut prendre confiance en toi. Et si tu veux avoir confiance en toi, il faut t’aimer. Si tu veux t’aimer, tu dois avoir le temps d’y penser… Donc, prenez du temps pour vous, c’est super important.

Olivier Roland : Alors, il nous reste vraiment peu de temps, donc j’ai deux dernières questions pour toi. L’avant-dernière, c’est : quel est ton rapport à l’argent ? En une minute, s’il te plaît, parce qu’on dit souvent que les Français ont un problème avec l’argent, et moi qui ai beaucoup voyagé, je trouve que c’est assez vrai.

Souvent si on compare les Américains et les Français, on peut dire que grosso modo, les Américains sont plus prudes par rapport au sexe que nous. Tu vois le scandale de Bill Clinton par exemple, alors que nous, si un président se fait sucer par sa secrétaire, tout le monde s’en fout complètement. Alors que là-bas, c’est un énorme scandale. Oui, on lui dit, « tant mieux pour toi, amuse-toi bien », alors que par contre, nous, on a vraiment une pudeur par rapport à l’argent que les Américains n’ont pas. Ça, c’est vraiment un contraste.

Donc, quel est ton rapport à l’argent ? Est-ce que tu penses qu’on devrait être un peu moins pudique là-dessus en France ?

Anthony Bourbon : Je pense qu’on devrait être vraiment décomplexé vis-à-vis de l’argent, mais que pour que les gens en aient moins honte, moins peur, il faudrait leur donner la possibilité de rêver d’en avoir. C’est-à-dire que le piège aujourd’hui, c’est qu’un pauvre, il sait pertinemment qu’il ne pourra pas devenir riche. Je grossis le trait, mais c’est quasiment impossible pour un pauvre qui n’a pas été à l’école ou qui n’a pas des bons diplômes, quasiment impossible qu’il ait de l’argent un jour dans sa vie. Donc, comme il sait qu’il ne pourra pas l’avoir, il va juger cet argent. Et c’est normal parce que l’humain défend très fort ce qu’il a à lui, mais tu vois, il va…

Admettons, si moi je sais que je ne pourrais jamais devenir Mister Univers parce que je n’ai pas fait du bodybuilding et que je n’ai pas le corps fait pour. Je vais dire « c’est un truc de beauf » parce que je sais que je ne pourrais pas l’être. Mais comme un joueur de foot, je sais que je n’ai pas le niveau parce que c’est trop tard, je dirais « être joueur de foot, c’est de la merde, cela ne m’intéresse pas ».

Et en fait, on va toujours décrédibiliser ce qu’on ne peut pas être. Et l’argent, c’est un peu le même souci. Comme les gens savent qu’ils ne pourront pas en avoir, ils en ont peur, ils jalousent.  Alors qu’en réalité, l’argent, c’est ni plus ni moins qu’un levier. Je n’ai aucun sujet d’argent. J’ai la chance de beaucoup en gagner ou d’en avoir gagné beaucoup parce que chez Feed, je me paie vraiment peu. D’ailleurs, je passe un message à mes investisseurs s’ils m’entendent, ils ont de la chance que je n’ai pas besoin d’argent.

Mais tout cela pour dire qu’il ne faut pas en avoir peur ou besoin, il faut l’utiliser comme un levier pour atteindre ses rêves. Moi, j’investis beaucoup et je sais que si demain je perds tout, je recréerais de l’argent. Et c’est en étant détaché qu’on arrive à le faire venir. C’est comme tout, si tu veux séduire une femme ou un garçon, peu importe, en fonction de tes préférences, si tu n’arrêtes pas de lui dire « Tu es trop belle, tu es trop belle, j’aimerais tellement en avoir, j’aimerais tellement t’avoir près de moi », si tu le harcèles, il ne vient pas, tu vois ? Alors qu’en fait, si il te plaît, que tu le veux vraiment, mais que tu le fais subtilement, il va venir naturellement vers toi.

Donc, c’est un rapport de séduction, l’argent. Il faut le vouloir très fort, mais pas trop le montrer. Et avoir conscience que tu peux le perdre à tout moment, parce que si tu veux absolument le garder pour toi comme un conjoint, il va fuir naturellement. Donc, il ne faut pas être greedy. Il ne faut pas en vouloir plus que ça. Il faut être ambitieux, mais sans jamais tomber dans la dépendance. Il faut continuer à vivre très simplement.

Olivier Roland : OK, merci. Dernière question. Alors, je pensais te demander trois, mais je vais t’en demander un : Est-ce que tu as un livre à recommander qui t’a vraiment impacté ?

Anthony Bourbon : Oui. J’adore les biographies de manière générale. Donc, allez voir les biographies. Et d’ailleurs, sur mon site anthonybourbon.com, je fais une liste de livres avec tous les bouquins. On a fait ce site, ce n’est pas parce que je veux faire un site par ego puisqu’on nous demande toujours les mêmes questions. Sur les réseaux sociaux, les gens disaient « est-ce que tu as des films, est-ce que tu as des livres ? Est-ce que tu as des trucs ? » Donc, sur le site, vous pourrez trouver la liste de livres, il y en a une cinquantaine. Mais si je devais en donner un, je dirais « Start With Way« .

Olivier Roland : De Simon Sinek.

Start with way Simon Sinek

Anthony Bourbon : Parce que c’est vraiment ce que j’essaie d’expliquer au quotidien. Trouvez ce qui vous passionne et trouvez pourquoi vous êtes sur la planète terre, et vous allez voir qu’ensuite, tout va s’ouvrir et se réaliser. Donc, on a tous des missions de vie différentes. À vous de trouver ce qui vous excite, ce qui vous passionne. Et une fois que vous aurez trouvé ce fil rouge, très naturellement, le reste suivra.

Olivier Roland : Merci Anthony d’avoir partagé tout cela. Donc, on peut te retrouver sur anthonybourbon, puis sur Feed et sur tous tes réseaux. Merci à toi, je te laisse aller à ton interview sur Radio France. C’est ça ?

Anthony Bourbon : Oui, c’est ça. Merci beaucoup, passe une bonne journée. C’est très cool de parler avec toi.

Olivier Roland : Et voilà chers amis Rebelles Intelligents. Si tu es encore là, tu fais partie des 25% – des 20% – des 2% qui sont restés jusqu’au bout. En tout cas, tu fais partie de la minorité motivée. Donc, je suppose que c’est parce que ce podcast t’a plu. Si c’est le cas, tu es libre de laisser un commentaire sur ta plateforme de podcast préférée. Et si tu le fais, je t’en remercie par avance parce que c’est grâce à des petits gestes comme celui-ci que ce podcast va toucher davantage de rebelles intelligents et les aider à créer l’aventure de leur vie.

Merci d’avoir écouté ce podcast et à très vite pour le prochain.

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One Reply to “De SDF à 10 millions par an : comment gagner avec de mauvaises cartes, avec Anthony Bourbon”

  1. […] Voici l’exemple d’Anthony Bourbon, avec qui j’ai eu une conversation passionnante. […]

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